Séance du 28 novembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'économie, les finances et l'industrie : IV. - Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Ballayer, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'activité des petites et moyennes entreprises commerciales, artisanales et de services est essentielle à l'économie française et à l'aménagement du territoire. Je rappelle que l'effectif salarié total des petites et moyennes entreprises est d'environ 8 700 000 personnes, soit près de 40 % des actifs occupés.
Le montant de ce projet de budget n'est que de 424 millions de francs, ou 387 millions de francs pour s'en tenir aux actions économiques et de formation qu'il finance.
Pourtant, son rôle n'est modeste qu'en apparence. C'est en effet plus un budget d'incitation, d'accompagnement et de cofinancement qu'un instrument régalien.
L'effet multiplicateur de certaines dépenses est particulièrement important : l'enveloppe de 150 millions de francs destinée à la bonification des taux d'intérêt des emprunts des artisans a permis d'accorder à ces derniers 2,3 milliards de francs de prêts bonifiés et 7 milliards de francs de prêts conventionnés en 1998.
Dans le cadre des contrats de plan Etat-région, la mise de ce budget, qui était d'environ 200 millions de francs, a déclenché une aide totale des régions au développement des petites et moyennes entreprises de 3 milliards de francs sur la période 1994-1998.
Toutefois, ce budget n'est qu'un instrument parmi beaucoup d'autres au service des petites et moyennes entreprises.
Le secrétariat d'Etat dispose tout d'abord du FISAC, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, dont la dotation, en 1998, a été supérieure au total des interventions et des subventions d'investissement budgétaires prévues pour 1999.
Le projet de budget du secrétariat d'Etat est par ailleurs abondé en cours d'année par des crédits du Fonds social européen, d'un montant d'environ 40 millions de francs par an, pour financer des mesures en faveur de l'emploi. Bien d'autres aides sont accordées aux petites et moyennes entreprises en dehors de ce budget : 8 milliards de francs de crédits spécifiques sont inscrits dans les budgets d'autres départements ministériels. Les collectivités territoriales cofinancent par ailleurs certaines actions.
Il faut se féliciter de la création, en 1996, de la Banque de développement des petites et moyennes entreprises ainsi que des mesures fiscales, d'un coût supérieur à 12 milliards de francs, prises en faveur de ces entreprises, notamment pour en favoriser la transmission.
La stagnation globale des crédits recouvre des évolutions contrastées par titre, par grands objectifs et par secteur.
Les interventions, hors bonifications d'intérêt, régressent de 3,5 %, mais les subventions d'investissement augmentent fortement en pourcentage, sinon en valeur absolue.
Au sein des crédits de l'artisanat, qui représentent 80 % de ce projet de budget, ce sont surtout les interventions relatives aux actions territoriales et aux aides aux entreprises qui régressent, tandis qu'augmentent les subventions d'investissement, qu'il s'agisse des contrats de plan ou du Fonds d'aménagement des structures artisanales.
Ce projet de budget est marqué par la priorité donnée à la formation. A cet égard, la principale mesure nouvelle de 8 millions de francs concerne la formation continue et consiste, s'agissant du commerce, à financer de nouveaux stages destinés à orienter les demandeurs d'emploi vers les professions liées au commerce électronique ou à la grande distribution, dans lesquelles existent des débouchés.
En outre, le secrétariat d'Etat assure la rémunération de stagiaires qui, n'étant pas couverts par le régime d'assurance chômage, relèvent du régime public d'indemnisation géré par l'Etat.
Pour l'artisanat, cinq types d'action sont poursuivies : la formation initiale et l'apprentissage, la formation continue, toutes deux récemment modifiées, la formation des acteurs de l'animation économique par l'Institut supérieur des métiers, la rémunération de stagiaires de longue durée dans certains secteurs comme la coiffure ou les métiers d'art et, enfin, ce qui me paraît très important, la sensibilisation des jeunes et de leur famille aux métiers de l'artisanat. C'est un bon point, madame la secrétaire d'Etat !
Ces différentes actions poursuivent des objectifs qui ne sont guère contestables, comme l'amélioration de la compétitivité par la diffusion des technologies modernes et le renforcement de la qualité des produits et des services, le développement de partenariats et les aides à des organismes spécifiques, l'information et les conseils, les opérations de promotion et de communication.
