Séance du 16 novembre 1998







M. le président. « Art. 11 ter . - I. - L'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale est complété par un 21° ainsi rédigé :
« 21° Les personnes qui exercent à titre occasionnel pour le compte de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou d'un de leurs établissements publics administratifs, ou d'un organisme privé chargé de la gestion d'un service public à caractère administratif, une activité dont la rémunération est fixée par des dispositions législatives ou réglementaires ou par décision de justice. Un décret précise les types d'activités et de rémunérations en cause.
« Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables :
« - aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat et agents permanents des collectivités locales ne relevant pas au titre de leur activité principale des dispositions du livre IV du présent code ;
« - sur leur demande, dans des conditions fixées par décret, aux personnes exerçant à titre principal une des professions visées à l'article L. 621-3, lorsque les activités occasionnelles visées ci-dessus en sont le prolongement. »
« II. - Les dispositions du I sont sans effet sur le droit applicable au lien existant entre les personnes visées au 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et les administrations, établissements ou organismes concernés.
« III. - Nonobstant toutes dispositions contraires, et sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, sont prescrites les créances relatives aux cotisations sociales dues au titre des rémunérations versées aux personnes visées au 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et qui n'ont pas été réglées à la date d'entrée en vigueur des décrets prévus au I du présent article.
Sur l'article, la parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. C'est avec satisfaction que j'ai accueilli cet article, car il comporte des dispositions qui apportent enfin une réponse aux nombreux médecins siégeant dans des commissions administratives - commission du permis de conduire ou COTOREP, par exemple - sans se voir reconnaître par l'Etat la qualité de salarié, alors même que nombre de décisions de justice rendues par les tribunaux administratifs, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation avaient clairement affirmé que ces médecins devaient être des salariés de l'Etat. Les actions contentieuses, nombreuses, se sont accumulées pendant des années à ce sujet et, aujourd'hui, la loi apporte enfin une réponse claire qui était très attendue.
Toutefois, madame la ministre, la rédaction de cet article me paraît, à moi qui ne suis pas juriste, assez confuse.
Pourriez-vous nous préciser si les médecins qui ont engagé des actions en justice verront leurs droits reconnus par les tribunaux ? A ce jour, la jurisprudence est en effet constante sur ce point. Les dispositions que nous allons adopter interrompent-elles - ou non - les procédures en cours ?
M. le président. Par amendement n° 8, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer le troisième alinéa du texte présenté par le I de l'article 11 ter pour le 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Après M. Huriet, je me réjouis des dispositions prises à l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement, concernant le travail au noir des médecins. Cela prouve que même les gouvernements, depuis dix ans et malgré les avis contraires des plus hautes juridictions de notre pays, continuaient à ne pas payer de cotisations pour leurs collaborateurs occasionnels.
Cet article vise tous les collaborateurs occasionnels du service public et pas seulement les médecins, même si ce sont eux qui ont été sans doute le plus victimes de cette affaire. Ils nous ont d'ailleurs sollicités depuis plusieurs mois, et notre collègue Claude Huriet avait posé une question d'actualité au Gouvernement à ce sujet voilà quelques semaines.
Si la commission se réjouit de l'introduction de cet article, elle vous propose cependant, par cet amendement, de supprimer le troisième alinéa du texte tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, dans la mesure où il exonérerait définitivement de cotisations sociales les rémunérations perçues par les fonctionnaires dans le cadre d'activités annexes.
Si ce paragraphe était maintenu, une personne du secteur privé membre d'un jury de concours, pour prendre un exemple, devrait ainsi payer des cotisations sociales sur ses indemnités, alors qu'un fonctionnaire membre du même jury en serait dispensé. Les fonctionnaires peuvent, en effet exercer des activités « annexes », qui donnent droit à rémunération : ils sont ainsi des collaborateurs occasionnels du service public, disposant par ailleurs d'un statut de droit public.
