Séance du 19 novembre 1998






LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne surprendrai personne en indiquant d'emblée que six des sénateurs non inscrits soutiendront sans réserve la position exprimée par M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances quant à la nécessité d'atteindre un meilleur équilibre budgétaire tout en pratiquant une baisse des prélèvements obligatoires, et, en conséquence, les différentes mesures qui découlent de cette position.
On pourrait d'ailleurs légitimement se demander si le rééquilibrage est suffisant et s'il est acceptable de continuer à admettre que le déficit budgétaire puisse couvrir autre chose que l'investissement.
Soyons clairs ! Nous ne sommes pas dupes et nous savons très bien qu'il restera peu de chose de l'exercice auquel nous nous livrons après le retour de ce texte à l'Assemblée nationale.
La valeur de cet exercice tient non pas à l'importance de la réduction du déficit, mais à l'obligation faite à chacun d'entre nous de participer à la maîtrise budgétaire et donc dans le changement de mentalité que cela suppose : « Un bon budget n'est pas celui qui augmente mais celui qui utilise bien l'argent public ».
Tout prélèvement supplémentaire, toute d'emploi dans la fonction publique signifie soit une perte de compétitivité pour les entreprises, soit une baisse de pouvoir d'achat pour les particuliers, et donc des pertes d'emplois pour les Français.
Cette obligation, que nous nous imposons pour la deuxième année consécutive, n'est pas des plus faciles. Il est tellement plus simple d'être démagogique, de demander toujours plus. Notre position ne s'inscrit pas dans le court terme, ce qui rend d'ailleurs plutôt service à ce gouvernement, mais vise à une prise de conscience plus globale de l'ensemble des Français sur ce qu'est l'intérêt général.
Il nous faut faire connaître et partager aux différents acteurs économiques et sociaux cette ligne de conduite. Nous n'aurons véritablement gagné que lorsque tous ceux qui nous sollicitent prendront l'habitude de proposer, en même temps qu'une mesure nouvelle, une suppression ou un redéploiement d'une mesure ancienne.
Nous regrettons vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'ayez pas profité des 75 milliards de francs de plus-values fiscales pour supprimer cette détestable habitude qui consiste, comme c'est le cas cette année encore, à financer 70 milliards de francs de fonctionnement par du déficit budgétaire, donc de l'emprunt.
Il n'est pas normal que, dans cette conjoncture favorable - mais pour combien de temps encore ? - vous n'ayez pas engagé de programme de réduction de la dette.
Pis encore, en donnant l'illusion, grâce à une analyse comparative en pourcentage, que les prélèvements obligatoires baissent, alors qu'en masse ils augmentent, vous consolidez des charges de structures qui vont gravement obérer notre avenir en cas de retournement de la conjoncture.
Tout est fait, semble-t-il, pour repousser à plus tard la solution des problèmes ou la comptabilisation des charges réelles de notre société ; il en est ainsi, par exemple, des emplois-jeunes, de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, de la dette, etc.
L'habileté de ce gouvernement à gérer le court terme et à présenter les choses de façon cosmétique est remarquable, monsieur le secrétaire d'Etat, mais cela me fait penser au chant de la cigale de M. de La Fontaine. Chacun connaît la morale de cette fable. Je crains cependant que le moment venu, cette fois, la fourmi n'ait vraiment une tâche ardue.
Cela ne fait que renforcer la justesse des propositions de la commission des finances. C'est pourquoi nous la soutiendrons résolument. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Merci !
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention aura pour objectif d'exprimer notre appréciation globale du projet de loi de finances pour 1999, et mon amie Marie-Claude Beaudeau présentera nos analyses et nos propositions d'amélioration des dispositions du texte lui-même.
Le projet de loi de finances pour 1999 qui nous est soumis constitue, dans les faits, le premier budget dont le gouvernement de la gauche plurielle a la pleine maîtrise.
Il se doit donc d'apporter les réponses à l'attente de toutes celles et tous ceux qui ont choisi, voilà quinze mois, le changement pour rompre avec la politique libérale de la droite et pour retrouver la voie de la croissance, de l'emploi et de la justice sociale.
Ce projet de budget, même s'il comprend d'indéniables mesures de progrès, telle la réduction de l'avoir fiscal des entreprises, la baisse de la TVA sur l'achat de terrains pour les particuliers, la baisse de la TVA sur les abonnements du gaz et de l'électricité, le renforcement de l'impôt sur la fortune, dont le rendement sera augmenté de deux milliards de francs, ne rompt cependant pas encore suffisamment avec la logique qui a prévalu à la mise en place de la monnaie unique.
D'ici à la fin du mois de décembre, nous espérons que de nouveaux pas pourront être accomplis, monsieur le secrétaire d'Etat.
L'économie dans notre pays connaît un petit mieux. La croissance, qui pourrait être plus forte, est revenue. Que faire donc de ses fruits ? Toute la question est là !
A cet égard, monsieur le rapporteur général, nous avons, c'est évident, une logique complètement différente de la vôtre. Pour notre part, nous estimons que tout doit être fait pour consolider la croissance en redistribuant équitablement les richesses, favorisant ainsi la consommation intérieure qui constitue le socle le plus solide pour garantir le progrès et le développement, alors que les exportations sont tributaires des situations de crise internationale qui peuvent surgir à tout moment.
Parti d'un projet initial en deçà de cette ambition, la discussion a permis d'apposer plus franchement le sceau du changement sur ce projet de budget, à la suite notamment de notre travail avec les députés communistes et avec vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, travail qui a permis d'accroître de 14 milliards de francs la partie « recettes ».
La meilleure prise en compte de l'aspiration au changement est aussi, sans nul doute, encouragée par la vigueur du mouvement social. Ce fut le cas avec le formidable mouvement lycéen, qui a conduit à une première amélioration du budget de l'éducation nationale, laquelle ne répond cependant pas suffisamment aux demandes des lycéens et des rapporteurs. Nous souhaitons la voir inscrite au titre des crédits nouveaux dans la présentation du budget qui sera faite au Sénat.
Les luttes qui se développent, de l'hôpital à l'industrie - comme aux Chantiers du Havre - de la SEITA aux services publics de transports montrent l'attente d'un volontarisme plus grand dans l'action économique pour l'emploi et contre la précarité, et nous nous réjouissons à cet égard des intentions affirmées à propos des contrats à durée déterminée et des abus commis par les entreprises.
Les avancées que j'évoquais constituent un premier pas. Elles doivent être confirmées et complétées d'ici à la fin de la navette parlementaire.
Consolider la croissance est d'autant plus nécessaire que, si notre économie va un peu mieux, tel n'est pas le cas ailleurs dans le monde.
Depuis un an, de secousse en secousse, l'Asie s'effondre, l'économie russe s'est quasiment dissoute voilà quelques semaines, et l'Amérique latine s'inquiète !
Chacun sait que nous sommes passés tout près, en septembre, d'une véritable crise systémique qui aurait pu emporter, comme dans un jeu de dominos, le système financier dans son ensemble, y compris celui des Etats-Unis.
