Séance du 24 juin 1998







M. le président. « Art. 1er. - L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 65 . - Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Président de la République. Le ministre de la justice en est le vice-président de droit. Il peut suppléer le Président de la République.
« Le Conseil supérieur de la magistrature comprend, outre le Président de la République et le ministre de la justice, dix magistrats du siège et du parquet élus, un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat et dix personnalités n'appartenant ni à l'ordre judiciaire ni au Parlement. Le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités. Deux personnalités sont désignées par le président du Conseil économique et social en dehors de celui-ci. Le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes désignent conjointement deux personnalités.
« Le Conseil supérieur de la magistrature fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, des premiers présidents des cours d'appel et des présidents des tribunaux de grande instance. Les autres magistrats du siège et les magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.
« Le Conseil supérieur de la magistrature statue comme conseil de discipline des magistrats. Il est alors présidé par le premier président de la Cour de cassation ou par le procureur général près ladite Cour, selon qu'il statue à l'égard d'un magistrat du siège ou d'un magistrat du parquet.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
Sur l'article, la parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je prends la parole sur cet article car l'amendement n° 3, que nous allons bientôt examiner, tend à le rédiger entièrement.
Or, cet article couvre plusieurs problèmes : la composition du Conseil supérieur de la magistrature, le nombre de formations - une ou deux - et, enfin, le problème de savoir comment les magistrats du parquet ou du siège sont nommés ou désignés, avec le concours - tout le monde est d'accord sur ce point - du Conseil supérieur de la magistrature.
Il serait bon, pour que le débat soit complet, qu'une discussion puisse intervenir sur chacun de ces points et que le Sénat se prononce par un vote par division afin de se déterminer sur chaque problème. On imagine mal, en effet, qu'il y ait un vote bloqué et que ce soit à prendre ou à laisser !
Telle est la demande que je présente avant que nous discutions de l'article 1er.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous êtes trop expérimenté en matière de débats parlementaires pour ne pas savoir que les divers amendements pouvant faire l'objet d'une discussion commune déposés sur l'article 1er vont être présentés par leurs auteurs et qu'ils donneront l'occasion à chacun de s'exprimer. Nous verrons ensuite.
Mais la remarque que vous avez formulée est pleine de bon sens, et je vous en donne bien volontiers acte.
Sur l'article 1er, je suis donc saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 3, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 65 . - Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Président de la République. Le ministre de la justice en est le vice-président de droit. Il peut suppléer le Président de la République.
« Le Conseil supérieur de la magistrature comprend, outre le Président de la République et le ministre de la justice, cinq magistrats du siège et cinq magistrats du parquet élus, un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat et dix personnalités n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire ni à l'ordre administratif. Le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités. Le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes désignent conjointement quatre personnalités.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est composée, outre le Président de la République et le ministre de la justice, des cinq magistrats du siège et de l'un des magistrats du parquet, du conseiller d'Etat et de six des personnalités.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est composée, outre le Président de la République et le ministre de la justice, des cinq magistrats du parquet et de l'un des magistrats du siège, du conseiller d'Etat et de six des personnalités.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, des premiers présidents des cours d'appel et des présidents des tribunaux de grande instance, des tribunaux supérieurs d'appel et des tribunaux de première instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.
« Les magistrats du parquet sont nommés sur l'avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège et la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet statuent respectivement comme conseil de discipline des magistrats du siège et des magistrats du parquet. Elles sont alors présidées respectivement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite Cour.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Ceccaldi-Raynaud et Gélard, tend à compléter in fine le sixième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article 65 de la Constitution par les mots : « , à l'exception des procureurs généraux ».
Le sous-amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Charasse, vise à compléter le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article 65 de la Constitution par les mots suivants : « et notamment celles dans lesquelles le garde des sceaux et tous justiciables y ayant intérêt saisissent le Conseil supérieur de la magistrature siégeant en formation disciplinaire ».
Par amendement n° 1 rectifié bis, M. Millaud propose de compléter la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article 65 de la Constitution par les mots : « , de première instance et de tribunal supérieur d'appel ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 3, qui est l'amendement essentiel proposé par la commission des lois sur ce projet de loi, tend effectivement à une réécriture de l'article 1er. Il comporte, à la vérité, quatre points fondamentaux, sur lesquels j'ai d'ailleurs axé mon intervention dans la discussion générale.
Cet amendement, je le souligne, ne modifie pas ce qui a été décidé concernant les magistrats du siège et ne change rien au fait que le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Président de la République, le ministre de la justice en étant le vice-président et pouvant suppléer ce dernier.
Le premier point qui a été abordé par les uns et les autres dans la discussion générale et sur lequel Mme le garde des sceaux a répondu concerne le maintien de deux formations spécifiques respectivement compétentes à l'égard des magistrats du siège et des magistrats du parquet.
Le système proposé par la commission des lois tend à réaffirmer l'unicité de la magistrature par la consécration dans la Constitution d'une formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature et à maintenir deux formations spécifiques respectivement compétentes à l'égard des magistrats du siège et des magistrats du parquet.
Cela se justifie par la différence de nature entre les fonctions du siège et les fonctions du parquet - les métiers de magistrat du siège et de magistrat du parquet sont en effet profondément différents - mais également par la nécessité de marquer tant l'indépendance du parquet par rapport au Gouvernement que l'indépendance du siège par rapport au parquet.
Le maintien de deux formations distinctes pour le siège et pour le parquet présenterait un deuxième avantage : il permettrait d'assurer une représentation des magistrats adaptée à la nature des fonctions concernées et d'éviter que la représentation du parquet ne se trouve excessivement réduite, ce qui serait un véritable inconvénient, surtout dans la formation disciplinaire.
La formation plénière proposée par l'amendement n° 3 est composée de vingt-trois membres au total, comme le prévoit le projet de loi : dix magistrats élus, dont cinq magistrats du siège et cinq magistrats du parquet, dix personnalités extérieures, un conseiller d'Etat, le garde des sceaux et le Président de la République. Les membres extérieurs à la magistrature seront donc plus nombreux que les magistrats pour consacrer l'ouverture nécessaire que la commission des lois a acceptée en contrepartie du renforcement de l'indépendance, et ce pour éviter les risques de corporatisme.
Quant aux formations spécialisées, elles compteront chacune quinze membres au total : cinq magistrats de la fonction concernée plus un de l'autre - la formation du parquet comportera donc un magistrat du siège et vice versa - et six personnalités extérieures, qui viendront s'ajouter au conseiller d'Etat, au garde des sceaux et au Président de la République.
L'avantage de ce dispositif, c'est que chaque formation sera composée d'une majorité de non-magistrats, mais les magistrats ne seront pas pour autant écrasés en nombre. Ils auront donc encore la parole sur deux points essentiels : la discipline, ainsi que la gestion des carrières.
Enfin, cet amendement tend à modifier les modalités de désignation des personnalités extérieures.
La commission propose ainsi de supprimer la désignation de deux personnalités par le président du Conseil économique et social. Nous nous sommes en effet interrogés sur la légitimité d'une telle désignation : les compétences exercées par le Conseil économique et social n'ont pas de lien direct avec la magistrature, et son président n'est pas issu du suffrage universel.
Nous vous proposons donc un autre mode de désignation, sans que l'on puisse nous reprocher une quelconque arrière-pensée à l'encontre de cet organisme si utile qu'est le Conseil économique et social. Ainsi, nous préférons accroître le nombre des personnalités désignées conjointement par les trois présidents des plus hautes juridictions françaises, qui jouent un rôle éminent dans notre organisation juridictionnelle.
Avec le système que nous vous proposons d'adopter, le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désigneraient chacun deux personnalités, tout comme le prévoit le projet de loi, alors que le vice-président du Conseil d'Etat, le Premier président de la Cour de cassation et le Premier président de la Cour des comptes désigneraient conjointement quatre personnalités, au lieu de deux dans le projet de loi.
Du point de vue de la commission des lois, l'avantage de cette répartition est d'établir un certain équilibre entre les membres qui seront désignés par des autorités issues du suffrage universel et ceux qui le seront par des autorités juridictionnelles.
La commission a souhaité préciser, en outre, que les personnalités ainsi désignées ne pourront en aucun cas être des magistrats, même honoraires, qu'il s'agisse de magistrats administratifs, financiers ou judiciaires.
La commission des lois souhaite également l'extension du pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la magistrature aux nominations des présidents de certaines juridictions d'outre-mer - tribunaux supérieurs d'appel et tribunaux de première instance - afin d'aligner leur régime de nomination sur celui de leurs collègues qui président des juridictions équivalentes en métropole.
Il s'agit là de reprendre une proposition de loi de notre excellent collègue M. Millaud, qui a souhaité combler, sur ce point, une lacune de notre Constitution.
Enfin, j'en arrive au dernier point : nous avons tous estimé, à la commission des lois, qu'il était nécessaire, puisque nous en consacrons la constitutionnalité, de dire à quoi servirait la formation plénière.
