Séance du 16 novembre 1998







M. le président. « Art. 3 bis . - I. - L'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "la rémunération d'une aide à domicile est exonérée totalement des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales" sont remplacés par les mots : "la rémunération d'une aide à domicile est exonérée des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales" ;
« 2° Le deuxième alinéa ( a ) est complété par les mots : "et dans la limite, par foyer, d'un plafond de rémunération déterminé par décret" ;
« 3° Au quatrième alinéa, après les mots : "vivant seules,", sont insérés les mots : "remplissant la condition de degré de dépendance prévue à l'article 2 de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance ou" ;
« 4° Au dernier alinéa :
« a) Après le mot : "employées", sont insérés les mots : "sous contrat à durée indéterminée" ;
« b) Les mots : "les associations agréées au titre de l'article L. 129-1 du code du travail" sont remplacés par les mots : "les associations admises, en application de l'article L. 129-1 du code du travail, à exercer les activités concernant la garde d'enfant ou l'assistance aux personnes âgées ou handicapées" ;
« c) Après les mots : "des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales", sont ajoutés les mots : "pour la fraction versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées chez les personnes visées aux b, c et d ou bénéficiaires de l'aide ménagère au titre de l'aide sociale légale ou dans le cadre d'une convention conclue entre ces associations ou organismes et un organisme de sécurité sociale" ;
« 5° Il est ajouté quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un décret détermine les conditions d'application de l'exonération prévue par l'alinéa ci-dessus et notamment :
« - les informations et pièces que les associations et les organismes visés au quinzième alinéa doivent produire auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du régime général ;
« - les modalités selon lesquelles les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du régime général vérifient auprès des organismes servant les prestations mentionnées aux b, c et d ou les prestations d'aide ménagère visées au quinzième alinéa que les personnes au titre desquelles cette exonération a été appliquée ont la qualité des bénéficiaires desdites prestations.
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 131-7 du présent code, l'exonération prévue au quinzième alinéa n'est pas compensée par le budget de l'Etat.
« II. - Les caisses de sécurité sociale procèdent dans des conditions déterminées par décret au contrôle des organismes chargés de l'exécution des prestations à caractère familial ou domestique dont elles assurent, en tout ou partie, le financement, afin de s'assurer de la régularité des opérations financières et comptables et d'apprécier la qualité des prestations servies.
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables aux périodes d'emploi postérieures au 31 décembre 1998, à l'exception de celles du 2° du I, applicables aux périodes d'emploi postérieures au 31 mars 1999. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 44, MM. Descours et Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 91, le Gouvernement propose de compléter le 3° du I de cet article par les mots suivants : « et après les mots : "pour accomplir les actes ordinaires de la vie", sont insérés les mots : "dans des conditions définies par décret". »
La parole est à M. Vasselle, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 44.
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'article 3 bis modifie de manière très importante les conditions d'exonération de cotisations sociales patronales pour l'emploi d'une aide à domicile.
Je rappelle qu'il est le complément de l'article 3 ter, qui vise à accorder une exonération à 100 % des cotisations sociales patronales aux associations prestataires de services à domicile. Je tiens à préciser tout de suite que nous sommes favorables à l'article 3 ter, et ce d'autant plus que la Haute Assemblée, à plusieurs reprises, avait fait des propositions en ce sens.
La commission des affaires sociales est consciente des difficultés auxquelles sont aujourd'hui confrontées ces associations. Madame le ministre, le 15 octobre dernier, je vous avais d'ailleurs interrogée sur ce point lors des questions d'actualité au Gouvernement. A l'occasion de l'examen par la Haute Assemblée du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, nous avions en outre décidé de porter de 30 % à 60 % le taux d'exonération des charges sociales dont les associations peuvent bénéficier et cette disposition, qui allait dans le sens de l'amendement, n'avait cependant finalement pas été retenue par celle-ci.
La commission des affaires sociales accueille donc très favorablement l'article 3 ter.
En revanche, nous ne pouvons accepter l'article 3 bis dans sa rédaction actuelle. En effet, cet article comporte une disposition à notre sens très critiquable et parfaitement injstifiée, qui est le plafonnement drastique à soixante heures par mois payées au SMIC des services d'aide à domicile pouvant faire l'objet d'une exonération des cotisations sociales quand l'employeur est une personne âgée de plus de soixante-dix ans.
