Séance du 16 novembre 1998







M. le président. « Art. 23. - I. - Il est inséré, après l'article L. 512-2 du code de la santé publique, un article L. 512-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 512-3 . - Le pharmacien ne peut délivrer un médicament ou produit autre que celui qui a été prescrit qu'avec l'accord exprès et préalable du prescripteur, sauf en cas d'urgence et dans l'intérêt du patient.
« Toutefois, il peut délivrer par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique à condition que le prescripteur n'ait pas exclu cette possibilité, pour des raisons particulières tenant au patient, par une mention expresse portée sur la prescription, et sous réserve, en ce qui concerne les spécialités figurant sur la liste prévue à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, que cette substitution s'effectue dans les conditions prévues par l'article L. 162-16 de ce code.
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique, il doit inscrire le nom du générique qu'il a délivré.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
« II. - Le premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique est ainsi modifié :
« 1° A la première phrase, après les mots : "d'une autre spécialité", sont insérés les mots : ", appelée spécialité de référence," et les mots : "l'autre spécialité" sont remplacés par les mots : "la spécialité de référence ;
« 2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« La spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe générique. »
« III. - L'article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'infraction, dans les conditions prévues au b, n'est pas constituée en cas d'exercice par un pharmacien de la faculté de substitution prévue à l'article L. 512-3 du code de la santé publique. »
« IV. - Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale sont ainsi rédigés :
« Lorsque le pharmacien d'officine délivre, en application du deuxième alinéa de l'article L. 512-3 du code de la santé publique, une spécialité figurant sur la liste prévue à l'article L. 162-17 autre que celle qui a été prescrite, cette substitution ne doit pas entraîner une dépense supplémentaire pour l'assurance maladie.
« En cas d'inobservation de cette condition, le pharmacien verse à l'organisme de prise en charge, après qu'il a été mis en mesure de présenter ses observations écrites et si, après réception de celles-ci, l'organisme maintient la demande, une somme correspondant à la dépense supplémentaire mentionnée à l'alinéa précédent, qui ne peut toutefois être inférieure à un montant forfaitaire défini par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et du budget.
« Pour son recouvrement, ce versement est assimilé à une cotisation de sécurité sociale. »
« V. - Les dispositions de l'article L. 365-1 du code de la santé publique sont également applicables aux pharmaciens. »
« VI. - 1. Le premier alinéa de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce plafond est porté à 10,74 % du prix fabricant hors taxes pour les spécialités génériques définies au premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique. »
« 2. Le deuxième alinéa de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Les infractions aux dispositions prévues au présent article sont passibles des sanctions pénales applicables aux infractions mentionnées à l'article L. 162-38. Les dispositions du titre VI de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence sont applicables à ces mêmes infractions. »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne sommes pas hostiles au principe de la démarche gouvernementale tendant à favoriser la prescription du générique. Nous cherchons à nous assurer qu'à terme les changements imposés dans nos habitudes de consommation seront entourés de garanties suffisantes et qu'en rien ils n'induiront la banalisation du médicament, ouvrant ainsi une voie royale à l'automédication et au déremboursement.
La substitution envisagée ne devrait pas poser de problèmes majeurs pour le patient, à condition tout d'abord qu'il en soit correctement informé.
Je note que les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ont permis d'apporter sur ce point un premier élément de réponse, le pharmacien devant inscrire le nom du générique délivré.
Toutefois, certains patients, je pense aux personnes âgées en particulier, habitués à tel produit pourraient être déstabilisés et préférer le médicament prescrit. Quelle serait alors la marge de manoeuvre du pharmacien ?
Des campagnes d'information, d'explication destinées aux patients et surtout aux médecins devront nécessairement être organisées. Par ailleurs, sommes-nous tout à fait certains qu'en termes de qualité et de sécurité les génériques soient équivalents aux molécules princeps ?
