Séance du 8 juillet 1998







M. le président. « Art. 9 bis . - Il est inséré, après l'article L. 322-4-16 du code du travail, un article L. 322-4-16-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 322-4-16-7. - L'Etat peut également conclure des conventions mentionnées à l'article L. 322-4-16 avec des organismes relevant des articles 45, 46 et 185 du code de la famille et de l'aide sociale pour mettre en oeuvre des actions d'insertion sociale et professionnelle au profit des personnes bénéficiant de leurs prestations, ainsi qu'avec les chantiers écoles et les régies de quartiers. »
Par amendement n° 71, Mme Heinis et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent de compléter in fine le texte proposé par cet article pour l'article L. 322-4-16-7 à insérer dans le code du travail par trois alinéas ainsi rédigés :


« Les conventions conclues avec les organismes agréés au titre de l'aide sociale et du RMI peuvent prévoir des embauches effectuées dans le cadre des contrats régis par les articles L. 322-4-7, L. 322-4-8-1 et L. 322-4-16-1.
« Ces recrutements peuvent être effectués par des contrats à temps partiel, à durée déterminée et renouvelables.
« Les conventions collectives et accords d'entreprise ainsi que les textes réglementaires peuvent prévoir des dispositions spécifiques, notamment en matière de représentation du personnel, pour ces embauches. »
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Les personnes en grande difficulté qui sont remises au travail dans les centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, dans les centres d'adaptation à la vie active, les CAVA, et dans les chantiers accueillant les RMIstes se trouvent placées à la charnière de l'aide sociale et de l'activité économique ; il en résulte un certain flou dans leur statut. L'objectif de cet amendement est de faire sortir le plus rapidement possible les personnes en question du domaine de l'aide sociale pour les placer dans le cadre d'un droit du travail adapté.
A l'heure actuelle, le texte essentiel est une circulaire de 1979 qui autorise à leur verser une rémunération ayant non le caractère d'un salaire mais celui d'un pécule. Certes, l'institution des contrats emploi-solidarité, les CES, a permis à beaucoup de percevoir un demi-SMIC, mais seulement dans certains cas.
Il semble bien que le Gouvernement, les parlementaires et les associations aient la volonté commune d'encourager le rattachement des activités exercées par les personnes en question au droit du travail. A cette fin, l'amendement n° 71 contient trois mesures techniques.
Premièrement, il s'agit d'autoriser expressément les organismes agréés au titre de l'aide sociale et du RMI à utiliser sans restriction particulière toute la panoplie des contrats prévus pour l'insertion par l'activité économique.
Deuxièmement, nous suggérons d'assouplir légèrement la réglementation, ce qui nécessitera sans doute des textes d'application, en autorisant plusieurs contrats à durée déterminée successifs, interrompus ou non, comme c'est le cas dans certaines branches, notamment dans l'audiovisuel ou dans l'hôtellerie.
Troisièmement, il s'agit d'autoriser les partenaires sociaux, ou à défaut le ministère, à assouplir d'autres dispositions. Ainsi, il serait souhaitable que les conventions collectives ou accords d'entreprise puissent prévoir des dispositions spécifiques : par exemple, pour l'élection du comité d'entreprise, un collège séparé pourrait regrouper les salariés visés par notre amendement, de manière que les salariés permanents gardent leur représentation propre.
Je précise enfin qu'il convient d'inclure le champ d'application de la mesure que nous proposons, outre les CHRS et les CAVA, les chantiers écoles et les chantiers d'insertion, qui mettent au travail les bénéficiaires du RMI.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit du problème du pécule versé dans les CHRS aux personnes en voie de réinsertion.
La commission considère qu'il peut être difficile, à ce stade, d'engager un travail de concertation et d'amélioration sur un sujet qui paraît fort complexe.
Quoi qu'il en soit, la commission souhaite recueillir l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame Heinis, par cet amendement, vous souhaitez donner un fondement législatif aux activités de réinsertion par le travail des personnes prises en charge par les organismes habilités à l'aide sociale. Sont essentiellement visés les CHRS, les CAVA et un certain nombre d'établissements de réinsertion sociale, comme la communauté Emmaüs.
Nous le savons, ces structures jouent un rôle clé pour l'insertion ou la réinsertion dans notre société ainsi qu'au regard du « réentraînement » au travail, même si cela passe par l'accomplissement de tâche modestes.
Le Gouvernement a souhaité reconnaître le rôle de ces associations dans l'insertion en leur donnant une place à part entière dans le champ d'insertion par l'économique. C'est d'ailleurs l'objet de l'article 9 bis , qui permettra dorénavant à ces structures de bénéficier de plein droit de CES ou de CEC.
Ainsi, le problème est partiellement réglé.
En revanche, un problème continue de se poser pour les personnes qui ne peuvent pas travailler vingt heures par mois ; ce sont ces personnes qui se voient attribuer un pécule qui accomplissent de petites tâches, telles celles qui sont effectuées dans le cadre de la communauté Emmaüs, ou des tâches collectives d'aide ménagère dans le cadre d'un atelier de réinsertion.
Dans de tels cas, il paraît extrêmement difficile d'appliquer le système du contrat de travail avec l'ensemble des règles qui s'y attachent : SMIC, congés payés, etc.
Dans un souci de plus grande sécurité juridique, certains réclament que le contrat de travail se substitue au système du pécule, mais ils négligent ainsi de nombreux effets pervers. D'ailleurs, les mêmes s'empressent de nous demander l'autorisation de déroger à certaines dispositions du contrat de travail.
D'autres, comme les membres de la communauté Emmaüs, sont totalement opposés à la suppression du système du pécule, qui, donnant lieu à une contribution à la sécurité sociale ouvre le droit à la protection sociale.
Vous soulevez une vraie question, madame le sénateur, mais je pense que nous n'avons pas encore trouvé la bonne solution tant sont diverses les situations des personnes qui sont accueillies dans ces centres de réinsertion sociale.
Nous avons souhaité les reconnaître dans la loi. Si nous voulons promouvoir un statut unique, il faut continuer à travailler avec les associations. Nous poursuivrons ce travail dans les semaines qui viennent, et il faudra malheureusement traiter cette question dans un texte ultérieur car, pour le moment, nous n'avons pas dégagé de solution parfaitement adaptée.
Sous le bénéfice de ces observations, madame Heinis, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Madame Heinis, l'amendement est-il maintenu ?
Madame Heinis. Madame le ministre, je vous remercie, des explications que vous venez de me donner. Je vois que ce souci nous est commun, et je comprends bien - mais je le savais déjà - que la situation est effectivement difficile à résoudre sur le plan juridique, comme elle est complexe pour ceux qui la vivent.
A votre demande, je retire donc l'amendement n° 71. Je souhaite que ces cas continuent d'être examinés avec la plus grande attention, car ils concernent certainement les plus déshérités.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous remercie, madame Heinis.
M. le président. L'amendement n° 71 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9 bis .

(L'article 9 bis est adopté.)

Article 9 ter