Après une longue discussion, nous avons estimé qu'il était utile de rappeler que nous n'étions pas favorables à la pratique de l'autosaisine, qui non seulement n'était pas explicitement prévue par la Constitution, mais comportait en outre des risques de dérive qui ont été suffisamment expliqués au cours de la discussion générale pour qu'il soit nécessaire d'y revenir en détail.
Il convient, en outre, d'encadrer la compétence d'avis, sans toutefois l'interdire dans la mesure où elle correspond parfaitement à l'esprit de l'article 64 de la Constitution, qui confie au Président de la République la mission éminente d'être le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.
Les avis, selon nous, devraient être limités à des questions générales intéressant le statut des magistrats, à l'exclusion des affaires particulières. En effet, si l'on pouvait demander des avis sur des affaires particulières, il y aurait un risque d'interférence avec les compétences disciplinaires que vous avez reconnues au CSM pour les magistrats du siège, mais aussi pour les magistrats du parquet. L'amendement de la commission précise donc que le Conseil se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République.
J'en ai terminé, monsieur le président, pour l'exposé global de cet amendement, et j'attends la décision qui sera prise en ce qui concerne son vote, puisque celle-ci ne m'appartient pas.
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud, pour présenter le sous-amendement n° 9 rectifié.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Avant de présenter ce sous-amendement, je voudrais d'abord expliquer dans quel esprit je l'ai déposé.
La réforme dont nous débattons a été souhaitée par le Président de la République, M. Jacques Chirac. Or, pour le groupe du RPR, si M. Jacques Chirac est le président de tous les Français, il est aussi, pour nous, le premier et le plus illustre des gaullistes. En conséquence, mon sous-amendement n'a d'autre objet que d'essayer d'améliorer, si je le puis, un texte qui a été souhaité au plus haut niveau de l'Etat. Il ne s'agit pas pour moi de le combattre ! J'espère même que ce sous-amendement permettra à des collègues qui sont par principe hostiles à ce projet de réfléchir plus longuement à leur position.
Pour en revenir au sous-amendement lui-même après ces explications préliminaires - qui ne sont pas tout à fait inutiles pour le groupe du RPR, mais pour lui seul, et je m'en excuse auprès de nos collègues qui, dans cet hémicycle, n'appartiennent pas à ce groupe - je souhaite introduire, dans l'amendement n° 3 de M. le rapporteur, une exception pour les procureurs généraux.
J'ai reçu, comme sans doute un certain nombre d'entre vous, l'avis du barreau de Paris sur le texte que nous sommes en train d'examiner : le barreau estime que l'indépendance du parquet serait mieux assurée par d'autres voies que celles qui nous sont proposées dans le présent projet de loi.
J'observe que ce projet, tout comme l'amendement n° 3, opère des distinctions. Ainsi, les présidents de cour d'appel font l'objet d'une exception, alors que tous les autres magistrats seront nommés sur avis conforme. De la sorte, le dernier substitut de tribunal de Corte - je ne peux pas trouver d'exemple situé plus bas dans la hiérarchie - relèvera de l'avis conforme du CSM, comme le procureur général de Paris. Je considère qu'il y a là quelque chose d'anormal.
Au demeurant, la Cour européenne de justice n'a-t-elle pas condamné la France au motif qu'elle n'aurait pas suffisamment séparé les deux fonctions de magistrat du parquet et de magistrat du siège ? Il est vrai que, les magistrats du parquet conservant le droit de juger de l'opportunité, ils ne sont pas seulement des accusateurs : de ce point de vue, ils sont également des juges.
Par conséquent, j'estime que les procureurs généraux devraient être nommés en conseil des ministres, comme autrefois. Une nomination à ce niveau est d'ailleurs un honneur, et toute la hiérarchie du parquet sera ainsi investie de la légitimité que conférera le pouvoir politique à ces magistrats. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 8 rectifié.
M. Michel Charasse. Il s'agit de compléter le texte de l'amendement n° 3, qui renvoie à la loi organique les conditions d'application de l'article 65 de la Constitution, en précisant que ladite loi organique pourra fixer les conditions dans lesquelles le garde des sceaux et tous justiciables y ayant intérêt peuvent saisir le Conseil supérieur de la magistrature siégeant en formation disciplinaire.
M. le président. La parole est à M. Millaud, pour défendre l'amendement n° 1 rectifié bis .
M. Daniel Millaud. Si j'ai déposé cet amendement, c'est parce que, avec mes collègues Simon Loueckhote, représentant la Nouvelle-Calédonie, et Marcel Henry, représentant Mayotte, nous avions été saisis par des magistrats qui tenaient à nous signaler certaines anomalies dans leur régime de nomination.
Nous avions donc déposé une proposition de loi constitutionnelle, et je remercie le rapporteur de la commission des lois, notre ami M. Jolibois, d'en avoir tenu compte dans son amendement.
Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 1 rectifié bis .
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 9 rectifié et 8 rectifié ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Le sous-amendement n° 9 rectifié correspond à une position que l'on pouvait envisager. Les procureurs généraux n'ont-ils pas une place particulière dans notre tradition juridique puisqu'ils sont nommés en conseil des ministres ? Par conséquent, lorsque j'ai vu poindre ce sous-amendement, il ne m'a pas causé une très grande surprise.
Il faut souligner que ce sous-amendement ne bouleverse pas l'équilibre du travail réalisé par la commission. Il crée une exception, mais il ne détruit pas l'architecture du dispositif proposé en laissant à la loi organique le soin de fixer la manière dont seraient désignés les procureurs généraux.
A titre personnel, je dirai que si, à cet instant, ce sous-amendement devait permettre une union plus large sur un texte d'une telle importance, puisque son objet est la justice de notre pays, il devrait faire son chemin.
Quant au rapporteur que je suis, il ne peut que se taire puisque la commission des lois n'a pas examiné ce sous-amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne parlez donc pas comme rapporteur !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je l'ai bien dit !
M. Alain Gournac. Quelqu'un parlait au même moment !
M. André Boyer. Il y en a qui parlent beaucoup trop ! (Sourires.)
M. Charles Jolibois, rapporteur. Quant au sous-amendement n° 8 rectifié, présenté par notre excellent collègue M. Charasse, et qui tend à permettre à tous les justiciables y ayant intérêt ou estimant y avoir un intérêt à saisir le CSM en matière disciplinaire, si j'en comprends la motivation, il n'a toutefois pas sa place dans la Constitution. M. Charasse aura tout le temps qu'il voudra, plus tard, lorsque le Sénat examinera la loi organique, de poser cette question.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 ainsi que sur les sous-amendements n°s 9 rectifié et 8 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. L'amendement n° 3 vise à apporter quatre modifications au texte voté par l'Assemblée nationale : il modifie les modalités de nomination des personnalités extérieures à la magistrature ; il en revient à la situation actuelle pour ce qui est des deux formations - l'une du parquet, l'autre du siège - au sein du Conseil supérieur de la magistrature, alors que le Gouvernement propose d'unifier en une formation unique ; il apporte une précision concernant les juridictions des territoires d'outre-mer ; enfin, il introduit dans la Constitution la demande d'avis qui peut être formulée par le Président de la République.
S'agissant, tout d'abord, des modalités de nomination des personnalités extérieures à la magistrature, la commission propose, d'une part, que ne puisse pas être désigné, en qualité de personnalité extérieure, un membre de l'ordre administratif et, d'autre part, que l'on supprime la désignation des deux personnalités par le président du Conseil économique et social, ces deux personnalités devant être désormais, si l'on suit la commission, désignées par les trois présidents des plus hautes juridictions françaises.
Sur le premier point, le projet se borne à reprendre l'incompatibilité traditionnelle entre la qualité de membre extérieur et celle de magistrat de l'ordre judiciaire ; c'est ce qui existait déjà en 1958 dans la loi organique relative au Conseil supérieur de la magistrature. Cette incompatibilité se justifie par la nécessité de respecter l'équilibre prévu par le constituant entre représentants de l'ordre judiciaire et personnalités extérieures. L'étendre aux magistrats de l'ordre administratif est possible. Je m'en remets donc, sur ce premier point, à la sagesse du Sénat.
Sur le second point, je tiens à rappeler que le Conseil économique et social, organe reconnu par la Constitution, représente les forces vives de la nation et qu'à ce titre les personnalités désignées par son président pourraient apporter un regard extérieur et une contribution particulièrement utiles aux travaux du Conseil supérieur de la magistrature.
S'agissant de la question des deux formations au lieu d'une - c'est la deuxième modification - j'ai déjà souligné, hier, dans la discussion générale, à plusieurs reprises, que le choix du Gouvernement était celui de l'affirmation de l'unité du corps judiciaire, dont tous les membres sont magistrats, qu'ils soient du parquet ou du siège, et doivent bénéficier désormais de garanties similaires en matière de nomination et en matière disciplinaire. Cela, vous ne le remettez pas en cause, c'est vrai, puisque vous acceptez les propositions du Gouvernement sur ce point.