La seule novation constatée n'est pas à proprement parler budgétaire ; elle concerne la création, par un décret du 2 novembre, d'une direction des entreprises commerciales, artisanales et de services. Je pense que Mme la secrétaire d'Etat nous en parlera dans son intervention.
Je terminerai en formulant quelques observations.
Elles concernent, tout d'abord, les difficultés auxquelles se heurte le contrôle parlementaire en raison de la présentation peu explicite des crédits et du financement extrabudgétaire de nombreuses dépenses, à commencer par celles du FISAC. Seule l'annexe jaune au projet de loi de finances, qui paraît souvent bien tardivement, donne par ailleurs un aperçu de tous les concours financiers publics aux petites et moyennes entreprises.
La gestion des crédits appelle des remarques en ce qu'elle est perturbée par les mesures de régulation budgétaire et suscite des questions relatives à la faiblesse du taux global de déconcentration des crédits et à l'importance des reliquats d'autorisations de programme et de crédits de paiement du chapitre 64-02.
Une évaluation du FISAC est, paraît-il, en cours. Quand en seront connues les conclusions ? Ne faudrait-il pas aussi s'intéresser aux dispositifs des contrats Etat-régions, tels que les fonds régionaux d'aide au conseil, les FRAC, les actions de transmission-reprise de l'artisanat et du commerce, les ATRAC, et les opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, les ORAC, avant d'entamer l'exécution du prochain Plan ?
Mes autres remarques ont trait à la prolifération de textes relatifs aux petites et moyennes entreprises. Une remise en ordre et une coordination ne sont-elles pas nécessaires ?
A cet égard, nous vous entendrons avec plaisir, madame la secrétaire d'Etat, nous préciser les mesures de simplification administrative qui viennent d'être prises, et dont je vous remercie.
En matière fiscale, la commission des finances s'est inquiétée de certains aspects du nouveau régime fiscal des micro-entreprises, notamment des durcissements qu'il comporte, comme la suppression de la franchise en taxe et de la décote.
Par ailleurs, l'article 81 du présent projet de loi de finances a supprimé certaines exonérations de cotisations d'allocations familiales accordées, en particulier, dans les zones de revitalisation rurale.
Les lois doivent être appliquées. Je déplore à ce sujet que, quatre ans et demi après la promulgation de celle du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, le décret qu'elle prévoyait concernant la déclaration unique d'embauche et l'unification des assiettes de certaines cotisations sociales ne soit toujours pas paru.
Je conclurai sur les 35 heures.
A l'évidence, il conviendrait de tenir compte des spécificités des petites et moyennes entreprises dans les négociations qui doivent précéder le vote du deuxième projet de loi, à l'automne 1999, notamment en ce qui concerne le dispositif actuel d'annualisation du temps de travail, le contingent et la rémunération des heures supplémentaires et les conditions d'embauche exigées pour pouvoir bénéficier d'une aide de l'Etat, car 6 % de salariés supplémentaires ne signifie pas grand-chose pour une entreprise qui en compte quelques-uns seulement.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits du commerce et de l'artisanat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je fais mienne l'excellente présentation des crédits budgétaires par le rapporteur spécial, M. Ballayer.
La commission des affaires économiques souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur plusieurs points que j'aborderai brièvement.
Premièrement, l'intégration de la direction des services du commerce et de l'artisanat au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est-elle un choix judicieux ?
Madame le secrétaire d'Etat, vous dites vouloir faire « rentrer les préoccupations des PME parmi celles du ministère des finances ». Aurez-vous raison ? Je crains, au contraire, que Bercy, par ses contraintes habituelles, ne marque de son empreinte votre secrétariat d'Etat, en modifiant son état d'esprit actuel, qui nous convient.
Deuxièmement, s'agissant de la simplification administrative, les mesures que vous avez prises sont certes utiles, mais il faut aller plus loin : par exemple, simplifier une fois pour toutes la feuille de paie et obliger les organismes paritaires à calculer les cotisations à partir d'une base unique. Le jour où les entreprises pourront adresser une seule déclaration à un seul destinataire et régler l'ensemble des cotisations sociales par un seul chèque, la France aura franchi un grand pas.
