Séance du 26 novembre 1998







M. le président. « Art. 35 bis . - I. - L'article 302 bis K du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 302 bis K . - I. - A compter du 1er janvier 1999, une taxe de l'aviation civile au profit du budget annexe de l'aviation civile et du compte d'affectation spéciale intitulé "Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien" est due par les entreprises de transport aérien public.
« La taxe est assise sur le nombre de passagers embarqués en France, quelles que soient les conditions tarifaires accordées par le transporteur, à l'exception :
« a) Des personnels dont la présence à bord est directement liée au vol considéré, notamment les membres de l'équipage assurant le vol, les agents de sûreté ou de police, les accompagnateurs de fret ;
« b) Des enfants de moins de deux ans ;
« c) Des passagers en transit direct, effectuant un arrêt momentané sur l'aéroport et repartant par le même aéronef avec un numéro de vol au départ identique au numéro de vol de l'aéronef à bord duquel ils sont arrivés ;
« d) Des passagers reprenant leur vol après un atterrissage forcé en raison d'incidents techniques ou de conditions atmosphériques défavorables.
« La taxe est exigible pour chaque vol commercial.
« Pour la perception de la taxe, ne sont pas considérés comme des vols commerciaux de transport aérien public :
« a) Les évacuations sanitaires d'urgence ;
« b) Les vols locaux au sens du 2 de l'article 1er du règlement (CEE) n° 2407/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant les licences des transporteurs aériens.
« II. - Le tarif de la taxe est le suivant :
« - 23 francs F par passager embarqué à destination de la France ou d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ;
« - 39 francs par passager embarqué vers d'autres destinations.
« Les entreprises de transport aérien déclarent chaque mois, sur un imprimé fourni par l'administration de l'aviation civile, le nombre de passagers embarqués le mois précédent sur chacun des vols effectués au départ de la France.
« Cette déclaration, accompagnée du paiement de la taxe due, est adressée aux comptables du budget annexe de l'aviation civile.
« III. - Les quotités du produit de la taxe affectées respectivement au budget annexe de l'aviation civile et au compte d'affectation spéciale intitulé « Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien » sont déterminées par la loi de finances.
« Les sommes encaissées au titre du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien par les comptables du budget annexe de l'aviation civile sont transférées mensuellement au comptable du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien.
« IV. - 1. La déclaration visée au II est contrôlée par les services de la direction générale de l'aviation civile. A cette fin, les agents assermentés peuvent examiner sur place les documents utiles.
« Préalablement, un avis de passage est adressé à l'entreprise afin qu'elle puisse se faire assister d'un conseil.
« Les insuffisances constatées et les sanctions y afférentes sont notifiées à l'entreprise, qui dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations.
« Après examen des observations éventuelles, le directeur général de l'aviation civile émet, s'il y a lieu, un titre exécutoire comprenant les droits supplémentaires maintenus, assortis des pénalités prévues à l'article 1729.
« 2. A défaut de déclaration dans les délais, il est procédé à la taxation d'office sur la base du nombre total de sièges offerts par les types d'aéronefs utilisés pour l'ensemble des vols du mois.
« L'entreprise peut toutefois, dans les trente jours de la notification du titre exécutoire, déposer une déclaration qui se substitue, s'agissant des droits, à ce titre, sous réserve d'un contrôle ultérieur dans les conditions prévues au 1.
« Les droits sont assortis des pénalités prévues à l'article 1728.
« 3. Le droit de rectification de la taxe se prescrit en trois ans. Cette prescription est suspendue et interrompue dans les conditions de droit commun et notamment par le dépôt d'une déclaration dans les conditions visées au 2.
« 4. Les sanctions prévues ci-dessus ne peuvent être mises en recouvrement avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de leur notification. Durant ce délai, l'entreprise peut présenter toute observation.
« V. - Sous réserve des dispositions qui précèdent, le recouvrement de la taxe est assuré par les agents comptables du budget annexe de l'aviation civile selon les procédures, sûretés, garanties et sanctions applicables en matière de taxes sur le chiffre d'affaires.
