Séance du 27 mai 1998







M. le président. « Art. 42 bis. - Le protocole d'accord passé le 5 mars 1992 entre l'Etablissement public pour l'aménagement de la région de La Défense (EPAD) et la société SNC Coeur Défense, ainsi que les versements correspondants effectués par la société SNC Coeur Défense au profit de l'EPAD, sont validés en tant que leur légalité serait contestée sur le fondement des articles L. 332-6 et L. 332-6-1 du code de l'urbanisme.
« De même sont réputés valides au regard de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme la convention du 15 mai 1991 entre l'EPAD et la société SNC du 8, rue d'Alsace, à Courbevoie, les conventions du 10 juillet 1987, 18 novembre 1988, 18 mai 1989 et 3 juillet 1992 entre l'EPAD et la société Centre des nouvelles industries et technologies (CNIT) SA ainsi que les versements correspondants effectués au profit de l'EPAD. »
Par amendement n° 49, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de suppression d'une validation, pratique courante contre laquelle la commission des finances s'élève très régulièrement. En effet, ces validations visent, au fond, à contourner l'interdiction, posée par le Conseil constitutionnel, de censurer directement des décisions de justice.
En outre, la commission des finances s'inquiète, monsieur le secrétaire d'Etat, des effets pervers de telles validations car elles conduisent à déresponsabiliser nos administrations - qui sont excellentes par ailleurs - puisqu'elles n'ont plus à assumer les conséquences de leurs actes ou de leurs erreurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression.
Il s'agit effectivement d'un article de validation. Je ne pense pas qu'il constitue une innovation dans un texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
En l'occurrence, il s'agit de l'Etablissement public pour l'aménagement de la Défense, qui a été condamné, le 6 mars 1997, à reverser des sommes correspondant aux participations qui avaient été reçues à l'occasion de la vente d'un terrain à la société SNC Coeur Défense, en 1992.
Cette condamnation exposerait l'établissement public, qui a joué un rôle important dans le développement de l'ouest de Paris, à reverser une somme supérieure à 2 milliards de francs, y compris les intérêts capitalisés.
Trois raisons motivent cette validation, certes regrettable mais inévitable.
Premièrement, c'est la survie d'un établissement public qui est indispensable à l'avenir d'une cité d'affaires qui participe au prestige international de Paris et de son environnement proche.
Deuxièmement, cette condamnation provoquerait un véritable enrichissement sans cause pour les sociétés d'assurance et les banques qui ont acheté le terrain.
Troisièmement, la fameuse société a trouvé un nouvel acquéreur et, grâce à la vente de ce terrain, un grand projet va être réalisé sur ce site dans les prochains mois, et va donc entraîner non seulement l'activité du bâtiment mais également la reprise de l'immobilier de bureau dans la région parisienne.
Telles sont les raisons qui sous-tendent cet article de validation et pour lesquelles le Gouvernement demande au Sénat de rejeter l'amendement de suppression.
M. Alain Lambert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. La situation est la suivante : un établissement public contracte avec une personne morale de droit privé, ne respecte pas ses engagements, est condamné par une juridiction et le Gouvernement nous demande d'effacer la décision de justice.
Pour que nous soyons moralement tranquilles, M. le secrétaire d'Etat dit : si nous ne validons pas, l'établissement public va mourir car il n'a pas les moyens de payer. Puis il ajoute : l'autre contractant étant riche, finalement, effacer cette décision de justice n'est pas une mauvaise action. Mais quel crédit aurons-nous dans le pays si nous ne respectons pas les engagements que nous avons pris et si nous effaçons systématiquement toutes les erreurs qui ont été commises ?
Mes chers collègues, ce sont cinq articles de validation qui nous sont proposés dans ce projet de loi. Rejetez-les tous ! Si vous ne le faites pas, nos administrations deviendront totalement irresponsables. Votez avec enthousiasme contre ces articles de validation !
MM. Jacques Machet et Dominique Braye. Nous le ferons !
Un sénateur socialiste. Vous nous avez demandé le contraire pour le Grand Stade !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 49.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je respecte beaucoup, dans de nombreux domaines, les convictions fortes de M. le rapporteur général. Il a une position constante en ce qui concerne les validations, et même si je ne les partage pas, je veux rendre hommage à sa constance.
Cela étant dit, le Conseil constitutionnel a été saisi à plusieurs reprises de ces questions de validation.
D'abord, il a affirmé que seul le Parlement était compétent en ce domaine. En conséquence, lorsqu'un problème se pose, seul le Parlement peut valider. M. le rapporteur général peut juger cette situation anormale mais la compétence du Parlement a été reconnue à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel.
Ensuite, le Conseil constitutionnel n'accepte les validations que lorsqu'elles sont justifiées par des motifs d'intérêt général. Et cela rejoint, me semble-t-il, les propos que vient de tenir M. le secrétaire d'Etat puisqu'il s'agit en l'espèce de reverser les sommes correspondant aux participations reçues à ceux qui ont participé volontairement à l'époque à cette opération, sinon elle ne se serait pas faite. Si je dis « volontairement » c'est parce que j'assurais alors la tutelle de l'EPAD au titre du ministère du budget et que j'ai donné mon accord à cette opération. Je ne me souviens pas d'avoir violé qui que ce soit.
Alors je trouve inadmissible qu'on vienne ensuite porter plainte une fois son accord donné en disant que, après tout, si l'on peut gratter auprès de la juridiction administrative, ce sera toujours cela de pris.
Aussi, pour une fois, à mon grand regret, je ne suivrai pas M. le rapporteur général. Je ne voterai pas l'amendement n° 49 et, si celui-ci n'était pas retenu, je voterai, non pas avec plaisir mais avec conviction et avec le souci de servir l'intérêt général, la disposition adoptée par l'Assemblée nationale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 42 bis est supprimé.

Article 45