Chacun sait également que les dangers ne sont pas écartés pour autant. La crise financière est là, et d'importantes réformes sont à mettre en oeuvre de toute urgence pour éviter un écroulement dont les plus démunis, qu'il s'agisse des pays ou des populations, pâtiraient en premier lieu. C'est en ce sens que nous estimons urgent d'instaurer des mécanismes de régulation, de contrôle des flux de capitaux. Le projet de taxe élaboré par M. Tobin, prix Nobel d'économie, nous paraît une intéressante base de réflexion. Nous avons d'ailleurs déposé, voilà un an, une proposition de loi allant dans ce sens.
Cette crise violente, aux conséquences humaines dramatiques - licenciements massifs, émeutes avec effusions de sang comme en Indonésie, explosion de la misère dans des pays montrés il y a peu comme des modèles de développement - provoque la montée des interrogations sur le système capitaliste lui-même.
Les graves secousses évoquées mettent l'accent sur les dangers de l'ultralibéralisme et du dogme monétariste.
M. le Premier ministre lui-même, après avoir dénoncé avec raison, le 19 juin dernier, la « société de marché » et rappelé, le 30 août, que « le marché, s'il génère des richesses, ne produit ni solidarité ni projet commun », que « la France a besoin d'un équilibre entre l'Etat et le marché », affirmait ceci dans un article du 10 septembre : « le capitalisme ne souffre pas seulement d'une hypertrophie de sa finance, il nourrit une faiblesse constitutive. Dans le même temps où il crée des richesses, il les concentre à l'excès ; s'il assure pour le progrès technique un essor contenu de la production, il tend à exclure du monde du travail un nombre de plus en plus grand d'hommes et de femmes. Il porte en lui cette source de déséquilibre. »
Nous qui, depuis longtemps, résistons à l'idée qu'il n'existerait pas d'autre voie que le capitalisme, qui avons refusé le culte du gagneur, de l'argent-roi, nous apprécions cette analyse du capitalisme qui apparaît pour ce qu'il est vraiment, un frein à l'épanouissement de tous les hommes, un obstacle au développement harmonieux et équilibré de l'humanité sur chacun des continents de la planète.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On a connu d'autres expériences !
Mme Hélène Luc. Une contradiction nouvelle et intéressante apparaît entre la conception fondatrice de l'euro, conception qui contraint encore ce projet de loi de finances, et la nécessité de stopper la spéculation financière.
La crise du capitalisme appelle des solutions nouvelles auxquelles nous réfléchissons et que nous mettons en débat. En France, l'audace doit être de mise pour franchir une nouvelle étape du changement. C'est dans cet état d'esprit que nous abordons la discussion budgétaire.
Il faut desserrer le carcan imposé par une conception ultralibérale de l'Europe, conception qu'il s'agit désormais d'abandonner pour enclencher une nouvelle construction européenne, sociale et démocratique.
Ce n'est pas l'euro, pris comme outil de spéculation, qui protégera l'Europe des désordres internationaux, mais bien une politique de croissance dynamique, source de développement et de coopération.
Agir pour la croissance, c'est engager une réforme fiscale qui doit assurer la redistribution des richesses.
Agir pour la croissance, c'est réduire de manière plus significative encore la TVA, cet impôt injuste qui pèse pour 13 % sur les revenus des ménages les plus défavorisés, mais moitié moins sur les revenus des plus aisés.
Agir pour la croissance, c'est aller plus loin encore dans l'alourdissement de l'impôt sur la fortune. Il faut inclure les biens professionnels dans le calcul de cet impôt, c'est une question de justice et d'efficacité. La croissance des gros patrimoines, qui enfle par des activités spéculatives et non productives, est indécente.
La lecture, dans un mensuel spécialisé de l'Etat, des mille fortunes les plus élevées de France est insupportable au regard des difficultés endurées par des millions de nos concitoyens au moment où vont rouvrir les Restos du coeur.
Agir pour la croissance, ce n'est certainement pas alourdir plus encore les charges sur les collectivités territoriales. Or l'extinction progressive de la part salariale de la taxe professionnelle fait peser un risque d'aggravation de leur situation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
Mme Hélène Luc. Combien d'emplois seront-ils dégagés par cette mesure ? Comment sera compensée la perte de recettes à long terme ? Quand intégrera-t-on les actifs financiers dans le calcul de cette taxe ? Nous attendons des éclaircissements du débat qui s'engage, monsieur le secrétaire d'Etat.
Ce budget est en évolution. Des premières annonces au texte dont nous débattons aujourd'hui, le Gouvernement a accepté des amendements qui ont permis des progrès significatifs.
En outre, cette loi de finances permet la mise en oeuvre du plan emplois-jeunes et la mise en place des 35 heures. C'est là un élément fondamental de notre appréciation positive au sortir des débats de l'Assemblée nationale.
La droite, outre son réflexe d'opposition habituelle à toute disposition de gauche, perçoit l'enjeu de ce débat. Elle sait que prend corps dans le pays l'idée que le libéralisme, loin d'être une fin en soi, mène à l'échec économique et social.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le communisme aussi !
Mme Hélène Luc. Ce libéralisme est majoritairement rejeté en France, comme il l'est de plus en plus en Europe, et une alternative doit être élaborée avec l'intervention des citoyens, dont nous voulons être les relais.
L'attitude de la majorité sénatoriale n'est donc pas étonnante. Sous l'appellation « contre-budget », c'est en fait un renforcement anarchique de l'austérité, fait de coupes claires tout autant qu'incohérentes dans les crédits que vous proposez.
Quand le rapporteur général évoque les emplois-jeunes, il parle de « lourdes charges ». Quand il évoque les réductions de dépenses supplémentaires, c'est bien entendu celles qui sont liées aux 35 heures ou à l'augmentation, pourtant contenue, des rémunérations des fonctionnaires. Enfin, quand le rapporteur général évoque la répartition des fruits de la croissance, il répond « assainissement des finances publiques ».
La majorité sénatoriale propose donc de réduire les dépenses publiques de 26 milliards de francs. La droite se trompe de combat en s'arc-boutant sur les principes sacro-saints de l'ultralibéralisme. Cela ne l'empêchera pas, d'ailleurs, dans les villes et les villages - c'est le cas dans mon département - de se plaindre de l'insuffisance des crédits et des dotations qu'ici même elle va réduire. Mais elle n'est plus à une contradiction près.
M. Michel Sergent. C'est bien vrai !
Mme Hélène Luc. Au cours de la discussion de ce projet de budget, nous nous opposerons point par point à toute mise en cause de la politique de changement voulue par la majorité des Français.
La majorité sénatoriale, en persistant dans cette attitude, confirme son décalage croissant avec les attentes populaires.
Nous avons fait le choix de la participation au gouvernement pour qu'il réussisse, et nous le redisons. La garantie de cette réussite, c'est la mise en oeuvre de réformes profondes débouchant sur des changements tangibles de la vie quotidienne.
Les mouvements sociaux et leur diversité sont à prendre comme autant de soutiens et d'encouragements à poursuivre la mise en oeuvre d'une politique forte de croissance, de justice et de transformation sociale.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen apporteront donc un soutien vigilant sans surenchère, en s'opposant fermement au conservatisme de la droite et en apportant toute leur énergie, leur capacité d'initiative et de proposition. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes ches collègues, je suis heureux de m'exprimer aujourd'hui sur le projet de budget pour 1999, et ce pour quatre raisons : parce que c'est véritablement le premier budget dont la gauche, depuis son retour au Gouvernement, peut reconnaître pleinement la paternité ; parce que ce budget arrive à un moment « charnière » du passage à l'euro, qui représente pour nous un espoir de progrès économique et social ; parce que ce budget s'inscrit dans une situation conjoncturelle qui montre que nos choix économiques aussi bien que budgétaires sont les bons ; enfin, parce que cela va me donner l'occasion de répondre, tout au long de mon intervention, aux propositions de la majorité sénatoriale, qu'elle qualifie de « contre-budget ».