Pour que les pharmaciens puissent plus facilement se repérer, une liste de 459 spécialités avec leurs équivalents a été mise au point par l'agence du médicament. Mais d'un autre côté, la CNAM, quant à elle, diffuse sa liste des « équivalents thérapeutiques ». Quelle va être, monsieur le secrétaire d'Etat, la liste officielle ?
Enfin, le système proposé permet-il d'identifier clairement les responsabilités thérapeutiques de chacun des intervenants : médecins, pharmaciens, agence du médicament ?
Toutes ces interrogations nous conduisent à nous abstenir sur cet article.
De surcroît, nous restons très réservés sur les réelles motivations tant des pharmaciens que des groupes de l'industrie pharmaceutique, les contreparties escomptées risquant de contrebalancer en fin de compte l'économie attendue pour notre sécurité sociale et d'être préjudiciable au patient.
Si, enfin, le Gouvernement a réussi à vaincre la résistance des pharmaciens, c'est peut-être parce que ces derniers espèrent obtenir un mode de rémunération incitatif, des marges plus importantes sur les médicaments délivrables sans ordonnance, par exemple.
Pourquoi les laboratoires pharmaceutiques seraient-ils tout à coup très intéressés ?
L'enjeu pour eux est de taille, le marché des génériques devant représenter, en l'an 2000, 125 milliards de francs pour les dix pays les plus industrialisés.
Aussi, dès maintenant, les grands groupes ont-ils créé des filiales spécifiques pour produire à gros volume les génériques vendus à bas prix. Cependant, ils essaient parallèlement d'obtenir une augmentation des prix de nouveaux médicaments, médicaments innovants non remboursés, mais pourtant prescrits par le médecin.
Nous attendons qu'en la matière le Gouvernement assume pleinement ses responsabilités, qu'un débat ait lieu sur le prix des médicaments afin de combler l'écart entre le prix des spécialités remboursables ou non, que le déremboursement de certains médicaments cesse et que la recherche soit poussée, même pour les affections qui ne touchent pas prioritairement nos pays.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous avez pu le constater, la commission n'a pas déposé d'amendements sur cet article. Je crois cependant nécessaire d'ouvrir une discussion sur le grand problème des génériques et de la substitution de médicaments.
De l'intervention de Mme Borvo, je relève qu'une grande confusion entoure la notion de génériques, confusion largement entretenue par des organismes qui savent ce qu'ils font.
Je m'explique. Si des organismes internationaux ont donné une définition des génériques, parallèlement, comme l'a dit Mme Borvo, sont parus des fascicules présentant soit des équivalents thérapeutiques, soit des médicaments moins chers à même objet thérapeutique. Je le dis très clairement : c'est scandaleux, et j'invite le Gouvernement à donner à tous les pharmaciens une définition du médicament générique et à mettre en garde les organismes, y compris les organismes mutualistes, contre la confusion qui peut s'instaurer entre les médicaments génériques, les équivalents thérapeutiques et les médicaments moins chers à même objet thérapeutique. La confusion qui règne actuellement n'est pas tolérable.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je vais répondre malheureusement sommairement alors que nous pourrions débattre très longuement de ce sujet.
Il est vrai que règne une certaine confusion, en tout cas dans l'esprit du public, et peut-être même dans celui des professionnels puisqu'il y a, d'un côté, les médicaments génériques et, de l'autre, les médicaments équivalents. En effet, M. le rapporteur a tout à fait raison de dire qu'il ne s'agit pas du tout de la même chose.
Permettez-moi de rappeler la définition internationale des médicaments génériques. Il s'agit de médicaments ayant le même principe actif, le même dosage, la même présentation et la même biodisponibilité. Ils n'ont rien à voir avec les équivalents thérapeutiques, qui sont des médicaments voisins entraînant théoriquement les mêmes effets thérapeutiques mais n'ayant pas la même composition chimique. Il faut donc être très clair.