« Le contentieux est suivi par la direction générale de l'aviation civile. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires. »
« II. - A compter du 1er janvier 1999, les quotités du produit de la taxe de l'aviation civile affectées respectivement au budget annexe de l'aviation civile et au compte d'affectation spéciale intitulé « Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien » sont de 90 % et de 10 %.
« III. - L'article 302 bis Z du code général des impôts est abrogé. »
Par amendement n° I-39, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons ici, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un sujet difficile et technique. Nous avons déjà eu à examiner à plusieurs reprises, dans le cours de cette discussion, des propositions de création de taxes nouvelles. Bien sûr, elles suscitent de la part de la commission des finances une réticence de principe que nous sommes parfois en mesure de surmonter, vous le savez, lorsque nous avons suffisamment examiné un sujet et que la solution qui nous est proposée nous paraît raisonnable ou, en tout cas, nous semble comporter plus d'avantages que d'inconvénients.
En l'occurrence, s'agissant de cette taxe sur l'aviation civile, nous ne sommes pas convaincus. Dans notre rapport écrit, nous rappelons l'origine de ce problème, qui a été traité à différentes reprises par les assemblées parlementaires, en particulier par la nôtre, lors de l'examen d'un récent texte.
Dans notre rapport, nous faisons également allusion à l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai 1998, qui avait annulé divers arrêtés fixant le taux de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, redevance perçue jusqu'à présent au bénéfice du budget annexe de l'aviation civile.
Le dispositif que le Gouvernement a l'intention de mettre en place comporte, outre la taxe d'aviation civile, qui est proposée par le présent article, la taxe d'aéroport, qui nous sera présentée en seconde partie de notre discussion budgétaire. Il présente un certain nombre de difficultés.
Ces difficultés se posent au plan de l'aménagement du territoire - comment les différentes installations sont-elles traitées les unes par rapport aux autres ? - et également au plan des principes constitutionnels. En effet, ces taxes vont pour une part être affectées au financement de missions qui, à notre sens, se situent bien au coeur des responsabilités régaliennes de l'Etat. Le choix d'une taxation spécifique pour financer des missions de sécurité, des missions de sûreté, nous paraît susceptible de poser des problèmes au regard du principe d'égalité devant les charges publiques.
Nombre de questions en ce domaine restent en suspens. Dans le rapport écrit, je me demande, par exemple, ce qui se passerait si les solutions qui ont été évoquées ici étaient transposées à d'autres modes de transport. Je pense qu'elles aboutiraient à transférer aux clients de la SNCF ou de la RATP les charges afférentes aux forces de police ou de sécurité, mobilisées afin d'assurer la tranquillité dans le transport ferroviaire, notamment sur les lignes de banlieue. Pourquoi le transport aérien serait-il moins bien traité que le transport ferroviaire ? Nous pouvons nous poser sérieusement la question.
Le dispositif proposé par le Gouvernement crée non seulement des taxes mais aussi le réceptacle qui comptabiliserait leur utilisation, c'est-à-dire un nouveau compte d'affectation spéciale - compte spécial du Trésor - qui stimulera, sans doute, la grande énergie de notre rapporteur spécial. Mais ce n'est sans doute pas une raison suffisante pour apporter des modifications certes intéressantes mais dont, peut-être faute de temps, nous n'avons pas perçu tout l'intérêt.
Dans ces conditions, que puis-je ajouter à propos de l'amendement n° I-39 ?
Le produit de la taxe de l'aviation civile s'élèverait, chaque année, à 1 450 millions de francs environ. Cette taxe prendrait ainsi le relais de l'actuelle taxe de sécurité et de sûreté affectée jusqu'à présent au budget annexe de l'aviation civile.
Si nous vous proposons de supprimer l'article 35 bis , mes chers collègues, c'est en raison des fragilités du dispositif du financement de certaines missions relatives au transport aérien dont la taxe de l'aviation civile ne constituerait que l'un des éléments.