Cette unification comporte des garanties statutaires, qui parachèvent la réforme constitutionnelle de 1993, et conduit, du point de vue du Gouvernement, sur le plan des principes, à réunifier le Conseil supérieur de la magistrature en une seule formation. Cela paraît être la conséquence logique de ce principe d'unité de la magistrature que la commission des lois, je l'ai dit, ne remet d'ailleurs pas en cause.
La proposition du Gouvernement résulte d'abord de l'expérience qui s'est développée au sein du Conseil supérieur de la magistrature puisque ce dernier, ces quatre dernières années, a fait présider la commission du siège par un membre du parquet et, inversement, la commission du parquet par un magistrat du siège. La doctrine de mouvement des magistrats est largement commune aux formations du siège et du parquet, et la pratique actuelle des réunions plénières est bien destinée à harmoniser les positions des deux formations.
Par ailleurs, le Gouvernement part de l'idée que la gestion d'un corps unique se fait mieux dans le cadre d'une formation unique du Conseil supérieur de la magistrature.
Enfin, cette formation unique tient mieux compte de l'unification des règles disciplinaires. Elle illustre mieux, nous semble-t-il, ce principe qui nous est commun de l'unité de la magistrature.
Ma troisième série d'observations portera sur la nomination des présidents de tribunal de première instance et de tribunal supérieur d'appel.
La commission propose de préciser dans la Constitution qu'entrent également dans le champ du pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la magistrature les emplois de président de tribunal de première instance et de tribunal supérieur d'appel.
Cet objectif, je dois le dire, est déjà atteint dans le cadre des dispositions actuelles de la Constitution. En effet, le Conseil supérieur de la magistrature considère d'ores et déjà, en dépit de la rédaction du cinquième alinéa de l'article 65 de la Constitution, qui ne vise que le président du tribunal de grande instance, qu'entrent également dans le champ de son pouvoir de proposition les emplois de président de tribunal de première instance et de tribunal supérieur d'appel.
Compte tenu de la coutume constitutionnelle existante, il ne me paraît donc pas nécessaire de modifier l'article 65 de la Constitution sur ce point. Mais si le Sénat et l'Assemblée nationale souhaitent en effet une précision sur le champ du pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la magistrature - j'ai compris que c'était la proposition commune de MM. Millaud et Jolibois - celle-ci pourra être apportée par la future loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature, qui devra intervenir à l'issue de la révision constitutionnelle.
Ma dernière observation portera sur l'introduction dans la Constitution de la possibilité pour le Président de la République de demander un avis au Conseil supérieur de la magistrature.
Je rappelle, à cet égard, que c'est la loi organique du 5 février 1994 qui, dans son article 20, prévoit les missions d'information auprès des juridictions de l'ordre judiciaire et l'établissement d'un rapport d'activité.
Le Président de la République, président du Conseil supérieur de la magistrature, peut le saisir pour avis ; il l'a d'ailleurs fait dans le passé. Le Conseil supérieur de la magistrature lui-même a pu donner au Président de la République et au garde des sceaux des avis sur la réforme de la justice. Il me semble donc que l'équilibre actuel est satisfaisant et n'appelle pas de remarque particulière dans la Constitution.
Voilà les observations qui font que le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 3.
S'agissant du sous-amendement n° 9 rectifié, je dirai d'emblée que le Gouvernement y est défavorable pour des raisons à la fois politiques et techniques.
Sur le plan politique, ce sous-amendement fait un sort particulier, comme l'a très bien expliqué M. Ceccaldi-Raynaud, à la nomination des procureurs généraux. De ce fait, il rompt la cohérence de l'ensemble de la réforme, qui, précisément, veut soumettre à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature la nomination de l'ensemble des procureurs, quel que soit leur grade.
L'exigence d'un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination de l'ensemble des magistrats du parquet, sans exception, me paraît être en effet la seule qui soit de nature à écarter le soupçon d'intervention de l'exécutif dans ce domaine.
Je dirai à M. Ceccaldi-Raynaud que, en termes d'indépendance et de garantie de l'indépendance des magistrats du parquet sur les affaires individuelles, je ne fais pas de différence entre le substitut de Corte et le procureur général de Paris.
Je souligne, par ailleurs, que la commission présidée par le Premier président Truche, commission installée par M. le Président de la République au mois de janvier 1997, a estimé ne pas devoir « faire une place à part aux procureurs généraux, le rôle plus important qu'elle souhaite leur voir tenir devant avoir pour conséquence des garanties de nomination ».
Je vous ai dit hier, lors de la discussion générale, que le Gouvernement, suivant en cela l'avis de la commission Truche, souhaite en effet que les procureurs généraux jouent un rôle plus important, notamment dans l'application des directives de politique générale, et que, par conséquent, il est particulièrement important de leur donner des garanties qui soient égales à celles des autres magistrats du parquet.
En second lieu, ce sous-amendement soulève des difficultés d'ordre technique. En effet, les modalité de nomination des procureurs généraux demeureraient, s'il était adopté, en tout état de cause indéterminées. Qui nomme ? Sur proposition de qui ? Avec ou sans avis consultatif ? Une modification de la Constitution laissant subsister autant d'imprécisions me paraît bien hasardeuse !
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 9 rectifié.
Sur le sous-amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Charasse, je redirai simplement, ici, qu'il faut à la fois concilier la responsabilité renforcée des magistrats, qui est en effet le corollaire des garanties statutaires accrues, et la protection de ces magistrats, qui peuvent être insultés, agressés ou menacés - j'en ai, malheureusement, plusieurs exemples.
La proposition que le Gouvernement soumettra au Parlement ne permettra pas la saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable, car on ne saurait permettre à n'importe quelle personne de mettre en mouvement l'action disciplinaire, aux yeux du Gouvernement. Une telle saisine directe pourrait être de nature à déstabiliser les magistrats et être utilisée à cette fin dans des procédures importantes, comme celles qui concernent le terrorisme.
Je proposerai donc, dans l'un des deux projets de loi organique, qu'une commission régionale ou nationale - la décision n'est pas encore prise - comme le proposait la commission Truche, puisse filtrer ces réclamations des citoyens.
J'ajoute que l'inspection générale des services judiciaires jouera aussi son rôle traditionnel d'expertise et de garantie avant la saisine du Conseil supérieur de la magistrature lui-même.
Je souhaite donc un système dans lequel il y ait, en effet, plus de responsabilités, mais je ne peux pas accepter une saisine directe sans filtrage. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'oppose au sous-amendement n° 8 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 9 rectifié.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si le président du groupe socialiste du Sénat a demandé un scrutin public sur le sous-amendement n° 9 rectifié, c'est parce que son auteur est trop fin parlementaire et trop expérimenté, et son cosignataire trop fin constitutionnaliste, pour ne pas avoir mesuré que le sort qui lui sera fait entraînera en réalité soit le rejet, soit l'adoption du texte.
Pourquoi ? Parce que la nomination des procureurs généraux est au coeur de la réforme.
Aujourd'hui, quelle est la situation ? Les procureurs généraux sont nommés en conseil des ministres - ainsi que nous l'avons souvent rappelé - ce qui, certainement, est honorable, mais aussi symbolique. En effet, qui nomme-t-on en conseil des ministres ? Chacun le sait : les plus hauts responsables de la fonction publique, notamment les préfets dont chacun connaît l'expérience et reconnaît le rôle dans la République, mais dont chacun sait aussi qu'ils sont les agents premiers du Gouvernement.
Cette procédure de nomination a ainsi pour caractéristique de signifier, en quelque sorte, tant aux yeux de l'opinion publique que du corps des magistrats tout entier, la dépendance de la carrière des magistrats du parquet à l'égard de la volonté politique.
Or c'est exactement cela qu'il s'agit de réformer. C'est précisément pour que tout le monde soit convaincu que ces hauts magistrats ne verront ni leur avancement ni leur carrière dépendre du Gouvernement que, aux termes de la réforme qui nous est présentée, les procureurs généraux - je prends sciemment en cet instant leur cas particulier - non seulement ne seront plus nommés en conseil des ministres, mais seront nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Bien sûr, certains pourront me demander en quoi cela est essentiel. Ai-je besoin de vous rappeler, mes chers collègues, qu'une des origines profondes de cette réforme a été le tumulte suscité, au cours de l'été 1996, par certaines nominations de procureurs généraux qui ont été décidées contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature ?
Je n'ai pas besoin non plus de rappeler à mes collègues, en particulier à ceux qui ont présenté ce sous-amendement, qu'il n'y a pas de responsabilité et, au-delà de la responsabilité, de pouvoir plus grand au sein des parquets que celui des procureurs généraux.