Troisièmement, la formation en alternance a un rôle encore trop limité, alors que les crédits sont abondants et disponibles - ils intéressent d'ailleurs le budget général ; on les prélève - et que 80 % des titulaires restent dans l'entreprise. Pourquoi avoir limité aux seuls détenteurs de CAP ou de BEP l'aide publique aux contrats d'apprentissage et aux contrats de qualification ?
Les emplois-jeunes pourraient et devraient être étendus aux entreprises du commerce et de l'artisanat pour l'embauche du premier salarié, par exemple. Cette disposition contribuerait à la sauvegarde de l'emploi en milieu rural, au développement de l'artisanat, et susciterait l'embauche dont les artisans ont besoin et qui est actuellement freinée par le poids des charges sur les salaires. Cette disposition contribuerait également à la lutte contre le travail au noir, car ces jeunes seraient confirmés définitivement dans leur emploi au terme de la période de cinq ans.
Or, aucune date de dépôt ou d'examen du second projet de loi prévu par le Gouvernement pour les emplois-jeunes du secteur privé et marchand n'est encore annoncée. Pourquoi ?
Quatrièmement, la suppression des duty free au 1er juillet 1999 menace 8 000 emplois. Quelles dispositions comptez-vous prendre ?
Cinquièmement, j'ai fait un rapport sur une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, mais celle-ci n'a jamais été inscrite à notre ordre du jour ; elle concerne l'activité de mandataires en recherche ou achat de véhicules automobiles neufs. A ce jour, rien n'a changé dans la partie de bras de fer que se livrent les constructeurs automobiles et leurs concessionnaires français et européens. Le client français court de gros risques, malgré de bonnes affaires éventuelles.
Sixièmement, le Parlement recevra-t-il le rapport sur les associations en concurrence avec les commerçants, prévu par l'article 15 de la loi du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales ?
Septièmement, s'agissant des marchés publics, les PME ne peuvent y accéder. Les grandes entreprises tirent les prix vers le bas et compensent la faiblesse de leur marge d'offre par une odieuse pression sur les PME et l'artisanat sous-traitants. Les collectivités publiques doivent s'obliger à faciliter l'accès au marché et admettre au règlement direct ces sous-traitants.
Dans le même souci, madame le secrétaire d'Etat, la commission partage votre intérêt - vous m'en avez entretenu récemment - pour une modification éventuelle des seuils de marchés publics qui permette aux commerçants ou artisans locaux d'assurer, par exemple, les fournitures scolaires.
Huitièmement, les schémas de développement commercial prévus ont fait l'objet d'expérimentations sur trente et un sites pilotes. Le bilan fait apparaître qu'il n'est pas possible de dégager des règles nationales applicables à toutes les situations locales. Ils ne devraient donc avoir qu'une valeur indicative.
Enfin, je finirai par les commissions d'équipement commercial : 760 projets en 1996 ; 1 757 en 1997 et, au premier trimestre 1998, le double par rapport au premier trimestre 1997. La mise en oeuvre de la réforme à partir de 300 mètres carrés conduit donc à un engorgement progressif. Que fera le secrétariat d'Etat ?
Sur ma proposition, la commission des affaires économiques - unanime - a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du budget des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998.
De ce rapport pour avis, je vous proposerai, madame la secrétaire d'Etat, de tirer une maxime quotidienne pour le Gouvernement : dans le doute, pour nos entreprises, toujours moins de charges, toujours moins de réglementations, toujours plus de simplifications ! (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 17 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 24 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le commerce et l'artisanat occupent une place particulièrement importante dans le paysage économique de notre pays. Tenter, par conséquent, d'appréhender la totalité de ces questions dans les cinq petites minutes dont dispose mon groupe relève de l'exploit.
M. Robert, dans son rapport écrit, a bien fait de rappeler quelques chiffres.
Le commerce comptabilise 600 000 entreprises et occupe environ trois millions de personnes, salariées ou non. On compte 823 000 entreprises artisanales inscrites au répertoire des métiers. Le secteur de l'artisanat représente environ 30 % des entreprises françaises en activité, en dehors de l'agriculture, et emploie 10,3 % de la population active. L'artisanat regroupe, tous secteurs confondus, 2,1 millions d'emplois salariés et non salariés. C'est dire l'importance de ce secteur !