M. Denis Badré. De budget alternatif... comme le courant !
M. Philippe Marini, rapporteur général. De budget de responsabilité !
M. Bernard Angels. Effectivement, ce texte est véritablement la première loi de finances dont le Gouvernement peut assumer totalement la paternité. L'année dernière, la discussion de la dernière loi de finances est arrivée seulement quelques mois après que le gouvernement de Lionel Jospin eut pris ses marques. La mise en chantier des grandes réformes n'a ainsi pu être lancée véritablement qu'au cours de l'année 1998.
Aujourd'hui, la situation est donc sensiblement différente : dix-sept mois ont passé depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement Jospin. Un travail considérable a été engagé depuis lors.
La loi de finances qui nous est présentée constitue, par conséquent, la concrétisation d'un nombre déjà important d'engagements pris au cours de la dernière campagne des législatives et sur lesquels je reviendrai dans un instant.
Cette politique nous est permise parce que les objectifs des budgets précédents, du collectif de 1997 comme du budget de 1998, ont été réalisés.
Il fallait remplir les conditions pour la mise en place de l'euro, en particulier la réduction des déficits. Il fallait également encourager la demande intérieure afin de galvaniser la croissance après des années difficiles, nous permettant ainsi de rattraper le retard accumulé et de réduire le chômage.
Ces objectifs ont été atteints puisque la France fait partie des pays membres de l'euro et puisque notre croissance devrait atteindre 3,1 % en 1998.
Les résultats économiques sur l'emploi, principal objectif du Gouvernement, sont encourageants : fin septembre, il restait un peu plus 2,9 millions de chômeurs en France. Ce chiffre est encore trop considérable pour nous permettre, naturellement, d'être satisfaits, mais force est de constater que, depuis longtemps, la tendance n'a pas été aussi bonne qu'aujourd'hui. La baisse du chômage, constatée sur un an, est évidente et sans appel : elle atteint 5 %, et même 6,6 %, si l'on prend le mode de calcul défini par le Bureau international de travail.
L'INSEE prévoit, pour 1998, 285 000 créations d'emplois dans le secteur marchand, chiffre qui n'a jamais été atteint depuis 1989. Avec les emplois-jeunes, ce seront 360 000 emplois qui auront été créées, au total, en 1998.
Ces résultats sont d'ailleurs reconnus par le patronat lui-même comme étant le résultat non seulement de notre croissance, mais également de l'action gouvernementale, en particulier sur les emplois-jeunes.
Le pouvoir d'achat des ménages est en progression de 2,5 %, ce qui permet une forte croissance de la consommation, renforcée par un bien meilleur moral des ménages. L'investissement des entreprises, après de nombreuses années de baisse qui auraient pu handicaper notre pays dans la compétition mondiale, est repartie : 7 % de croissance cette année, selon la dernière prévision de l'INSEE.
Tous les indicateurs qui permettent de conforter ce qu'il est convenu d'appeler le « cycle vertueux » de la croissance sont donc au rendez-vous.
A ce stade, j'aimerais interpeller la majorité sénatoriale.
M. Michel Charasse. Enfin !
M. Marc Massion. Ils ne sont pas là !
M. Bernard Angels. L'année dernière, vous vous êtes efforcées d'expliquer que nos bons résultats étaient à mettre à votre actif. Aujourd'hui, vous assurez que c'est la croissance internationale qui nous permet ces bons résultats.
Je pense que, à ne pas reconnaître des évidences, ont perd toute crédibilité.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Bernard Angels. Vous êtes en droit de considérer que, même si notre politique obtient de bons résultats économiques, elle est moins bonne que la vôtre parce qu'elle s'inscrit dans un choix de société que vous souhaitez différent.
A vous, alors, par la force de votre programme, ...
M. Michel Charasse. Ils n'en ont pas !
M. Bernard Angels. ... de montrer aux Français que vous avez raison plutôt que d'avoir recours à des allégations inexactes qui dénaturent la réalité des faits.
Cela étant, je vous ferai remarquer que, si les bons résultats enregistrés en matière économique étaient uniquement le fruit de la croissance mondiale, on pourrait s'étonner que la crise internationale qui a éclaté dernièrement aux quatre coins de globe n'ait pas eu un impact fortement négatif sur notre pays.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne vous réjouissez pas trop vite !
M. Bernard Angels. On voit bien aussi combien une politique volontaire, notamment au niveau budgétaire, est nécessaire et efficace pour conforter une croissance interne. On voit bien également combien les règles du marché, lorsqu'elles ne sont pas régulées, sont dévastatrices.
M. Michel Charasse. Ô combien !
M. Bernard Angels. De ce point de vue, le volontarisme français en matière de croissance est salvateur.
Je ne reviendrai pas sur la polémique sur les prévisions de croissance du Gouvernement, ...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas une polémique !
M. Bernard Angels. ... si ce n'est pour rappeler qu'il n'est pas de bon ton d'aggraver par des anticipations négatives les effets de la crise internationale. Ces anticipations sont d'ailleurs, dans leur diversité, peu éloignées de cette prévision et certaines, comme celle du FMI, sont même supérieures. Elles montrent toutes que la zone euro se trouve épargnée aujourd'hui par les désordres constatés sur les marchés, ce qui montre bien également qu'une volonté pro-européenne est nécessaire.
M. Roland du Luart. Ça, c'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut s'en donner les moyens !
M. Bernard Angels. Et, même si la conjoncture internationale venait à s'aggraver, il est clair que les gouvernements européens, en majorité de gauche, ne resteraient pas passifs. D'ailleurs, ils sont en train d'infléchir leur politique, à l'instar de ce que fait le Gouvernement français, vers le soutien de la croissance.
Les interventions de MM. D'Alema et Lafontaine, au-delà de leurs différences, m'apparaissent en ce sens porteuses d'espoir car elles illustrent bien le fait que les gouvernements européens sont prêts à coordonner leurs politiques pour soutenir la croissance et l'emploi. Après des années de politique économique uniquement soucieuse de stabilité des prix, cela fait plaisir à entendre.
Je veux, ici, encourager fortement notre gouvernement à poursuivre les initiatives qu'il est en train de prendre sur ce dossier d'actualité.
Par rapport à cette nécessaire réflexion, je pense, comme M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qu'il convient de ne pas oublier que notre très faible inflation peut, et même doit nous conduire à une baisse des taux d'intérêt. Rien ne justifierait, aujourd'hui, une politique monétaire trop restrictive qui risquerait de bloquer ce nouvel élan donné à la croissance.
Parallèlement au nécessaire soutien de la croissance, la politique budgétaire doit également poursuivre des objectifs plus structurels : la réduction des déficits, le rééquilibrage de la fiscalité pour plus de justice, une dépense publique maîtrisée et orientée vers l'avenir.