Le médicament générique doit être totalement substituable à une molécule princeps qui a été protégé par un brevet de trois, sept ou dix ans dans notre pays. Il en a le même dosage, la même présentation, la même biodisponibilité.
Dans Le Moniteur du pharmacien et des laboratoires, un sondage faisait apparaître que 97 % des pharmaciens étaient d'accord avec la manière dont sont traités dans la loi, grâce à vous, les génériques. Selon le même sondage, 56 % des médecins approuvaient ce principe de substitution, et j'ai eu connaissance de sondages réalisés au sein du corps médical qui faisaient état d'un taux plus élevé encore.
La résistance se réduit d'autant plus que, dans tous les pays du monde, en particulier dans les pays avancés, et surtout dans l'Union européenne, les génériques sont partout acceptés.
Je suis d'accord avec vous, madame Borvo, monsieur Descours : il faut en parler.
J'envisage d'envoyer une lettre très précise au corps médical et aux pharmaciens après le vote de ce projet de loi.
Quelles réticences avez-vous cru déceler chez certains ?
Elles concernent d'abord des personnes âgées, vous avez raison. Les personnes âgées sont en effet habituées à certains produits très particuliers, très souvent prescrits, voire trop souvent prescrits. Elles connaissent leur traitement par la couleur ou la forme des pilules et gélules. Il faudra donc agir avec précaution dans la substitution des génériques leur intention. Ce sera au médecin, à qui nous faisons toujours confiance, de mentionner à côté du princeps « NS » pour « non substituable ».
Pour le reste, les précautions d'information étant prises, j'espère qu'il y aura une disponibilité suffisante dans les officines, où se pose, vous le savez, un problème de place, que les pharmaciens mettent très souvent en avant.
S'agissant des dépenses pharmaceutiques, je vous rappelle, madame le sénateur, que nous escomptons de ce dispositif une économie, pour notre système d'assurance maladie, de 4 milliards de francs dans l'immédiat et, éventuellement, de 11 milliards de francs par la suite. N'oubliez pas que 50 % du « parc thérapeutique » de la France sont « généricables » dans les deux ans qui viennent.
Vous avez évoqué de possibles dérives ; nous y seront très attentifs, pour les génériques comme pour les princeps.
Reste une préoccupation essentielle : la venue sur le marché de médicaments extrêmement chers, dont on ne demande pas actuellement le remboursement, certes, mais qui peuvent être néanmoins, de toute façon, source de dépenses importantes, ne serait-ce qu'au niveau de la prescription puisque ces produits nouveaux sont prescrits par les médecins et que cette prescription s'accompagne généralement d'un certain nombre d'examens indispensables. C'est une dépense nouvelle qui se profile. Cela dit, il me paraît inéluctable qu'à un moment donné un mouvement se manifeste dans la société pour demander le remboursement de produits qui améliorent la qualité de la vie. Comment pourrait-on admettre que de tels produits soient plus ou moins accessibles selon les disponibilités financières de chacun ?
De tout cela nous aurons bien entendu à reparler dès l'an prochain. Je suis d'ailleurs très heureux que le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permette d'aller plus loin chaque année dans l'étude des dépenses de santé et je me félicite de l'attention qu'y portent en permanence nos concitoyens.
M. le président. Par amendement n° 65, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de rédiger comme suit le troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 23 pour l'article L. 512-3 du code de la santé publique :
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique, il fait mention expresse sur l'ordonnance du générique délivré, et appose son nom et sa signature. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Il s'agit de préciser la disposition adoptée par l'Assemblée nationale au terme de laquelle, « lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique, il doit inscrire le nom du générique qu'il a délivré ».
L'amendement indique donc qu'en procédant à la substitution, acte qui engage la santé du patient, le pharmacien doit porter sur l'ordonnance le nom du médicament générique et y apposer son nom ainsi que sa signature. Ces indications permettront, en cas d'incident ou d'accident, l'identification du pharmacien qui a procédé à la substitution. Celui-ci voit ainsi sa responsabilité personnelle engagée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
Il est en effet indispensable, d'abord, de compléter la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, qui n'indique pas que la substitution est mentionnée sur l'ordonnance.