Soucieuse de rétablir l'équité entre l'emploi direct, dit de « gré à gré », et le recours à des associations prestataires de services, la commission des affaires sociales est favorable à l'exonération totale des cotisations sociales pour les associations.. Elle ne peut cependant accepter que l'on réduise parallèlement les avantages accordés à l'emploi direct.
Certes, il est vrai que les associations souffraient antérieurement de la concurrence du gré à gré, dont le coût s'avérait plus compétitif pour les employeurs. Mais il ne faudrait pas pour autant, à notre sens, qu'elles soient placées aujourd'hui dans une position qui les avantagerait sensiblement par rapport à l'emploi direct.
Il faut trouver une solution d'équilibre, et la commission des affaires sociales approuve à cet égard les conclusions du rapport Hespel-Thierry relatif aux aides à domicile auquel Mme le ministre a bien voulu faire référence à plusieurs reprises, à l'occasion de réponses à des questions d'actualité, de réunions de la commission des affaires sociales ou de la discussion générale.
Selon ce rapport, il convient de préserver la liberté de choix des employeurs entre l'embauche de gré à gré et le recours à des prestataires de services, sauf en cas de dépendance extrême. Ce texte n'émet qu'une seule réserve, qui concerne les personnes âgées les plus dépendantes.
Le rapport Hespel-Thierry propose ainsi d'instituer une exonération uniforme de 100 % des cotisations patronales afférentes aux emplois à domicile. Elle serait prise en charge par l'Etat et accordée à l'ensemble des emplois patronaux ouvrant droit actuellement à la réduction fiscale pour emplois familiaux, qu'il s'agisse d'employeurs de gré à gré, d'employeurs prestataires, d'associations ou d'entreprises.
Le rapport préconise non seulement d'augmenter le taux et le champ des exonérations consenties aux employeurs prestataires, mais aussi d'élargir le champ des exonérations consenties aux employeurs de plus de soixante-dix ans recourant au gré à gré, c'est-à-dire qu'il va encore plus loin !
La réforme proposée par le Gouvernement prend par conséquent, pour les personnes de plus de soixante-dix ans, l'exact contrepried des recommandations du rapport Hespel-Thierry dont vous avez prétendu à plusieurs reprises, madame le ministre, vous inspirer.
J'ajoute enfin que cette réforme présente un risque, le développement du travail clandestin, qu'on ne saurait sous-estimer.
La seule véritable justification du plafonnement introduit dans l'article 3 bis est d'ordre financier : il s'agit de compenser partiellement la coût de l'adoption de l'article 3 ter, soit 670 millions de francs, une économie de 420 millions de francs, réalisée en plafonnant l'exonération accordée aux personnes de plus de soixante-dix ans.
Les autres dispositions de l'article 3 bis fixent les conditions - contrat à durée indéterminée, exonération sur une fraction des rémunérations, modalités de contrôle des exonérations - auxquelles serait soumise l'exonération totale de cotisationss sociales dont bénéficieraient les associations. Elles mettent en place un système complexe reposant sur des procédures lourdes dont il est très difficile de mesurer aujourd'hui, dans un délai aussi bref, la portée et les conséquences.
La commission des affaires sociales ne peut donc que regretter - je l'ai dit et je le répète - la précipitation qui a caractérisé la démarche du Gouvernement.
En effet, est-il raisonnable de faire adopter une réforme d'une telle portée par le biais d'un amendement de séance déposé le jour même de son examen et qui n'a donc pu être étudié par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ? Il est vrai que Mme le ministre l'a regretté, mais il reste que l'amendement a tout de même été déposé et voté par l'Assemblée nationale.
Cette précipitation prive le législateur du délai nécessaire à un examen attentif et à une évaluation approfondie au travers, notamment, d'une concertation avec les différentes parties intéressées.
Enfin, la commission des affaires sociales refuse très fermement la non-compensation par le budget de l'Etat de l'exonération de cotisations sociales accordée aux associations à l'article 3 ter. Cette non-compensation, qui est en contradiction totale - M. Charles Descours ne manquera d'ailleurs pas de le rappeler - avec l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, est affirmée de manière explicite dans l'article 3 bis.