Premier axe poursuivi, donc, la réduction des déficits.
Le déficit budgétaire est ramené de 256,4 milliards de francs, selon le collectif, à 236,5 milliards de francs, soit de 2,9 % à 2,7 % du PIB. Les déficits publics passeront, quant à eux, de 3 % à 2,3 % du PIB, du fait d'un léger excédent des comptes sociaux et des collectivités locales.
Les résultats du Gouvernement en la matière sont appréciables, surtout lorsqu'on se rappelle que, voilà un an et demi, le déficit public était proche de 4 %.
Cela, il ne faudrait d'ailleurs pas l'oublier quand certains évoquent un taux de déficit supérieur à celui de nos principaux voisins. Le gouvernement actuel est parti de beaucoup plus loin qu'eux, et ce qui compte, en la matière, c'est le rythme de baisse. Or, un simple regard sur un tableau de comparaison démontre que, si nous faisions moins bien que la majorité de nos principaux partenaires de 1993 à 1996, depuis, nous faisons mieux. Ainsi, l'Allemagne réduira son déficit de 2,6 % à 2,2 % seulement. La réduction des déficits est donc en marche et elle se poursuivra.
La poursuite de cette politique budgétaire est indispensable pour trois raisons.
Première raison : il est aujourd'hui indispensable de stabiliser puis de baisser le niveau de la dette de l'Etat, qui a pratiquement doublé depuis la fin de l'année 1992. Il s'agit de stopper ce que l'on appelle l'« effet boule de neige », causé par l'action conjuguée d'un solde primaire négatif et de taux d'intérêt supérieurs au taux de croissance.
Les taux d'intérêt sont aujourd'hui relativement moins élevés que ces dernières années. C'est un premier élément appréciable pour obtenir cette nécessaire stabilisation. Reste donc à dégager un excédent primaire du budget suffisant pour que s'amorce la baisse du stock de la dette publique. Dès l'année prochaine, le solde sera positif, et nous atteindrons, en l'an 2000, le niveau de 2 % de déficit qui permet le retournement.
Deuxième raison : le coût budgétaire annuel très élevé du service de la dette. Il représente une charge budgétaire de plus en plus lourde - 20 % des recettes fiscales -...
M. Michel Charasse. C'est énorme !
M. Bernard Angels. ... ce qui limite grandement les marges de manoeuvre restantes pour les actions positives du budget.
M. Michel Charasse. C'est exact !
M. Bernard Angels. Ainsi, de 1993 à 1997, le service de la dette aura absorbé 40 % des recettes fiscales supplémentaires dégagées durant ces quatre années.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Jusque-là, excellente démonstration !
M. Bernard Angels. Merci, monsieur le rapporteur général.
Troisième raison : il faut reconstituer nos réserves pour les périodes plus difficiles - je vous rejoins sur ce point - c'est-à-dire redonner à la politique conjonctuelle la souplesse nécessaire à son efficacité.
La majorité sénatoriale souhaiterait une réduction plus rapide du déficit. Ses propositions se fondent effectivement sur une réduction du déficit accrue de 14 milliards de francs.
Mes chers collègues, on peut toujours faire mieux, en la matière, mais un débat sur 14 milliards de francs de plus ou de moins, soit moins de 0,2 % du PIB - en prévision, qui plus est ! - n'a finalement que peu d'intérêt !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On fait ce qu'on peut !
M. Bernard Angels. L'important, c'est la volonté de réduire structurellement et durablement les déficits publics, mais sans hâte excessive ou dogmatique. Et c'est peut-être là notre vraie différence avec la majorité sénatoriale et plus encore, au-delà, avec certains adeptes des thèses dites libérales !
La France n'est qu'au début de son cycle de croissance.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Espérons-le !
M. Bernard Angels. De plus, cette croissance est fortement axée sur sa composante interne.
Enfin, nous sommes confrontés à un choc extérieur, que je crois en voie de résorption, mais qui a des effets négatifs à court terme. Il ne faut donc pas mener une politique budgétaire trop stricte qui risquerait d'avoir un effet contracyclique néfaste.
L'objectif, à terme, est clair. Il nous faut revenir à des comptes publics équilibrés ou proches de l'équilibre, et, là aussi, je vous rejoins. C'est justement parce que je crois en l'action budgétaire conjoncturelle que je défends cette approche, car le budget de l'Etat pourra ainsi de nouveau être utilisé comme une arme économique efficace.
Mais c'est aussi parce que je crois en l'efficacité de l'arme budgétaire que je ne souhaite pas que celle-ci joue aujourd'hui contre le soutien à la croissance et à l'emploi. Ce n'est pas de la recherche à tout prix de l'équilibre budgétaire que viendront la croissance et l'emploi ; c'est par la croissance et la création d'emplois que nous reviendrons à l'équilibre budgétaire.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Très bien !
M. Bernard Angels. Cette appréciation doit être élargie à un niveau aujourd'hui incontournable, celui de l'Europe.
Le deuxième axe poursuivi est la stabilisation des prélèvements obligatoires et le rééquilibrage de la fiscalité pour plus de justice.
En 1998, le Gouvernement a stabilisé les prélèvements obligatoires. Ces derniers, qui avaient crû de 2 points entre 1993 et 1997, ont légèrement baissé en 1998, de 0,2 point. Le Gouvernement prévoit de poursuivre cette baisse en 1999 et d'arriver ainsi à 47,5 %.
Fallait-il aller plus vite, comme le souhaite l'opposition, qui, d'ailleurs, n'applique pas, lorsqu'elle est au pouvoir, ce qu'elle préconise aujourd'hui ? Personnellement, je ne le pense pas.
Les baisses d'impôts ne doivent pas être décrétées de manière idéologique ; elles doivent être le corollaire pragmatique d'une rationalisation des dépenses.
La droite explique qu'« en prélevant moins, l'Etat laisse aux Français une part plus grande de liberté, de choix et de responsabilité ».
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est vrai !
M. Bernard Angels. Quel immense leurre ! En payant moins d'impôts, nos concitoyens n'auront pas, pour autant, moins de dépenses à consentir. Simplement, ils devront passer par des circuit privés.
Si l'on se réfère à ce qui se passe à l'étranger, on constate même, dans les pays qui ne disposent pas aujourd'hui de services publics aussi performants que les nôtres, que de telles orientations coûtent plus cher à l'usager ; combien coûtent en effet les soins ou l'éducation des enfants aux Etats-Unis ? Affirmer le contraire revient à nier l'évidence ou à faire le choix d'un autre projet de société, mais il faut alors clairement le reconnaître.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les Etats-Unis ont tout de même moins de chômeurs ! Mais, c'est vrai, c'est tout un débat !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout dépend de la façon dont on fait les comparaisons !
M. Bernard Angels. Je suis prêt à entamer ce débat avec vous.
En effet, en s'acquittant de leurs prélèvements, les contribuables paient pour que soit offert à chaque Français, du plus riche au plus pauvre, un niveau de service public optimal.
On pourrait d'ailleurs prétendre que, à coût constant, il serait bon d'en améliorer le rendement, mais telle n'est pas, apparemment, la démarche de l'opposition. Vouloir passer par des circuits privés relève d'une tout autre approche, celle consistant à vouloir payer uniquement pour ce que l'on dépense soi-même. Ce serait une société d'où toute idée de solidarité serait exclue, ce que nous rejetons fermement.