Je n'ai pas besoin enfin de rappeler à mes collègues de la majorité sénatoriale que, dans les projets de réforme qui sont annoncés et qui correspondent à ce que nombre d'entre eux attendent, à savoir une structuration plus forte du parquet, les procureurs généraux verront leurs pouvoirs encore renforcés. En conséquence, si vous souhaitez qu'ils continuent à être nommés en conseil des ministres, sans même un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, vous détruisez la réforme qui est proposée. C'est pourquoi je disais que nous sommes là au coeur du débat.
Je note au passage, monsieur Ceccaldi-Raynaud, que vous ne prévoyez même pas une exception pour le procureur général près la Cour de cassation qui, que je sache, lui, joue un rôle particulier. Il continuerait à être nommé en conseil des ministres ; je ne suis pas certain que ce soit la meilleure consécration de l'indépendance qu'à juste titre il revendique.
Nous sommes donc au coeur du débat : si l'on considère que les magistrats du parquet, et d'abord les chefs de parquets, n'ont pas à bénéficier des garanties que tous les autres magistrats du parquet ont, dans ce cas, on va dans votre sens et il n'y a plus de réforme, car les procureurs généraux, chefs de parquets généraux qui sont dans leur ressort les premiers à conduire l'action publique, demeurent à la merci du Gouvernement en ce qui concerne leur nomination.
On peut faire ce choix, mais il implique l'abandon de la réforme et de la revendication que les carrières - je ne parle pas de l'exercice de l'action publique, la chose est plus complexe - des magistrats du parquet, au niveau le plus élevé, ne soient plus dans la main du pouvoir politique.
En votant ce sous-amendement, croyez-moi, vous ne renforcerez pas l'autorité de la magistrature ; vous maintiendrez au sein de notre société la suspicion qu'elle éprouve quant aux raisons qui animent l'action publique. En bref, vous tuerez la réforme !
C'est la raison pour laquelle nous demandons le rejet de ce sous-amendement par scrutin public. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite recadrer un peu le problème.
Hier, l'une de mes vingt questions portait sur le statut des procureurs généraux. Je me demandais ce qu'il adviendrait de la nomination des procureurs généraux, sachant qu'une seule modification de la loi organique, en 1992, a suffi - j'y reviendrai - pour que ceux-ci soient nommés en conseil des ministres. Or, la réforme qui nous est proposée supprime implicitement cette possibilité.
Peut-on envisager de faire dépendre une nomination en conseil des ministres d'un avis du Conseil supérieur de la magistrature ? Je pensais que non. Sur cette question, je n'ai pas obtenu de réponse, et je le regrette.
Le sous-amendement n° 9 rectifié a au moins le mérite, vous en conviendrez, de poser clairement le problème, d'aller jusqu'au bout de la logique et d'apporter une réponse. L'ambiguïté n'a pas été levée, mais elle méritait de l'être.
Revenons un instant sur la nomination des procureurs généraux en conseil des ministres. Cette disposition a été introduite en 1992 sur l'initiative conjointe du garde des sceaux de l'époque, M. Henri Nallet, et de la commission des lois du Sénat dont j'étais le rapporteur. Nous étions d'accord sur ce point. Nous souhaitions que les procureurs généraux de province soient nommés à un niveau identique et avec la même solennité que les préfets et les recteurs car, déjà, les premiers présidents étaient nommés par un conseil « supérieur », si j'ose dire, puisqu'il était présidé systématiquement par le Président de la République. Ainsi, la réforme de 1992, loin d'amoindrir leur statut, tendait à le valoriser.
En outre, si la réforme est adoptée en l'état, nous serons confrontés à un autre problème. Nous allons, en effet, introduire un déséquilibre entre les procédures de nomination des chefs de cour et de juridiction. Les premiers présidents et les présidents des tribunaux de grande instance seront nommés en « grand conseil », présidé par le Président de la République. Leurs homologues du parquet, les procureurs généraux et les procureurs de la République, seront nommés selon une procédure que je qualifierai de « rang inférieur », sur simple avis rendu à l'occasion d'un « petit conseil » tenu quai Branly dans une annexe de l'Elysée et présidé par le garde des sceaux.
Est-ce souhaitable ? J'ai indiqué qu'une solution pourrait peut-être être trouvée au cours de la navette, car il faut qu'il y ait une navette sur ce point. Après tout, on réforme la Constitution, et ce point mérite réflexion. Je regrette d'ailleurs qu'à aucun moment, à l'Assemblée nationale, on ait osé soulever le problème ; peut-être, d'ailleurs, ne l'a-t-on pas vu...
J'avais donc soulevé ce problème hier, mais personne ne s'y est intéressé. Aujourd'hui, il est évoqué sous la forme d'un sous-amendement déposé par deux de nos collègues. Il pourrait très bien être résolu en prévoyant que les procureurs généraux sont nommés en grand Conseil supérieur de la magistrature, sous la présidence du Président de la République.
Convenons-en, cette question mérite que l'on s'y arrête un instant, que l'Assemblée nationale prenne le temps d'y réfléchir et nous donne son avis. Cela nous laisse toutes les portes ouvertes pour trouver la solution finale. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. L'intervention précédente me dispenserait d'intervenir à mon tour, mais je souhaite répondre à M. Badinter, avec tout le respect qui est dû à sa personne, à sa carrière et à sa culture.
Je constate que M. Badinter a répondu à une question que se posait Mme le garde des sceaux. Après le dépôt de mon sous-amendement, Mme le ministre a observé que l'on ne sait plus dans quelles conditions sont nommés les procureurs généraux. M. Badinter a rétorqué qu'ils sont désignés selon les modalités actuelles, et il a raison. Il n'y a donc pas de vide juridique.
La modification que nous proposons remet-elle en cause l'architecture générale du projet de loi constitutionnelle ? M. Badinter l'affirme ; je réponds par la négative. Certes, s'agissant de l'indépendance du parquet, il y a bien égalité entre le substitut de Corte et le procureur général de Paris. Ce n'est pas sur ce plan que je me place ; je me place sur celui de la légitimité.
Dans la mesure, monsieur Badinter, où les pouvoirs des procureurs généraux sont accrus, leur légitimité doit elle aussi être accrue. Or cette légitimité leur est conférée non pas par une nomination par le Conseil supérieur de la magistrature mais par le pouvoir politique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Presque tout a été dit par les deux orateurs qui m'ont précédé. Je voudrais simplement ajouter que ce sous-amendement ne modifie pas l'économie générale du texte. Certes, une modification profonde est proposée, mais en l'occurrence seuls vingt-quatre procureurs généraux sont concernés.
Je reviens sur un argument de fond déjà évoqué par M. Haenel. Au niveau d'une juridiction, d'une cour d'appel, le procureur général et le premier président sont quasiment sur un rang d'égalité. On peut donc difficilement imaginer que l'un soit nommé différemment de l'autre ; on peut difficilement imaginer que l'un soit nommé en conseil des ministres et l'autre pas. Il faut respecter un minimum de parallélisme des formes et c'est la raison pour laquelle je me suis rallié au sous-amendement déposé par notre collègue M. Ceccaldi-Raynaud. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
MM. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite expliquer mon vote et, subsidiairement, faire un rappel au règlement.
On nous a dit que les procureurs généraux continueraient à exercer un pouvoir hiérarchique - et tout le monde en est d'accord, semble-t-il, en l'état actuel des choses - sur les procureurs. En d'autres termes, si le sous-amendement n° 9 rectifié est adopté, cela signifie que les procureurs généraux seront choisis par l'exécutif et qu'ils pourront donner aux procureurs l'ordre d'étouffer une affaire. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Un sénateur du RPR. Où est la victime ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est très exactement ce que le pays ne veut plus ! (Protestations sur les travées du RPR.)
Si vous voulez continuer, lorsque, éventuellement, vous reviendrez au pouvoir, à faire ce que vous avez fait hier, votez le sous-amendement ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous prie de bien vouloir traiter du sujet et de ne pas vous livrer à des commentaires !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais je traite directement du sujet !
M. Charles Pasqua m'a dit hier que la pratique actuelle n'était pas récente et que cela s'était toujours fait. Je lui ai répondu que, si c'était vrai, ce serait une raison supplémentaire d'y mettre un terme.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. M. Pasqua n'a même pas pris la parole hier !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or, et j'en arrive maintenant à mon rappel au règlement, ce sous-amendent ruine complètement la philosophie du texte ainsi que celle de l'amendement de la commission.
Cet amendement n° 3 dispose : « Les magistrats du parquet sont nommés sur l'avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet. » C'est clair, net et précis. Mais le sous-amendement n° 9 rectifié tend exactement au contraire.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Non !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Mais non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si, puisque le sous-amendement est ainsi rédigé : « à l'exception des procureurs généraux ».