La question qui nous est alors posée est de savoir si l'effort de l'Etat au titre des PME, du commerce et de l'artisanat est ou non à la hauteur des besoins ressentis dans ces secteurs, sans sacrifier ces besoins du fait de leur importance.
Je souhaite, tout d'abord, m'éloigner quelque peu du strict examen budgétaire et revenir sur une idée qui semble partagée sur toutes les travées de cette assemblée, et qui est déterminante pour le développement de ces secteurs : ces activités sont fortement liées à la consommation des ménages.
C'est pourquoi, je le répète, il me paraît urgent de relancer l'économie par des réformes, des dispositifs favorisant de façon significative la consommation et le pouvoir d'achat.
Le groupe communiste républicain et citoyen a fait, à ce sujet, plusieurs propositions très précises, dont quelques-unes sont à mettre en oeuvre tout de suite. Le temps me manque pour les détailler. Permettez-moi seulement de citer la revalorisation du SMIC, des retraites, des minima sociaux et l'abaissement de la TVA.
J'en viens au budget à proprement parler.
En intégrant les modifications de la nomenclature budgétaire, ce budget est relativement stable par rapport à l'année dernière, il s'élève au total à 425 millions de francs.
Je vous félicite, madame la secrétaire d'Etat, d'avoir pris l'initiative de trente-sept mesures de simplification administrative en faveur des PME. Vous les aviez présentées en conseil des ministres très peu de temps avant l'examen de ces mêmes crédits pour 1998 ; cet été, avec l'adoption du DDOEF, plusieurs de ces mesures ont trouvé leur traduction législative.
Ces simplifications étaient nécessaires et attendues, et ont été bien accueillies par les entreprises ou les artisans concernés.
Je note positivement que la dotation de l'Etat à la Banque de développement des PME passe à 1 milliard de francs. En effet, cette structure a prouvé, en 1997, son utilité dans la création d'entreprises et d'emplois. Toutefois, l'intervention des banques aux côtés de la Banque du développement des PME doit être encouragée à un niveau supérieur.
J'apprécie également l'effort en direction de la formation continue et de l'apprentissage, dont les crédits augmentent de 26 %.
Quelques interrogations restent cependant en suspens.
Le problème essentiel des PME est leur développement, parfois même leur pérennité. La réponse du Gouvernement est la réduction des charges des entreprises. Or, cette recette n'est pas nouvelle, elle a déjà été largement utilisée, et force est de constater qu'elle ne crée pas d'emplois.
Il est grand temps de prendre des mesures innovantes, surtout en matière de fiscalité. L'une d'entre elles pourrait être la réforme du crédit accordé aux PME. Celles-ci sont aujourd'hui placées dans les mêmes conditions que les très grosses entreprises. Elles ont, de surcroît, des handicaps supplémentaires puisqu'elles se heurtent à l'hostilité des banques, qui renâclent à leur accorder des prêts. C'est pourquoi il est urgent d'abaisser les taux des crédits destinés aux PME et d'allonger les durées de remboursement.
Une réforme du crédit devrait également comporter un lien direct avec l'emploi. Pourquoi ne pas imaginer un crédit sélectif pour les investissements dont le taux serait d'autant plus bas qu'ils créeraient de l'emploi ? Ce dispositif serait, de ce fait, bénéfique pour les PME, tant il est vrai que nous nous accordons tous à reconnaître leur rôle dans la création d'emplois.
Avec ce nouveau crédit sélectif, les banques et les profits des entreprises seraient mobilisés pour l'activité réelle, à l'inverse des placements financiers.
Des actions seraient également à envisager pour densifier l'épargne de proximité, véritable terreau pour toutes les petites entreprises. Ne serait-il pas intéressant de créer un outil de financement fondé sur cette épargne ? Comme l'a indiqué un collègue du groupe communiste à l'Assemblée nationale, en déplaçant 1 % de l'épargne des Français, on pourrait mobiliser 15 milliards de francs.
Par ailleurs, l'implantation de commerces de proximité dans les zones urbaines difficiles ou les zones rurales reculées sensibilise nombre de nos concitoyens. Dans ma ville, les Orlysiens assistent impuissants au départ de nombreux commerçants de quartiers qui jouaient pourtant un rôle essentiel, tant par le service qu'ils rendaient que par leur fonction sociale.
