Séance du 4 novembre 1998






QUALIFICATION D'OFFICIER
DE POLICE JUDICIAIRE

Adoption définitive d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 532, 1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale, portant extension de la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la police nationale. [Rapport n° 42 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat de la République examine aujourd'hui une proposition de loi, adoptée le 30 juin 1998 par l'Assemblée nationale, portant extension de la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la police nationale.
M. Hyest, au nom de la commission des lois, a présenté, avec la clarté et la compétence que nous lui connaissons, la proposition de loi dans son rapport.
Je me bornerai donc à formuler quelques observations complémentaires.
Je rappellerai tout d'abord combien je suis attachée à une conception ambitieuse de la qualification d'officier de police judiciaire, au nom de l'efficacité de la justice et du respect des libertés individuelles.
M. Hubert Haenel. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cette proposition de loi est la conséquence directe de la réforme des corps et carrières de la police nationale intervenue en 1995.
Cette réforme, engagée par la loi du 21 juin 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, a débouché sur une nouvelle organisation de la police nationale et a conduit à une réduction substantielle du nombre des officiers de police judiciaire.
Or, la recherche des infractions et de leurs auteurs impose que les officiers de police judiciaire soient en nombre suffisant. En effet, ce sont eux qui conduisent les enquêtes, qui mènent les recherches, qui établissent les procédures et qui amènent devant les magistrats les suspects.
De la qualité de leur diligence dépend pour beaucoup la qualité de la justice pénale elle-même.
L'ouverture de la possibilité de devenir officier de police judiciaire aux corps de maîtrise et d'application de la police nationale est apparue susceptible de combler la diminution du nombre des officiers de police judiciaire induite par la réforme.
Je rappelle que ce corps de maîtrise et d'application comprend 17 000 fonctionnaires et qu'il est composé de brigadiers-majors, de brigadiers et de gardiens de la paix.
A l'heure actuelle, ces fonctionnaires sont agents de police judiciaire. A ce titre, ils « secondent dans l'exercice de leur fonction les officiers de police judiciaire », selon les termes mêmes de l'article 21 du code de procédure pénale.
Ils ne disposent pas des pouvoirs coercitifs dont sont dotés les officiers de police judiciaire : saisies, perquisitions et placements en garde à vue.
De tels pouvoirs ne peuvent être confiés à des fonctionnaires de police qu'en vertu de textes prévoyant des garanties effectives et incontestables en termes de formation et de contrôle. C'est l'objet même du texte qui est soumis à votre examen.
Ce texte prévoit trois garanties qui me paraissent essentielles.
En premier lieu, les fonctionnaires devront avoir effectué au moins trois années de service dans le corps de maîtrise et d'application. Ce délai doit leur permettre d'acquérir raisonnablement maturité personnelle et expérience professionnelle.
Cependant, cela est loin d'être suffisant, et la question de la formation est évidemment essentielle.
La deuxième garantie tient à la formation juridique et technique exhaustive et approfondie, supervisée par des magistrats, que devront avoir reçue les fonctionnaires.
Le bon niveau culturel de l'ensemble des gardiens de la paix - M. Hyest rappelle, dans son rapport, que, en 1997, près de 83 % des gardiens de la paix étaient titulaires du baccalauréat - ne peut cependant dispenser de l'obligation de suivre un cycle de formation approfondi.
Pour répondre à cette obligation, il a ainsi été prévu, d'une part, un cycle accéléré sur un an comprenant vingt-huit jours de stage pour les fonctionnaires qui seront titulaires d'un DEUG en droit et, d'autre part, un stage se déroulant sur deux ans et comprenant cinquante-cinq jours de formation pour les autres fonctionnaires.
Cette formation sera sanctionnée par un examen devant la commission qui donne d'ores et déjà son avis sur l'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire aux commissaires de police et aux fonctionnaires du corps de commandement et d'encadrement.
Présidée par le procureur général de la Cour de cassation, cette commission est composée paritairement de magistrats et de hauts fonctionnaires de police.
Elle ne déclarera admis que les candidats ayant démontré qu'ils possédaient des connaissances juridiques et des qualités professionnelles et personnelles nécessaires à l'exercice des fonctions d'officier de police judiciaire.
Dans la pratique actuelle, la commission, nous le savons, est exigeante, voire sévère, ce dont nous devons, à mon avis, nous féliciter. Cette exigence constitue, en effet, la garantie que les officiers de police judiciaire qu'elle accepte sont des officiers de police judiciaire de qualité, et c'est ce que nous voulons.
La troisième garantie concerne l'affectation des personnels. Il s'agit là d'un point majeur.
Le texte prévoit que les fonctionnaires ayant réussi l'examen devront, pour être habilités à exercer les fonctions d'officier de police judiciaire, être affectés dans l'un des services visés par l'article 15-1 du code de procédure pénale. Ce sont des services qui ont à titre principal une mission de police judiciaire.
Il me paraît en effet essentiel que les officiers de police judiciaire soient affectés exclusivement dans ces services ou dans des unités de police judiciaire dépendant de ces services.