Voter l'article 35 bis du projet de loi de finances, donc la création de la taxe de l'aviation civile, supposerait que nous donnerions notre aval non seulement à cette dernière, mais également à la taxe d'aéroport et à la création d'un nouveau compte d'affectation spéciale, fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, votre dispositif ne nous satisfait pas pour le moment. Le rapporteur spécial de la commission des finances sur l'aviation civile, notre collègue Yvon Collin, l'a rappelé précisément au ministre de l'équipement, des transports et du logement, à l'occasion de la discussion en séance publique, le 10 novembre dernier, du projet de loi relatif à certains services au transport aérien.
Nous avons alors demandé au Gouvernement de revoir son projet afin de respecter trois exigences fondamentales.
Tout d'abord, une exigence de transparence, selon laquelle la taxe d'aéroport serait enregistrée dans un document budgétaire, ce qui n'est pas le cas jusqu'à présent.
Ensuite, une exigence de préservation de l'aménagement du territoire en vertu de laquelle les tarifs de la taxe d'aéroport ne seraient plus prohibitifs pour les petites plates-formes aéroportuaires. Le Gouvernement, je crois, est prêt à faire une avancée en ce domaine, selon les quelques contacts que j'ai pu avoir. Mais je me demande si elle sera réellement suffisante.
Enfin, une exigence fondamentale, d'ordre juridique et constitutionnel, aux termes de laquelle les missions contribuant à la sûreté publique dans le transport aérien et correspondant à l'exercice normal des responsabilités de l'Etat doivent être financées à travers l'impôt général en vertu tout simplement d'un principe souvent invoqué dans cette assemblée au cours de la discussion budgétaire, c'est-à-dire celui de la contribution commune conforme à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Là encore, monsieur le secrétaire d'Etat, la réponse apportée à cette dernière exigence de nature constitutionnelle ne nous semble pas parfaite ; en tout cas, elle ne nous a pas convaincu.
Devant toutes ces incertitudes, et sachant que le rapporteur spécial, M. Collin, continue à suivre ce dossier et doit recevoir de la part du ministère de l'équipement, des transports et du logement, des propositions d'adaptation, il semble sage, à l'instant où je vous parle, de surseoir à une décision de la façon la plus claire qui soit, c'est-à-dire en supprimant l'article 35 bis du projet de loi de finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je remercie M. le rapporteur général d'avoir exposé aussi clairement le problème. Je ne partage pas pour autant les conclusions.
M. Marini l'a rappelé, le 20 mai 1998, le Conseil d'Etat a annulé un dispositif de redevance qui permettait d'assurer le financement des missions de sécurité-incendie, qui, chacun en a bien conscience, sont absolument indispensables au trafic aérien.
Le Gouvernement a conduit une réflexion dans l'urgence afin de remplacer la redevance par un dispositif comprenant notamment la taxe de l'aviation civile qui est en cause aujourd'hui.
J'indiquerai courtoisement à M. le rapporteur général que le Gouvernement ne crée pas une nouvelle taxe, mais substitue une taxe à une redevance, ce qui au plan juridique est différent ; certes pour les usagers, c'est du pareil au même.
Vous avez rappelé que M. Yvon Collin, au cours du débat sur le projet de loi relatif à l'organisation du transport aérien, avait présenté un certain nombre de remarques que vous avez reprises à votre compte. Il est vrai que, sur ce sujet, comme sur d'autres, le Gouvernement a engagé une concertation avec les parlementaires.
Vous avez fait des objections que je reprends rapidement.
Tout d'abord, vous souhaiteriez une transparence budgétaire. Cette taxe résulte d'une délégation de service public. Or vous savez que cela n'exige pas du tout, loin s'en faut, l'inscription dans le cadre du budget.
Ensuite, vous avez évoqué, à juste titre, des objectifs d'aménagement du territoire arguant du fait que, sur notre pays, toutes les lignes et tous les aéroports ne sont pas équivalents.