Les centres commerciaux des cités populaires se vident et contribuent, de cette façon, à renvoyer l'image d'une banlieue où il ne ferait pas bon vivre. Quels dispositifs comptez-vous mettre en place, ou relancer, pour que de telles situations ne continuent pas de se multiplier.
Pouvez-vous également, madame la secrétaire d'Etat, m'indiquer à quel moment vous présenterez au Parlement votre projet de loi relatif à l'accès des PME aux marchés publics et nous en donner quelques orientations majeures ? Ce problème est en effet essentiel pour les petites entreprises, qui sont, d'une part, confrontées à la complexité du droit des marchés publics et, d'autre part, à la réticence des acheteurs publics à leur égard.
En conclusion, tout en appelant de nos voeux une réforme structurelle de la fiscalité, notamment de la fiscalité des PME, permettant de conjuguer leur développement et l'accroissement de l'emploi, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront votre projet de budget, madame la secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Madame la secrétaire d'Etat, vous l'avez rappelé lors de l'assemblée générale extraordinaire de l'assemblée permanente des chambres de métiers, le 22 septembre dernier : « Ce sont les entreprises, et surtout les entreprises artisanales et petites entreprises commerciales ou de services, qui assurent la vie des territoires : 860 000 entreprises qui procurent sur l'ensemble des territoires de l'emploi, diffusent la répartition des richesses et assurent des services à la population. »
Il s'agit donc d'optimiser les capacités de nos petites entreprises afin qu'elles puissent jouer pleinement leur rôle dynamique.
L'examen de ce projet de budget est, me semble-t-il, l'occasion à saisir pour rappeler la politique globale menée dans leur direction. C'est pourquoi je m'attarderai peu sur la description des crédits du ministère, préférant examiner plus largement et plus globalement la politique du Gouvernement en leur faveur, mais aussi, à la veille de l'euro, les orientations de la politique européenne.
Vous nous présentez aujourd'hui, madame la secrétaire d'Etat, un projet de budget stable par rapport à l'an passé, alors qu'il avait baissé de 11 % en 1996, de 6,5 % en 1997 et de 2,8 % en 1998. Voilà donc une confirmation des moyens après trois années de baisse !
Le FISAC est stabilisé ; principal instrument extra-budgétaire du ministère, il est abondé à hauteur de 400 millions de francs. On regrettera malgré tout, cette année encore, qu'il ne soit pas plus important afin de permettre un complément plus avantageux des crédits réservés à l'animation économique.
Quant à la part essentielle des crédits affectés aux entreprises, elle relève des bonifications d'intérêt et l'artisanat en est le principal bénéficiaire.
En 1999, l'Etat va permettre au secteur des métiers d'emprunter 2 milliards de francs à un taux de 3,5 %.
Comme l'année dernière, madame la secrétaire d'Etat, je me permets de souligner l'impact qu'aurait l'élargissement aux commerçants des conditions d'accès à ce type de prêt. Ils sont en effet partie prenante, au même titre que les artisans, des opérations de modernisation en milieux urbain et rural.
Vous menez une politique active en faveur de la formation professionnelle dont les crédits augmenteront de 3 millions de francs. Ils sont destinés à la sensibilisation des jeunes, à la formation des acteurs de l'animation économique, à la rémunération de certains stagiaires de la formation professionnelle, à la formation continue des artisans et, enfin, à la formation initiale et à l'apprentissage.
Je souhaiterais, à ce propos, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous rassuriez sur les conditions d'octroi des aides à l'embauche d'apprentis, dont la limitation est un vif motif d'inquiétude.
Par ailleurs, à la fin de l'année 1999, nous arriverons au terme du XIe Plan. En six ans, l'Etat aura consacré 271 millions de francs pour l'artisanat à des opérations contractualisées, par exemple les opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, les ORAC, qui représentent autant d'initiatives indispensables à une occupation réfléchie de nos territoires ruraux et urbains.