Certes, la présence de policiers sur la voie publique, dans les banlieues, dans les quartiers sensibles, de tous ces fonctionnaires qui représentent la police de proximité est essentielle pour la sûreté de nos concitoyens ; ces fonctionnaires remplissent des missions de sécurité et participent au maintien de la paix publique.
Mais il ne peut y avoir de confusion entre les missions de ces policiers et celles des officiers de police judiciaire. Ceux-ci doivent diligenter des enquêtes à la suite des plaintes de nos concitoyens et appréhender les malfaiteurs.
La justice a besoin de ces officiers de police judiciaire qui oeuvrent chaque jour sur le terrain au contact des plaignants. Par leur travail quotidien et leur excellente connaissance d'un quartier ou d'une circonscription, patiemment et méthodiquement, ils parviennent un jour à révéler un petit trafic de stupéfiants, un autre jour à interpeller un auteur de petits vols multiples, un autre jour encore à résoudre des affaires de violences entre voisins.
Il s'agit là d'une police judiciaire au quotidien, qui mérite d'être maintenue et de conserver sa spécificité. Elle se situe entre la police judiciaire chargée de la lutte contre la grande criminalité et la police chargée de la sécurité.
Cette place spécifique et privilégiée doit être préservée, car la justice et nos concitoyens méritent d'avoir une police judiciaire de qualité au quotidien.
Je le répète, de la qualité des officiers de police judiciaire dépendent la qualité des enquêtes et l'efficacité de la justice.
C'est pourquoi je souhaite que toutes les garanties soient prises afin que les fonctionnaires destinés à bénéficier de la qualité d'officier de police judiciaire exercent leurs fonctions dans des services où s'effectuent régulièrement des missions de police judiciaire.
Je rappelle que les pouvoirs exorbitants dont un officier de police judiciaire dispose - pouvoirs de contrainte sur les hommes et sur les biens - doivent être mis au service exclusif de la justice.
Ces pouvoirs sont exercés « sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre d'accusation », comme le prévoient les articles 12, 13 et 41 du code de procédure pénale. Ces garanties judiciaires sont indispensables, compte tenu des atteintes portées aux libertés individuelles par les nécessités de l'enquête judiciaire, et je souhaite d'ailleurs les renforcer.
Le projet de loi visant à préciser les rapports entre la Chancellerie et les parquets, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, prévoit expressément les dispositions renforçant le contrôle de la justice sur la police judiciaire : ainsi, les décisions de suspension de l'exercice des fonctions d'officier de police judiciaire prises par la chambre d'accusation de la cour d'appel seront exécutoires en dépit de l'exercice des voies de recours.
Permettez-moi de vous livrer un dernier mot avant de conclure.
Un amendement déposé par M. Charasse tend à conférer certaines missions de police judiciaire à des agents des douanes, sans pour autant leur attribuer la qualité d'officier de police judiciaire.
Le Gouvernement connaît bien ce texte, auquel M. Charasse s'intéresse depuis longtemps, et il est en parfait accord sur le fond avec l'auteur de l'amendement. Fondamentalement, la participation de la douane à certaines missions particulières de police judiciaire est, à mon avis, nécessaire. Cela permettrait notamment d'améliorer le traitement des procédures relatives aux fraudes communautaires, qui grèvent lourdement le budget de l'Union européenne. Je pense, en particulier, à la contrefaçon ou aux grandes fraudes alimentaires. Vous connaissez l'extrême vigilance de la Commission et du Parlement européens sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs.
Aussi, sous de strictes conditions procédurales, la douane pourrait, en tant qu'administration économique, apporter des compétences nouvelles utiles à l'autorité judiciaire.
Toutefois, il me semble que ce texte doit faire l'objet d'un débat et qu'il doit être examiné au fond par votre commission des lois.
L'adoption de cet amendement pourrait par ailleurs retarder la promulgation de la présente proposition de loi, alors que celle-ci revêt un caractère de particulière urgence, compte tenu des besoins en officiers de police judiciaire actuellement rencontrés.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'adoption du présent amendement dans le cadre du projet dont nous débattons aujourd'hui, tout en y étant, je l'ai indiqué, favorable sur le fond.
M. Jean Chérioux. Subtile distinction !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Je m'engage, par conséquent, à ce que soit examiné cet important sujet dans les plus brefs délais. Le projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale offrira le cadre de cet examen et vous permettra ainsi de débattre de ce texte.
Le Gouvernement remercie en toute hypothèse M. Charasse pour la constance de son intérêt pour ce dossier (Exclamations ironiques sur les travées du RPR et de l'Union centriste.),...
M. Alain Gournac. Chouchou ! (Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... qu'il a permis de faire progresser depuis le dépôt de son premier amendement sur ce thème, en novembre 1992.
En conclusion, je souhaite que cette proposition de loi, d'ores et déjà adoptée par l'Assemblée nationale, recueille l'approbation de votre Haute Assemblée et je remercie votre rapporteur et votre commission d'avoir conclu à l'adoption conforme du texte transmis par l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame le garde de sceaux,...
