Séance du 16 juin 1998







M. le président. « Art. 81. - I. - La loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée est ainsi modifiée :
« 1° Supprimé . »
« 2° Le 5° de l'article 1er est ainsi rédigé :
« 5° Assurent, avec ou sans hébergement, dans leur cadre ordinaire de vie, l'éducation spéciale, l'adaptation ou la réinsertion sociale et professionnelle, l'aide par le travail ou l'insertion par l'activité économique, au bénéfice des personnes handicapées ou inadaptées, ainsi que des personnes ou des familles en détresse. » ;
« 3° Le 8° de l'article 3 est ainsi rédigé :
« 8° Structures et services comportant ou non un hébergement assurant, avec le concours de travailleurs sociaux et d'équipes pluridisciplinaires, l'accueil, notamment dans les situations d'urgence, le soutien ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active et l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en détresse. »
« II. - L'article 185 du code la famille et de l'aide sociale est ainsi rédigé :
« Art. 185 . - Bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillies dans des centres d'hébergement et de réinsertion sociale publics ou privés les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue de les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale.
« Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, dont les conditions de fonctionnement et de financement sont prévues par décret en Conseil d'Etat, assurent tout ou partie des missions définies au 8° de l'article 3 de loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médicosociales, en vue de faire accéder les personnes qu'ils prennent en charge à l'autonomie sociale.
« Ce décret précise, d'une part, les modalités selon lesquelles les personnes accueillies participent à proportion de leurs ressources à leurs frais d'hébergement et d'entretien et, d'autre part, les conditions dans lesquelles elles perçoivent la rémunération visée à l'article L. 241-12 du code de la sécurité sociale lorsqu'elles prennent part aux activités d'insertion professionnelles prévues à l'alinéa précédent.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux départements d'outre-mer. »
« III. - Dans chaque département est mis en place, à l'initiative du préfet, un dispositif de veille sociale chargé d'informer et d'orienter les personnes en difficulté, fonctionnant en permanence tous les jours de l'année et pouvant être saisi par toute personne, organisme ou collectivité.
« Ce dispositif a pour mission :
« 1° D'évaluer l'urgence de la situation de la personne ou de la famille en difficulté ;
« 2° De proposer une réponse immédiate en indiquant notamment l'établissement ou le service dans lequel la personne ou la famille intéressée peut être accueillie, et d'organiser sans délai une mise en oeuvre effective de cette réponse, notamment avec le concours des services publics ;
« 3° De tenir à jour l'état des différentes disponibilités d'accueil dans le département.
« Les établissements et services définis au 8° de l'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée sont tenus de déclarer périodiquement leurs places vacantes au responsable du dispositif mentionné à l'alinéa précédent.
« Lorsque l'établissement ou le service sollicité ne dispose pas de place libre ou ne peut proposer de solution adaptée à la situation de la personne ou de la famille qui s'adresse à lui, il adresse l'intéressé au dispositif précité.
« IV. - L'article L. 185-2 du code de la famille et de l'aide sociale ainsi que la section 4 du chapitre III du titre II du livre III du code du travail sont abrogés. »
Par amendement n° 394 rectifié, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le texte présenté par le 2° du paragraphe I de cet article pour le 5° de l'article 1er de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, après les mots : « l'aide par le travail », d'insérer les mots : « , la réadaptation professionnelle et sociale ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Sous couvert d'une simple redéfinition du rôle des institutions sociales et médicosociales, l'article 81 du projet de loi modifie substantiellement le 5° de l'article 1er de la loi du 30 juin 1975.
En substituant les termes « réinsertion sociale et professionnelle » aux termes « réadaptation professionnelle », cette nouvelle rédaction change les missions des centres de rééducation professionnelle, les CRP, et nous souhaiterions que Mme la ministre puisse apporter des éclaircissements sur ce point.
Les quatre-vingts CRP, dont la vocation est la rééducation professionnelle des travailleurs handicapés, victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles sont menacés.