M. Michel Charasse. Heureusement qu'on a fait la « sécu » en 1945 ! (Sourires.)
M. Bernard Angels. Nous ne voulons pas, en effet, d'une France où seules les classes sociales les plus favorisées auraient les moyens de répondre à leurs besoins.
Je veux m'arrêter quelques instants sur les baisses d'impôts proposées par la majorité sénatoriale. Je m'étonne, de ce point de vue, que cette dernière ait choisi de revenir sur le plafonnement du quotient familial prévu dans la loi de finances. En effet, le Gouvernement a décidé de reverser à l'ensemble des familles les allocations familiales quelque que soit leur niveau de revenu. Cette décision n'est pas sans coût pour l'Etat.
M. Michel Charasse. Hélas !
M. Bernard Angels. Il était donc normal que le Gouvernement, comme le proposaient d'ailleurs les associations familiales, choisisse une solution fiscale permettant de financer la réforme.
M. Alain Lambert, président de la commission de finances. Avec le PACS, il n'y aura plus de problème !
M. Bernard Angels. L'abaissement du plafond du quotient familial profite aux moins favorisés des ménages, voire affecte des ménages dont les revenus sont sensiblement supérieurs à ceux qui étaient auparavant touchés par la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
M. Michel Charasse. Le Gouvernement est trop bon !
M. Bernard Angels. L'Assemblée nationale a par ailleurs prévu un dispositif qui permettra aux contribuables non concernés par la réforme des allocations familiales de ne pas être touchés par le dispositif d'abaissement du plafond du quotient.
Cette mesure que vous voulez supprimerétait donc parfaitement équilibrée. Je constate que vous vous appliquez, une fois encore, à alléger l'impôt sur le revenu des contribuables les plus aisés. Alors même que le dernier rapport du Conseil d'analyse économique vient de rappeler - et il n'est pas le premier ! - que notre fiscalité est aujourd'hui modérement progressive, pourquoi vouloir accentuer cette tendance ?
Autre sujet de désaccord : le plafonnement de l'ISF. Je ne rappellerai pas les circonstances qui avaient amené le Gouvernement de M. Juppé à plafonner ce dispositif. Aujourd'hui, vous vous attachez à défaire ce qu'il vous avait pourtant fait adopter.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'en revenir à l'amendement Richard !
M. Bernard Angels. Ainsi, vous permettez aux plus grandes fortunes de France de limiter le poids de cet impôt par le biais de l'optimisation fiscale, comme on dit pudiquement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On revient à la législation socialiste !
M. Bernard Angels. Concernant, plus généralement, la fiscalité sur l'épargne et le capital, nous pensons que toute idée de baisse des prélèvements va à contresens de ce qu'il convient de faire.
M. Michel Charasse. C'est vrai !
M. Bernard Angels. On ne compte plus, en effet, les rapports qui, sans relâche, démontrent qu'en France le patrimoine est aujourd'hui sous-imposé par rapport au travail.
Pour toutes ces raisons, je pense que les orientations décidées par le Gouvernement sont les bonnes. Je suis d'ailleurs heureux que plusieurs propositions du groupe socialiste du Sénat défendues lors de la discussion du budget de l'année dernière aient été reprises dans ce texte, qu'il s'agisse de la TVA, de la fiscalité écologique ou des finances locales.
Le Gouvernement a ainsi choisi des baisses d'impôts ciblées sur les ménages, en matière de TVA ou de droits indirects. Ces baisses sont bonnes, car elles seront, à coup sûr, répercutées sur le consommateur et elles portent sur les impôts indirects, les plus injustes et les plus lourds. Ces mesures ont pourtant été stigmatisées par la droite au motif qu'il s'agit en l'espèce d'impôts de faible montant. Or il s'agit de mesures qui vont permettre principalement d'améliorer la vie quotidienne des personnes les plus modestes.
Nous aurons l'occasion de montrer au Gouvernement que nous souhaiterions aller encore plus loin sur ce sujet.
En matière de TVA, nous connaissons les contraintes du Gouvernement par rapport à Bruxelles. Mais il nous semble nécessaire que notre pays, à l'instar de ses partenaires européens, proches de nous politiquement, puissent peser sur les négociations, afin qu'une harmonisation fiscale puisse aboutir à de plus nombreuses baisses de TVA en matière de taux réduit.
Enfin, je voudrais me féliciter - pour en terminer avec la fiscalité - des nombreuses mesures qui tendent à renforcer la fiscalité du patrimoine ou à réduire les possibilités d'évasion fiscale.
Ce dernier point est important. A quoi sert l'impôt si ceux qui en sont redevables y échappent ? A rien ! Et c'est le tort, bien souvent, des parlementaires que de légiférer, en théorie, sans suffisamment appréhender les faits dans leur réalité. Le Gouvernement redresse la barre et c'est une bonne chose.
Le troisième axe, enfin, réside dans la maîtrise de l'évolution des dépenses de l'Etat tout en finançant les priorités pour l'avenir.
Les dépenses augmenteront de 1 % en volume, de 2,3 % en valeur. En conséquence, la part des dépenses de l'Etat par rapport au PIB baissera une nouvelle fois.
M. Michel Charasse. Tant mieux !
M. Bernard Angels. Cette part était de 21,1 % en 1997, 20,4 % en 1998 et il est prévu qu'elle soit de 20,1 % pour 1999. Ce dernier taux sera le plus bas depuis vingt ans.
Compte tenu des contraintes, que l'on peut regrouper sous le vocable de « services votés », c'est une évolution très maîtrisée. Pour tenir cette augmentation de 1 %, il a d'ailleurs fallu effectuer un effort important de redéploiement et d'économies, de l'ordre de 30 milliards de francs. Ce n'est pas rien ! Ainsi, par exemple, dans le budget relatif à l'emploi, de nombreux dispositifs à l'efficacité douteuse ont été réduits.
M. Michel Charasse. Il était temps !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il suffit de poursuivre un peu cet effort !
M. Bernard Angels. Il aurait fallu le faire un peu avant ! Mais merci d'approuver aujourd'hui.
Cette maîtrise des dépenses apparaît encore plus remarquable quand on se remémore l'évolution de ces dernières années.
Nous avons débattu, voilà quelques jours, des projets de loi portant règlement définitif des budgets de 1995 et 1996 et nous avons alors relevé que les augmentations de dépenses avaient été de 2,8 % de chaque année.
Ceux qui critiquent le choix du Gouvernement en matière de dépenses sont donc bien mal placés pour parler de « laxisme budgétaire ». Quant à ceux qui évoquent des réductions de dépenses d'un point de PIB par an, comme M. Madelin, ils expriment là une position idéologique qui aurait pour conséquence de détruire la société de solidarité que nous souhaitons. Je suis d'ailleurs agréablement surpris par le refus de la majorité sénatoriale de suivre cette voie extrême et peu réaliste.
Sauf à considérer que toute les dépenses publiques sont par nature improductives, il faut maintenir une régularité dans leur évolution et savoir développer certaines d'entre elles quand elles sont clairement productives, économiquement et socialement,...
M. Michel Charasse. C'est rare !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Et l'investissement !
M. Bernard Angels. ... et source d'économies dans les autres secteurs. On peut évidemment toujours faire plus d'économies, mais il reste à définir dans quels secteurs.