M. Alain Gournac. La gardienne des sceaux ! C'est féminin ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... vous venez d'exposer parfaitement l'économie de ce texte, ce qui me permettra de limiter mon propos. Cela étant, vous avez commis un lapsus à un moment en parlant de projet de loi...
M. Hubert Haenel. C'était à l'origine un projet de loi !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... alors qu'il s'agit d'une proposition de loi, même si c'est presque un « quasi-projet de loi ».
Notre collègue M. Loridant a déposé sur ce sujet une proposition de loi identique au mois de juin, mais nous avions alors estimé - M. Dreyfus-Schmidt doit s'en souvenir ! - que nous ne pouvions l'examiner en urgence. Ensuite, l'Assemblée nationale a adopté, en juillet dernier, une proposition de loi similaire de M. François Huwart.
La proposition qui nous est soumise revêt un caractère d'urgence, dans la mesure où, en raison de la réforme des structures de la police nationale et de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, les commissaires de police verront leurs effectifs diminuer de 600, tandis que les fonctionnaires appartenant au corps de commandement et d'encadrement verront les leurs réduits de 5 500.
On compte actuellement, dans la police nationale, 18 000 officiers de police judiciaire, et c'est, bien entendu, la conjugaison de ces deux facteurs qui a conduit le Gouvernement à souhaiter un accroissement du nombre des officiers de police judiciaire d'environ 8 000. Il fallait donc trouver une solution et augmenter, dans la police nationale, le nombre de personnes susceptibles d'exercer cette fonction.
Nous savons aussi que, bien souvent, notamment dans les services chargés de la sécurité publique, on ne trouve aucun officier de police judiciaire disponible, contrairement à ce qui se passe dans les brigades de gendarmerie, où il y a au moins un, et bien souvent deux officiers en permanence.
Pour toutes ces raisons, il est proposé d'étendre la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application.
Compte tenu des pouvoirs importants exercés par les officiers de police judiciaire, il est bien évident qu'il faut prendre toutes les garanties pour que l'on n'abaisse pas le niveau des intéressés, mais aussi bien le texte de la proposition de loi que le travail de l'Assemblée nationale me paraissent contribuer à accorder toutes les garanties à cet égard.
Vous l'avez dit, madame le garde des sceaux, le niveau de recrutement des gardiens et des gradés, même s'il n'y a pas, en l'occurrence, exigence de diplôme, a augmenté : 83 % sont titulaires du baccalauréat et 8 % des admis possédaient en 1997 un diplôme supérieur ou égal à la licence.
Cela étant, il n'y a pas non plus exigence de diplôme pour les gendarmes, bien qu'ils puissent acquérir la qualité d'officier de police judiciaire après trois ans de service.
M. Michel Charasse. Il y a une formation obligatoire et un examen interne !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous allons y venir !
Il faut en effet assurer une formation...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Accélérée !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... de cinquante-cinq jours sur deux années avant d'acquérir cette fonction, et ce après trois années de service effectif. Par ailleurs, pour les titulaires d'un DEUG de sciences juridiques et pour les ex-enquêteurs, une formation de vingt-huit jours suffit avant de passer l'examen technique d'aptitude, qui demeure nécessaire comme pour les gendarmes.
Aux termes de la présente proposition de loi, « une commission » accordera la qualité d'officier de police judiciaire. L'Assemblée nationale a, à juste titre, prévu que cette commission serait la même que celle qui est compétente pour donner un avis sur l'accès à la qualification d'officier de police judiciaire des commissaires de police, et qu'elle serait donc présidée par le procureur général près la Cour de cassation ou son délégué, et composée paritairement, vous l'avez dit, de sept magistrats et de sept représentants de la police nationale. Cela me paraît une bonne mesure, parce que prévoir simplement « une commission » était trop vague.
De surcroît, une seconde garantie est apportée par une habilitation personnelle du procureur général près la cour d'appel.
Enfin - c'est peut-être le point le plus délicat parce que cela dépend largement du pouvoir réglementaire - ces officiers de police judiciaire ne pourront être affectés que dans certains services appartenant à une catégorie déterminée par arrêté ministériel.
Il me semble tout à fait normal que la direction centrale de la police judiciaire, la direction de la surveillance du territoire, la sous-direction chargée des courses et des jeux au sein de la direction centrale des renseignements généraux - mais aussi le détachement de la police nationale auprès de la direction nationale des enquêtes douanières : on retrouve là le sujet favori de M. Charasse - soient notamment concernées.
M. Hubert Haenel. Il y en a d'autres !
M. Pierre Fauchon. Et M. Charasse a d'autres sujets favoris !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est son sujet favori pour l'heure et dans cadre de notre débat, même si, bien entendu, M. Charasse a une grande richesse de sujets favoris,...
M. Jean Chérioux. Inégalée ! Et ils sont marqués par le bon sens !
M. Pierre Fauchon. Et l'expérience !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... que tout le monde admire, au demeurant.
M. Michel Charasse. En ce temps de Pacs, ne parlez pas trop de favoris ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas trop de favoris en cette période de PACS, vous avez raison de le dire. (Nouveaux sourires.)