Il ne serait, bien sûr, pas souhaitable, pour des raisons de simplicité de gestion, de les assujettir au régime général, mais il faut que l'employeur public ait la possibilité de prélever des cotisations sur ces rémunérations. Notre amendement ne lui en ferait pas obligation.
Chacun sait que les modes de rémunération sont complexes et que les différentes primes perçues par les fonctionnaires échappent en général à cotisation, mais maintenir l'alinéa incriminé reviendrait à reconnaître qu'il s'agit là d'une situation normale.
La commission ne peut pas l'accepter, et elle vous propose, en conséquence, de le supprimer, afin que tous les collaborateurs occasionnels du service public soient traités sur un pied d'égalité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je voterai, bien sûr, l'amendement de la commission des affaires sociales.
Je ne pense pas qu'il soit de la compétence de M. le rapporteur d'apporter une réponse à la question que j'ai posée, mais je souhaiterais quand même qu'il me soit répondu.
La rédaction du paragraphe III de l'article 11 ter est, à mon sens, assez confuse :
« Nonobstant toutes dispositions contraires, et sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, sont prescrites les créances relatives aux cotisations sociales dues au titre des rémunérations versées aux personnes visées au 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et qui n'ont pas été réglées à la date d'entrée en vigueur des décrets prévus au I du présent article. »
Ces dispositions signifient-elles que les médecins qui ont engagé des actions contentieuses pourront obtenir satisfaction ? Mettent-elles un terme à tout recours ? C'est une question d'une très grande importance !
Quand bien même Mme la ministre et M. le secrétaire d'Etat ne pourraient pas me répondre, ce que je comprendrais puisque cela ne relève pas de leur domaine de compétence, j'aimerais cependant obtenir des éclaircissements puisque cette question est à l'étude depuis trois ou quatre ans. On ne peut pas laisser dans le flou un point de droit qui peut revêtir pour bon nombre de médecins une importance considérable !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Le paragraphe III de l'article 11 ter me paraissait répondre à la question de M. Huriet, mais je constate que ce n'est pas le cas. Je comprends bien son inquiétude et je crois qu'il serait bon, madame la ministre, que, soit dans l'immédiat, soit dans un avenir proche, vous leviez cette incertitude pour éviter d'éventuels contentieux.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'article 11 ter et l'amendement n° 8 auront effectivement pour conséquence qu'à l'avenir de tels cas ne se reproduiront pas. En revanche, pour le passé, dès lors qu'il n'y avait pas d'assujettissement, les dispositions ne s'appliquent pas.
M. Huriet peut en tout cas rassurer les médecins pour l'avenir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 92, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le paragraphe III de l'article 11 ter, de remplacer les mots : « sont prescrites les créances relatives aux cotisations sociales dues » par les mots : « sont annulées les créances relatives aux cotisations sociales et, le cas échéant, aux majorations de retard et frais de justice dus ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement devrait répondre à la question qu'a posée M. Huriet voilà un instant.
En effet, le paragraphe III de l'article 11 ter tend à prescrire les cotisations sociales dues au titre des rémunérations des collaborateurs occasionnels du service public, nonobstant toutes dispositions contraires et sous réserve de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée à compter de la date d'entrée en vigueur des décrets précisant les types d'activités et de rémunérations en cause.
Il nous semble que cette rédaction contraindrait les organismes sociaux à maintenir dans leurs comptes des créances sans pouvoir les recouvrer. Il est donc préférable, selon nous, de les déclarer annulées plutôt que prescrites.
Par ailleurs, il convient que puissent également être annulés les majorations de retard et les frais de justice qui découlent directement de la créance en principal, afin d'apurer parfaitement les comptes passés. Je tenais à apporter cette précision car, tel qu'il est rédigé, le texte annule, certes, les créances, mais pas forcément les majorations de retard et les frais de justice.
La commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui aura le mérite de simplifier les comptes des organismes sociaux et de les clarifier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 92, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11 ter, modifié.

(L'article 11 ter est adopté.)

Article 11 quater