M. Jean Chérioux. C'est l'exception qui confirme la règle !
M. Charles Jolibois, rapporteur. C'est une exception !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Donc, pour les procureurs généraux, on appliquerait un dispositif contraire à celui qui figure dans l'amendement.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or, le règlement du Sénat dispose dans son article 48, alinéa 3 : « Les sous-amendements ne sont recevables que s'ils n'ont pas pour effet de contredire le sens des amendements auxquels ils s'appliquent. »
C'est dire que nous assistons à une manoeuvre de quelques-uns. Je sais bien que ce n'est pas le fait de tous.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, je n'ignore pas que nombreux sont ceux, dans cet hémicycle, qui savent que le texte qui nous est soumis était souhaité par le Président de la République, celui-ci estimant même que, de toute façon, « les procureurs n'obéissent plus ».
Beaucoup ici savent que, à l'Assemblée nationale, c'est à la demande du Président de la République que la majorité des membres de la minorité a voté le texte présenté par le Gouvernement.
Or, aujourd'hui, certains d'entre vous veulent lui tourner le dos. Le scrutin public qui a été demandé démontrera lesquels parmi vous sont sensibles à l'appel du Président de la République...
M. Philippe Marini. Rejoignez-nous, cher collègue !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et lesquels ne le sont pas ! (Vives protestations sur les travées du RPR ainsi que sur celles des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Monsieur le sénateur, votre raisonnement est peut-être fascinant, mais il ne semble pas partagé par l'ensemble de nos collègues.
M. Alain Gournac. Pas du tout !
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je n'ai pas besoin de rappeler qu'une chose est d'intervenir au nom de son groupe sur un amendement, et qu'autre chose est d'intervenir pour explication de vote.
M. le président. C'est la raison pour laquelle je vous ai donné la parole !
M. Robert Badinter. Certes, mais je m'adresse à quelques parlementaires, pourtant expérimentés, que j'ai entendus protester.
A propos d'une question essentielle, celle de la légitimité, je tiens à rappeler - en demandant à la poignée de ceux qui étaient hier dans l'hémicycle de m'en excuser - que jamais la légitimité de la magistrature - les procureurs généraux en font partie, et à un rang éminent - n'a eu comme origine la signature d'un décret de nomination par le Président de la République ou la nomination en conseil des ministres. Cette légitimité ne procède pas du Gouvernement, je tiens à le rappeler.
En réalité, la légitimité de la magistrature procède du respect des principes constitutionnels selon lesquels, en France, la magistrature est gardienne de la liberté individuelle et le Président de la République le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.
Cela signifie que, lorsque l'on parle de légitimité de la magistrature - et c'est pour cela que le principe d'indépendance doit prévaloir - ce n'est jamais en fonction de l'intérêt de la carrière des magistrats eux-mêmes, ce n'est jamais dans une vision corporatiste, c'est toujours dans l'intérêt de tous les justiciables et des libertés individuelles, que la magistrature a précisément pour fonction de garantir.
Or, s'agissant des procureurs généraux et des procureurs, je n'ai pas besoin de rappeler quelle est l'étendue de leurs pouvoirs en matière de libertés individuelles dans notre système actuel de procédure pénale, qu'il s'agisse de garde à vue, d'enquête préliminaire ou de flagrance, ou encore de l'opportunité des poursuites.
Chacun mesure à cet instant que les parquets assument une mission quasi juridictionnelle.
Toutes ces raisons commandent de façon impérieuse, dans l'intérêt des justiciables eux-mêmes, que les magistrats du siège et les magistrats du parquet échappent jusqu'au soupçon d'être dévoués aux intérêts du pouvoir politique.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Ceccaldi-Raynaud, la nomination en conseil des ministres ne serait pas une source de légitimité accrue, elle entamerait même et fortement, cette légitimité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je tiens à présenter quelques réflexions sur le vote que nous allons émettre.
Je dirai d'abord à notre collègue M. Dreyfus-Schmidt que je le trouve singulièrement malvenu d'évoquer ce qui a pu se passer hier.
M. Alain Gournac. Très malvenu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tiens, tiens !
M. Pierre Fauchon. Oui, très malvenu !
M. Pierre Fauchon. Monsieur Dreyfus-Schmidt, s'il y a eu hier, il y a eu aussi avant-hier. Tout au long de cette période, qui a été fort longue, il s'est passé bien des choses, dont il n'y a pas lieu d'être fier dans vos rangs pas plus que nous devons l'être dans les nôtres, pour ce qui s'est passé hier.
J'ajoute que si quelqu'un est entré dans la voie d'une véritable indépendance de la magistrature par une réforme profonde du Conseil supérieur de la magistrature, c'est M. Balladur et son gouvernement, en 1993. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR. - Rires sur les travées socialistes.)
Avant, on attendait ; on attendait depuis des lustres ! Et supportait fort bien cet état dans lequel... (Vives exclamations sur les travées socialistes.)
Il n'y a pas de quoi rire ! Vous devriez plutôt vous interroger sur les raisons qui ont fait que, pendant si longtemps, on a différé cette réforme du Conseil supérieur de la magistrature. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Si une question se pose en ce qui concerne le passé, c'est celle-ci : pourquoi a-t-il fallu attendre 1993 ? J'attends votre réponse ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je dirai maintenant, afin de dépassionner quelque peu le débat, que nous sommes en première lecture et que, si la navette existe, c'est bien pour que la réflexion chemine. Il s'agit, non pas de bloquer la discussion, mais de faire avancer à un rythme raisonnable la réflexion des uns et des autres.
Monsieur Badinter, vous avez dit voilà un instant qu'avec ce sous-amendement n° 9 rectifié on allait ruiner toute la réforme. Quant à M. Dreyfus-Schmidt, avec sa hardiesse coutumière, il a invoqué un article du règlement selon lequel ce sous-amendement allait détruire l'amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai fait un rappel au règlement, nuance !
M. Pierre Fauchon. Je vous prie de croire, mes chers collègues, qu'on peut imaginer un système dans lequel l'ensemble des membres du parquet seraient nommés après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et où les procureurs généraux ne le seraient pas.
Ce système produirait certains effets. Je reconnais qu'on peut considérer que cela déséquilibrerait le texte, d'une certaine manière, voire d'une manière importante. Certes, mais cela ne le ruinerait pas !
Il résulterait en effet du dispositif qui va peut-être être voté un système dans lequel l'ensemble des procureurs acquerraient l'indépendance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et le pouvoir hiérarchique, qu'en faites-vous ?
M. Pierre Fauchon. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous savez très bien que nous sommes un certain nombre, sur toutes les travées, à penser, pour employer une expression simple, qu'il n'est pas raisonnable de « laisser la bride sur le cou » au parquet et au ministère public, et que l'Etat de droit exclut l'idée selon laquelle chaque détenteur du ministère public choisit librement ce qu'il y a lieu de faire ou ce qu'il n'y a pas lieu de faire pour l'application de la loi.
M. Charles Descours. Bien sûr !
M. Pierre Fauchon. Cela non plus, vous ne pouvez pas l'ignorer ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) Or il s'agit d'une grave question !
M. Peyrrefitte a fort bien indiqué tout à l'heure - il a plus qualité que moi pour le dire - dans quelle dérive nous risquerions de sombrer le jour où nous nous apercevrions que tel ou tel texte - relatif notamment à l'immigration, aux entraves à la loi sur l'interruption volontaire de grossesse ou à la sécurité - serait interprété différemment d'un parquet à un autre : ce ne serait plus dès lors vérité ou erreur au-delà ou en deçà des Pyrénées, mais vérité ou erreur au-delà ou en deçà de la Loire ou du Rhône.
De ce fait, un certain nombre d'entre nous ont le droit de penser qu'il est bon de retenir le système hiérarchique pour les procureurs généraux, de manière à maintenir une certaine armature. C'est d'autant plus légitime que, eux, précisément, n'accomplissent pas ces actes qui permettent d'assimiler un procureur à un juge.
Ce n'est tout de même pas eux qui surveillent les gardes à vue ! Ce n'est pas eux qui décident de l'opportunité des poursuites ! Dans la pratique, sur le terrain, ce sont en effet les procureurs - dont le statut n'est pas en cause ici - qui le font.
En réalité, les procureurs généraux n'effectuent plus, pratiquement, que les tâches de gestion générale du parquet. C'est la raison pour laquelle un certain nombre d'entre nous peuvent légitimement souhaiter qu'ils continuent d'être nommés comme cela est proposé dans le sous-amendement n° 9 rectifié.
Je ne tranche pas la question ! Je reconnais en effet qu'il faut éviter d'instaurer un système qui risquerait de déséquilibrer l'ensemble.
On peut y réfléchir, mais il faut admettre que cette idée se défend, qu'elle n'est pas du tout incohérente étant donné les précautions que nous avons prises et que nous avons presque tous défendues à cette tribune, hier, selon lesquelles le ministère public doit conserver sa cohérence, son organisation.
Est-ce le bon moyen ? Nous le croyons ; en tout cas, nous le croyons dans l'immédiat. C'est dans cet esprit-là que la plupart des membres de mon groupe voteront ce sous-amendement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, et du RPR.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, comme mes amis du groupe socialiste,...