Actuellement, l'Etat procède à l'analyse des orientations qui ont été proposées par les préfets de région dans le cadre de la préparation des futurs contrats Etat-régions, et nous souhaitons vivement que les secteurs dont nous nous préoccupons aujourd'hui puissent y trouver une place à la hauteur des ambitions de la politique du Gouvernement.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Dussaut. Au total donc, les crédits sont peu élevés, mais ils s'inscrivent dans un projet de loi de finances très favorable aux petites et moyennes entreprises ; certains l'ont même qualifié de « projet de loi de finances PME ».
En effet, un nombre très important de dispositions fiscales vont permettre une amélioration des conditions de vie et de développement des PME et des très petites entreprises, en particulier dans le secteur du bâtiment.
En premier lieu, je citerai la seule disposition qui n'ait pas été reçue très favorablement : le relèvement des plafonds de chiffre d'affaires pour la définition des micro-entreprises.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Bernard Dussaut. Les chefs d'entreprise redoutent un encouragement au travail clandestin et la création de fortes distorsions de concurrence. Pourriez-vous, madame le secrétaire d'Etat, nous rassurer sur ces points ?
Les autres dispositions fiscales recueillent un assentiment unanime. Il s'agit de la baisse de certains taux de TVA, avec le remplacement de la TVA à 20,6 % sur l'achat de terrains à bâtir par des droits de mutation à 4,8 %, et un taux de TVA à 5,5 % sur les travaux effectués par les propriétaires bailleurs bénéficiant des aides de l'ANAH.
Enfin, pour répondre à une demande forte des artisans, le Premier ministre a confirmé, lors de la journée nationale de l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, que « conformément aux engagements pris par la France au sommet sur l'emploi de Luxembourg... le Gouvernement est favorable à un abaissement général du taux de TVA sur les travaux d'entretien des logements. Nous venons de faire une demande en ce sens auprès de la Commission. Nous considérons qu'une telle mesure permettrait non seulement de développer la demande et de créer de nombreux emplois, mais aussi d'assainir un secteur dans lequel la fiscalité excessive favorise le recours au travail clandestin ».
Il s'agit aussi de dispositions concernant directement le chef d'entreprise et son patrimoine professionnel, avec la réévaluation à 400 000 francs des abattements sur la part de succession reçue par le conjoint survivant, d'une part, et des mesures d'encouragement à la transmission anticipée de patrimoine professionnel et la réduction des droits de mutation sur la cession des immeubles professionnels pour faciliter la reprise des entreprises, d'autre part.
Je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, saisir cette occasion pour souligner le paradoxe qui existe entre ces dispositions de soutien à la transmission d'entreprise et le doublement de la dotation allouée aux contrats d'installation-formation en artisanat, et le mécanisme de l'indemnité de départ des commerçants et des artisans, qui les incite à comprimer leur chiffre d'affaires avant leur départ en retraite afin de bénéficier de l'aide publique. Il y a là, me semble-t-il, quelque chose à clarifier.
D'autres dispositions fiscales auront des incidences directes sur l'emploi.
Il s'agit, en premier lieu, du doublement du plafond de crédit d'impôt pour travaux d'entretien et de revêtement de sol. Cette mesure est très incitative. Elle avait déjà fait augmenter sensiblement le volume de travaux pour les entreprises en 1998, ce qui leur avait permis d'embaucher.
Il s'agit, en second lieu, de la réforme de la taxe professionnelle, dont bénéficieront, dès 1999, plus de 820 000 artisans et petits entrepreneurs des secteurs à forte densité de main-d'oeuvre comme les services, le bâtiment et le commerce. Cette réforme sera plus favorable aux PME, qui sont les principales créatrices d'emplois, qu'aux grandes entreprises. Elle conduira, par exemple, à un allégement de taxe professionnelle de 50 % dans le secteur du bâtiment.
Comme je le disais en introduction, le Gouvernement conduit une véritable politique globale en direction des PME et des très petites entreprises. Cette politique dépasse le cadre du projet de loi de finances. Un signe fort de cette attestation fut la présence du Premier ministre, le jeudi 22 octobre, à la neuvième journée nationale de l'UPA.
Votre ministère donne, madame la secrétaire d'Etat, une impulsion essentielle à cette politique.
Vous avez présenté, au conseil des ministres du 18 novembre, une communication sur la simplification administrative pour les PME. Une vingtaine des trente-sept mesures annoncées il y a un an sont déjà en vigueur, et vous venez d'en présenter vingt-six autres.