Cela dit, madame le garde des sceaux, je m'interroge : il est évident que les problèmes se posent davantage dans les services de sécurité publique, et j'entends bien qu'il ne faut pas donner la qualité d'officier judiciaire à un trop grand nombre de fonctionnaires qui ne seraient pas encadrés, notamment par les parquets, sous l'autorité desquels ils exerceront leurs fonctions. A cet égard, vous avez eu raison de nous donner la primeur des dispositions que vous prévoyez d'inclure dans un projet de loi que nous aurons à examiner prochainement.
Affirmer qu'une police de proximité est nécessaire, cela suppose aussi l'affectation des fonctionnaires concernés non dans des services spécialisés, mais dans un certain nombre de services de sécurité publique et dans les brigades de gendarmerie, afin d'assurer les missions de police judiciaire qui sont la mission première de toute police.
Pour tous ces motifs, en raison des garanties qui nous sont apportées en matière de formation, parce que l'autorité judiciaire exercera un contrôle sur les OPJ et compte tenu de l'urgence à laquelle nous devons faire face, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter conforme la proposition de loi que nous a transmise l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Haenel. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Charles Pasqua. Il vaut mieux applaudir avant, c'est plus sûr ! (Sourires.)
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise a pour objectif de permettre aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale d'accéder à la qualité d'officier de police judiciaire.
On peut faire de ce texte une double lecture.
La première est de constater, à partir d'une approche anodine et technique, que cette proposition de loi reprend l'essentiel de l'article 13 du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la justice qui avait été déposé par l'ancien ministre de la justice, M. Jacques Toubon.
Mais ce texte tire également les conclusions de la qualité grandissante du recrutement dans le corps de maîtrise et d'application de la police nationale et constitue le prolongement de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995.
Le corps des commissaires de police va voir, dans les prochaines années, ses effectifs baisser de 2 200 à 1 700, et le corps des officiers, lieutenants, capitaines et commandants de police va perdre environ 5 000 fonctionnaires. Pour que ce mouvement ne se traduise pas par une dégradation de l'activité de police judiciaire, il convient donc de permettre à des fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application d'accéder à la qualité d'officier de police judiciaire.
On nous a dit que la réforme participait au renforcement de la police de proximité, que les nouveaux officiers de police judiciaire seraient affectés en priorité à la police de proximité, c'est-à-dire aux unités de voie publique qui sont chargées de l'ensemble des affaires judiciaires ne nécessitant pas d'investigations complexes. On nous a dit aussi - et c'est en partie vrai - que la police de proximité disposerait de plus de personnels aptes à lutter contre la petite délinquance. Le fait que les officiers de police judiciaire disposent de pouvoirs de coercition permettra, dans chaque quartier, plus d'efficacité contre cette délinquance et plus de rapidité dans le traitement des affaires, les phases policières et judiciaires étant mieux articulées.
Récemment, l'ancien directeur général de la police nationale, M. Guéant, me disait : « Monsieur Haenel, vous devriez être content, on va un peu plus judiciariser la police. » Tout cela est vrai !
On nous a dit aussi que cette réforme apporterait toutes garanties quant à l'habilitation, ce qui est moins sûr, et j'y reviendrai. Ce texte modifie en effet l'article 16 du code de procédure pénale pour ouvrir aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale l'accès à la qualification d'officier de police judiciaire.
Voilà pour la forme et pour l'apparence. Nous serons, dans ces conditions, conduits, nécessité oblige, à un vote conforme de cette proposition de loi, qui ne fait que reprendre une partie d'un projet de loi déposé par le précédent gouvernement.
Convenons tout de même qu'il est toujours regrettable, même si l'on est obligé d'agir vite, de légiférer dans l'urgence, sous la pression de la nécessité, surtout s'agissant de textes qui touchent à la liberté individuelle, à la justice et aux droits de l'homme.
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. Hubert Haenel. Ce texte d'apparence anodine et purement technique appelle plusieurs observations.
L'élargissement de la liste des personnes susceptibles d'acquérir la qualification d'officier de police judiciaire constitue la quatrième modification en la matière depuis 1994. Il me semble toutefois que réformer au coup par coup, pour faire face à chaud aux contraintes liées à la réforme des corps et carrières de la police nationale organisée par la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 n'est pas nécessairement la bonne voie dans un domaine qui touche expressément à la liberté individuelle.
Rappelons tout de même, pour remettre en perspective cette réforme aux apparences purement techniques, ce qu'est un officier de police judiciaire et quels sont ses pouvoirs.
Comme l'a souligné dans son rapport notre excellent collègue M. Hyest, la qualité d'officier de police judiciaire permet aux personnes auxquelles elle est conférée d'exercer un nombre important de prérogatives.
Selon l'article 14 du code de procédure pénale, la police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale, de rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs.
Mais il faut toujours se rappeler que les officiers de police judiciaire ont des pouvoirs « exorbitants », notamment celui, qui leur est propre, de placer en garde à vue. Or, j'y reviendrai tout à l'heure, chaque année, 320 000 décisions de garde à vue sont prises. Ce n'est donc pas un pouvoir négligeable.