Comme vous l'avez laissé pressentir, le Gouvernement est prêt à entendre vos suggestions sur ce point et à aménager le dispositif en limitant le nombre de classes qui permettent de calculer cette taxe et en réduisant de moitié son taux maximum. Voilà un exemple concret d'écoute de la part du Gouvernement des suggestions de la Haute Assemblée.
Il y aura aussi, mais je veux être bref, d'autres aménagements prévus dans la suite du débat parlementaire et qui tireront profit des remarques que M. le rapporteur général a présentées au nom de la commission des finances. Nous allons donc progresser dans la concertation pour améliorer ce texte.
Vous comprendrez bien toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'urgence du financement des missions de sécurité-incendie du transport aérien exige la mise en place d'un dispositif même s'il est imparfait ; mais nous allons l'améliorer ensemble.
C'est pourquoi le Gouvernement interprète l'amendement de suppression de la commission non pas comme un amendement de refus, mais comme un amendement d'appel à la poursuite de la discussion. (M. le rapporteur général fait un signe d'approbation.) Le Gouvernement, au nom duquel je m'exprime, vous fait savoir qu'il a entendu cet appel. Je vous suggère donc, monsieur le rapporteur général, de bien vouloir retirer votre amendement, sinon je serai obligé de demander son rejet.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission maintient son amendement de suppression.
Si nous avons bien conscience que des propositions seront probablement formulées pour modifier le dispositif, à l'heure actuelle, nous ne les avons pas en main, et nous ne pouvons donc pas nous prononcer.
Il convient par ailleurs de rappeler que l'article 35 bis résulte d'un amendement que le Gouvernement a déposé en cours de discussion à l'Assemblée nationale. Le dispositif n'est donc pas passé devant le Conseil d'Etat, contrairement aux articles du projet de loi de finances initial.
Tout cela est très complexe et, à ce stade, nous maintenons que la rédaction proposée n'est pas satisfaisante pour un certain nombre de raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas. Elle pose de vrais problèmes d'ordre juridique et de constitutionnalité. Il semble donc préférable, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre en quelque sorte un gage en votant la suppression de l'article, ce qui ne signifie nullement de notre part un déni du problème que cet article entend traiter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-39.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Comme l'a rappelé M. le rapporteur général, le Sénat a déjà été amené à débattre, le 10 novembre dernier, du nouveau dispositif de taxes et de redevances aéroportuaires lors de la discussion du projet de loi relatif à l'organisation de certains services du transport aérien.
Lors de ce débat, le ministre de l'équipement a apporté par avance des réponses aux arguments qui viennent d'être développés ainsi que sur les points que le groupe socialiste considère comme importants et qui touchent à l'aménagement du territoire.
S'agissant du montant de la taxe d'aéroport, comme vous l'avez rappelé à l'instant, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement s'est déclaré ouvert à des amendements visant à atténuer le montant maximum de la taxe d'aéroport pour les plus petites plates-formes, qui préoccupent beaucoup de sénateurs de notre groupe, notamment M. Marcel Bony.
Vous avez également précisé, monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, que la création de deux sections spécifiques - l'une réservée au soutien aux lignes d'aménagement du territoire, l'autre finançant l'aide aux petites plates-formes pour ce qui concerne des dépenses de sécurité - était une garantie du maintien de l'efficacité du transport aérien au service de l'aménagement du territoire.
Dans ces conditions et compte tenu des engagements très fermes et très clairs que vous avez pris à l'instant, monsieur le secrétaire d'Etat - et auxquels nous croyons, quant à nous, même s'ils ne sont pas écrits - le groupe socialiste ne peut que s'opposer à cet amendement de suppression de l'article 35 bis, qui, s'il était adopté, mettrait dangereusement en cause le financement de la sécurité sur les aéroports et les lignes aériennes d'intérêt général, ainsi que l'équilibre du budget annexe de l'aviation civile, qui recevra désormais 90 % du produit de la nouvelle taxe.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. Monsieur Lachenaud, qu'il me soit permis de vous rappeler que notre règlement ne prévoit qu'un seul orateur contre, et Mme Bergé-Lavigne avait levé la main avant vous.
