Séance du 29 juin 1998







M. le président. « Art. 4. - Le fait, par les personnes responsables de l'enfant au sens de l'article 5 modifié de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, de ne pas déclarer en mairie qu'il sera instruit dans sa famille ou dans un établissement privé hors contrat, est puni d'une amende de 10 000 F.
« Le fait, par les personnes responsables de l'enfant, de s'abstenir de faire connaître les motifs d'absence de l'enfant ou de donner des motifs d'absence inexacts, ou de laisser l'enfant manquer la classe sans motif légitime ou excuse valable quatre demi-journées dans le mois, est puni d'une amende de 1 000 F et de 10 000 F en cas de récidive. »
Sur l'article, la parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Que l'on me comprenne bien : je suis favorable, ô combien ! à ce que tout soit fait pour que les enfants fréquentent normalement et régulièrement l'école ; je me permets d'ailleurs de rappeler - on me le pardonnera - que j'ai été, pendant plus de trente-sept ans, instituteur, en particulier dans des quartiers difficiles de nos villes.
Il n'empêche, la sanction prévue dans le deuxième paragraphe de l'article 4 me paraît devoir être contenue. En effet, il ne manque pas d'exemples où des parents - je pense notamment à des familles monoparentales - sont amenés à négliger de faire le mot d'excuse pour expliquer telle ou telle absence. Dans de telles circonstances, prévoir une amende est quelque chose de grave qui ne peut, le plus souvent, qu'enfoncer un peu plus des familles déjà en grande difficulté.
N'étant pas membre de la commission saisie au fond et ayant donc eu connaissance du texte un peu tardivement, je n'ai pas pu déposer d'amendement.
Voilà pourquoi je vous demande, madame la ministre, de vous opposer à cette sévérité du texte. Imaginez ces familles, déjà dans la détresse, et à qui l'on dit, au fond : vous n'êtes pas capable d'élever votre enfant et pour vous aider à bien le comprendre, on va vous infliger une amende de mille francs !
Vous savez, dans une carrière d'instituteur, on en voit des choses, et j'en ai vu ! La maman, seule à la maison pour des raisons diverses, se retrouve avec un petit enfant malade au dernier moment ; elle demande à la grande soeur ou au grand frère de le garder. Faute de pouvoir trouver une autre solution, on recommence le lendemain, après quoi on a honte d'avoir gardé l'aîné à la maison. Alors, on tourne autour, on ne donne pas de raison. Ce n'est pas un exemple en l'air, je vous prie de le croire, madame la ministre.
Voilà pourquoi il ne faut pas se laisser aller à prévoir de telles sanctions pouvant atteindre 10 000 francs en cas de récidive. Veuillez pardonner ma maladresse, j'ai été pris de court. Madame la ministre, c'est le vieil instituteur qui vous parle.
M. Nicolas About. Ce ne sont pas ces cas-là que l'on vise !
M. le président. Par amendement n° 18, le Gouvernement propose, dans le premier alinéa de l'article 4, de remplacer les mots : « les personnes responsables de l'enfant, au sens de l'article 5 de la loi du 28 mars 1882 » par les mots : « les parents d'un enfant ou toute personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue ».
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Il s'agit, là aussi, d'un amendement de forme, qui tend à redéfinir clairement les personnes responsables de l'enfant.
Monsieur Pagès, va bientôt venir en discussion un amendement qui prévoit, précisément, une nouvelle rédaction du second alinéa de l'article 4. Ainsi, vos voeux seront exaucés.
En effet, le Gouvernement estime que le contrôle de la fréquentation et de l'assiduité scolaires est d'une nature différente de celle de l'objet de cette proposition de loi. Il préfère donc renvoyer à un décret le dispositif éventuellement nécessaire pour contrôler et sanctionner la fréquentation et l'assiduité scolaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 20, le Gouvernement propose de rédiger ainsi le second alinéa de l'article 4.
« Le contrôle de la fréquentation et de l'assuidité scolaires ainsi que les sanctions au regard du versement des prestations familiales et en matière pénale seront déterminés par décret en Conseil d'Etat. »
Cet amendement a déjà été défendu par le Gouvernement.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Sans nier les cas de figure évoqués par M. Pagès, la proposition vise à responsabiliser les familles, car l'absentéisme, s'il touche, c'est vrai, les familles en difficultés financières ou sociales, n'est pas le fait de ces seules familles. Il est un absentéisme qui touche toutes les couches de la population.
De toute façon, Mme le ministre ayant fait remarquer que cette disposition relève du règlement et non pas de la loi, je m'en remets à l'avis du Gouvernement.
M. Hilaire Flandre. Espérons seulement que les décrets paraîtront au plus vite !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Tout à fait !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je souhaite apporter deux précisions.
La contravention de 1 000 francs existe déjà, elle relève du domaine réglementaire. Elle n'a donc pas à figurer dans la loi.
Par ailleurs la notion de récidive n'existe plus dans le nouveau code pénal.
Il faut donc prendre le temps de laisser mûrir les choses.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About
M. Nicolas About. Je voterai l'amendement, mais avec une inquiétude, celle de ne jamais voir paraître le décret. Peut-être ce décret sortira-t-il, auquel cas j'en serai ravi !
Mais peut être sera-ce aussi l'occasion pour vous, madame le ministre, de répondre aux questions que j'ai posées lors de mon intervention à la tribune. Combien y a-t-il de cas où les enseignants ont dénoncé l'absentéisme scolaire ? Les peines qui existent aujourd'hui ont-elles été mises en oeuvre ? Cette amende a-t-elle déjà été payée par quelqu'un ? Ne faudrait-il pas en faire un peu plus non pas à l'encontre des familles en difficulté - ce n'est pas celles-là que nous visons - mais à l'encontre de l'absentéisme organisé, et nous savons bien lequel ?
Nous aimerions savoir ce que les professeurs, les inspecteurs d'académie, l'éducation nationale et, enfin, le Parlement entendent faire pour y mettre fin.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Monsieur le sénateur, comme il s'agit de contraventions, c'est non pas le ministère de l'éducation nationale mais celui de la justice qui tient ces statistiques.
Les condamnations sont prononcées sur la base des articles du code pénal qui prévoient la soustraction à obligation légale compromettant la santé, la sécurité, la moralité et l'éducation des enfants.
M. Nicolas About. Il n'y a pas que l'éducation !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. C'est vrai, chaque point n'est pas clairement identifié.
Vos questions sont tout à fait judicieuses, et je vais voir de quelle façon nous pouvons améliorer le dispositif statistique de repérage dans ce domaine. C'est vrai - M. le rapporteur a soulevé la question tout à l'heure - nous aurions intérêt à améliorer notre connaissance du phénomène que constitue la soustraction des enfants à l'obligation scolaire.
M. Nicolas About. Merci, madame le ministre !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article additionnel après l'article 4