Séance du 8 juillet 1998







M. le président. « Art. 9 ter. I. - L'article 42-6 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 42-6. - Dans chaque département d'outre-mer est créée une agence d'insertion, établissement public local à caractère administratif.
« L'agence élabore et met en oeuvre le programme départemental d'insertion prévu à l'article 36.
« Elle propose la part des crédits d'insertion affectés par l'Etat au financement des logements sociaux pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et précise le montant de sa particiation à la réalisation de cette même action.
« Elle établit en outre le programme annuel de tâches d'utilité sociale offertes aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion dans les conditions prévues à l'article 42-8.
« L'agence se substitue au conseil départemental d'insertion. »
« II. - Les six premiers alinéas de l'article 42-7 de ladite loi sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« L'agence d'insertion est administrée par un conseil d'administration présidé conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général.
« Le conseil d'administration comprend en outre, en nombre égal :
« 1° Des représentants de la région, du département et des communes ;
« 2° Des représentants des services de l'Etat dans le département ;
« 3° Des personnalités qualifiées choisies au sein d'associations, d'administrations territoriales ou d'institutions intervenant dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre le chômage, nommées en nombre égal par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général ;
« 4° Un représentant du personnel avec voix consultative.
« L'agence d'insertion est dirigée par un directeur nommé par arrêté des ministres chargés des affaires sociales, de l'intérieur et de l'outre-mer après avis du président du conseil général. »
« III. - Supprimé . »
Sur l'article, la parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Je note avec une grande satisfaction que le Gouvernement - que je remercie - a, enfin, accepté la modification des statuts des agences départementales d'insertion, les ADI, en les transformant en établissements publics locaux. Cela permettra une meilleure efficacité des actions d'insertion sur le terrain, dans une fructueuse collaboration entre les préfets et les élus locaux.
Madame la ministre, cette avancée importante ne règle cependant pas le problème du statut des personnels des ADI. Vous savez qu'ils sont très inquiets et, à la Réunion, ils se sont récemment mis en grève pour essayer de faire aboutir deux revendications principales : d'une part, la reprise intégrale par la nouvelle structure des personnels de l'ancienne agence et, d'autre part, la mise en place de garanties statutaires pour ces personnels.
Madame la ministre, pourriez-vous veiller à ce que ces deux revendications aboutissent favorablement, afin que ces personnels, qui s'occupent des exclus, ne restent pas eux-mêmes des exclus ?
M. le président. Par amendement n° 74, le Gouvernement propose, dans le dernier alinéa du II de l'article 9 ter , de supprimer les mots : « , de l'intérieur ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement tend à retirer la signature du ministre de l'intérieur de l'arrêté nommant le directeur des ADI. En effet, le contrôle de légalité des établissements publics locaux est réalisé, non par le ministre de l'intérieur mais par le ministre en charge de l'outre-mer.
Cette disposition simplifiera la procédure, ce dont nous pouvons tous nous réjouir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission n'a pas émis d'objection ; il s'agit d'un problème d'organisation gouvernementale.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 74, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
(M. Jacques Valade remplace M. Michel Dreyfus-Schmidt au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. Par amendement n° 62, MM. Lise, Larifla, Désiré et les membres du groupe socialiste proposent, dans le dernier alinéa du texte présenté par le II de l'article 9 ter pour remplacer les six premiers alinéas de l'article 42-7 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988, de remplacer les mots : « après avis » par les mots : « sur proposition ».
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. A ce point du débat, je ne rappellerai pas les raisons pour lesquelles l'ensemble des élus des départements d'outre-mer réclament une réforme des ADI, établissements publics nationaux qui ont été mis en place en 1974 dans ces seuls départements.
Je ne répondrai pas aux arguments qui ont constamment été mis en avant pour justifier l'injustifiable, c'est-à-dire le maintien dans les départements d'outre-mer d'un système dérogatoire au droit commun ; mais ce système dérogatoire, au lieu d'aller dans le sens d'un accroissement de la responsabilité locale pour une meilleure prise en compte des réalités locales, va dans celui d'une réduction de la responsabilité locale.
Je n'analyserai pas non plus les motivations du lobby technocratique qui est à l'origine d'une position qui va à l'évidence à contre-courant de l'histoire et de l'aspiration des peuples concernés, une position en dissonance totale avec tout ce que l'on vient d'entendre lors du récent Congrès de Versailles.
Je n'évoquerai pas davantage les mauvaises habitudes qui ont été prises outre-mer et qui consistent à créer en quelque sorte des postes réservés, conçus beaucoup plus en fonction des intérêts de carrière de ceux qui sont appelés à y être « parachutés » que dans le souci de répondre au mieux aux impératifs d'un authentique service public.
Je veux, en tout cas, mes chers collègues, remercier la Haute Assemblée d'avoir soutenu, d'emblée et à l'unanimité, les amendements que j'ai présentés dans le but de rendre moins choquante sur le plan des principes et plus efficace dans son fonctionnement la construction bureaucratique et hypercentralisée curieusement mise en place dans les départements d'outre-mer pour faire de l'insertion.
Ces amendements, vous le savez, je les ai présentés au nom de l'ensemble des élus de nos départements d'outre-mer et tout particulièrement, parce qu'ils sont au premier chef concernés, au nom de mes trois collègues présidents de conseils généraux de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion.
