Séance du 12 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 309 rectifié, Mme Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans chaque poste diplomatique, un programme local pour l'accès aux soins et la prévention sanitaire des personnes immatriculées les plus démunies est élaboré et mis en oeuvre par le Consul en collaboration avec les Comités consulaires pour la protection et l'action sociale, CCPAS, les centres de santé et les médecins français résidents. »
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement vise à établir dans les postes diplomatiques français à l'étranger un programme local pour l'accès aux soins et à la prévention sanitaire des personnes les plus démunies.
En préambule à la défense de cet amendement, je voudrais préciser que le dispositif d'accès aux soins que nous proposons ici - j'insiste sur ce point - ne coûterait rien, ou presque rien, dans la plupart des postes diplomatiques.
En effet, il s'agit simplement de donner force de loi à une pratique de solidarité et de bénévolat, ou de quasi-bénévolat, que les communautés françaises mettent en place, ponctuellement ou de manière permanente, pour aider des compatriotes démunis à se soigner.
Quels sont les publics concernés ? Evidemment pas les 10 % ou 15 % de Français à l'étranger qui bénéficient de conditions de vie privilégiées. Non !
Il s'agit des 180 000 Français établis au Proche-Orient, en Afrique et en Amérique latine dont nous savons, par une étude précise réalisée pays par pays, qu'ils n'ont absolument aucune assurance maladie.
Il s'agit aussi d'une dizaine de milliers de Français défavorisés, souvent âgés, qui vivent aux Etats-Unis et qui, eux aussi, sont privés de toute couverture sociale.
Il s'agit, enfin, de Français qui ne sont pas défavorisés, mais qui vivent dans des pays dont les traditions culturelles sont très éloignées des nôtres - je pense à l'Asie, à la Corée et au Japon, par exemple - et où les conceptions de la maladie et des soins rendent la communication entre le médecin national et le malade occidental quasi impossible.
Notre objectif est donc d'étendre la fonction des Comités consulaires pour la protection et l'action sociale à l'organisation permanente d'une mise en relation des malades démunis avec le médecin ou l'institution médicale capables de répondre à leur demande de soins.
Ainsi, des médecins assistants techniques d'un programme de coopération peuvent accepter de soigner bénévolement le malade démuni que lui recommande le consulat. Il en est de même des hôpitaux militaires français dans certains pays d'Afrique et des structures privées destinées à leur personnel expatrié mises en place par les grandes sociétés de BTP ou d'extraction pétrolière.
Une telle structure permettrait aussi de placer dans un cadre d'exterritorialité l'activité d'un conseil médical donné à nos compatriotes par un médecin européen dans ces pays d'Asie, où les modalités d'exercice de la médecine répondent mal à l'attente psychologique et médicale d'un malade européen.
Pour toutes ces raisons, et en dépit, d'une part, de la charge excessive de travail des postes consulaires et, d'autre part, de la faiblesse de leurs moyens en matière d'aide sociale, mais justement parce que le dispositif proposé sera fondé, comme il l'est actuellement dans quelques postes, sur le bénévolat ou le quasi-bénévolat, nous souhaitons qu'un tel dispositif cesse d'être laissé au bon vouloir des uns et des autres et prenne force de loi.
M. le président. Quel est l'avis du commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission souhaiterait entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je comprends la commission. Le Gouvernement, quant à lui, est bien embêté, madame Cerisier-ben Guiga !
Vous avez tout à fait raison : il serait satisfaisant de prendre en charge nos compatriotes à l'étranger qui connaissent des situations parfois difficiles sur le plan tant de la santé publique que de leur santé personnelle.
Toutefois, sur 223 postes consulaires, on ne compte qu'une vingtaine de postes médicaux. Je vois difficilement comment nous pourrions en créer 200 supplémentaires sans effort budgétaire !
Je vous ai bien entendue à propos du bénévolat et, pour avoir joué un rôle dans la création de Médecins sans frontières et de Médecins du monde, je vous suis pleinement.
Seulement le bénévolat ne peut pas figurer dans la loi ! Comment voulez-vous que l'on inscrive dans ce projet qu'il serait légal, voire obligatoire, d'installer un poste de bénévolat ? D'abord, si nous n'en trouvions pas, nous serions en porte à faux. De plus, compte tenu de l'évolution du service national qui fait qu'il y a moins de volontaires du service national actif, les VSNA, et moins de coopérants en général, j'ai le regret de vous dire qu'il ne serait pas réaliste d'accepter cet amendement.
