Séance du 12 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 465, MM. Charzat, Delanoë, Estier, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 33 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 442-10 du code de la construction et de l'habitation est complété in fine par une phrase ainsi rédigée : "Le plafond de ressources à prendre en compte pour l'application de l'article L. 441-3 est, pour les locataires de logements construits en application de la loi du 13 juillet 1928 précitée, supérieur de 50 % aux plafonds de ressources applicables aux bénéficiaires de la législation sur les habitations à loyer modéré et des nouvelles aides de l'Etat en secteur locatif. »
« II. - En conséquence, l'article 7 de la loi n° 96-162 du 4 mars 1996 relative au supplément de loyer de solidarité est abrogé. »
La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat. Le parc des ILM 28 a toujours appartenu au patrimoine immobilier social de la ville de Paris. Ces 10 000 logements constituent, dans le cadre de la réglementation HLM, une catégorie spécifique, avec un plafond de ressources supérieur de 50 % au plafond de ressources HLM.
En 1987, la ville de Paris et la RIVP ont tenté, par une lecture interprétative de la loi Méhaignerie, de changer le statut juridique de ces ILM 28 pour les faire passer dans le secteur libre.
La loi du 13 janvier 1989, en son article 5, mit fin à la dérive précédente, en rétablissant à l'unanimité, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, les ILM 28 de la ville de Paris dans la réglementation HLM. L'article 24 de la loi du 31 mai 1990, dite loi Besson, réaffirma la spécificité des plafonds de ressources de ces immeubles.
Quelques années plus tard, le bailleur, la RIVP, a inspiré l'abrogation de l'article 24 de la loi Besson, dans le cadre de la loi du 4 mars 1996. Il s'agit, en l'occurrence, de l'article 7, qui constitua à la fois une revanche sur les locataires et un texte de circonstance.
En effet, la RIVP avait, passant outre la législation de 1989 et de 1990, décidé d'appliquer des surloyers pour ces immeubles. Début 1996, après l'arrêt du Conseil d'Etat annulant le barème de surloyer imposé par la RIVP, tous les jugements rendus par les tribunaux d'instance condamnent la RIVP à rembourser les locataires.
Mes chers collègues, l'amendement que les sénateurs socialistes de Paris et moi-même vous soumettons vise à l'abrogation de l'article 7 de la loi du 4 mars 1996. Il n'a donc pour objet que le respect des droits des locataires qui, dans leur très grande majorité, sont entrés dans les lieux sur des critères spécifiques aux ILM 28, critères que la loi de mars 1996 a arbitrairement supprimés, pénalisant ainsi fortement les locataires avec des surloyers ainsi abusivement décidés.
En revanche, « l'amnistie » votée en 1996 concernant les surloyers décidés illégalement par la RIVP ne peut être remise en cause, conformément aux principes fondamentaux de notre Etat de droit.
Il n'en demeure pas moins que la RIVP, gestionnaire d'un parc immobilier amorti depuis longtemps, aura ainsi économisé plus de 1 million de francs par mois sur les non-remboursements des sommes dues aux locataires. Il serait équitable que ces sommes importantes trouvent une destination conforme à l'objet social de ce patrimoine qui doit assurer la mixité des habitants et le droit au logement dans ces quartiers de Paris, dont beaucoup relèvent de la politique de la ville.
Je ne doute pas que le Gouvernement accepte de revenir au texte de l'article 24 de la loi Besson, qui concerne une situation spécifique ne pouvant être traitée au moyen des dispositions générales, nouvelles et positives concernant les barèmes HLM de base.
M. Claude Estier. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. A revenu égal, la situation d'un locataire en HLM est la même que celle du locataire d'un logement en immeuble à loyer moyen de 1928.
Il n'y a pas de raison de réinstaurer une dérogation alors que la loi de 1996 a permis de rétablir un traitement égal des locataires du parc locatif social en matière de paiement de surloyer.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 465.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. L'attention du Gouvernement a été attirée sur ce dossier, et j'ai bien entendu l'argumentation de M. Charzat, qui avait déjà bien voulu entreprendre des démarches à propos de cette question, ce dont je souhaite lui donner acte ici.