A cela s'ajoute le pouvoir de perquisitionner, de mener une enquête, et l'on sait combien une enquête mal commencée peut aboutir parfois à des classements sans suite - je l'ai dit récemment dans un rapport fait au nom de la commission des finances - ou à des erreurs, voire à des erreurs judiciaires.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A la garde à vue !
M. Hubert Haenel. Je vais y revenir, mon cher collègue.
Les officiers de police judiciaire détiennent donc un pouvoir exorbitant du droit commun, notamment par rapport à leurs autres collègues, fonctionnaires de police ou militaires de la gendarmerie, qui sont simplement agents de police judiciaire. Ce pouvoir, ils le détiennent parce qu'ils ont été habilités nommément - on vient de le dire - par le procureur général.
Cela signifie que les officiers de police judiciaire sont non pas de simples auxiliaires de justice, mais, disons, des délégataires des mandataires de justice. Ils participent non seulement au travail de la justice mais à l'oeuvre de justice proprement dite.
Ce point mérite qu'on s'y arrête un instant. Les OPJ sont donc placés sous la direction du procureur de la République ou, le cas échéant, du juge d'instruction, quand une instruction est ouverte.
A cet égard, ne nous voilons pas la face : nous souffrons des interprétations données à ces textes pour leur application selon que l'on se situe place Beauvau ou place Vendôme !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. Hubert Haenel. N'ayons pas peur de le dire ; en tant que parlementaires, nous sommes libres de nos propos.
Les OPJ sont donc plus que de simples auxiliaires de justice, je l'ai dit. De par leurs pouvoirs coercitifs pouvant porter atteinte à certains droits fondamentaux, ils sont des mandataires de justice.
Ils peuvent - j'y arrive, monsieur Dreyfus-Schmidt - placer en garde à vue. Je le répète, on compte 320 000 décisions de garde à vue par an, dont 60 000 de plus de vingt-quatre heures, autorisées, c'est vrai, par le procureur de la République. Le placement en garde à vue est une mesure grave en ce qu'il porte atteinte à la liberté individuelle. Il est dommage que la réforme de 1995 ait en quelque sorte banalisé le statut d'OPJ. Tout à l'heure, notre collègue M. Fauchon disait : « On descend encore d'un cran. »
M. Pierre Fauchon. Je l'ai dit in petto , cela ne compte pas !
M. Hubert Haenel. Mais vous savez l'importance que moi-même, nos collègues de la commission des lois et l'ensemble des sénateurs attacherons à vos propos, mon cher collègue !
M. Henri de Raincourt. Avec raison !
M. Charles Pasqua. Ne perdons pas le fil du raisonnement ! (Sourires.)
M. Hubert Haenel. La conjugaison avec la réforme des corps de police va conduire à un déficit de l'ordre de 8 000 officiers de police. Cela mérite qu'on s'y arrête.
Ce n'est pas une raison pour rejeter purement et simplement les propositions qui nous sont faites dans ce petit texte qui ne compte qu'un article. Mais il faut savoir qu'une augmentation d'effectifs équivalente n'est possible qu'en élargissant la liste des personnes susceptibles d'accéder à la qualité d'officier de police judiciaire.
La police nationale manque d'OPJ pour assurer ce que l'on appelle les « quarts » dans les commissariats parce qu'on a diminué le nombre des commissaires de police - mais cela, il fallait le voir avant ! - de 600 unités et celui des fonctionnaires appartenant au corps de commandement et d'encadrement de 5 500. La seule solution consiste donc à descendre dans l'échelle hiérarchique.
Ce texte peut avoir les apparences d'un texte de circonstance.
Il aurait sans doute mieux valu - on n'y arrivera sans doute jamais, mais je le redis tout de même - remettre à plat le statut des OPJ, compte tenu des réalités et des exigences nouvelles de la délinquance actuelle. On y aurait vu plus clair.
Il aurait sans doute mieux valu aborder le sujet tabou s'il en est - nous le ferons tout à l'heure grâce à M. Charasse - du statut des fonctionnaires des douanes, statut qui, s'il était soumis aujourd'hui au Conseil constitutionnel, serait anticonstitutionnel, j'en mettrais ma tête à couper. (Non ! sur de nombreuses travées.)
M. le président. Ne prenez pas ce risque, mon cher collègue !
M. Henri de Raincourt. Cela n'en vaut pas la peine !
M. Marcel Charmant. La guillotine a été supprimée !
M. Hubert Haenel. M. Charasse va en effet essayer une nouvelle fois de relancer le sujet.
Madame le garde des sceaux, vous vous êtes engagée, je crois, à aborder ce problème le plus rapidement possible. Nous n'y échapperons pas, et il me paraît souhaitable que tel soit le cas, à l'occasion de la discussion d'autres textes, dans le délai d'un an.
Compte tenu de ce que je viens de dire, le problème des OPJ aurait également pu être abordé à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la présomption d'innocence puisqu'il y sera notamment question de la garde à vue.