Celui-ci est pourtant extrêmement justifié sur les plans de la prise en charge des personnes et de la réduction de l'isolement de certains de nos compatriotes qui sont dans des régions difficiles, en particulier là où la pathologie les laisse assez désarmés. Mais, tout en comprenant le bien-fondé de ces amendements et la nécessité de la prise en charge médicale, je ne vois pas comment inscrire un tel dispositif dans la loi pour le moment.
M. le président. Quel est donc, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a bien compris que les auteurs de cet amendement sont dans leur rôle en exprimant leur souhait de défendre l'accès aux soins des Français de l'étranger en situation difficile, mais elle a considéré que le programme proposé par cet amendement était trop lourd, même s'il faut nécessairement trouver une réponse à des situations difficiles.
Elle a donc émis un avis défavorable.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je veux ajouter une précision qui, peut-être, vous satisfera, madame.
Je sais que la situation de nos compatriotes démunis n'est pas bien prise en compte et il est vrai que nombre d'entre eux n'ont pas de couverture sociale. Mais nous avons demandé à l'Inspection générale des affaires sociales d'effectuer une mission afin d'étudier les modalités d'une réforme du régime volontaire d'assurance maladie géré par la caisse des Français de l'étranger.
Il me paraissait important de le souligner.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 309 rectifié.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je remercie M. le secrétaire d'Etat d'annoncer officiellement qu'une mission de l'Inspection générale des affaires sociales étudiera dans quelle mesure on pourrait enfin réformer la caisse d'assurance maladie des Français de l'étranger, afin que puissent en bénéficier un plus grand nombre de Français résidant à l'étranger. Je rappelle qu'elle ne concerne en effet actuellement que 35 000 personnes et leurs ayants droit. Nous sommes bien d'accord.
Mais je voudrais préciser qu'il ne s'agit absolument pas de créer des postes médicaux supplémentaires dans les consulats. Il s'agit simplement de rendre plus impérative, pour un consul et le comité consulaire pour la protection et l'action sociale, l'organisation de ce type de réseau d'entraide qui n'existe seulement que dans quelques postes, grâce à la bonne volonté du consul et au dynamisme remarquable des membres de ces comités, parce qu'il n'y a pas d'obligations en la matière.
Quand nous avons créé les comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle, nous nous sommes heurtés au même problème. Si nous avons fait bénéficier de ce dispositif près de 3 000 Français à l'étranger, avec une incidence mineure pour le budget de l'Etat, nous le devons à notre initiative. Puis cette mesure a été introduite dans les textes réglementaires.
La demande que nous formulons n'est donc pas excessive puisqu'il s'agit simplement de donner force de loi à des méthodes d'organisation de réseau qui n'existent pour l'instant que dans quelques postes, mais qui pourraient être étendues à beaucoup d'autres.
M. Hubert Durand-Chastel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Je soutiens l'amendement n° 309 rectifié, qui est très important pour les Français de l'étranger.
Il existe effectivement des comités consulaires pour la protection et l'action sociale, mais ils ont pour objet de distribuer les crédits. Il existe également des sociétés de bienfaisance, mais elles sont de moins en moins nombreuses à l'étranger.
Il n'est pas nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, de prévoir des postes médicaux. Dans de nombreuses villes, des médecins français peuvent dispenser des soins aux Français de l'étranger. Si aucun d'entre eux n'est disponible, des médecins nationaux du pays d'accueil peuvent s'en charger.
Au Conseil supérieur des Français de l'étranger, nous demandons que ce problème soit traité depuis un certain nombre d'années, car il est extrêmement important pour la santé. Il ne s'agit pas de généraliser la prise en charge de tous les soins des Français de l'étranger. Cette mesure est uniquement envisagée dans les cas d'absolue nécessité.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je ne souhaite pas, le moins du monde, allonger le débat, d'autant que M. le secrétaire d'Etat, Mme Cerisier-ben Guiga et M. Durand-Chastel ont bien exposé le problème. Nous souhaitons résoudre celui-ci par le biais de cet amendement que, mes chers collègues, je vous demande d'adopter.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a bien compris le souci qui a motivé le dépôt de cet amendement, mais la façon de traiter le problème ne semble pas efficace. C'est ce qui a motivé son avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 309 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 38.

Article 38