A la suite de ces démarches, le Gouvernement s'est efforcé de recueillir un certain nombre d'éléments auprès de ses services, et les plus récemment obtenus datent de quelques heures. Je vais donc en faire part à la Haute Assemblée.
M. Charzat a rappelé que des textes successifs avaient modifié le régime applicable à ces logements très spécifiques dits « ILM 1928 », qui avaient été construits dans le cadre de la législation précitée.
Il est exact qu'il fut une période au cours de laquelle les locataires de ce parc redoutaient une sortie vers le secteur privé. Une mesure de justice sociale a donc été prise afin de donner à ces logements le statut d'HLM, qu'ils n'avaient pas auparavant. Mais, ainsi, ces logements ont ensuite été concernés par toutes les mesures visant le parc HLM.
Je souhaite indiquer deux choses.
Tout d'abord, un rapport de la Cour des comptes a alerté les autorités chargées du contrôle des patrimoines locatifs sociaux sur le fait que la réglementation sur les plafonds de ressources pour l'accès à ces logements n'aurait pas été convenablement respectée ni par la ville de Paris lorsqu'elle propose des candidats ni par la régie immobilière de la ville de Paris lorsqu'elle les accepte.
La Cour des comptes a signalé des exemples de dépassement parfois très importants, ce qui oblige à examiner ce dossier d'assez près, avec discernement, de manière à ne pas prendre de dispositions d'application générale qui viendraient éventuellement amplifier les raisons des critiques émises par la Cour des comptes.
Par ailleurs - j'en viens ainsi au second point de mon intervention - M. Charzat a fait observer que ces immeubles construits en application de la loi du 13 juillet 1928 remplissaient, dans certains quartiers, dans certains arrondissements, une fonction de diversité allant dans le sens de la politique de la ville, alors qu'on ne pouvait leur reconnaître la même qualité dans d'autres arrondissements souffrant, au contraire, de très larges déficits en logements locatifs sociaux.
Le Gouvernement propose donc aux auteurs de l'amendement d'ouvrir une phase de travail, d'approfondissement, de manière à examiner attentivement le contenu du rapport de la Cour des comptes ainsi que la réalité de la répartition de ce parc afin de déterminer s'il est possible de trouver une mesure ciblée pouvant convenir sans être critiquable.
Je confirme donc aux auteurs de cet amendement que nous sommes prêts à ce travail mais qu'il nous paraît délicat en l'état, sans cet approfondissement, d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° 465.
M. le président. Monsieur Charzat, l'amendement n° 465 est-il maintenu ?
M. Michel Charzat. Je tiens à remercier M. le secrétaire d'Etat de l'attention particulière qu'il a portée à ce problème délicat compte tenu de la spécificité des barèmes des ILM qui, de tous temps, ont été supérieurs de 50 % aux barèmes HLM. C'est vraiment le problème qui appelle un approfondissement, notamment s'agissant des quartiers méritant de bénéficier d'un effort particulier afin de maintenir, de préserver et de développer la mixité sociale.
Néanmoins, en attendant que cette réflexion puisse progresser, nous maintenons cet amendement à titre conservatoire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 465.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je suis tout à fait d'accord avec les arguments présentés par M. le secrétaire d'Etat, et je ne comprends donc pas très bien la position de nos collègues socialistes.
Il s'agit de locaux de caractère social, qui doivent donc se voir appliquer les règles propres aux logements sociaux, notamment en matière de plafond de ressources et de surloyers. Je ne vois pas pourquoi le même système ne serait pas appliqué partout. Si je comprends que notre collègue Michel Charzat s'oppose à un éventuel passage à la liberté totale dans la mesure où ces immeubles doivent conserver leur vocation sociale, je ne vois néanmoins pas pourquoi on ferait une rente de situation à des gens qui ont un certain niveau de revenus et qui bénéficient de ces logements sociaux. Généralement, mes chers collègues, vous êtes plus égalitaires que cela !