Je vous donne donc la parole pour explication de vote.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le président, je me permets de vous faire observer très respectueusement que j'avais levé la main, peut-être trop tôt d'ailleurs, pendant l'exposé du rapporteur général. J'avais donc levé la main en premier.
Par courtoisie, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de Mme Bergé Lavigne, mais, franchement, je tiens à m'exprimer.
M. le président. Vous pouvez le faire en expliquant pourquoi vous votez contre !
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est ce que je vais faire.
Je voterai contre cet amendement. Je voudrais tout d'abord présenter mes excuses au rapporteur général, Car je n'ai pu, pour des raisons majeures, participer à la réunion de la commission des finances au cours de laquelle cet article a été examiné.
Je suis donc conduit aujourd'hui à dire devant la Haute Assemblée ce que j'aurais exprimé alors devant la commission des finances.
A titre tout à fait personnel, vous comprendrez bien qu'un élu du Val-d'Oise, un élu qui a par ailleurs été chargé par le gouvernement Juppé, puis par le gouvernement Jospin de mener une mission sur le problème de la sécurité, de l'environnement et de l'ensemble du système de taxes et de redevances qui pèse sur les activités aéronautiques, ne puisse pas s'associer à cette demande de suppression de l'article 35 bis.
Il se pose d'abord un problème politique dont personne n'a parlé, à savoir que les populations vivant à la périphérie d'aéroports importants, comme Roissy, ou d'aéroports de province, comme Lyon ou Marseille - sont soumises à des nuisances extrêmement importantes, à des risques qui ne sont pas purement théoriques - des accidents se sont produits et risquent de se produire encore - et à une insuffisante répartition des activités économiques, ce qui a des conséquences sur le plan de la fiscalité.
La mission qui m'avait été confiée portait très exactement sur ce sujet et, dans cette perspective, nous avions examiné le problème constitutionnel.
Avant même la décision juridictionnelle qui a été évoquée, nous savions qu'il se posait un problème constitutionnel et, en toute diligence, avec les juristes du ministère de l'intérieur, ceux du ministère de l'équipement et du ministère de l'économie et des finances, tous ensemble nous avions pensé - même si cela présente des risques sur le plan de la constitutionalité - que la meilleure solution était la création d'un compte spécial et l'instauration d'une taxe par voie législative.
Qu'on ne nous ne fasse pas croire que cette taxe, qui n'est, en fait, pas une taxe nouvelle, paralysera l'activité aéroportuaire. Nos aéroports ne sont pas si mal placés par rapport aux autres aéroports internationaux, et il n'y pas de rupture de concurrence ni d'affaiblissement des capacités de travail et d'action d'Air France.
Qu'on ne nous fasse pas croire non plus qu'il n'y a aucune vision d'aménagement du territoire. J'ai noté d'ailleurs que, dans sa réponse, le Gouvernement indiquait que, comme c'était le cas précédemment, le dispositif pourrait être amélioré pour tenir compte de la diversité des situations géographiques et des exigences d'aménagement du territoire présentées par les aéroports de France.
Le Gouvernement - je lui rappelle sa promesse - a d'ailleurs pris l'engagement d'établir un schéma national des aéroports dans lequel, bien sûr, la situation fiscale des aéroports doit être prise en compte.
A titre personnel, je pense que le dispositif prévu par l'article 35 bis est juridiquement constitutionnel et qu'en technique financière il n'y a pas d'autre solution que le compte spécial. J'estime par ailleurs qu'en termes d'aménagement du territoire et d'activités économiques, cette taxe est non seulement justifiée mais absolument indispensable.
Les élus de toutes tendances du secteur de Roissy, l'ensemble des habitants et des citoyens ne comprendraient pas que l'on supprimât cette taxe, même si cette suppression répondait à objectif tactique visant à obtenir l'amélioration du dispositif.