En effet, l'un des pouvoirs les plus lourds de conséquences confiés aux OPJ est bien celui de placer en garde à vue. Votre texte, madame le garde des sceaux, prévoit d'ailleurs l'intervention de l'avocat dès la première heure de garde à vue. Cela prouve que les magistrats sont dans l'incapacité, faute de moyens, et parfois parce qu'ils sont las, de contrôler réellement la garde à vue.
Pour illustrer ce que je dis, j'ai interrogé récemment quelques procureurs généraux et procureurs - j'ai d'ailleurs posé une question écrite à ce sujet au ministre de l'intérieur et à vous-même, madame le garde des sceaux. Je leur ai demandé s'ils avaient un registre recensant les locaux de garde à vue de leur ressort. La réponse a été négative.
De même, il n'y a pas de document dans les parquets recensant le nombre de contrôles effectués par les procureurs et leurs substituts. Vous me direz qu'il y a un registre de garde à vue ; mais ce registre est interne aux services de police et de gendarmerie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a quasiment pas de contrôle !
M. Hubert Haenel. A cela s'ajoute le risque de voir de plus en plus d'avocats - il n'est qu'à voir la jurisprudence - arguer devant le tribunal correctionnel que la garde à vue n'était pas nécessaire à l'enquête, en vertu de l'article 63 du code de procédure pénale. Tel a été récemment le cas à Strasbourg.
On verra ce que décidera la chambre des appels correctionnels. Pour l'instant, on a la chance que la Cour de cassation « verrouille » ; elle ne veut pas trop mettre son nez dans ces affaires. Mais, tôt ou tard, ce verrou-là sautera.
S'agissant du contrôle, l'article 19 de la loi du 4 janvier 1993 sur la procédure pénale prévoyait que la notation des officiers de police judiciaire effectuée par les procureurs généraux était prise en compte pour leur avancement. L'application de cet article nécessitait un décret d'application ; celui-ci n'est toujours pas paru.
Je me suis renseigné. On m'a indiqué, pas plus tard que ce matin, qu'après plus de cinq ans de bras de fer entre la place Beauvau et la place Vendôme, toutes tendances politiques confondues, on allait enfin parvenir à élaborer un décret. Le texte serait actuellement soumis à l'arbitrage du Premier ministre et devrait donc être publié prochainement.
Madame legarde des sceaux, si vous n'y veillez pas, tout un volet du contrôle prévu par le texte sera sans effet. Imaginez-vous : 8 000 OPJ nouveaux en quelques années, il va falloir faire avec ! Il n'est pas sûr que nous ne soyons pas prochainement saisis d'un texte visant à créer une sous-commission de la commission chargée de donner une qualification aux officiers de police judiciaire !
Vous avez fait état également de la nécessité de mettre en place une police de proximité de plein exercice. Nous ne pouvons qu'approuver cet objectif. La mise en place de services dits de « quart » dans les circonscriptions de sécurité publique est absolument nécessaire.
Les auteurs de la proposition de loi indiquent que ces nouvelles orientations seront fortement « consommatrices » de police judiciaire. La réforme qui nous est proposée règle, il est vrai, un problème urgent, celui du déficit en OPJ, pour à la fois aider le ministre de l'intérieur à gérer sa réforme statutaire du corps de la police nationale et répondre à la nécessité de disposer de plus d'OPJ sur la voie publique. Cette proposition de loi n'est cependant pas mise en perspective avec toutes les attentes et les préoccupations du moment.
Enfin, il ne me semble pas qu'il ait été répondu de façon satisfaisante à deux questions posées par M. Caresche, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui prétend qu'en fait les gendarmes et les policiers ne seront pas traités de la même manière et qu'on envisage même un gommage. Nous aimerions bien savoir de quel gommage il s'agit. N'y a-t-il pas lieu, tout de même, de considérer les spécificités, les us et coutumes des uns et des autres, notamment une hiérarchie plus forte dans la gendarmerie que dans la police nationale ? Cela aussi, c'est une réalité !
Par ailleurs, la rédaction proposée ne précise pas suffisamment quelle commission sera compétente s'agissant des OPJ recrutés au sein du corps de maîtrise et d'application.
Avons-nous, madame le ministre, toute garantie que les candidatures des OPJ de toute origine seront examinées dans des conditions offrant les mêmes garanties qu'actuellement ?
Pour conclure, j'espère recevoir de votre part, madame le ministre, les réponses aux questions de fond très précises que je me suis permis de poser. Je souhaite que vous réussissiez à apaiser mes craintes, celles de certains collègues ici présents, mais aussi celles qui ont été exprimées à l'Assemblée nationale, notamment par Mme Tasca et par M. Mermaz.
En tout cas, je le répète, il est sans doute regrettable que l'on se précipite pour voter ce texte isolé de son contexte, sans que le débat de fond sur les pouvoirs des OPJ, leur direction, leur contrôle et sur la garde à vue ait été esquissé à l'occasion de l'examen du texte sur le statut du Parquet et de celui qui concerne la présomption d'innocence. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, après l'emploi, la sécurité est l'une des préoccupations essentielles de nos concitoyens. Ce droit à la sécurité, fondamental pour l'exercice des libertés individuelles, est reconnu dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mais nous le savons tous en tant qu'élus locaux, il est trop souvent bafoué.