M. Michel Charasse. Eh oui !
M. Bernard Angels. La majorité sénatoriale souhaite des économies dans la fonction publique ...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est exact !
M. Bernard Angels. ... mais on ne sait pas dans quels secteurs les réductions d'effectifs seront effectuées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On a dit où elles ne le seraient pas !
M. Bernard Angels. Le Gouvernement a, quant à lui, fait des choix en rapport avec les engagements pris devant les Français lors des élections législatives.
Dans ce projet de budget, et c'est une de ses principales qualités, le Gouvernement a su réorienter les dépenses pour répondre aux priorités nécessaires, pour construire cette France solidaire et moderne que nous avions défendue et qui demeure notre objectif.
Nous avions dit que la lutte contre le chômage serait notre priorité et qu'il fallait, en conséquence, réorienter la dépense publique vers la création d'emplois : le budget de l'emploi progressera de 3,9 % et un effort particulier est effectué pour financer 250 000 emplois-jeunes et pour accompagner la réduction du temps de travail.
Nous avions dit qu'il fallait gagner la bataille de l'intelligence et privilégier les dépenses d'avenir : l'effort de recherche est relancé, la priorité à l'éducation nationale est rétablie, les aides aux PME sont développées, les crédits de la culture progressent fortement, l'environnement est réellement devenu une priorité budgétaire, les crédits d'équipement, chers à notre ancien président de la commission des finances, aujourd'hui président du Sénat, sont privilégiés par rapport aux dépenses de fonctionnement de l'Etat...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Oh ! timidement.
M. Bernard Angels. ... puisque les premières augmenteront de 2,8 % alors que les secondes ne progresseront que de 0,3 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas dans le domaine routier !
M. Bernard Angels. Nous avions dit qu'il fallait contribuer à améliorer la vie quotidienne des Français et pour tendre vers plus de justice sociale : le logement social est relancé, les effectifs des forces de sécurité sont accrues, les crédits de la santé augmentent de 10 %, 650 millions de francs sont consacrés à la mise en oeuvre des nouveaux dispositifs contre l'exclusion, les crédits budgétaires pour la ville augmentent de 22 %.
C'est pourtant l'accomplissement de ces engagements qui est critiqué par la majorité sénatoriale. Les emplois-jeunes, le poids budgétaire des 35 heures, les crédits de la fonction publique seraient des « bombes à retardement ».
Ce n'est pas le cas, à notre avis, et c'est là une bien curieuse façon de traiter d'investissements pour l'avenir.
Ce budget nous apparaît comme un budget équilibré et porteur d'avenir. Il poursuit la remise en ordre de nos finances publiques tout en soutenant la croissance. Il contribue à l'accomplissement des réformes et des réorientations nécessaires pour renforcer notre pays dans la compétition mondiale tout en préservant notre société de solidarité.
Ces orientations sont les nôtres. Le Gouvernement peut compter sur le groupe socialiste du Sénat pour les défendre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Paul Girod. Quelle erreur !
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne vous surprendrai probablement pas si je vous dis qu'à mon tour, suivant l'exemple de notre excellent président de la commission des finances, M. Alain Lambert, je vais essayer de parcourir la fameuse trilogie : dette, fiscalité, dépenses publiques.
En acceptant ainsi le risque de la répétition, je m'engage à essayer de l'écarter en vous proposant quelques variations sur ce thème, qui me paraît intéressant.
Il me paraît d'autant plus intéressant que nous avons développé à son sujet une réflexion approfondie en commission et qu'il est tout à fait au coeur du débat. La question centrale n'est-elle pas : quel est le budget qui prépare le mieux l'avenir ?
Nous allons commencer l'année 1999 avec un budget de l'Etat déjà amputé de 240 milliards de francs : c'est le niveau - encore en progression de 1 % par rapport à 1998 - de la charge annuelle de la dette.
Partant avec un tel handicap, vous ne parvenez évidemment toujours pas à équilibrer votre projet de loi de finances, qui affiche donc à nouveau un déficit, proche - est-ce un hasard ? - de ces 240 milliards de francs, puisqu'il est arrêté à 236,5 milliards de francs. De là à dire que ces 240 milliards de francs sont ceux que vous devez affecter à la charge de la dette, il pourrait n'y avoir qu'un pas ! Rêvons donc un instant : arithmétiquement, s'il n'y avait pas de dette, il n'y aurait pas de déficit...
Mais il y a une dette ! Et tant que le déficit reste au niveau que vous retenez, cette dette continue à progresser. Elle dépasse maintenant 5 000 milliards de francs, soit trois ans de budget ! Elle continue même à progresser en valeur relative par rapport au PIB et elle se rapproche dangereusement des 60 %, qui constituent le plafond autorisé par le traité de Maastricht.
J'ajoute qu'après 1999 la grande année 2000 sera à nouveau hypothéquée dès l'origine par la nécessité de régler une annuité de dette dont nous savons déjà qu'elle aura encore progressé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut absolument qu'à l'instar des collectivités territoriales nous acceptions d'appeler « emprunt » le déficit budgétaire, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.
En simplifiant quelque peu, c'est vrai, je dirai que l'Etat emprunte pour rembourser sa dette, ce que votre banquier, comme le mien, ne nous permettraient pas !
Aujourd'hui, le poids de la dette compromet l'équilibre du budget, et le déficit qu'il provoque nourrit la dette. Il faut sortir de ce cercle vicieux. C'est précisément ce à quoi le traité de Maastricht incitait tous les candidats à l'Union monétaire.
Le traité affirmait d'abord qu'il était indispensable que les économies convergent pour que l'Union fonctionne normalement, c'est-à-dire pour que ceux qui auraient choisi la rigueur ne paient pas pour ceux qui resteraient en retard. Mais le traité rappelait aussi, plus généralement et de manière plus exigeante encore, que les Etats membres de l'Union devaient se donner comme règle commune le rejet des déficits excessifs.
Voilà une saine exigence qui, à elle seule, devrait nous conduire à réhabiliter totalement un traité bien injustement critiqué. Bien plus concrètement encore, voilà une exigence que nos partenaires ont pris en compte, ce dont ils se trouvent bien.
Pour ce qui nous concerne, il ne faut pas faire semblant de ne pas voir quelques réalités.
Si nous avons juste atteint le seuil fatidique du déficit égal à 3 % du PIB en 1998, c'est grâce aux collectivités territoriales, qui ont apporté les 0,2 % qui manquaient, le déficit du budget de l'Etat atteignant 3,2 % du PIB.
A ce niveau de 3 %, la France a été « reçue » dans l'Union monétaire, mais à la dernière place !
Enfin, tant que le déficit n'est pas ramené sous les 2 %, dans les conditions actuelles de crédit, notre dette continue à progresser.
Alors, que nous proposez-vous ?
Sur la base d'une prévision de croissance de 2,7 %, vous bouclez votre projet de budget avec un déficit public de 2,3 %, en mettant évidemment à nouveau à contribution les collectivités territoriales. Nous souhaitons pour la France que vos prévisions se réalisent.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Merci.
M. Denis Badré. Mais nous n'en sommes pas complètement certains. M. le rapporteur général vous a très clairement et très fermement dit pourquoi.