Il serait très regrettable de remettre en cause ces structures car les CRP offrent, couplés avec un accompagnement médicosocial, des formations qualifiantes d'une grande qualité. Ils assurent ainsi de 70 % à 75 % du placement de leurs stagiaires. Les banaliser, ce serait se priver d'un outil très utile pour l'accès à l'emploi des personnes handicapées.
Par ailleurs, toucher à ces structures reviendrait à faire disparaître le droit à réparation pour les salariés, qui est financé par la sécurité sociale, et risquerait de mettre à mal - mais je ne pense pas que ce soit la volonté du Gouvernement - notre législation spécifique en faveur des handicapés.
Par ailleurs, toujours dans cet alinéa, en ajoutant au chapitre des actions « l'insertion par l'activité économique » et au chapitre des bénéficiaires « les personnes et les familles défavorisées », on introduit une confusion fâcheuse entre les personnes handicapées et les personnes défavorisées exclues du travail.
J'attire votre attention sur ce point, madame la ministre, car je connais votre volonté de ne pas faire d'amalgame entre les politiques en direction des personnes handicapées et les politiques en direction des personnes défavorisées.
Pour éviter l'écueil de la confusion, par amendement, nous vous proposons de réintroduire à l'alinéa 5° de l'article 1er de la loi de 1975, la notion de réadaptation professionnelle.
En retirant l'amendement n° 395 et en présentant cet amendement n° 394 rectifié, nous voudrions obtenir du Gouvernement et de Mme la ministre l'assurance que les CRP resteront bien inscrits dans le dispositif de la loi de 1975 et qu'ils seront régis par le code du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission n'a pas pu examiner l'amendement rectifié et elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
Elle s'en serait remise à la sagesse du Sénat sur l'amendement initial, mais la rectification qui vient d'être apportée va a priori - c'est mon avis personnel - dans le bons sens.
Nous sommes plutôt favorables au principe du maintien dans le dispositif de la loi de 1975 des centres de rééducation professionnelle. Peut-être pourrons-nous trouver une meilleure rédaction d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire ou au cours de celle-ci.
En tout cas, du fait de sa rectification, l'amendement me semble pouvoir recueillir un avis favorable de la commission des affaires sociales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais rassurer M. Fischer : comme lui, je tiens beaucoup à l'existence des centres de réadaptation professionnelle car je sais le travail qu'ils accomplissent en faveur des personnes handicapées et en grande difficulté proches du handicap, en vue de leur réadaptation professionnelle.
Les centres de réadaptation professionnelle, comme M. Fischer l'a d'ailleurs dit, figurent déjà dans le code du travail et dans le code de la sécurité sociale.
Cela s'explique d'ailleurs puisque nous traitons, avec l'article 81, des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, c'est-à-dire que nous sommes dans une logique d'accompagnement et d'assistance sociale alors que, avec les centres de réadaptation professionnelle, nous sommes dans une logique de formation professionnelle et d'emploi.
Mais ces deux types de centres sont évidemment d'une absolue nécessité pour les personnes en difficulté, notamment pour les personnes handicapées.
Il n'est donc pas question de supprimer les CRP, qui continuent à recevoir une aide et correspondent à une vision emploi et insertion professionnelle, alors que les dispositifs dont nous parlons aujourd'hui répondent à une vision d'assistance et d'action sociale.
Les deux dispositifs perdurent donc et je souhaiterais que M. Fischer, au bénéfice de ces explications -, dont il disposait d'ailleurs déjà puisqu'il connaît bien les centres de réadaptation professionnelle - et fort de ces assurances accepte de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 394 rectifié est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Ce que je souhaitais, c'est avoir la certitude que les centres de réadaptation professionnelle seraient pérennisés dans leur fonction et dans leur mission. Mme la ministre vient de répondre positivement et clairement sur le court, le moyen et le long terme. Je retire donc l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 394 rectifié est retiré.