Pour l'ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous propose d'adopter un amendement de suppression de l'article 3 bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je dois dire que, là non plus, je ne comprends pas la position du Sénat.
On ne peut à la fois nous reprocher de nous précipiter et nous dire qu'il faut traiter un problème. Ce problème, il se pose depuis des années et, si nous avons demandé un rapport, c'est bien parce qu'il n'avait pas été traité.
On ne peut pas non plus dire une chose et son contraire, monsieur le rapporteur : souhaiter que les personnes âgées restent à domicile et ne pas accepter les mesures qui leur permettraient de le faire.
Il y a un vrai désaccord entre nous, et autant mettre vraiment le doigt sur ce désaccord.
La réponse que nous apportons correspond, en fait, à trois objectifs.
Premièrement, quand nous établissons une comparaison internationale, le rapport Hespel-Thierry le montre bien, nous constatons qu'en France les personnes âgées comme les personnes handicapées sont trop souvent placées en établissement alors qu'elles souhaiteraient rester à domicile. Nous souhaitons donc, chaque fois que c'est possible, notamment par un plan d'aide à domicile, leur permettre de rester chez elles. Nous savons en effet que le placement en établissement, notamment pour les personnes âgées, entraîne très rapidement une déchéance psychologique, morale, quand ce n'est pas physique. Nous devons donc réserver les placements en établissement quand l'état médical ou de dépendance le nécessite absolument.
Deuxièmement, nous souhaitons faire en sorte que les métiers liés à la dépendance soient pris en charge par de vrais professionnels et, au fur et à mesure de l'avancée de cette question, contribuer à professionnaliser les personnels qui viennent en aide aux personnes âgées ou aux personnes handicapées.
Nous savons bien que cela passe, non seulement pour ces personnels, mais également pour la personne âgée ou handicapée, par des associations d'aide à domicile. Ces dernières permettront de remédier aux désagréments ou aux mauvaises relations individuelles, mais aussi de vérifier les capactités des personnels à répondre aux problèmes spécifiques de chaque personne âgée ou de chaque personne handicapée.
Troisièmement - c'est là que nous nous séparons -, nous considérons que l'Etat n'a pas vocation à aider de la même manière l'ensemble des personnes âgées dépendantes et qu'il convient de prendre en compte deux critères : le niveau de la dépendance physique, psychologique et morale et le niveau de la dépendance financière. C'est en prenant en compte ces deux critères que nous abordons cette question.
Pour dire les choses telles qu'elles sont, je citerai un exemple : récemment, un ancien président d'une grande société de notre pays s'étonnait - à juste titre ! -, de bénéficier d'une exonération à 100 % des cotisations sociales patronales alors qu'il disposait de revenus suffisants pour payer les trois personnes travaillant à son domicile.
C'est très exactement la question qui se pose aujourd'hui. Il n'est pas possible de prétendre rechercher la rigueur pour la sécurité sociale et une meilleure prise en charge de tout le monde sans souhaiter trouver les financements.
Je vous dirai les choses très simplement : nous avons souhaité exonérer de charges sociales les associations d'aide à domicile et nous les aiderons à mettre en place de vrais métiers spécialisés dans la prise en charge de la dépendance ; mais nous avons souhaité en même temps limiter les aides à domicile pour les personnes âgées de plus de soixante-dix ans à quinze heures par semaine et par foyer.
Je rappelle sur ce point précis que seuls 10 % des employeurs de plus de soixante-dix ans utilisent un nombre d'heures supérieur à ce plafond. Mais cela représente près de 50 % des heures exonérées ! Voilà qui montre déjà de qui il s'agit !
Je tiens par ailleurs à préciser, parce que vous ne l'avez peut-être pas vu dans le projet de loi, que nous maintenons l'exonération à 100 % pour tous ceux qui touchent la PSD ou l'allocation aux adultes handicapés, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants à charge. Les personnes lourdement handicapées continuent donc à être prises en charge à 100 %. Celles, en revanche, qui n'ont pas un haut niveau de handicap ou de dépendance et qui, tout simplement, emploient une aide à domicile, doivent payer, au-delà de quinze heures par semaine, les cotisations sociales patronales.