La progression ininterrompue de la violence depuis de nombreuses années est d'autant plus inacceptable qu'elle frappe les plus démunis de nos concitoyens. C'est en effet dans les banlieues, où la crise a causé d'énormes dégâts sociaux et humains, que les faits délictueux sont les plus importants. Les conséquences humaines n'en sont que plus lourdes.
Lors du colloque de Villepinte, le Gouvernement, par la bouche de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a exprimé sa volonté de refaire de nos cités des villes sûres pour des citoyens libres.
En tant que parlementaire et maire d'une commune de banlieue, je ne peux que soutenir le Gouvernement sur cette orientation.
Les citoyens ne peuvent exercer pleinement leurs libertés sans sécurité des biens et des personnes. Nous avons besoin d'une police de proximité mais également d'une police efficace pour traiter complètement la petite délinquance.
La politique volontariste du Gouvernement suppose un resserrement de la coordination entre les phases policière et judiciaire de l'action publique pour assurer un meilleur traitement en temps réel des procédures judiciaires.
Tel est précisément l'objet de cette proposition de loi.
Cette politique nécessite un renforcement des moyens en officiers de police judiciaire de la police nationale pour faire face à l'évolution de la nature et du niveau de la délinquance juvénile observée dans les quartiers les plus sensibles, qui sont aussi, hélas ! les plus défavorisés.
Or, ces besoins nouveaux se cumulent avec le déficit en officiers de police judiciaire résultant de la réforme des corps et carrières organisée dans la loi de programmation de la sécurité du 21 janvier 1995.
D'ores et déjà, en application de cette loi, le maintien à niveau du service public de l'activité judiciaire accuse un déficit de 1 600 OPJ. Il en résulte des dysfonctionnements dans les petites circonscriptions de sécurité publique, où le délai d'instruction des plaintes, voire leur simple enregistrement, se prolonge sensiblement.
A terme - d'autres l'ont dit avant moi - cette réforme conduit à une réduction importante du nombre de commissaires de police, qui doit passer de 2 200 à 1 600 à l'horizon 2006, et d'officiers qui passera, dans le même temps, de 18 000 à 12 500.
Au total, les effectifs nécessaires à la réalisation d'une police de proximité efficace dans les commissariats de sécurité publique, conjugués à la déflation programmée d'officiers de police judiciaire par la loi précitée, conduisent à prévoir la formation de 8 000 nouveaux OPJ sur une période de huit ans.
Cette proposition de loi, nous la soutenons, car elle permettra le fonctionnement des services de police et la revalorisation des missions du corps de maîtrise et d'application. Nous y sommes d'ailleurs d'autant plus favorables que j'avais déposé, avec certains de mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, une version quasi identique de cette proposition de loi.
Hélas, certains membres de la commission des lois n'ont pas souhaité qu'elle soit examinée et ont ainsi permis à l'Assemblée nationale de prendre l'initiative de présenter cette proposition de loi.
De sérieuses garanties sont prévues en matière d'ancienneté requise, de formation et d'encadrement pour conserver à ces missions leur caractère spécifique sous le contrôle de l'autorité judiciaire.
En effet, la proposition de loi prévoit une période de trois années de service. Sur ce point, madame le garde des sceaux, nous vous proposerons un amendement visant à permettre l'accès à la qualification d'OPJ uniquement aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application justifiant de trois années de service effectif en qualité de titulaire.
Par ailleurs, ne pourront être habilités à exercer la qualité d'OPJ que les fonctionnaires de police affectés dans l'un des services visés par l'article 15-1 du code de procédure pénale ; vous l'avez rappelé tout à l'heure, madame le garde des sceaux.
La proposition de loi prévoit encore que la qualité d'OPJ ne sera obtenue qu'à l'issue d'un stage de formation juridique d'une année ; le groupe communiste républicain et citoyen est très attaché à cette disposition.
Enfin, ce stage sera sanctionné par un examen devant une commission présidée par le procureur général.
Cette proposition de loi fait suite à des mesures fortes du Gouvernement comme le recrutement de près de 25 000 adjoints de sécurité. Elle atteste de sa détermination pour que la sécurité soit un droit reconnu pour tous nos concitoyens.
C'est pourquoi nous la soutiendrons tout en réaffirmant avec force qu'elle doit s'accompagner de moyens humains et matériels supplémentaires, ainsi que vous l'avez indiqué, madame le garde des sceaux, mais aussi de moyens de formation et, sur ce point, je ne peux qu'approuver les propos des orateurs précédents. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il s'agit là d'un problème délicat, mais que nous connaissons bien puisque c'est la quatrième fois depuis 1994 - c'est indiqué, d'ailleurs, dans le rapport de la commission - que nous l'étudions.
S'il n'y a plus assez d'officiers de police judiciaire, c'est, paraît-il - je le crois volontiers - parce qu'il n'y a plus assez de commissaires. Il suffirait évidemment de nommer plus de commissaires, ce qui - il est vrai - coûterait plus cher que d'étendre la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la police nationale.