Je tiens à préciser ce point, car il a été dit, à plusieurs reprises, que tous les présidents de conseils généraux des départements d'outre-mer ne me soutenaient pas. Je n'en connais pas d'autres que les trois que je viens d'évoquer ; ils ont tous pris des positions publiques très claires et ont tous envoyé des courriers en ce sens aux différentes autorités concernées, notamment au Premier ministre.
Je me réjouis que nos collègues de l'Assemblée nationale aient adopté, pour l'essentiel, une position assez proche de la nôtre, en regrettant toutefois qu'ils aient laissé passer, dans des conditions à vrai dire assez particulières, une disposition qui, si elle était maintenue en l'état, poserait de sérieux problèmes. Il s'agit de la nomination du directeur de l'ADI par arrêté conjoint de trois ministres, ou plutôt, maintenant, de deux ministres, compte tenu de l'adoption de l'amendement n° 74 du Gouvernement.
Cette disposition poserait, si elle était maintenue, des problèmes de fonctionnement dans les nouveaux établissements publics locaux : on imagine, en effet, les conflits d'autorité qui peuvent surgir entre les deux co-présidents du conseil d'administration et leur directeur nommé au niveau interministériel.
Le maintien de cette disposition poserait surtout des problèmes politiques car il y aurait là un signe supplémentaire d'une volonté de recentralisation, un signe supplémentaire de défiance à l'égard des élus locaux qui prennent évidemment cela très mal.
L'amendement que je vous demande d'adopter est précisément destiné à atténuer les effets de cette disposition.
Je propose en effet que le directeur soit, certes, nommé par deux ou trois ministres - peu importe ! - mais sur proposition du président du conseil général.
Ce dispositif présente au moins l'avantage de favoriser le recrutement de cadres reconnus localement pour leur connaissance du terrain et des problèmes d'insertion qui s'y posent. Les ministres gardent néanmoins, vous le constatez, la possibilité de récuser toute candidature qui ne leur conviendrait pas. C'est donc un nouveau pas que je fais dans le sens d'un compromis alors même que certains de mes collègues de l'outre-mer, notamment à l'Assemblée nationale, m'ont reproché d'être déjà allé trop loin dans les concessions.
Je prends donc le risque d'essuyer de nouveaux reproches de leur part en espérant toutefois que Mme le ministre fera, de son côté, un geste d'ouverture. Si tel ne devait pas être le cas, malheureusement, il faut que vous sachiez, mes chers collègues, qu'une véritable mobilisation s'opérerait dans nos départements contre ce qui apparaîtrait alors comme une obstination à vouloir mettre en oeuvre une politique inspirée par ce qu'il faudrait bien appeler un concept de discrimination négative.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Oh !
M. Claude Lise. Cette mobilisation aboutirait à coup sûr à la revendication pure et simple d'un retour au droit commun, un droit commun évidemment intégralement appliqué dans les mêmes conditions qu'en métropole. Je vous laisse mesurer les conséquences d'une telle revendication.
Pour l'heure, je persiste à croire que la raison l'emportera et que nous pourrons, enfin, disposer dans les départements d'outre-mer d'instruments mieux adaptés aux politiques que nous devons mener avec le plus d'efficacité possible pour insérer les RMIstes dont le nombre important témoigne, s'il en était besoin, de l'échec patent des politiques économiques menées jusqu'à ce jour dans nos départements.
Pour, que ces ADI, devenues établissements publics locaux puissent vraiment gagner en efficacité, il s'avérera toutefois nécessaire, et je rejoins M. Lauret sur ce point, que leurs personnels obtiennent, enfin, un statut qu'ils réclament, ne l'oublions pas, depuis 1995.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez décidé de transformer les agences départementales d'insertion en établissements publics locaux. J'espère que nous n'aurons pas à le regretter. L'objectif de ce texte est de tourner le dos à l'assistance et, comme je l'ai indiqué à maintes reprises, je souhaite que les départements d'outre-mer puissent se développer et que nous mettions tout en oeuvre en ce sens. Cette logique est la bonne et je me battrai toujours pour la défendre parce que j'y crois profondément.
Vous avez demandé, monsieur le sénateur, qu'un geste soit fait. Il l'a été puisque les assemblées ont décidé que les ADI passeraient du statut d'établissements publics nationaux à celui d'établissements publics locaux. Il a également été décidé que leur mode de gestion soit assoupli et que le directeur de l'agence soit nommé par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil général.
Dans la mesure où 50 % environ des crédits qui alimentent les budgets de ces agences proviennent de l'Etat, le Gouvernement a souhaité que les directeurs qui seront placés sous l'autorité des co-présidents soient nommés par arrêté ministériel après avis des présidents de conseils généraux.
Si l'amendement n° 62 était adopté, le Gouvernement ne pourrait pas proposer des personnalités pour diriger ces établissements publics locaux. Le Gouvernement a bien évidemment conscience de l'importance de ne nommer à de tels postes que des personnes connaissant bien, comme vous l'avez dit, la situation et le contexte de l'outre-mer. Cette formule, qui a bien fonctionné par le passé et qui vise, après des propositions de part et d'autre, des discussions et finalement un accord, donc un avis du conseil général, avant la décision du Gouvernement, va dans le bon sens. Je souhaite que ni les présidents des conseils généraux ni le Gouvernement n'aient les mains liées.
Je ne puis donc être favorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 62.
M. Edmond Lauret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Dans un premier temps, l'Assemblée nationale, avec le soutien de M. Jean Le Garrec, rapporteur de la commission spéciale, avait accepté la proposition du Sénat prévoyant la nomination du directeur de l'ADI par arrêté conjoint du représentant de l'Etat dans le département et du président du conseil général.
Mais, lors d'une seconde délibération, le Gouvernement a fait adopter un amendement tendant à faire nommer le directeur de l'ADI par trois ministres, après avis du président du conseil général.
Une telle rédaction me paraît contraire à l'esprit même de la décentralisation et peu conforme au nouveau statut d'établissement public local de l'ADI. C'est pourquoi je voterai l'amendement n° 62.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9 ter , modifié.

(L'article 9 ter est adopté.)

Articles 9 quater et 9 quinquies