Séance du 27 octobre 1998







M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 299, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les organisateurs de festivals culturels subissent aujourd'hui d'importantes contraintes administratives lorsqu'ils souhaitent accueillir des troupes ou des orchestres étrangers en tournée en France.
Les producteurs établis hors de l'Union européenne, notamment dans des pays aux structures artistiques, sociales ou culturelles très différentes des nôtres, sont souvent dans l'incapacité de fournir toutes les pièces exigées en France des employeurs.
Dans ces conditions, l'inspection du travail, les ASSEDIC et les caisses de retraite se tournent vers l'organisateur du festival en France, qu'elles considèrent comme employeur de fait.
L'organisateur se trouve alors dans l'obligation d'effectuer les déclarations liées à l'embauche et à l'emploi sous contrat à durée déterminée des artistes étrangers et de verser l'ensemble des cotisations et contributions sociales à la place du producteur étranger.
Madame le ministre, ces contraintes sont totalement inadaptées aux moyens des communes et des associations qui font appel à des troupes ou à des orchestres étrangers pour une ou deux journées au maximum.
Je peux vous donner l'exemple du festival Berlioz, de la Côte-Saint-André, qui accueille régulièrement des orchestres venus d'Europe et, souvent, d'Asie centrale. Le simple fait de faire venir un orchestre d'une centaine de musiciens pour une journée nous oblige à consacrer plusieurs jours à l'établissement de contrats de travail et de fiches de paie individualisés et à la recherche de justificatifs souvent impossibles à obtenir dans le pays d'origine.
Il y a là une vraie contrainte pour les organisateurs de festivals et un véritable frein aux échanges culturels entre la France et certains pays qui frappent aujourd'hui aux portes de l'Europe.
Est-ce vraiment aux organisateurs français de festivals d'effectuer toutes les démarches exigées aujourd'hui ?
L'administration ne peut-elle trouver une solution pour régler elle-même le problème avec les pays concernés, surtout lorsque la France a signé avec eux des conventions ?
Dans le cas où il ne serait pas possible de faire autrement, ne pourrait-on au moins simplifier les démarches administratives ? Pourquoi ne pas envisager un formulaire unique en fonction du cachet versé à la troupe ou à l'orchestre étranger ?
Je vous remercie, madame le ministre, de bien vouloir répondre à ces deux séries de questions, qui concernent non seulement les neuf cents festivals organisés chaque année en France, mais aussi les nombreuses salles de spectacles qui accueillent des artistes étrangers.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je suis parfaitement consciente de la portée de vos questions. Aussi, je souhaite vous apporter les éléments de réponse suivants.
Les règles relatives à l'emploi en France des artistes et techniciens du spectacle qui restent salariés d'entrepreneurs de spectacles vivants établis à l'étranger sont fixées par les dispositions du droit du travail et du droit de la sécurité sociale.
Au regard du droit de travail, les obligations à respecter et les démarches à effectuer sont notamment fixées par les dispositions de l'article L. 341-5 et les règlements pris pour son application. Ces obligations ont été précisées dans une circulaire établie en 1996 par le ministère de l'emploi et de la solidarité.
Au regard de la sécurité sociale, les artistes et les techniciens affiliés dans un des trente-trois pays ayant signé avec la France une convention internationale de sécurité sociale sont dispensés de l'affiliation au régime français de sécurité sociale. Ils doivent bien entendu justifier du maintien de cette affiliation en produisant le formulaire spécifique à la convention disponible dans leurs caisses d'affiliation d'origine.
Par ailleurs, faisant suite à la mission d'intermédiation confiée à M. Pierre Cabanes en mars 1997, l'Etat s'est engagé à conduire certaines actions précises en vue de mieux encadrer le régime d'indemnisation des intermittents du spectacle.
Une de ces actions porte sur la création d'un « guichet unique » pour simplifier les obligations sociales des entrepreneurs occasionnels de spectacles vivants. A cet égard, une disposition législative a été adoptée ; c'est l'article 6 de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du 2 juillet 1998. C'est auprès d'un seul organisme habilité que ces employeurs occasionnels procéderont désormais aux déclarations obligatoires liées à l'embauche et à l'emploi de personnel sous contrats de travail à durée déterminée et au versement de l'ensemble des cotisations et contributions sociales.
A partir de la mise en oeuvre de cette mesure totalement novatrice et de l'évaluation de son efficacité, les pouvoirs publics pourront étendre éventuellement les procédures de simplification à l'ensemble des professionnels accueillant des artistes étrangers, voire étudier la possibilité de proposer le règlement de leurs obligations sous forme de forfait ainsi que vous le suggérez.
Pour sa part, le projet de loi portant réforme de l'ordonnance du 13 octobre 1945 qui a été adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture et qui doit revenir en débat prochainement devant la Haute Assemblée modernise une réglementation désuète de la profession d'entrepreneur de spectacle vivant. Ce projet prend en compte l'évolution des métiers et des pratiques contractuelles, mais il n'a ni pour objet ni pour effet de modifier la présomption de salariat établie par l'article L. 762-1 du code du travail.
Croyez bien que je n'ignore pourtant pas les préoccupations des organisateurs de festivals culturels de bonne foi et, en ce qui concerne mon secteur, je puis vous dire que j'ai donné des instructions à mes services pour qu'ils préparent avec ceux de Mme Aubry, dès que le texte sera voté, une circulaire d'application précisant les droits et obligations de chacun dans ce domaine, afin que toutes les parties prenantes - employeurs, diffuseurs, exploitants de lieux, salariés et administrations chargées des contrôles - soient clairement informées du droit applicable et afin d'éviter des situations d'iniquité manifeste.
Enfin, je souhaite vous rassurer sur un dernier point : dans le cadre de la réforme de l'ordonnance, chaque entrepreneur de spectacles vivants, exploitant de lieux, producteur et entrepreneur de tournées, diffuseur de spectacles intervenant dans la représentation publique du spectacle devra assumer ses responsabilités, notamment ses obligations salariales. Le projet de loi attribue sans ambiguïté la responsabilité d'employeur à l'égard du plateau artistique au producteur. La présomption de contrat de travail pèse en conséquence et en premier lieu sur cet entrepreneur, ce qui délimite restrictivement, a contrario, le rôle de premier plan des organisateurs de festivals ; la situation sera ainsi beaucoup plus claire.
A l'inverse, il est bien évident que la défaillance de l'entrepreneur peut entraîner la mise en cause des autres intervenants s'ils n'ont pas satisfait à leurs obligations, conformément, cette fois, à une jurisprudence constante de la Cour de cassation.
Voilà, monsieur le sénateur, le point où nous en sommes très exactement. La circulaire qui suivra le vote de la loi permettra de clarifier la situation et évitera certaines des difficultés qui sont rencontrées par les organisateurs de festivals.
M. Jean Boyer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame le ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse très constructive concernant le guichet unique.
S'agissant du projet de loi portant réforme de l'ordonnance de 1945, la disposition à laquelle vous avez fait particulièrement allusion à la fin de votre intervention ne s'applique pas au festival Berlioz, par exemple, car nous n'en sommes pas le producteur.
Dans ce cas précis, l'employeur est l'organisateur et supporte donc, par définition, tous les coûts, en raison de la défaillance des producteurs étrangers.
Très sincèrement, je pense que cette question devra être approfondie, en tenant compte de la diversité des situations. En tout cas, je vous sais gré d'avoir examiné ma question avec attention.

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