Et si ces prévisions ne se réalisent pas - sauf augmentation des recettes ou réduction des dépenses... ou les deux - le déficit va à nouveau se rapprocher des 3 % du PIB, ce qui créera des tensions en notre défaveur dans l'Union monétaire et ce qui accroîtra encore davantage le niveau de la dette.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous franchissez, c'est vrai, une nouvelle étape sur le chemin de la réduction du déficit. Malheureusement, elle reste trop limitée.
Avec de nouvelles marges de croissance, cette année, un effort était objectivement plus facile à réaliser que ceux qui ont été accomplis par les gouvernements de MM. Balladur et Juppé, puis par vous-même - soyons objectifs - l'année dernière.
Nous considérons donc que, les circonstances s'y prêtant mieux, vous auriez dû faire également beaucoup mieux cette année pour préparer un peu plus l'avenir.
Je ne peux résister maintenant à la tentation de rappeler que certains n'avaient pas de mots assez durs pour dénoncer le fait que M. Balladur avait « laissé filer » la dette.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas la gauche !
M. Denis Badré. Celui-ci avait simplement trouvé en 1993 un déficit qui atteignait 6 %. Le ramener à 3 % a exigé de gros sacrifices tout au long des cinq années au cours desquelles nous avons subi une récession générale. Permettez-moi de rendre justice à ceux qui ont porté cet effort ingrat et, parmi eux, bien sûr, à notre collègue Jean Arthuis. C'est ce niveau exorbitant de 6 % en 1993 que nous continuons à payer aujourd'hui.
Venons-en à la fiscalité.
Dernier de l'Union monétaire pour le déficit et en passe de conserver cette place, notre pays n'est pas, loin s'en faut, le meilleur dans ce domaine. Nous allons le vérifier lorsque nous serons invités à aller vers l'harmonisation. Notre fierté nationale, bien sûr, mais plus encore notre budget en souffriront.
Nos entreprises savent qu'elles subissent des prélèvements obligatoires plus lourds que leurs voisins de l'Union. Si capitaux et cerveaux continuent à s'exiler, ce n'est pas par hasard.
Allons-nous attendre que, demain, l'Europe nous demande de réduire ces prélèvements pour cause d'harmonisation ? Je pense que nous devrions le faire spontanément et dès aujourd'hui. Je note au passage qu'à nouveau le rôle de l'Europe pourra être perçu comme positif puisque, après nous avoir engagés sur la voie de la sagesse budgétaire, elle nous pousse vers la sagesse fiscale.
La correction fraternelle ou l'émulation ont toujours été d'excellents moteurs. Encore faut-il accepter de participer à la course et de faire tourner le moteur ! Mais nous ne pourrons avoir raison seuls. Il nous faut accepter cette compétition. Elle se jouera avec nous ou sans nous. Si elle se joue sans nous, ce sera contre nous. Il y va de la capacité de nos entreprises à supporter la concurrence.
Le problème est aussi que, compte tenu de notre situation actuellement défavorable - lourdement défavorable -, le chemin que nous devrons refaire pour retrouver la moyenne européenne passera par une réduction très forte de nos ressources fiscales et compromettra d'autant l'équilibre budgétaire que nous cherchons péniblement à restaurer.
Je ne parle pas « en l'air » - Alain Lambert chiffrait très précisément ce désarmement fiscal à plus de 400 milliards de francs tout à l'heure -, nous risquons de perdre, au bas mot, plus d'un quart de nos ressources actuelles. De quoi voir doubler au moins notre déficit et rendre bien dérisoires tous nos efforts actuels.
Au passage, je remarque que M. Oskar Lafontaine, dont vous vous réclamez bien souvent, vient d'appeler les membres de l'Union à se pencher sur les politiques salariales. Pour lui, les harmonisations fiscale et sociale, qui posent peut-être un peu moins de problèmes à son pays, sont considérées comme étant déjà acquises puisqu'il passe immédiatement à l'étape suivante. Malheureusement, pour ce qui nous concerne, l'harmonisation fiscale est loin de l'être. Nous n'avons rien fait, ne serait-ce que pour nous préparer à supporter le choc budgétaire de la première étape, celle de l'harmonisation fiscale.
Puisque vous n'affectez pas suffisamment les fruits de la croissance au déficit, il vous restait bien deux manières de les utiliser : augmenter les dépenses ou réduire les recettes. Vous faites un peu les deux, mais malheureusement, à notre sens, trop les dépenses, et trop peu les recettes.
Compte tenu de ce que je viens de dire, nous aurions préféré vous voir contenir davantage les dépenses pour engager enfin, et en priorité, une décrue des prélèvements qui manifestement s'impose pour les raisons que je viens de développer. J'en ajouterai une, à savoir qu'elle répondrait à l'évidence aux voeux de nos compatriotes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ceux-ci attendent d'abord de la sécurité, des emplois, des logements, c'est vrai. Ils attendent aussi, et tout autant me semble-t-il, de payer moins d'impôts pour croire de nouveau en leur pays et retrouver la confiance en leur classe politique. Ils savent très bien que si les entreprises, notamment les PME, voient diminuer des charges qu'elles supportent de plus en plus mal, elles investiront davantage et embaucheront à nouveau.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est ce que nous faisons !
M. Denis Badré. En présentant un budget alternatif, qui a été très bien décrit par M. le rapporteur général, le Sénat entend se montrer à l'écoute des Français. Il veut montrer qu'il a compris que, pour eux, la réduction des prélèvements obligatoires représente également une priorité très forte.
Après avoir augmenté la pression fiscale de 88 milliards de francs en dix-huit mois, vous ne proposez d'affecter que 12 milliards de francs de la marge que vous offre le retour de la croissance pour améliorer la situation. C'est beaucoup trop peu !
Je précise que ces 12 milliards de francs de réduction de la fiscalité représentent un solde net. Sur certains points, vous aggravez la situation. Je note, en particulier, que 600 000 familles, dont vous nous avez pourtant beaucoup dit qu'elles représentaient pour vous une réelle priorité, vont subir l'abaissement du plafond du quotient familial. Vous avez présenté cette mesure comme la compensation de la fin de la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Celle-ci ne touchait pourtant que 300 000 familles. Je vois mal où est le progrès !
Les familles avec enfants construisent la société et elles contribuent à préparer l'avenir quelle que soit la situation matérielle de la famille. Une politique familiale digne de ce nom se justifie aujourd'hui plus que jamais. Commençons au moins par ne pas casser ce qui existe.
Si d'ailleurs nous estimons qu'il faut aider davantage les familles les plus en difficulté, les dépenses correspondantes doivent être financées par l'ensemble des Français et non par les familles qui seraient en meilleure situation. Il s'agit là d'un choix qui nous oppose sur le fond.
Pour marquer l'importance que je porte à la politique familiale, je n'évoquerai pas d'autre sujet fiscal ici et aujourd'hui. Je dirai simplement, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en matière fiscale vous pourriez faire beaucoup mieux. Vous portez une responsabilité en ne le faisant pas : pour nos concitoyens, pour nos entreprises et pour ne pas compromettre nos budgets de demain, d'importants progrès devraient être immédiatement engagés en matière de prélèvements obligatoires.
Je termine par les dépenses.
Comme je l'indiquais voilà un instant, je regrette de les voir encore progresser de plus de 2 %, soit nettement plus que l'inflation.