Par ailleurs, dans la mesure où la question de la responsabilité - vous avez eu raison de poser le problème, madame Borvo - ne nous paraît pas suffisamment précisée dans le texte actuel, il importe effectivement de prévoir l'identification du pharmacien qui a procédé à la substitution.
J'avais d'ailleurs déposé en commission un amendement suivant la même inspiration que celui-ci mais qui, sans doute trop complexe dans son dispositif, n'a pas été retenu par elle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est très embarrassé.
En effet, si je comprends bien le souci de M. Huriet, il me semble que la signature du pharmacien est superflue. Celui-ci doit déjà apposer son cachet et mentionner la date ainsi que la quantité délivrée.
Il me semble, monsieur Huriet, que le cachet obligatoire du pharmacien répond à votre souhait.
M. Charles Descours, rapporteur. Et si c'est la femme de ménage qui l'appose ?...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Vous savez bien qu'il arrive que la femme de ménage délivre - de façon tout à fait illégale - les médicaments ! (Exclamations sur plusieurs travées.)
M. Charles Descours, rapporteur. Eh bien, je préférerais qu'elle ne délivre pas le générique !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 65.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Monsieur le secrétaire d'Etat, il est vrai que chaque ordonnance comporte le cachet de la pharmacie. Mais vous savez bien que, dans une même officine, il y a généralement plusieurs pharmaciens nommément habilités à délivrer des médicaments.
Par conséquent, en prévoyant la signature, on individualise et donc responsabilise, au sein de la pharmacie, celui qui, associé ou assistant, a délivré le médicament générique. Car la responsabilité de la prescription et de la délivrance est un élément de l'acceptation d'une politique du médicament générique.
Voilà pourquoi je crois que la précision par M. Huriet est importante.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Le cachet n'est pas du tout une garantie. Le cachet mentionnera, par exemple, Pharmacie des Fleurs et le nom du patron de cette pharmacie. Mais, si cette officine emploie cinq pharmaciens, le fait que ce cachet ait été apposé ne signifiera nullement que c'est le propriétaire de la Pharmacie des Fleurs qui a délivré le médicament générique.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Cela est déjà vrai pour tous les médicaments !
M. Charles Descours, rapporteur. Certes, mais, là, nous parlons du cas où il y a substitution.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme l'a indiqué Mme Borvo tout à l'heure, tout cela peut faire naître une certaine inquiétude, notamment chez les personnes âgées. Cette inquiétude, il est indispensable de la lever. Nos concitoyens ont une grande confiance envers les pharmaciens, et je m'en réjouis. L'inquiétude ne sera dissipée que si l'on est sûr que le pharmacien a pris individuellement ses resposabilités.
C'est pourquoi la proposition de M. Huriet me paraît tout à fait justifiée.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je suis très partagé.
Je pense, comme vous tous, qu'il est nécessaire de bien situer les responsabilités, mais je me demande si ce luxe de précautions ne va pas décourager l'institution et, par conséquent, aller à l'encontre de l'objectif poursuivi.
Je me demande également si cette disposition est compatible avec l'informatisation de la gestion des officines.
Je comprends bien ce que souhaite M. Huriet mais, dans la pratique, tout cela ne va-t-il pas rendre encore plus difficile la substitution par des génériques ?
C'est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je crois que l'on est en train de compliquer, pour de bonnes raisons et avec de bons sentiments, un système qui a déjà mis du temps à s'installer dans notre pays et qui va - sans affecter le moins du monde la prise en charge des soins dans notre pays - permettre de réaliser de substantielles économies.
Si l'on demande au pharmacien de signer, de mettre son numéro de conseil de l'ordre, de sa carte d'identité ou je ne sais quoi, c'est évidemment plus compliqué !