Un sénateur du RPR. Pour une fois !
M. Michel Charasse. ... je ne peux que souhaiter que, dans cette affaire, le texte qui sortira des débats du Sénat ait une certaine cohérence, qu'on choisisse une solution ou qu'on en choisisse une autre.
Je rappellerai d'abord à M. Fauchon - c'est une parenthèse, car cela n'a rien à voir avec ce que je vais dire par la suite - que la loi constitutionnelle de 1993 avait été présentée par le Président de la République de l'époque et qu'elle était très largement tirée des projets de loi qu'il avait déposés le 10 mars 1993.
M. Philippe Marini. Bien tardivement !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous avons attendu un certain temps !
M. Michel Charasse. Par ailleurs, le sous-amendement n° 9 rectifié de M. Ceccaldi-Raynaud pose un problème préoccupant, surtout après ce qu'a indiqué M. Dreyfus-Schmidt.
En effet, selon le texte de l'article 65 de la Constitution tel qu'il est proposé par la commission des lois, le Conseil supérieur de la magistrature émet un avis, qui s'impose, lors de la nomination de tous les membres du parquet.
M. Jacques Larché, président de la commission. Avec le sous-amendement, il s'agit d'une exception.
M. Michel Charasse. Monsieur Larché, pour le moment, je ne parle que de l'article 65 de la Constitution !
Quant au sous-amendement n° 9 rectifié de M. Ceccaldi-Raynaud, il modifie la procédure de nomination puisqu'il précise : « à l'exception des procureurs généraux ». Mais ce sous-amendement en dit trop ou pas assez.
En effet, soit, première solution, les procureurs généraux continueront à être nommés en conseil des ministres, mais sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature comme le précisera la loi organique. Dans ce cas, on reste dans la cohérence du texte de l'article 65 de la Constitution.
Soit, seconde solution, les procureurs généraux ne seront plus nommés sur avis conforme...
M. Jacques Larché, président de la commission. Ils ne sont pas nommés sur avis conforme !
M. Michel Charasse. Monsieur le président de la commission des lois, je m'en tiens au texte de l'amendement n° 3 de la commission qui prévoit l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour l'ensemble des parquetiers, le sous-amendement n° 9 rectifié, et lui seul, faisant une exception pour les procureurs généraux.
Dans une telle configuration, il n'est pas interdit que la loi organique prévoie que les procureurs généraux seront nommés après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature par le conseil des ministres, les autres procureurs relevant du décret simple.
Mais j'en reviens à la seconde solution : s'il n'y a pas d'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des procureurs généraux, ce sera tout à fait incohérent.
Ce qui me gêne dans cette affaire, dont je comprends bien les raisons par ailleurs, c'est qu'en fait - et c'est en cela que le rappel au règlement de M. Dreyfus-Schmidt n'est pas vain - compte tenu du fait que les procureurs généraux continueront à exercer un pouvoir hiérarchique sur les procureurs, on ne voit plus vraiment quel est l'intérêt de l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature lors de la nomination de ces derniers puisque les conséquences de cet avis pourront être annulées en quelque sorte par les ondes de la hiérarchie.
M. Jean-Jacques Hyest. Attendez !
M. Michel Charasse. Dans ces conditions, je pose la question suivante à M. Ceccaldi-Raynaud : dans votre esprit, cela veut-il dire que, compte tenu de l'importance et du rang des procureurs généraux, vous souhaitez qu'ils soient toujours nommés en conseil des ministres mais sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, comme le prévoira la loi organique, dans la logique et la cohérence de l'article 65 de la Constitution, ou souhaitez-vous qu'ils soient nommés en conseil des ministres, librement, comme c'est le cas aujourd'hui, sans tenir compte de l'avis du Conseil supérieur de la magistrature ?
Et c'est là, monsieur le président, que se place la question posée par M. Dreyfus-Schmidt : l'article 48, troisième alinéa, de notre règlement, s'applique-t-il ou ne s'applique-t-il pas ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je ne pensais pas que l'on opposerait à une proposition particulièrement importante des arguties de procédure !
Je ferai simplement remarquer que la suggestion de notre collègue Charles Ceccaldi-Raynaud est la transposition pure et simple de la rédaction en vigueur de l'article 65 de la Constitution : les magistrats du parquet sont nommés après avis simple du Conseil supérieur de la magistrature.
Je me permets de rappeler l'avant-dernier alinéa de l'article 65 que l'on va modifier : « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis » - maintenant nous disons nomme sur avis conforme - « pour les nominations concernant les magistrats du parquet, à l'exception des emplois auxquels il est pourvu en Conseil des ministres ».
Le sous-amendement reste dans la même logique. M. Alain Gournac. Voilà !
M. Jacques Larché, président de la commission. Lorsque l'on a voté la réforme du CSM en 1993, vous avez rappelé, cher ami Michel Charasse, que c'était une proposition du Président de la République, nous l'avons tous enregistré ; mais enfin, elle traînait depuis 1981 ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du R.P.R.).
M. Jean Chérioux. Il aura fallu attendre douze ans !
M. Jacques Larché, président de la commission. Il aura fallu un certain temps pour qu'elle vienne en discussion ! Vous avez au moins pris le temps de la réflexion !
M. Michel Charasse. Le 10 mars 1993 !
M. Jacques Larché, président de la commission. C'est bien de réflechir, mais vous auriez pu réfléchir à beaucoup d'autres sujets !
La formation du Conseil supérieur de la magistrature était donc compétente pour donner des avis, et on exceptait déjà du champ de cette compétence les emplois auxquels il est pourvu en conseil des ministres. La proposition de M. Ceccaldi-Raynaud ne vise pas à autre chose...
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Jacques Larché, président de la commission... qu'à de transposer ce système dans celui par lequel, désormais, la formation du Conseil supérieur de la magistrature doit donner un avis conforme. Si j'ai bien compris ce que souhaite M. Ceccaldi-Raynaud il s'agit de dire qu'il y a avis conforme pour les magistrats du parquet, sauf pour ceux qui sont nommés en conseil des ministres.
M. Jean Chérioux. Et voilà !
M. Jacques Larché, président de la commission. Citons quand même quelques statistiques : je ne suis pas sûr de mon chiffre, à l'unité près, mais il y a 1 374 parquetiers. Ils vont être nommés après avis conforme à l'exception des 36 procureurs généraux, qui seront nommés en conseil des ministres. Voilà !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les patrons !
M. Jacques Larché, président de la commission. Peut-être avons-nous un sens particulier de l'autorité hiérarchique !
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Vous avez déjà parlé sur cet amendement, monsieur Haenel.
M. Hubert Haenel. J'ai parlé pour l'amendement. (Sourires.)
M. le président. Il n'est possible d'intervenir que contre l'amendement. Donc, vous avez déjà expliqué votre vote
M. Hubert Haenel. M. Badinter a eu droit à une faveur !
M. le président. Pas du tout ! M. Badinter est le seul orateur qui a été autorisé à prendre la parole contre l'amendement et il est ensuite intervenu pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Apprenez le règlement !
M. le président. A propos de règlement, monsieur Dreyfus-Schmidt, la recevabilité de ce sous-amendement n° 9 rectifié donné lieu tout à l'heure à un rappel au règlement et a été évoquée par M. Michel Charasse.
Je considère d'abord que ce sous-amendement est recevable - c'est le président de séance qui prend ce genre de décision.
De plus, mon cher collègue, il ressort de la troisième ligne de l'alinéa 4 de l'article 48 de notre règlement que, dans les cas litigieux, la question de la recevabilité des amendements ou sous-amendements ne peut être évoquée qu'avant la discussion des amendements.
La discussion ayant commencé, on ne peut donc pas évoquer l'irrecevabilité du sous-amendement n° 9 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Soumise au vote du Sénat, pas évoquée !
M. le président. Mes chers collègues, je crois que M. Dreyfus-Schmidt a dit « dont acte », donc n'en parlons plus...
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour exlication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Madame le garde des sceaux, mes chers collègues, d'excellents arguments ont été avancés. Je ne saurais donc intervenir sur le fond, car tout a été dit.
Une chose est claire : nous allons très probablement adopter l'amendement n° 3 de la commission des lois et, ce faisant, le texte que nous précisons est quelque peu différent de celui qui a été retenu par l'Assemblée nationale.
Quant au sous-amendement n° 9 rectifié, il permet d'aborder une question centrale qui, quoi que nous ait dit M. Badinter, me paraît être une question de légitimité de l'autorité judiciaire.
Il est extrêmement opportun de poser une telle question. La navette que nous allons avoir nous permettra de l'approfondir et de rechercher la bonne solution pour faire évoluer notre Constitution.
De ce point de vue, il est donc utile, me semble-t-il, que nous suivions la proposition de notre collègue M. Ceccaldi-Raynaud et que nous votions le sous-amendement n° 9 rectifié. Pour ma part, je me prononcerai dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais simplement faire quelques mises au point pour bien clarifier ce qui relève du fond de ce qui relève de la forme dans cette discussion.