Nous déplorons également, comme le rappelait M. Lambert, que cette nouvelle progression concerne essentiellement les dépenses de fonctionnement. Je note en effet que les dépenses d'investissement, celles qui sont directement porteuses d'emplois, sont au contraire très curieusement en réduction dans votre projet.
Nos collectivités locales s'attachent, quant à elles, à faire mieux. Beaucoup, pour parvenir à stabiliser les taux de la fiscalité locale,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Heureusement qu'elles sont là !
M. Denis Badré. ... ce qui est difficile du fait des contraintes que vous connaissez, s'attachent à reconduire en francs courants le niveau de leurs dépenses ! Puisse leur exemple vous inspirer !
De nombreux élus locaux siègent au Sénat ; ils savent quels efforts cela implique,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est sûr !
M. Denis Badré. ... ils savent aussi combien c'est nécessaire et combien les Français nous attendent sur ce point.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Denis Badré. Lorsque nous vous demandons pourquoi vous n'adoptez pas encore la même règle de conduite que celle que je rappelais à l'instant et que s'attachent à suivre nos collectivités territoriales, vous nous répondez que vous devez réaliser le programme sur lequel vous avez été élus. Cela part d'un bon principe, sans doute... mais la vie continue. Des opportunités apparaissent, de nouvelles difficultés aussi...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Le programme était flou !
M. Denis Badré. Aujourd'hui, certains de vos projets s'imposent peut-être moins que d'autres. Nos débats peuvent aussi vous amener à reconsidérer vos priorités ou à les « reclasser ».
Un bon exercice de définition de priorités devrait nous conduire à voir si des dépenses existantes, qui seraient jugées moins importantes - c'est possible - que les nouvelles dépenses à financer, ne peuvent pas être réduites ou remises en cause. C'est ce à quoi s'attache notre projet de budget alternatif.
Si vous n'aviez pas de retour à la croissance à votre disposition, financeriez-vous tout de suite tout votre programme, ou le remettriez-vous, en partie, à plus tard ? Le financeriez-vous en remettant en cause des actions existantes, en augmentant la pression fiscale, ou en creusant le déficit ?
Un peu de croissance rend l'exercice plus facile. Nous notons que vous choisissez alors de tenir immédiatement les engagements de votre programme - ce qui implique des dépenses - plutôt que de réduire la dette ou la fiscalité, ce que vous n'aviez peut-être pas complètement explicité comme étant une priorité en présentant votre programme. Mais je n'ai peut-être pas été alors assez attentif. Beaucoup de Français, me semble-t-il, ont sans doute pensé que cela allait sans dire ... ou n'ont pas été attentifs non plus à la présentation de votre programme !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Dites qu'ils ont mal voté !
M. Denis Badré. S'agissant de ce programme, et surtout des dépenses qu'il implique, au risque de vous surprendre, je n'insiste pas ici sur le coût des 35 heures ou des emplois-jeunes : d'autres l'ont fait ou le feront mieux que moi.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il y a tant à dire !
M. Denis Badré. Je dirai simplement, pour rester dans le seul domaine budgétaire, que nous nous heurtons à la difficulté de leur chiffrage.
J'évoquerai plutôt l'exemple du PACS. Bien sûr, il ne pèse pas, directement du moins, sur le projet de loi de finances pour 1999, mais il me paraît - cela va peut-être vous étonner - pouvoir être cité au nom des principes et de la méthode.
Vous avez engagé un débat avec évidemment la volonté de le conduire à son terme. Il se conclura sur des dépenses nouvelles, et dès maintenant vous le savez, même si ces dépenses ne seront effectives qu'en 2000 ou 2001. Implicitement, vous avez donc déjà choisi de dire que ces dépenses s'imposeront le moment venu. Et c'est bien là votre manière. Vous avez procédé ainsi pour les 35 heures et pour les emplois-jeunes, que nous devons désormais financer. Vous recommencez avec le PACS.
Alors, il faut savoir dès maintenant que celui-ci pourrait coûter entre 5 milliards et 10 milliards de francs la première année, et sans doute rapidement davantage par la suite.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle irresponsabilité !
M. Denis Badré. Cela n'est pas marginal : cette perspective pose problème dès aujourd'hui si nous voulons un peu de lisibilité interannuelle de notre budget, si nous voulons une mise en perspective de l'anticipation, bref, si nous voulons une préparation de l'avenir.
Si vous disposez demain de ces 5 milliards à 10 milliards de francs, soit presque autant que l'effort de réduction fiscale que vous demandez cette année - et je ne vois pas bien où vous trouverez cette somme - nous préférerons sans doute, à nouveau, la voir affectée à une réduction des impôts et du déficit.
Si vous persistez à faire plutôt le choix de la dépenser, pourquoi ne pas la réserver aux familles, puisque vous avez également dit que c'est votre priorité ? Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne veux pas croire que, pour vous, le PACS représente une priorité encore plus forte que la politique familiale, laquelle reste au demeurant largement en panne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !
M. Denis Badré. Si c'est votre choix, il faut l'expliciter, il faut le dire aux Français.
M. Roland du Luart. C'est vrai !
M. Denis Badré. Mais restons à l'exercice 1999.
Nous avons très normalement parlé de l'avenir des retraites à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Votre projet de loi de finances donne une illustration particulière et assez impressionnante de ce problème général : la charge des pensions civiles et militaires représente désormais plus de 10 % de notre budget et elle progresse de 15 % cette année. Où allons-nous à ce rythme ? Le débat sur les effectifs de la fonction publique dans ce contexte ne me paraît donc pas non plus théorique.
Vous ne pouvez plus, monsieur le secrétaire d'Etat, différer la mise en chantier d'une vraie réforme de l'Etat. La décentralisation ne peut pas rester en panne et une véritable déconcentration s'impose si nous voulons un Etat plus efficace, plus économe, plus proche des citoyens et qui valorise et responsabilise davantage ses agents.
Une réforme de fond dans ce domaine représente, à nos yeux, une priorité. J'ajoute qu'elle suppose une volonté politique forte et continue, du temps et de la réflexion, bien plus que des moyens budgétaires. Au contraire, elle suppose peu de moyens budgétaires, et elle peut rapporter gros, comme l'on dit ! En effet, cela vous permettra de traiter vraiment le problème des effectifs. La décontration est la manière d'apporter une vraie réponse à ce vrai problème !
En m'arrêtant sur ces deux exemples très différents - le PACS et la réforme de l'Etat - je voulais insister sur le fait que, même pour ce qui concerne son volet « dépenses », les propositions et les choix contenus dans ce projet de loi de finances ne semblent pas de nature à préparer suffisamment l'avenir.
Votre projet de loi de finances, monsieur le secrétaire d'Etat, nous semble donc pour le moins discutable, des trois points de vue que je viens d'évoquer - la dette continue à s'alourdir, la fiscalité n'est que très insuffisamment allégée, les dépenses de fonctionnement progressent excessivement - et cela afin de servir des priorités que nous ne reprenons pas à notre compte. De ces trois points de vue donc, ce texte ne prépare pas suffisamment l'avenir. Pensons à nos enfants, monsieur le secrétaire d'Etat !
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, en l'état, le groupe de l'Union centriste ne peut approuver le projet de budget pour 1999. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

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