Séance du 18 juin 1998







M. le président. La parole est à M. Taugourdeau.
M. Martial Taugourdeau. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Personne ne contestera que la réforme de la sécurité sociale voulue par M. Alain Juppé a freiné efficacement la spirale des dépenses de santé. Une volonté ferme et soucieuse de l'intérêt général soutenait cette politique de sauvegarde de notre système de protection sociale, auquel nous sommes très attachés.
Or, que constate-t-on depuis quelques mois ? La machine s'emballe de nouveau, les dépenses filent, notamment celles de la médecine de ville : déjà 3,7 % d'augmentation, alors que les dépenses ne devaient pas augmenter de plus 2,1 % en 1998, selon la loi de financement qu'a présentée Mme le ministre !
En outre, la Caisse nationale d'assurance maladie, affaiblie après la démission de son directeur général, malgré un apparent souci de fermeté concernant la mise en application des mesures de reversement, ne paraît pas en mesure de prendre des décisions indispensables à un changement de cap.
La réforme Juppé a été critiquée notamment sur le fait que, en cas de dépassement, elle pénalise l'ensemble du corps médical au lieu des seuls responsables, et sur ce point, elle pourrait être améliorée. Elle a eu toutefois le mérite du courage et de l'efficacité jusqu'à la fin de 1997.
Que va faire Mme le ministre ? Va-t-elle l'appliquer avec volonté ? Entend-elle rouvrir le dossier ou laissera-t-elle la situation se dégrader ? (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, comme vous le faites remarquer, les dépenses d'assurance maladie ont fortement augmenté sur la période récente. La hausse des dépenses pour le régime général s'élève à 4 % sur les quatre premiers mois de l'année, rapportée aux quatre premiers mois de l'année 1997.
En ville, les dépenses progressent plus vite qu'à l'hôpital. Sur les quatre premiers mois, en effet, la progression s'établit à 6,3 %. Même si certains facteurs, comme la sortie en ville des anti-rétroviraux peuvent expliquer très partiellement ces chiffres, on assiste bel et bien à un emballement des dépenses qui compromet les équilibres de l'assurance maladie pour 1998.
Martine Aubry et Bernard Kouchner n'ont cessé, depuis l'automne 1997, de mettre en garde contre le risque, qui nous apparaissait probable, de redémarrage des dépenses.
Les contacts que nous avons eus avec les médecins de terrain nous avaient confortés dans l'idée que le plan Juppé connaissait le sort de tous les plans d'assurance maladie qui l'ont précédé. Que constate-t-on ? Que les faits nous donnent malheureusement raison et qu'ils imposent à tous d'être modestes.
En effet, à y bien regarder, on s'aperçoit que la hausse des dépenses a commencé dès la fin de l'année 1996 et qu'elle s'est poursuivie en 1997. L'effet du plan Juppé n'aura donc duré qu'une douzaine de mois.
Ces chiffres appellent une analyse plus fine ; elle est en cours. A ce stade, il semble que les dépenses des médecins généralistes dérapent moins que celles des spécialistes, dont la dérive est très inquiétante.
En outre, comme vous le savez, le commissaire du Gouvernement a conclu hier, au Conseil d'Etat, à l'annulation de la convention des médecins spécialistes pour non-représentativité du syndicat signataire.
Quelles conclusions en tirer ? Elles sont aussi fortes que simples. Les instruments de la maîtrise des dépenses de santé n'étaient pas en place. Nous les construisons.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Les incantations ne suffisent pas, même assorties d'une menace de reversement.
M. Alain Gournac. C'est le Sauveur !
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Nous avons tous intérêt à être les sauveurs de la protection sociale si nous voulons sauver notre système républicain !
M. Alain Gournac. Arrêtez !
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. La vraie réforme de notre système de santé doit avoir deux objectifs : garantir la meilleure qualité de soins tout en assurant la meilleure allocation des ressources. Pour cela, trois axes s'imposent : améliorer la coordination des soins - entre la ville et l'hôpital, notamment - organiser l'actualisation des connaissances et l'évaluation des pratiques au plus près du terrain et donner aux professionnels des responsabilités accrues.
Dialogue, transparence, conviction, telle est la méthode du Gouvernement. Nous avons confié à François Stasse le soin d'animer des groupes de travail avec les médecins libéraux et les caisses. Il nous a rendu son rapport hier. L'auteur esquisse sa conviction : « La composante médicale et la composante économique de la régulation de notre système de santé ne sont pas antinomiques mais profondément complémentaires. Il n'y a pas deux méthodes qui s'opposent. L'amélioration des pratiques médicales individuelles, la meilleure coordination des soins, la rationalisation des implantations géographiques et sectorielles des structures de soins de ville comme des structures hospitalières sont, à l'évidence, des actions susceptibles de produire à la fois un service de soins plus performant et une économie de soins moins coûteuse ».
La maîtrise des dépenses doit être un engagement de l'ensemble des acteurs du système de santé. Elle doit reposer sur la responsabilité individuelle des professionnels...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. ... à travers la formation médicale continue, l'informatisation de leur cabinet et la participation à des actions de santé publique, mais aussi sur la responsabilité collective de la profession. C'est ce que nous allons essayer de faire dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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