Je vous rappelle que l'exonération actuelle cumulée avec les emplois familiaux a réduit à moins de vingt-cinq francs le coût horaire d'une aide à domicile pour ceux qui perçoivent les revenus les plus élevés et qui peuvent faire jouer à fond le plafond des allocations familiales.
Sur le chantage au travail noir, je vais clairement dire ce que je pense.
Il n'est pas acceptable que, dans notre pays et dans une assemblée comme celle-ci, on soutienne ceux qui ont de l'argent et qui, dès qu'on leur demande de remplir leurs obligations sociales en versant des cotisations sociales, font du chantage au non-paiement. A un moment donné, il faut que les groupes politiques reconnaissent que ce n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Il n'est pas acceptable, lorsque l'on a de l'argent, d'aller le placer aux frontières, en Belgique ou en Suisse, et, lorsqu'on doit payer des cotisations sociales, de menacer de recourir au travail noir !
Si un consensus ne se dégage pas sur ce point sur l'ensemble des bancs des assemblées de notre pays, si chacun d'entre vous n'ose pas dire cela, nous n'avancerons pas ! (MM. Jacques Machet et Jean Chérioux applaudissent. Applaudissements sur les travées socialistes également.)
Je considère que ceux qui, aujourd'hui, soutiennent que le SMIC est trop élevé et vont embaucher au noir leur employé à domicile ne sont pas dignes de nous tenir des discours sur la démocratie et sur la République ! Je le dis comme je le pense. Certains tiennent parfois un discours et son contraire, et ce n'est pas acceptable !
D'ailleurs, si ces personnes mettaient leur chantage à exécution, elles ne bénéficieraient plus de leur déduction au titre des emplois familiaux. Mais comme elles sont bien informées et ont de bons conseillers fiscaux, elles s'en gardent bien.
Je souhaiterais donc que de tels chantages prennent un peu moins de place dans une instance démocratique comme celle où nous siégeons aujourd'hui.
Monsieur Descours, si l'amendement de suppression est voté, j'en serai navrée, mais vous ne pourrez pas supprimer les 420 millions de francs que nous dégageons grâce au plafonnement et maintenir l'exonération à 100 % des charges sociales patronales pour tous...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Tout à fait !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... car, alors, l'article 40 de la Constitution serait applicable.
M. le président. Madame le ministre, je vous invite maintenant à présenter l'amendement n° 91, qui est en discussion commune.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il faut être précis si l'on ne veut pas voir une disposition annulée un jour ou l'autre. J'aurais peut-être dû être précise du premier coup. Je fais amende honorable en présentant cet amendement, qui vise à améliorer encore mon texte.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, vous avez été très véhémente. Mais peut-être ai-je mal entendu ou peut-être vous êtes vous mal exprimée, comme vous l'avez dit à plusieurs reprises.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, j'ai effectivement été très véhémente.
M. Charles Descours, rapporteur. Vous avez fait une sorte d'amalgame, donnant à penser que M. Vasselle et le parti auquel il appartient soutenaient le travail au noir.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, pas du tout. J'ai parlé de « chantage au travail au noir », ce qui est différent.
M. Charles Descours, rapporteur. Tout d'abord, il n'y a pas de classe spéficique qui défende le travail au noir.
M. François Autain. Si, les riches !
M. Jean Chérioux. Cela s'est généralisé !
M. Charles Descours, rapporteur. Des ouvriers maçons qui veulent travailler au noir, le samedi ou le dimanche, que celui d'entre vous qui n'en connaît pas me le dise ! Il n'y a pas de complexe de classe à avoir sur ce point. Le travail au noir est un fléau de notre pays...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il ne faut pas l'organiser !
M. Charles Descours, rapporteur. ... qui sévit dans toutes les classes de la société.
Le Gouvernement que j'ai soutenu a pris des textes contre le travail au noir, comme l'ont fait d'autres gouvernements. Il s'agit d'un phénomène complètement transversal.
La lutte contre le travail au noir, nous en sommes d'accord, nous devons tous la soutenir. Ce n'est l'apanage ni de tel ou tel parti, ni de tel ou tel gouvernement. Nous sommes tous contre le travail au noir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 91 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous comprendrez que, à partir du moment où la commission a déposé un amendement visant à supprimer l'article 3 bis, elle émette un avis défavorable, par cohérence, sur l'amendement n° 91 du Gouvernement.