Ce dont nous discutons actuellement, ce n'est pas de l'amendement n° 3 de la commission des lois, qui ne comporte pas de modification relative aux procureurs généraux par rapport au projet du Gouvernement. Ce dont nous discutons, c'est d'un sous-amendement n° 9 rectifié à l'amendement n° 3 de la commission des lois, qui comprend une modification concernant la nomination des procureurs généraux.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je comprends d'ailleurs qu'il règne une certaine confusion dans certains esprits qui n'ont peut-être pas tout suivi... (Exclamations sur les travées du RPR.)
D'autant qu'on est un peu dans le flou sur certaines positions ! Mais cela regarde naturellement les uns et les autres.
M. Charles de Cuttoli. Le flou est maintenant dissipé !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je voudrais maintenant rappeler quelques éléments quant au fond pour que chacun soit bien conscient de la portée de la décision qu'il va prendre.
Actuellement, les procureurs généraux sont nommés par décret en conseil des ministres, c'est-à-dire à la discrétion du Gouvernement. Il s'agit donc non pas d'une question de forme, mais d'une question de fond : le Gouvernement peut les nommer et les dénommer, comme il le fait pour les directeurs d'administration centrale ou les préfets.
Ce que le Gouvernement propose dans son projet de loi, c'est que, désormais, la nomination des procureurs généraux ne soit plus à la discrétion du Gouvernement, mais qu'elle soit soumise à un avis conforme préalable du Conseil supérieur de la magistrature, et ce afin de garantir leur indépendance. Il ne s'agit donc pas d'un problème de symbolique ! Je dis cela pour M. Haenel - et non pas pour M. Pasqua - qui, dans son discours, m'a semblé mélanger les problèmes de fond et les problèmes de symbolique. (M. Haenel fait un signe de dénégation. - Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. Veuillez laisser Mme le garde des sceaux s'exprimer, mes chers collègues !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je disais donc qu'il ne s'agit pas d'un problème de symbolique ou de niveau de signature. C'est un problème de fond, et je ne voudrais pas laisser planer la moindre ambiguïté sur ce point. Voter le sous-amendement n° 9 rectifié, c'est faire le choix de ne pas donner aux procureurs généraux les garanties statutaires de leur indépendance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.) Par conséquent, c'est contraire à la proposition contenue dans le projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis par le Gouvernement avec l'approbation du Président de la République.
M. Gélard a évoqué le nécessaire parallélisme entre la nomination des procureurs généraux et celle des premiers présidents. Il pense que les premiers présidents des cours d'appel sont nommés par décret en conseil des ministres : c'est faux. Ces derniers ne sont pas nommés en conseil des ministres. Ils le sont, comme les autres magistrats, par décret du Président de la République, cosigné par le Premier ministre et le garde des sceaux, sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature...
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Sans avis conforme !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Oui, parce qu'il y a deux procédures.
Ces propositions sont présentées au Président de la République lors de la réunion du Conseil supérieur de la magistrature.
J'en viens maintenant aux remarques faites par M. Fauchon pour remettre les choses en perspective sur l'évolution s'est produite.
Avant 1992, les procureurs généraux étaient nommés discrétionnairement par décret du Président de la République, cosigné par le Premier ministre et le garde des sceaux, sans aucune espèce d'avis, pas même du conseil des ministres.
En 1992, on instaure la nomination en conseil des ministres pour élargir la consultation sur la nomination des procureurs généraux. La réforme proposée par le Gouvernement prévoit une procédure solennelle faisant intervenir un organisme constitutionnel qui est le Conseil supérieur de la magistrature.
M. Fauchon a présenté des remarques sur l'application de la politique pénale qui ont trait non pas à ce projet de loi constitutionnelle, mais au projet de loi dont nous avons déjà parlé souvent ici et qui est relatif aux relations entre la Chancellerie et le parquet.
La question de la nomination des procureurs généraux, qui nous occupe ici et qui est traitée dans le projet de loi constitutionnelle, ne peut pas être considérée indépendamment du rôle que ceux-ci joueront dans le futur système et qui n'est pas le même qu'aujourd'hui. Ils exerceront des prérogatives beaucoup plus importantes dans un lien en effet hiérarchique qui sera beaucoup plus net. Je vous le précise ici : les magistrats du parquet seront placés sous la direction et sous le contrôle de leur chef hiérarchique ; le procureur général animera et coordonnera la mise en oeuvre, par chaque procureur de la République de son ressort, des directives de politique générale ; il s'assurera de leur application, procédera à l'évaluation de celles-ci et pourra enjoindre aux procureurs d'engager des poursuites ou de saisir des juridictions des réquisitions qu'ils jugent opportunes. Dès lors que les procureurs généraux acquièrent ce pouvoir, il est indispensable, si l'on veut vraiment - mais le voulez-vous vraiment ? - que les magistrats du parquets soient indépendants du pouvoir politique dans les affaires individuelles, qu'ils ne soient plus nommés par le pouvoir politique en conseil des ministres. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 9 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 109:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 202
Contre 114

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 8 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Compte tenu des explications qui ont été données à propos de la saisine du conseil de discipline, à la fois par le rapporteur de la commission et par Mme le garde des sceaux - bien entendu, madame, il faut prévoir un filtrage : on ne peut pas laisser n'importe qui déposer tous les quatre matins, à tout propos, des requêtes devant le Conseil supérieur de la magistrature - et dans la mesure où nous reviendrons sur ce point lors de la discussion du projet de loi organique, je retire mon sous-amendement.
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. le président. Le sous-amendement n° 8 rectifié est retiré.
Avant de mettre aux voix l'amendement n° 3, je précise que je suis saisi d'une demande de vote par division émanant de M. Dreyfus-Schmidt.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Elle n'y voit aucun inconvénient, monsieur le président.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Compte tenu du vote qui vient d'intervenir, je renonce à la demande de vote par division.
M. Charles Pasqua. Je suis fasciné par l'agilité d'esprit de M. Dreyfus-Schmidt !
M. le président. Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 3 rectifié pose, nous l'avons dit, plusieurs problèmes. La commission en est parfaitement consciente puisqu'elle vient de dire qu'elle ne s'opposait pas au vote par division. Nous sommes en désaccord complet avec le sous-amendement qui vient d'être adopté. En conséquence, bien évidemment, nous voterons contre l'amendement n° 3.
Cela ne m'empêchera pas de présenter quelques explications, puisque ce débat va sans doute se poursuivre, en ce qui concerne tout d'abord la composition du Conseil.
Je dois dire à titre personnel que, si la composition proposée dans l'amendement ne me satisfait pas - en effet, je n'approuve pas la nomination par les présidents d'assemblée, en particulier parce que cela donne un avantage constant au Sénat (Protestations sur les travées du RPR. -)... C'est vrai !
M. Jean Chérioux. Une telle affirmation est indigne d'un sénateur ! Si vous pensez cela, il faut quitter le Sénat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... je trouve néanmoins que cette composition, en ce qui concerne les personnalités, est préférable à celle qui nous était soumise initialement (M. Gélard applaudit) puisque les membres de la commission des lois, à l'unanimité, ont estimé que le président du Conseil économique et social n'a en tout cas pas à participer à cette désignation.
En revanche, nous ne comprenons pas pourquoi les magistrats du parquet devraient être en aussi grand nombre que les magistrats du siège alors qu'ils sont infiniment moins nombreux dans les juridictions. D'autre part, puisqu'ils sont les uns et les autres des magistrats, il n'y a pas de raison que le Conseil supérieur de la magistrature ne statue pas en une seule formation. En particulier, sur le plan disciplinaire, la faute d'un procureur doit être jugée de la même manière que celle d'un magistrat du siège et donc par la même formation, fût-elle réduite ; si l'on considère que vingt et un ou vingt-trois membres, c'est trop.
Par ailleurs, rien n'est dit sur le mode d'élection de ces magistrats. Cinq du siège et cinq du parquet, cela permet-il d'obtenir une proportionnelle dans chaque formation, s'il y en a deux ? Je n'en suis pas sûr et j'aimerais bien recevoir une réponse à cette question.
La présence du garde des sceaux qui propose les nominations et qui participe aux discussions sur ces propositions nous a toujours paru curieuse.
Nous estimons aussi qu'il ne devrait même pas y avoir de propositions du Gouvernement pour l'ensemble des magistrats du siège et qu'ils devraient être nommés directement par le CSM.
S'agissant des magistrats du parquet, la situation est tout de même différente. A cet égard, vous ne pouvez passer votre temps à dire, à la fois, qu'ils sont les uns et les autres des magistrats et qu'en conséquence il faut les traiter tous de la même manière, mais qu'ayant des fonctions différentes, il faut les traiter différemment. Il faut choisir. A défaut de quoi, vous pouvez faire tout et le contraire de tout.
