Séance du 16 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 514, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 9 de la loi n° 91-1407 du 31 décembre 1991 modifiant et complétant les dispositions du code rural et de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 relatives aux cotisations sociales agricoles et créant un régime de préretraite agricole est ainsi modifié :
« I. - Le I est ainsi rédigé :
« I. - Une allocation de préretraite peut être allouée aux chefs d'exploitation agricole âgés de cinquante-cinq ans au moins, ayant exercé une activité à titre principal pendant une durée fixée par décret, s'ils cessent définitivement leur activité agricole suite à des difficultés économiques ou à de graves problèmes de santé mettant en cause le fonctionnement de leur entreprise et rendant leurs terres et bâtiments d'exploitation disponibles à des fins de restructuration.
« L'allocation de préretraite est servie à l'intéressé jusqu'à l'âge de soixante ans.
« Les agriculteurs remplissant les conditions pour bénéficier de l'allocation de préretraite peuvent en faire la demande à compter du 1er janvier 1998.
« Un décret fixe le montant de cette allocation, ses conditions d'attribution et les obligations de restructuration des terres libérées ainsi que les conditions de cumul avec la poursuite d'activités à temps partiel autres qu'agricoles.
« Cette allocation n'est pas cumulable avec la perception d'un avantage de retraite d'un régime de base, d'une allocation aux travailleurs âgés servie, en application de l'article L. 322-4 du code du travail ou d'un revenu de remplacement servi en application de l'article L. 351-2 de ce code.
« Un décret fixe les conditions particulières de restructuration pour les départements d'outre-mer.
« II. - Dans la seconde phrase du second alinéa du III, les mots : "l'année 1995" sont remplacés par les mots : "l'année 1998".
« III. - Le IV est ainsi rédigé :
« IV. - L'allocation de préretraite versée aux agriculteurs contraints de cesser leur activité par suite de difficultés financières ou de graves problèmes de santé, qui ont déposé leur demande depuis le 1er janvier 1998, n'est pas saisissable par les créanciers des bénéficiaires quels qu'ils soient. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Après la venue à échéance, au 14 octobre 1997, du mécanisme de préretraite introduit par la loi du 31 décembre 1991 pour les agriculteurs en difficulté, il est nécessaire de permettre, par une nouvelle mesure, la cessation d'activité pour des motifs d'ordre économique et social.
A la différence du dispositif précédent, qui avait un caractère général et permettait le remplacement des générations à un coût relativement élevé - 60 000 départs pour 3 milliards de francs en cinq ans - le dispositif aujourd'hui proposé s'adresse aux agriculteurs âgés de cinquante-cinq ans à soixante ans touchés par des difficultés économiques ou par de graves problèmes de santé mettant en cause le fonctionnement de leur exploitation.
Cette mesure à caractère économique et social est ouverte en 1998. Son financement sera prévu dans le projet de loi de finances initial pour 1999 et concerne 1 000 agriculteurs par an. Le coût de cette mesure est de 40 millions de francs, dont la moitié est prise en charge par le fonds d'aménagement des structures agricoles et la moitié par le fonds européen d'orientation et de garantie agricole-garantie, le FEOGA-garantie, dans le cadre du règlement de la Commission du 30 juin 1992.
S'agissant d'une mesure sociale qui sera appréciée au cas par cas, dans des conditions fixées par décret et avec l'accord du ministère de la justice, l'allocation de préretraite versée par le CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, n'est pas saisissable par les créanciers des bénéficiaires, quels qu'ils soient. Les terres libérées à l'occasion de cette cessation d'activité seront prioritairement destinées à l'installation des jeunes bénéficiant des aides prévues à cet effet.
Le dispositif est ouvert aux chefs d'exploitation âgés de cinquante-cinq ans à soixante ans ayant exercé à titre principal pendant les dix années précédentes. Le bénéfice de la réversion est accordé au conjoint survivant âgé de cinquante ans à cinquante-cinq ans à la date de décès du titulaire de la préretraite.
L'allocation comporte un forfait de 36 000 francs par an pour le conjoint survivant, versé trimestriellement jusqu'à son cinquante-cinquième anniversaire.
Les dossiers pourront être retirés à l'association départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles.
Cela dit, j'ai bien conscience, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous avoir exposé non seulement l'amendement du Gouvernement, mais aussi les décrets et la circulaire d'application ! Je pense que les agriculteurs concernés pourront nous en savoir gré ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Un mécanisme de préretraite agricole avait été mis en place par la loi du 31 décembre 1991. Il avait une finalité avant tout économique et provisoire. Il a pris fin au 15 octobre 1997, après avoir concerné 60 000 personnes.
Le présent amendement tend à instaurer un régime de préretraite permanent pour les chefs d'exploitation âgés de cinquante-cinq ans au moins, en cas de difficultés économiques ou de graves problèmes de santé. La finalité est, ici, sociale.
L'amendement vise, en fait, à donner une base législative au décret n° 98-311 du 23 avril 1998 relatif à « la mise en oeuvre d'une mesure de préretraite pour les agriculteurs en difficulté », complété par la circulaire du 28 avril 1998. Ce décret donne déjà toutes les conditions d'application de la mesure présentée.
Ce nouveau régime de préretraite devrait effectivement concerner 1 000 personnes par an, pour un coût de 40 millions de francs, pris en charge pour moitié par le budget du ministère de l'agriculture et pour moitié par le FEOGA-garantie.
Le projet de loi de lutte contre les exclusions est apparu comme le seul vecteur législatif possible à court terme. La loi d'orientation agricole était, à mon avis, un bien meilleur vecteur au plan des principes, mais elle ne sera pas adoptée avant la fin de l'année. La procédure est, du reste, tout à fait étonnante, puisque ce mécanisme a déjà été créé par décret.
Sous le bénéfice de ces observations de forme, étant entendu que l'objectif poursuivi semble consensuel, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 514, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 69.

Article 69 bis