Après les remarques toujours pertinentes présentées par notre rapporteur M. Descours, vous me permettrez, madame le ministre, d'ajouter que, sur les trois points que vous avez évoqués, deux font l'objet, je pense, d'un consensus général à la fois entre la Haute Assemblée et le Gouvernement.
Sur le maintien à domicile tout d'abord, tous les gouvernements qui se sont succédé et tous les parlementaires qui les ont soutenus ont apporté la preuve de leur volonté de favoriser la politique de maintien à domicile.
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il suffit de regarder les différents textes législatifs et mesures réglementaires pris depuis une décennie au moins pour le constater. Ne laissons donc pas accroire que la majorité actuelle du Sénat est opposée à toute initiative qui serait prise dans ce sens. Je tiens à le dire avec la plus grande netteté.
Ensuite, s'agissant des employés à domicile, vous souhaitez que ce soient de véritables professionnels qui interviennent ; nous partageons également votre point de vue.
Toutefois, il ne faudrait pas laisser penser que seules les associations ont l'apanage de faire intervenir à domicile de véritables professionnels. Dans nos départements, les syndicats d'employeurs privés qui mettent en liaison des personnes âgées de plus de soixante-dix ans et des salariés pour un recrutement direct de gré à gré font également intervenir à domicile de véritables professionnels !
S'il est vrai que nous connaissons les uns et les autres, chez des personnes âgées de plus de soixante-dix ans et employeurs directs, des exemples de salariés qui interviennent à domicile et qui manquent de ce professionnalisme dont d'autres font preuve, gardons-nous toutefois de généraliser à partir de ces quelques cas particuliers et d'en conclure que le gré à gré se traduit par une absence de professionnalisme chez les salariés qui interviennent au domicile des personnes de plus de soixante-dix ans employeurs.
Ce serait un affront vis-à-vis de ces salariés, car cela reviendrait à dire qu'ils sont incapables sur le plan professionnel et que, pour acquérir une véritable compétence leur permettant d'être recrutés et d'intervenir chez des personnes de plus de soixante-dix ans, il faudrait qu'ils soient formés par des associations !
S'agissant de la formation du personnel, j'ajoute enfin que nous avions introduit dans le texte de loi sur la prestation spécifique dépendance, qui a été déposé par le Sénat et dont M. Fourcade et moi-même étions les deux premiers signataires, un article qui, précisément, renvoyait à un décret la formation des personnels intervenant à domicile. J'espère que ce décret, qui n'a été pris ni par le gouvernement précédent ni par le gouvernement actuel, paraîtra un jour ou l'autre !
Je voudrais ajouter deux remarques à celles de M. Descours.
L'argumentaire de notre amendement repose sur deux points.
D'abord, nous n'avons rien inventé. C'est le rapport Hespel-Thierry...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce n'est pas la Bible !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... qui préconise un traitement équivalent pour le gré à gré et pour les associations prestataires de services employeurs !
Or, madame la ministre, vous l'avez dit à plusieurs reprises, le Gouvernement lui-même s'est inspiré de ce rapport pour la politique relative aux emplois à domicile. Nous nous sommes également fondés sur ce rapport. Encore une fois, nous n'avons rien inventé, et nous n'avons pas l'intention de mettre en difficulté le Gouvernement sur ce point.
Enfin - ce sera mon dernier argument -, n'oublions pas dans quel contexte cette mesure d'exonération avait été prise en 1987 - je crois savoir que d'autres mesures équivalentes, même si elles n'étaient pas complètement identiques, ont été prises en d'autres temps par des gouvernements socialistes.
A l'époque, compte tenu de la crise de l'emploi - qui sévit toujours aujourd'hui, même si un léger tassement par rapport à ce qu'on a connu a été enregistré ; mais personne ne sait ce qu'il adviendra à l'avenir - des mesures de cette nature avaient été prises pour favoriser les emplois à domicile, et cela même chez des personnes qui étaient relativement aisées.
Cette mesure devait permettre qu'un certain nombre de personnes ne travaillent plus au noir.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Même si l'on peut condamner avec vous, madame la ministre, le fait que des personnes très aisées profitent de cette situation et s'exonèrent du paiement des cotisations de sécurité sociale que leurs revenus leur permettraient pourtant d'assumer,...