Evidemment, nous l'avons souligné au cours du débat qui vient d'avoir lieu, pour que les procureurs généraux ne soient plus aux ordres, pour qu'ils bénéficient d'une certaine indépendance, il faut qu'ils soient nommés et révoqués non sur la seule initiative de l'exécutif mais sur avis conforme du CSM. Or vous venez de voter le contraire. Je suis sûr que c'est une manière de rappeler que le Sénat est là et que son accord est nécessaire pour une réforme constitutionnelle - cela, nous le savions - mais que vous ne pensez pas vous-mêmes que ce que vous venez de faire est sérieux (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.),...
M. Jean Chérioux. Gardez les leçons pour vous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... ou alors, politiquement, prenez vos responsabilités !
M. Jean Chérioux. On n'a pas besoin de vous pour le faire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les Françaises et les Français sauront que vous voulez que les poursuites soient à la disposition de l'exécutif et qu'il soit possible d'étouffer les affaires.
M. Jean Chérioux. Beau sophisme !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ajoute que vous réduisez la formation plénière à la portion congrue, c'est-à-dire que vous refusez l'inévitable : la possibilité pour les membres du Conseil supérieur de la magistrature de se réunir s'ils l'estiment nécessaire, par exemple pour dégager la philosophie de ce que doivent être ses propositions de nomination et se concerter pour préparer le nécessaire rapport annuel.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Ce n'est pas une question de philosophie !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà toutes les raisons pour lesquelles nous voterons contre l'amendement n° 3.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Tout d'abord, je souhaiterais suggérer à M. le rapporteur d'améliorer le texte de l'amendement en substituant, au deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 65, aux mots : « dix personnalités n'appartenant ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif » les mots : « dix personnalités n'appartenant ni au Parlement, ni aux juridictions de l'ordre judiciaire, administratif ou financier ».
En effet, avec la rédaction actuelle, on exclut tous les fonctionnaires de la possibilité d'être membres du Conseil supérieur de la magistrature alors que les membres de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes peuvent en faire partie.
Quoi qu'il en soit, je voterai bien évidemment l'amendement n° 3, tout en regrettant quelque peu que la nomination des personnalités extérieures ne se réfère pas à une tradition constitutionnelle française qui fait, par exemple, qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel et au Conseil constitutionnel siègent trois personnalités désignées par les plus hautes autorités de l'Etat - en dehors du Premier ministre, bien évidemment - que sont le Président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale.
Je regrette aussi que, parmi les plus hautes juridictions, on ait quelque peut oublié le Conseil constitutionnel, qui est aussi une haute juridiction.

M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Monsieur Gélard, je comprends très bien votre objection. Vous craignez que la mention de l'ordre administratif dans les exclusions n'écarte tous les fonctionnaires. Telle n'est certainement pas notre intention.
Cependant, nous avons eu du mal à trouver la bonne rédaction parce que nous voulions écarter les magistrats honoraires. Il faudrait peut-être écrire : « ni aux juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif... ».
Plusieurs sénateurs du RPR et des Républicains et Indépendants. Et financier !
M. le président. Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pardonnez-moi, cette mise au point relève du travail de commission. De toute façon la navette nous donnera l'occasion de trouver la bonne formule.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous étonnerai pas en disant que les sénateurs communistes ne voteront pas l'amendement n° 3...
M. Alain Gournac. Tant mieux !
M. Robert Pagès. ... et ce pour diverses raisons, dont la principale est le vote par la majorité sénatoriale du sous-amendement n° 9 rectifié de notre collègue M. Ceccaldi-Raynaud.
Il est évident que l'adoption de ce sous-amendement dénature totalement le fond même de la réforme envisagée, et je plains M. le Président de la République d'avoir à souffrir un vote qui va sans doute le surprendre.
M. Jean Chérioux. C'est trop gentil à vous !
M. Robert Pagès. Cela dit, notre refus de l'amendement n° 3 tient également à notre profond attachement à l'unité effective de la magistrature. Mme la ministre a exposé clairement à plusieurs reprises combien cette unité était garante d'une meilleure indépendance de la justice.
Nous y sommes donc très attachés. Or, même s'il peut être réuni en formation plénière, il n'en reste pas moins que sont ainsi mises en place deux formations distinctes. Cela nous semble constituer, au moins en germe, une attaque importante contre cette unicité effective que nous souhaitons.
Je souhaite ajouter - mais j'aurai l'occasion d'y revenir lors des explications de vote sur l'ensemble du projet de loi - que nous ne sommes pas favorables non plus à l'élection des personnalités qui composent le CSM. Nous souhaitons, en effet, que ces personnalités soient désignées par l'Assemblée nationale et le Sénat, en respectant les diverses sensibilités.
Nous n'avons pas été suivis sur ce point, ni dans le projet de loi, ni dans le texte proposé par la commission. Par conséquent, vous ne vous étonnerez pas que nous maintenions notre opposition.
Il en est de même en ce qui concerne la présidence du CSM, assurée par le Président de la République, et sa vice-présidence, assurée par le garde des sceaux.
Pour ces différentes raisons, les sénateurs communistes voteront contre l'amendement n° 3.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Les débats d'hier soir et de cet après-midi, notamment le débat sur cet amendement n° 3, ont permis d'aborder des questions fondamentales. Mais pourquoi tous ces débats n'ont-ils pas d'issue ? Je l'ai dit hier, parce que nous ne sommes sans doute pas allés suffisamment au fond des choses, et le ton même de nos échanges en témoigne.
Dès lors, monsieur Dreyfus-Schmidt, vous qui êtes un orfèvre en matière de justice, ne faites pas de procès d'intention sur les votes des uns et des autres.
Le texte n'est pas mûr. L'Assemblée nationale n'en a pas poussé l'examen assez loin. Une navette est donc nécessaire. Il faut au moins encore une lecture à l'Assemblée nationale et une lecture au Sénat. C'est seulement après que, les uns et les autres, nous pourrons nous déterminer définitivement.
Aujourd'hui, je vote sans hésiter l'amendement n° 3 de la commission des lois et je demande à mes collègues de la minorité sénatoriale de ne pas se livrer à des interprétations abusives sur le sens d'un tel vote. Le seul vrai vote, c'est celui que nous émettrons à Versailles.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il y a un Congrès !
M. Hubert Haenel. J'espère qu'il y en aura un !
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Depuis le début de ce débat, aussi bien en commission qu'en séance publique, je me suis tenu au silence, écoutant les arguments des uns et des autres, afin d'essayer de me forger l'opinion la plus juste possible.
Il est quasiment acquis que l'amendement n° 3 va être voté par la majorité sénatoriale, après avoir été modifié par le sous-amendement n° 9 rectifié.
Mes chers collègues, j'espère que chacun en a pleinement conscience, c'est le coeur même du dispositif de la réforme qui a été ainsi touché, et Mme le garde des sceaux l'a parfaitement rappelé, puisque l'un des objectifs essentiels de ce texte est de garantir l'indépendance de la magistrature, notamment celle des magistrats du parquet.
J'ai presque envie de dire que je me réjouis de voir la majorité sénatoriale adopter cette attitude. En effet, chers collègues, si vous espérez gêner le Gouvernement en agissant ainsi, vous vous trompez, j'en ai la conviction profonde.
Vous semblez oublier que ce n'est pas l'un des nôtres qui est à l'Elysée. Vous semblez oublier que c'est l'un des vôtres qui a souhaité cette réforme. Vous semblez oublier aussi que, à l'Assemblée nationale, cette réforme a été adoptée non seulement par la majorité actuelle mais aussi par une très large partie de l'opposition, sur consigne venue de l'Elysée. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Noius sommes majeurs ! Nous faisons ce que nous voulons !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Nous ne sommes plus sous Mitterrand !
M. le président. Monsieur Allouche, ne vous laissez pas troubler !
M. Guy Allouche. Le Sénat est libre de prendre les décisions qu'il veut. (Ah ! sur les travées du RPR).
M. Jean Chérioux. Merci beaucoup !
M. Guy Allouche. Mais j'espère que vous êtes pleinement conscients de l'acte que vous allez accomplir.
M. Charles Pasqua. En voilà assez !
M. Jean Chérioux. Redescendez sur terre, monsieur Allouche !
M. Jean-Pierre Schosteck. Comme si nous ne savions pas ce que nous faisons !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Serions-nous frappés de démence ?
M. le président. Seul M. Allouche a la parole !
M. Guy Allouche. Car il ne fait aucun doute que ce qui sera retenu à l'extérieur de cette enceinte,...
M. Jean Chérioux. C'est une menace !
M. Guy Allouche. ... à partir du moment où le vote aura été émis, c'est non seulement que la majorité sénatoriale ne suit pas le Gouvernement - ça, ce n'est pas une surprise - mais que quelqu'un se trouve mis en difficulté, ce quelqu'un n'étant pas le chef du Gouvernement mais un autre, qui occupe d'autres fonctions.
M. Joseph Ostermann. Mais non !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est du chantage !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2