Séance du 4 novembre 1998







M. le président. Par amendement n° 46, M. Dejoie propose d'insérer, après l'article 16, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 2061 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 2061. - La clause compromissoire est nulle dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, et dans les contrats de travail. »
La parole est à M. Dejoie.
M. Luc Dejoie. Il s'agit d'un amendement personnel que j'ai la faiblesse de considérer comme important.
Mme le garde des sceaux, que je ne peux qu'approuver, souhaite qu'un maximum de litiges fassent l'objet d'une résolution amiable. Ce point a été largement évoqué.
Dans notre droit positif, si la clause compromissoire est admise en matière commerciale, elle est interdite en matière civile. Dès lors, toute une série de litiges d'importance variable, et quelquefois même mineurs, aboutissent devant une juridiction, ce qui ne va pas du tout dans le sens de ce que nous recherchons les uns et les autres, à savoir celui de la simplification, de la résolution amiable et, je dirai, d'une meilleure santé de la justice elle-même.
Cet amendement vise à permettre de prévoir une clause compromissoire dans les différents contrats qui peuvent être établis par toute personne. Cette disposition doit tout de même s'accompagner de précautions car, à l'évidence, il faut veiller à ce que les rapports de force entre les contractants ne puissent pas être affectés par une telle clause.
C'est ainsi que le droit de la consommation, en particulier, ne pourrait admettre une clause compromissoire puisqu'il faut offrir une protection au consommateur face, je dirai, non pas à son adversaire, mais plutôt à l'autre partie, qui est souvent davantage en position de force que lui, consommateur.
De plus, en matière de contrat de travail, il est inutile de faire de développement tant il est évident qu'une clause compromissoire ne peut pas exister.
Il s'agit donc d'autoriser la clause compromissoire en matière civile, sauf à titre de précaution dans les cas que je viens d'exposer. Je suis certain que cela va dans le sens recherché à la fois par le projet de loi lui-même et par de nombreuses professions juridiques qui ont constaté, depuis de nombreuses années, les inconvénients de cette interdiction qui subsiste.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. C'est un sujet important. Il est vrai que, dès lors que l'on veut développer des réponses autres que purement judiciaires à des conflits, on doit s'interroger sur l'interdiction de la clause compromissoire en matière civile. Cette question, qui préoccupe les instances arbitrales, fait l'objet d'un examen approfondi de la part de mes services. Je ne suis pas hostile à ce point de vue, mais je souhaite que la réflexion se poursuive, car c'est une question délicate.
Il ne faudrait pas que le renversement du principe conduise au développement dans tous les contrats de clauses dictées à une partie par l'autre. Vous avez évoqué la question du rapport de forces qui conduirait à limiter le libre accès au juge qui est garanti, il faut le dire, par les engagements internationaux de la France. La rédaction ne me paraît pas tout à fait satisfaisante parce qu'elle autoriserait en réalité la clause compromissoire dans les contrats entre particuliers quel qu'en soit l'objet.
Que se passerait-il si des époux, par exemple, pouvaient prévoir dans leur contrat de mariage de faire juger la liquidation de leur régime par un arbitre ? C'est évidemment inadmissible !
Je vous propose que nous réfléchissions davantage, de concert avec les professionnels, pour déterminer le domaine de validité de la clause compromissoire. Je préfére donc que cet amendement, après mes explications, soit retiré pas son auteur. En contrepartie, je m'engage à ce que le Parlement soit saisi le plus vite possible d'un texte en la matière.
M. le président. L'amendement est-il maintenu ?
M. Luc Dejoie. La commission des lois souhaitait que la question soit évoquée et que Mme le garde des sceaux donne son point de vue. Je parle là sous le contrôle de mes collègues.
Si cet amendement - je veux bien l'admettre - a un défaut, c'est peut-être celui d'être trop restrictif. Si la rédaction était affinée, il pourrait s'appliquer à beaucoup d'autres cas !
Madame, sans vouloir être cruel, quand vous opposez l'exemple d'un contrat de mariage dans lequel les parties s'en remettraient à un arbitrage, il me semble qu'il existe d'autres contrats, qui ne sont pas très anciens et qui vous ont occupée fort tard dans la nuit, pour lesquels tous les arbitrages seraient autorisés, pour autant qu'on les ait même prévus !