Je suis favorable à l'amélioration du dispositif mais, dans un premier temps, je souhaite le maintien de cette taxe.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de M. Jean-Philippe Lachenaud et je voudrais le rassurer : le rejet de l'article 35 bis ne fait pas disparaître le financement des dépenses de sécurité civile, de sûreté générale et de police des aéroports.
En effet, si nous supprimons l'article 35 bis, nous en restons au droit en vigueur, l'actuelle taxe de sécurité et de sûreté sera donc maintenue. Or elle produit 1,1 milliard de francs par an. Il ne faudrait pas croire que nous supprimons la source d'alimentation des dépenses en question.
Certes, le rendement de la nouvelle taxe est supérieur d'environ 100 millions de francs par an. Par ailleurs, le montage juridique est différent. En fait, il s'agit plus d'un problème de formalisme juridique et constitutionnel.
Le dispositif est d'ailleurs complexe. Il comporte trois éléments - l'article 35 bis ne portant que sur la taxe d'aviation civile, la taxe d'aéroport, et le nouveau compte d'affectation spéciale.
Le devoir du rapporteur général est d'exprimer la position constante et les appréciations qui en découlent de la commission des finances. Le rapporteur général ne peut vous préconiser que la suppression de cet article alors que, le 10 novembre dernier, nous avons exprimé l'avis de la commission sur le même dispositif. M. Yvon Collin, rapporteur spécial, avait alors plaidé, après les analyses de fond auxquelles nous avions procédées, pour le rejet qui vous est aujourd'hui proposé.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission. Notre collègue M. Jean-Philippe Lachenaud a exprimé des préoccupations que la Haute Assemblée tout entière partage. Qu'il m'autorise à lui dire, et nos relations personnelles d'amitié me le permettent, que les préoccupations qu'il a exprimées et que tout le monde partage - mais il les connaît encore mieux que d'autres pour les vivre dans son département - ne doivent pas nous conduire pour autant à accepter un dispositif dont le Gouvernement, avec beaucoup de savoir-faire, ne cache pas la fragilité.
Mes chers collègues, la commission des finances du Sénat s'efforce de vous proposer l'élaboration de textes constitutionnellement incontestables et acceptables sur le plan de la rigueur financière. Or cette disposition n'est acceptable sous aucun de ces deux aspects.
M. Jean-Philippe Lachenaud s'est risqué, et je lui dis amicalement, à affirmer le caractère constitutionnel du dispositif. Je me risque, quant à moi, mais ma parole n'a pas plus de valeur que la sienne, à affirmer qu'il n'est pas constitutionnel et que, si vous suiviez la proposition du Gouvernement, sans aucun doute le Conseil constitutionnel censurerait cette disposition.
M. Michel Charasse. En effet !
M. Alain Lambert, président de la commission. Vous voyez que, sur certaines travées, on confirme mes propos, ce qui ne veut pas dire pour autant que je me tourne systématiquement vers ces travées pour nourrir ma pensée ! (Sourires.)
Mes chers collègues, je voudrais que nous restions dans une ligne, je voudrais que le Sénat puisse se déterminer sur l'amendement n° I-39 défendu par M. le rapporteur général dans la responsabilité qui est la sienne d'élaborer une législation incontestable du point de vue de sa constitutionnalité et des règles financières qui nous régissent.
En revanche, aucun d'entre nous ne s'oppose aux préoccupations que M. Jean-Philippe Lachenaud a exprimées tout à l'heure et qui doivent être satisfaites. Comme M. le rapporteur général l'a dit à l'instant, ces préoccupations peuvent et doivent être satisfaites par le Gouvernement, mais pas par cette méthode.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-39, repoussé par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 35 bis est supprimé.

Article additionnel après l'article 35 bis

M. le président. Par amendement n° I-164, M. Raffarin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 35 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au III de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, la somme : "2 500 000 francs" est remplacée par la somme : "5 000 000 francs".
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

C. - Mesures diverses

Article 36