Je comprends votre argument, monsieur Leclerc. D'ailleurs, on pourrait éventuellement demander à tous les pharmaciens qui travaillent dans une officine pendant un certain temps d'avoir leur propre cachet.
M. Dominique Leclerc. Oui !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. S'il s'agit d'un simple tampon portant leur nom, j'y serais favorable. Cela garantirait que le pharmacien a lui-même vu l'ordonnance.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. L'argument développé à l'instant par notre collègue François Autain m'inquiète et renforce ma détermination à demander à la Haute Assemblée d'adopter cet amendement.
Si l'on considère qu'il est compliqué et dissuasif pour la délivrance de génériques de demander au pharmacien d'apposer son nom et sa signature, je me demande vraiment ce qui se cache derrière ce désir de simplification. Pourrait-on concevoir qu'un médecin fasse une prescription sur une feuille d'ordonnance, où il y a un en-tête à son nom, et qu'il ne la signe pas ? Nous sommes là devant une situation en tous points comparable.
Je ne considère pas qu'il s'agit d'une complication administrative insupportable et dissuasive lorsqu'on demande au pharmacien qui prend la responsabilité de substituer un générique à un médicament prescrit d'apposer son nom et sa signature.
J'insiste donc pour que cet amendement soit adopté.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, plus la discussion de cet article avance, moins je comprends !
Je souhaite simplement poser une question : pourquoi n'est pas le médecin qui prescrit le médicament générique ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Madame Beaudeau, si cela avait été si simple, nous n'aurions pas quinze ans de retard. Il a fallu se battre pendant des années pour que le même corps, avec la même présentation, la même biodisponibilité, le même dosage, mais 30 % à 40 % moins cher, puisse être prescrit dans notre pays.
Oui, il y a des blocages français ! Tout autour de nous, ces problèmes sont résolus depuis une dizaine d'années. C'est ainsi ! C'est le génie français !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 66, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de rédiger comme suit le paragraphe II de l'article 23 :
« La première phrase du premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Sans préjudice du droit relatif à la protection de la propriété industrielle et commerciale, on entend par spécialité générique d'une autre spécialité autorisée depuis au moins dix ans en France ou dans un autre pays membre des Communautés européennes selon les dispositions communautaires en vigueur et commercialisée en France, appelée spécialité de référence, une spécialité qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. La spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe générique. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. L'article L. 601-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 24 avril 1996, a introduit en droit français la notion de spécialité générique.
Sa définition législative, pas plus que les textes réglementaires pris pour leur application, ne font référence à la protection de la propriété intellectuelle et commerciale du titulaire du produit originel. Elle ne tient pas compte non plus de la protection de dix ans des données de l'AMM, l'autorisation de mise sur le marché, prévue par le code de la santé publique pour favoriser l'innovation thérapeutique.
L'absence de prise en compte de la propriété industrielle et de la protection des données de l'AMM dans la définition du générique place la France dans une situation marginale en Europe et non conforme à l'esprit des textes communautaires.
A la lumière de l'expérience acquise depuis l'adoption de l'ordonnance du 24 avril 1996, il apparaît indispensable de compléter la définition de la spécialité générique afin de mieux assurer la protection de la propriété industrielle et de l'innovation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
En effet, la définition de la spécialité générique ne tient pas compte de la protection de dix ans des données de l'AMM, prévue par le code de la santé publique.
On comprend bien l'argumentation avancée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, argumentation selon laquelle il n'appartient pas à l'Agence du médicament de s'occuper du droit des brevets. En revanche, il me semble que l'Agence est bien chargée de vérifier l'application des dispositions du code de la santé publique concernant l'AMM.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 66, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 52, M. Leclerc propose :
A. - De compléter le deuxième alinéa du texte présenté par le IV de l'article 23 pour rédiger les deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 662-16 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l'organisme peut décider, si la dépense supplémentaire est inférieure à un montant fixé dans les mêmes conditions, de ne pas procéder au recouvrement ».