M. Alain Gournac. Il a raison !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... il s'agit d'une mesure pour l'emploi. C'est la raison pour laquelle la Haute Assemblée a fait ces remarques sur cette disposition, comme elle l'avait fait en leur temps pour les emplois familiaux avec l'AGED.
M. Jean Chérioux. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut replacer toutes ces mesures dans leur contexte et non les examiner sous un angle particulier destiné à faire croire que la Haute Assemblée n'a, en définitive, qu'une seule préoccupation : favoriser les classes aisées sans se préoccuper des autres. C'est totalement faux ! Je le souligne avec la plus grande clarté, la plus grande fermeté et, je l'espère, avec pertinence. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe du RPR.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 44.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste votera contre cet amendement de suppression d'un article important, qui vise à rationaliser et à rééquilibrer l'organisation des exonérations de charges sociales dès lors que l'on a recours à une aide à domicile.
Cet amendement fragilise, de toute évidence, et risque de remettre en question l'article 3 ter , qui prévoit une exonération à 100 % des charges patronales pour les associations intervenant au domicile des personnes qui ne peuvent pas ou plus assumer les gestes de la vie quotidienne.
Cette loi est l'occasion pour le Gouvernement et le Parlement de mettre un peu d'ordre dans un système devenu inadapté au regard des priorités qui se font jour.
L'évolution des réflexions sur la prise en charge de la dépendance, quelle qu'en soit la source, a fait apparaître très clairement la place du maintien à domicile dans les aspirations des personnes ayant perdu leur autonomie et la nécessaire rationalisation de nos dépenses pour le secteur médico-social.
Le tissu associatif à but non lucratif s'est très rapidement investi dans ce champ, en proposant des réponses adaptées et de qualité en termes de professionnalisme, de proximité et d'encadrement des salariés.
Il a permis, par ailleurs, de mettre en place un statut pour ces personnels, de leur assurer un emploi moins précaire que dans le cadre du gré à gré et de proposer des contrats mieux encadrés auxquels s'appliquent les conventions collectives.
Mes chers collègues, rappelez-vous que, lors du débat sur la prestation spécifique dépendance, M. Barrot reconnaissait les imperfections du système de gré à gré et avait même envisagé de mieux définir les profils professionnels des personnes ainsi employées.
Il convenait donc de reconnaître ce secteur associatif à sa juste valeur et de lui faciliter l'exercice de son activité dans des conditions au moins équivalentes à celles des employeurs directs, notamment en termes de charges patronales.
Nous demandions cet aménagement depuis fort longtemps et nous nous réjouissons que le Gouvernement nous le propose à l'occasion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous ferons tout pour préserver ce dispositif contenu dans l'article 3 ter .
Si l'amendement de suppression était adopté - ce qui serait regrettable - on verrait disparaître les garanties supplémentaires apportées par l'article 3 bis dans le cadre du recours à des associations, par exemple la nature du contrat à durée indéterminée, le contrôle de ces structures bénéficiant ainsi d'un soutien important de l'Etat.
Par ailleurs, nous ne pensons pas que le plafonnement des exonérations dans les limites de 180 heures par trimestre - cela correspond à quinze heures par semaine - soit si pénalisant pour les personnes âgées, puisque 90 % d'entre elles font appel à ce système dans un contingent inférieur à quinze heures. Elles bénéficient par ailleurs et parallèlement des déductions fiscales liées aux emplois familiaux.
Certes, cette disposition ne règlera pas l'intégralité des problèmes liés au maintien à domicile. Il est clair que nous devrons aborder d'une manière plus globale tout ce qui a trait à la prise en charge de la dépendance, et notamment celle des personnes âgées, véritable problème de société qui ne peut que prendre de l'ampleur.
Cela passera par une remise à plat et une définition des métiers concernant cette prise en charge. C'est un vaste chantier qui nécessite que se poursuive sans délai la concertation avec l'ensemble des acteurs.
En attendant, madame la ministre, dès aujourd'hui vous nous proposez une véritable mesure de rééquilibrage et de moralisation à laquelle nous souscrivons totalement.
En conséquence, nous voterons contre l'amendement n° 44. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est supprimé et l'amendement n° 91 n'a plus d'objet.

Article 3 ter