Par amendement n° 286, Mme Dusseau propose, après le deuxième alinéa du texte présenté par le paragraphe II de l'article 81 pour l'article 185 du code de la famille et de l'aide sociale, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'accueil doit être prolongé autant que nécessaire pour la réalisation des objectifs précités. Il prend fin avec une proposition de relogement assortie, chaque fois que c'est nécessaire, d'un accompagnement social. Cette proposition tient compte notamment de la composition familiale, du niveau de ressources de ces personnes et de l'éloignement de leurs lieux de travail. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Les centres d'hébergement et de réadaptation sociale accueillent les personnes en grande difficulté, pour un laps de temps limité, en général six mois renouvelables une fois.
Autant, s'agissant des TRACE, les trajets d'accès à l'emploi, j'ai soutenu la date butoir de dix-huit mois, sauf dérogation préfectorale, autant, pour ces personnes en très grande difficulté, il me semble que six mois à un an sont des délais trop brefs, qui ne permettent pas une réelle réinsertion.
Par ailleurs, le projet de loi mentionnant des propositions de logement, je propose que l'on tienne compte non seulement du niveau des ressources de ces personnes et de l'éloignement de leur lieu de travail, mais aussi de la composition de la cellule familiale lors du relogement à la sortie du CHRS.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. En droit, les CHRS peuvent d'ores et déjà reconduire l'aide aux personnes en difficulté tous les six mois.
Cet amendement met l'accent sur la dimension et le rôle des CHRS en matière de logement alors que leur mission de réinsertion porte sur plusieurs points, notamment sur la recherche d'un emploi et le retour à l'activité.
Avec ce texte, le risque est grand de paralyser les CHRS, un peu à la manière de l'amendement « Creton », en empêchant certains d'entrer dans ces centres quand d'autres y seraient maintenus alors qu'ils auraient franchi les premières étapes d'une réinsertion.
Je crois qu'il faut distinguer le relogement des propositions des logement d'urgence et de logements d'insertion, qui ont été mis en place par le gouvernement Juppé et qui sont des dispositifs très utiles.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 286.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement partage l'avis émis par M. le rapporteur.
La loi actuelle ne fixe pas de durée maximale. Elle précise simplement que la première tranche d'accueil est de six mois et qu'elle est renouvelable autant que possible.
Il est vrai qu'un certain nombre de personnes restent pendant deux ans dans les CHRS ; mais, comme cela vient d'être dit, l'une des fonctions de ces centres est de préparer la sortie des personnes accueillies non seulement au regard de l'emploi, mais aussi dans le domaine du logement, pour parvenir à une solution durable.
Par conséquent, il n'est pas souhaitable, à nos yeux, de fixer des délais qui risqueraient de bloquer le système.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 286.
Je voudrais dire, en outre, à Mme Dusseau que l'ensemble des dispositions mises en place pour créer et construire des logements visant à accueillir des personnes en grande difficulté devraient permettre de désengorger les CHRS et d'apporter des solutions concrètes, comme elle le souhaite, à ceux qui, aujourd'hui, sont dans de tels centres.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 286.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Dans la pratique, s'il y a bien, en général, renouvellement de la période de six mois, il est assez fréquent, voire extrêmement fréquent, qu'au bout d'un an les personnes doivent quitter les CHRS.
L'essentiel de l'argument avancé par M. le rapporteur est d'ailleurs que, compte tenu du manque de places, il faut que les gens s'en aillent !
Je comprends parfaitement cet argument, mais le problème, c'est qu'il s'agit de personnes en très grande difficulté, qui ont commencé une démarche de réinsertion, et dont on casse l'élan.
Une telle attitude ne me paraît pas satisfaisante.
Beaucoup de moyens ont été mis en oeuvre pour entamer la réinsertion de certains et on brise l'action entreprise pour en aider d'autres en abandonnant les premiers dans une situation précaire.
J'entends bien que des mesures seront prises pour mettre des logements à la disposition des personnes en grande difficulté. Mais c'est pour le futur ! Dans l'immédiat, certains exclus des CHRS sont dans des situations dramatiques, et cela ne me paraît pas normal.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 286, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 81.

(L'amendement 81 est adopté.)

Article additionnel après l'article 81