B. - Après le IV de l'article 23, d'insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes résultant du non recouvrement de la dépense supplémentaire visée au troisième alinéa de l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par une majoration de la contribution visée à l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Cet amendement est la reprise d'une disposition qui, après avoir été adoptée par l'Assemblée nationale, fut finalement repoussée lors d'une seconde délibération.
Je vise ici le cas où le générique prescrit n'étant pas disponible, le pharmacien y substitue un générique d'un prix légèrement supérieur. Je propose que, dans un tel cas, il n'y ait pas de pénalités.
Il s'agit, là encore, de ménager un espace de liberté pour la délivrance des génériques dans le cadre conventionnel.
Par ailleurs, je voudrais dire très amicalement à M. Autain que, personnellement, je tiens encore des gardes de nuit et certains dimanches. Quand je n'ai pas le médicament prescrit en stock - il en existe 30 000 : on ne peut pas les avoir tous ! - je joins le médecin et, si je n'y parviens pas, je procède à la substitution, j'indique précisément ce que j'ai délivré, en quelle quantité, et je signe. Je fais cela sans problème depuis des années.
Alors, de grâce, mon cher collègue, faites confiance aux professionnels. Ce ne sont pas des ânes !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je comprends très bien la position de M. Leclerc et la difficulté qu'il y a à gérer des stocks de médicaments innombrables, notamment de génériques, dont on nous a dit tout à l'heure qu'ils pouvaient être plusieurs dizaines pour un même médicament princeps, par exemple le clamoxyl.
Cependant, que l'on substitue au médicament prescrit par le médecin un générique plus cher me gêne : je n'y reconnais plus très bien la philosophie du texte. Je fais tout à fait confiance aux professionnels s'agissant de cas exceptionnels, mais inscrire cette disposition dans la loi m'ennuie un peu, et je souhaiterais que M. Leclerc retire son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je me range à l'avis de M. le rapporteur. (Rires.)
M. le président. Monsieur Leclerc, l'amendement n° 52 est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. Les sommes en jeu sont très modestes, puisque, comme M. le secrétaire d'Etat l'a rappelé, les médicaments génériques sont a priori 30 % moins chers que les produits princeps. Il est vrai que, pour certaines classes de médicaments, il existe des dizaines de produits génériques, et le pharmacien peut ne pas toujours avoir le moins cher.
Par ailleurs, Mme Beaudeau l'a dit, les médicaments génériques font aujourd'hui l'objet d'un marché tout de même très important. Des produits génériques un peu moins chers, il en apparaît tous les jours, et le pharmacien ne peut, là encore, les détenir tous.
De grâce, à quelques centimes près, faites confiance aux professionnels en les autorisant à délivrer un produit générique un peu plus cher que celui qui a été prescrit. C'est un espace de liberté conventionnelle.
En outre, les pharmaciens n'ont signé qu'un protocole d'accord, mais cette signature laisse espérer, aux termes de l'article 3 du protocole, la conclusion d'une convention tripartite entre l'Etat, la CNAM et la profession, et l'article 4 prévoit que les modalités de délivrance des médicaments génériques seront déterminées lors des discussions tripartites visant à établir cette convention.
En conclusion, je trouve mon amendement très bon, et je le maintiens. (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Dans ses conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. Par amendement n° 67, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de compléter le paragraphe VI de l'article 23 par un alinéa ainsi rédigé :
« ... L'annexe prévue au b du paragraphe II de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale présente un bilan sommaire du contrôle de l'application des dispositions de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. A la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, le taux maximal des ristournes des officines a été fixé, pour les médicaments génériques, à 10,74 %. Deux taux de ristourne vont donc coexister : le taux de droit commun de 2,5 % et le taux applicable aux génériques, de 10,74 %. Il importe donc que le Gouvernement présente au Parlement, dans les annexes au projet de loi de financement, un bilan de l'application de ces dispositions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23, modifié.

(L'article 23 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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