Je suis donc assez étonné par cette position, et c'est la raison pour laquelle je ne voterai pas votre amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 465, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33 ter.
Par amendement n° 469, M. Vezinhet, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 33 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa de l'article L. 421-8 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Les représentants des locataires sont élus sur des listes de candidats présentées par des associations oeuvrant dans le domaine du logement.
« Ces associations doivent être indépendantes de tout parti politique ou organisation philosophique, confessionnelle, ethnique ou raciale et ne pas poursuivre des intérêts collectifs qui seraient en contradiction avec les objectifs du logement social fixés par le code de la construction et de l'habitation, et notamment par les articles L. 411 et L. 441, ou du droit à la ville par la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville. »
« II. - L'article L. 422-2-1 du code de la construction et de l'habitation est complété in fine par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les représentants des locataires sont élus sur des listes de candidats présentés par des associations oeuvrant dans le domaine du logement.
« Ces associations doivent être indépendantes de tout parti politique ou organisation philosophique, confessionnelle, ethnique ou raciale et ne pas poursuivre des intérêts collectifs qui seraient en contradiction avec les objectifs du logement social fixés par le code de la construction et de l'habitation, et notamment par les articles L. 411 et L. 441, ou du droit à la ville par la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville. »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Les élections des locataires aux conseils d'administration des HLM auront lieu au printemps 1999 et, d'ici là, même si le projet de loi relatif à l'habitat est déposé en janvier, il ne pourra être adopté, compte tenu du délai nécessaire pour son examen, avant mars au plus tôt.
Il est donc urgent d'agir, faute de quoi le dispositif ne pourra s'appliquer.
Telle est la raison du dépôt de cet amendement, qui vise à fixer un cadre législatif définissant les conditions que doivent respecter les associations de locataires présentant des listes à ces élections.
Il s'agit, en effet, d'un enjeu majeur de démocratie interne aux organismes d'HLM. L'Union des HLM s'est engagée à renforcer la démocratie participative des locataires, des habitants au sein de ces instances nationales et locales.
Le Gouvernement et les parlementaires ont tous voulu renforcer le rôle des associations de locataires dans les différentes structures organisant les attributions des HLM : les associations de locataires sont représentées dans les commissions d'attribution, comme c'est d'ailleurs déjà le cas aujourd'hui, dans les conférences intercommunales du logement ou encore dans la commission de médiation.
Il nous est donc apparu important que les administrateurs locataires, membres de plein exercice des offices ou sociétés anonymes d'HLM, soient pleinement en accord avec les objectifs de la politique du logement social, qui, aux termes du nouvel article L. 441 du code de la construction, dispose que la constitution, l'attribution et la gestion des logements locatifs sociaux visent à améliorer les conditions d'habitat des personnes aux ressources modestes ou défavorisées et que ces opérations participent à la mise en oeuvre du droit au logement et du principe de mixité sociale.
C'est pourquoi nous vous proposons cet amendement. Pour pouvoir présenter des candidats, les associations ne devront pas défendre des objectifs, d'une part, discriminatoires au sens de l'article 225-1 du code pénal et, d'autre part, totalement incompatibles avec les valeurs et les enjeux du logement social réaffirmés dans ce projet de loi, à savoir l'égalité d'accès, une attention particulière aux plus démunis, l'intégration, la mixité et la diversité d'occupation sociale.
J'ajoute enfin que la disposition proposée a fait l'objet d'une démarche commune des organisations nationales de locataires et des bailleurs sociaux. Elle ne restreint pas l'accès à l'élection, dès lors qu'il s'agit toujours d'élire des personnes physiques. La présentation par une association n'est pas un obstacle, car il est très simple de déposer des statuts en vue de cette élection.
Cet amendement aura pour effet de permettre au juge de se prononcer sur la légalité des listes ou de l'élection de candidats dont les objectifs sont incompatibles avec les lois et les règlements régissant le logement social.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 469, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33 ter.

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