Certes, notre ami Paul Loridant avait déposé une proposition de loi, qui a été inscrite aussitôt, d'ailleurs, à notre ordre du jour par le Gouvernement, et que notre commission des lois a examinée alors que son président et plusieurs de nos collègues rentraient à peine d'un déplacement en Nouvelle-Calédonie. Elle a estimé alors que ce texte méritait une plus grande réflexion et ce, à juste titre, puisque M. Loridant vient de rappeler que seuls les fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application et les fonctionnaires de police affectés à un service spécifique pourraient être habilités à exercer en qualité d'officiers de police judiciaire, ce qui - je me permets de le lui faire remarquer très amicalement - n'était pas prévu par sa proposition de loi. Le temps de la réflexion a donc été bénéfique.
J'attire toutefois l'attention du Sénat sur ce point : on nous explique que, pour être officier de police judiciaire, il faut et il suffit d'avoir une formation, d'être agréé par une commission et d'être nommé par le procureur général. Dans ces conditions, pourquoi prendre en considération une ancienneté dans le service qui varie d'année en année ?
En 1994, il avait été décidé que l'ancienneté requise pour qu'un gendarme puisse être nommé officier de police judiciaire passerait de cinq à quatre ans. En 1996, ce délai avait été ramené à trois ans. Je parle sous le contrôle de M. le rapporteur. Entre temps, en 1995, il avait été décidé qu'aucune ancienneté ne serait requise pour le corps de commandement et d'encadrement.
Aujourd'hui, notre collègue M. Loridant propose, comme il le faisait dans sa proposition de loi, qu'un gardien de la paix ne puisse devenir officier de police judiciaire qu'après avoir exercé ses fonctions pendant trois ans en qualité de titulaire, soit quatre années de service au total.
La commission des lois a estimé qu'il n'y avait pas de raison de faire une différence entre les gendarmes et les policiers. Elle a donc prévu un délai total de trois ans.
On ne manquera pas de nous proposer, année après année, une ancienneté de deux ans, puis d'un an, puis de six mois - après tout pourquoi pas dès lors que les intéressés sont formés, agréés, puis nommés par le procureur général ? - et ce, aussi bien pour les gendarmes, les gardiens de la paix et les douaniers car il n'y a pas de raison qu'ils ne soient pas, eux aussi, OPJ. A ce rythme - trois diminution de délais pour trois catégories - le Parlement, qui a mieux à faire, aurait à débattre pendant neuf ans d'une proposition de loi analogue à celle qui nous est soumise aujourd'hui.
Je suggère donc à la commission et au Gouvernement de prévoir qu'il n'est pas besoin de prendre leur ancienneté en considération dès lors que les personnes concernées ont une formation, qu'elles sont agréées par la commission ad hoc et qu'elles sont nommées par le procureur général. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Les observations de M. Haenel, comme toujours, sont fort pertinentes. Ses interrogations quant à la protection des libertés individuelles, je me les suis moi-même posées lorsque j'ai examiné, avec mon collègue ministre de l'intérieur, ce texte.
Je voudrais lui répondre que l'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire aux gardiens de la paix ayant réussi à l'examen, puis étant habilités par le procureur général doit aller de pair avec l'intervention de l'avocat dès la première heure de la garde à vue. Cette garantie est essentielle pour les citoyens ; elle est prévue, vous l'avez rappelé, dans le projet de loi relatif à la présomption d'innocence dont l'Assemblée nationale sera saisie le mois prochain.
Quant au décret relatif à la notation des officiers de police judiciaire, il est actuellement soumis à la signature du Premier ministre ; sa parution et donc sa mise en application sont imminentes.
Enfin, la commission habilitée pour émettre un avis conforme sur l'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire sera la même pour les policiers appartenant au corps de maîtrise et d'application que celle qui est compétente pour les commissaires de police et pour les fonctionnaires du corps de commandement et d'encadrement, et ce aux termes du texte adopté par l'Assemblée nationale, approuvé par votre commission des lois.
S'agissant de M. Loridant, je comprends ses observations. Nous poursuivons les mêmes objectifs, mais les modalités qui figurent dans la proposition de loi me paraissent mieux adaptées que celles qu'il propose. J'y reviendrai lors de la discussion de son amendement.
Enfin, je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que j'ai dit dans mon exposé liminaire concernant l'amendement de M. Charasse ; mais nous y reviendrons lors de son examen.
Je comprends bien - M. Dreyfus-Schdmit s'en est fait l'écho - qu'en ces matières il faille être très vigilant quant à la qualité et au contrôle. En effet, nous touchons aux libertés individuelles et il ne faut pas que, de proche en proche, nous finissions par être moins vigilants et moins regardants sur les garanties qui sont apportées aux citoyens.
Croyez bien que je me suis posé ces questions, mais je pense qu'avec les garanties qui sont incluses dans cette proposition de loi - M. le rapporteur a bien voulu les relever - nous avons les assurances nécessaires.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique et de l'amendement tendant à insérer un article additionnel.

Article unique