Je ne verrais pas d'inconvénient à ce que la liquidation d'un régime matrimonial soit organisée à partir d'un arbitrage ou d'une clause compromissoire ; ce ne serait ni choquant ni gênant. Je ne parle pas de la dissolution du mariage, qui est un autre problème : je parle bien de la liquidation du régime matrimonial, qui est forcément postérieure à la dissolution du mariage.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'avais espéré que nous ne déraperions pas sur la discussion du PACS et, croyez-moi, je veux d'autant moins encourager cette tendance que nous y avons passé la nuit à l'Assemblée nationale !
Mais, puisque cette question a été évoquée, je ne pense pas qu'on puisse assimiler le mariage au PACS. Par ailleurs, même dans le cas du PACS, lorsqu'il existe un conflit entre les deux parties, en cas de dissolution, on passe devant un juge !
M. le président. Monsieur le rapporteur, voulez-vous demander à l'auteur de cet amendement s'il accepte de retirer son texte ? (Sourires.)
M. Luc Dejoie. Je viens de l'interroger, monsieur le président, et, compte tenu de l'engagement que vient de prendre Mme le garde des sceaux, je considérerais presque comme injurieux que cet amendement ne soit pas retiré !
Madame le garde des sceaux, je suis certain que vous donnerez une suite à ce désir qui va, je le répète, tout à fait dans le sens de ce que vous recherchez vous-même.
M. le président. L'amendement n° 46 est retiré.
Par amendement n° 47 rectifié, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 16, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 7 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif est ainsi modifié :
« - Dans la première phrase, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1999" sont remplacés par mots : "jusqu'au 31 décembre 2004" ;
« - Au début de la seconde phrase, les mots : "Pour les années 1995, 1996 et 1997" sont remplacés par les mots : "Pour les années 2000, 2001, 2002".
« II. - A l'article 8 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 précitée, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "jusqu'au 31 décembre 2004". »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Depuis la loi du 7 juillet 1980, il est effectué chaque année un recrutement complémentaire de magistrats administratifs pour répondre aux besoins des juridictions administratives.
Ce recrutement existe depuis plus de dix-huit ans, et sa reconduction régulière montre qu'il répond à un véritable besoin, lequel ne pourra que s'accroître dans les années à venir, puisque de nouvelles juridictions vont être créées : la cour administrative d'appel de Douai ouvrira ses portes en septembre 1999 et le tribunal administratif de Cergy-Pontoise en septembre 2000.
Il est certain que le nombre de magistrats qui sont recrutés à la sortie de l'Ecole nationale d'administration ou qui proviennent de corps issus de cette école ne peut pas satisfaire l'ensemble des besoins auxquels la juridiction administrative est confrontée.
La dernière loi qui a permis de proroger pour cinq ans, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1999, les recrutements par concours complémentaire est celle du 8 février 1995. Il convient de la modifier une nouvelle fois pour proroger ces recrutements d'une nouvelle période de cinq ans, de 1999 à 2004.
Enfin, il convient de mentionner que ces concours de recrutement ont lieu chaque année, mais pour trois années seulement : 2000, 2001 et 2002. Il est dérogé à la règle posée par l'article 1er de la loi du 7 juillet 1980 qui précise que le nombre de postes pourvus au titre de recrutements complémentaires ne peut excéder le nombre de ceux qui sont pourvus au titre statutaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. Très favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16.
Par amendement n° 48, MM. Mathieu, Huriet et Autain proposent d'insérer, après l'article 16, un article additionnel ainsi rédigé :
« Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les décisions limitant, pour la détermination de l'ancienneté des fonctionnaires du Sénat au moment de leur titularisation, la prise en compte de leurs services militaires au service national obligatoire ainsi qu'aux services de guerre et assimilés. »
La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Cet amendement, que j'ai l'honneur de présenter avec mes collègues questeurs, a pour objet, dans le respect de l'autorité de la chose jugée, d'éviter d'introduire des distorsions dans les carrières des fonctionnaires de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16.

TITRE II


DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE ET RELATIVES AUX MAISONS DE JUSTICE ET DU DROIT

Article additionnel avant l'article 17