La mise en place d'une commission pour la simplification administrative, la COSA, présidée par M. Lionel Jospin, permettra d'examiner et de suivre la mise en oeuvre de ces dispositions pour chaque ministère concerné.
Voilà autant de mesures concrètes qui ont déjà des incidences positives sur l'environnement des entreprises, sur leur vie quotidienne, et donc sur leur développement !
En ce qui concerne l'urbanisme commercial, j'appelle votre attention sur une constatation préoccupante de la chambres des métiers de la Gironde. Cette dernière a en effet signalé une augmentation notable du nombre d'autorisations accordées pour l'implantation ou l'extension de grandes surfaces dans notre département. En surface accordée, nous sommes 36 % au-dessus de la moyenne nationale.
Cela a, bien entendu, une incidence en termes d'emplois : en cinq ans, l'essor de la grande distribution a créé 2 000 emplois tandis que le commerce et l'artisanat en perdaient 2 800, ce qui représente une perte sèche de 800 emplois.
Les élus qui se font pressants pour l'obtention d'autorisations ne sont pas toujours les derniers à solliciter les fonds du FISAC, après constatation des dégâts causés en termes de développement du territoire.
M. Roland Courteau. C'est souvent vrai !
M. Bernard Dussaut. Une régulation est donc indispensable.
Madame la secrétaire d'Etat, votre politique s'inscrit dans un projet gouvernemental de développement cohérent, auquel participent le projet de loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire et le projet de loi sur l'intercommunalité, qui seront très prochainement soumis au Parlement.
Dans cette logique de développement, nous devons également intégrer le texte relatif aux interventions économiques des collectivités locales annoncé par M. Emile Zuccarelli et la réforme du code des marchés, qui devrait être, comme l'a confirmé le 22 octobre dernier M. le Premier ministre, rapidement menée à bien. Elle permettra aux petites entreprises de mieux faire valoir leurs offres dans le cadre d'une concurrence loyale.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la veille de l'euro, il ne me semble pas envisageable de disserter sur l'avenir de nos entreprises, de nos petites entreprises, sans nous préoccuper de la politique européenne développée pour ce secteur.
L'année dernière, à Milan, lors de la troisième conférence européenne de l'artisanat et des petites entreprises, les participants avaient souligné le potentiel du secteur de l'artisanat et des petites entreprises comme « générateur de croissance et d'emploi, facteur clé de stabilité et de cohésion économique et sociale dans l'Union européenne ».
Le 22 septembre 1998 s'est tenue à Baden une conférence interministérielle sur l'avenir de la politique européenne en faveur des petites et moyennes entreprises de l'artisanat : elle a permis de dégager des priorités et des convergences de points de vue sur un certain nombre de thèmes tels que l'allégement des contraintes administratives, l'harmonisation de la fiscalité et la transmission d'entreprises.
Il y a donc l'affirmation forte d'une volonté de mener une politique européenne en faveur de l'artisanat et des petites entreprises. Il s'agit maintenant de mettre ces orientations en pratique et de travailler de concert avec nos partenaires européens.
Déjà, les initiatives européennes traduisant ces orientations ne manquent pas, qu'il s'agisse de soutenir le développement d'entreprises conjointes transnationales entre PME européennes susceptibles de créer des emplois stables, de mettre en place un réseau d'intermédiaires financiers spécialisés dans le financement des investissements ou encore d'encourager la création d'entreprise avec, notamment, le lancement, le 15 octobre, de la nouvelle table ronde des banquiers et des PME, dont les travaux porteront principalement sur le financement au démarrage et lors du premier stade de fonctionnement des entreprises. Les travaux de cette table ronde ont débuté ce mois-ci et se termineront fin 1999.
Je n'ai certainement pas fait le tour des initiatives communautaires à destination des PME, du commerce et de l'artisanat, mais ces quelques exemples me semblent bien illustrer la cohérence des travaux menés à l'échelon tant national qu'européen.
Madame la secrétaire d'Etat, nos entreprises vont de l'avant, et les accords relatifs aux 35 heures signés récemment par l'Union professionnelle artisanale dans le secteur du bâtiment témoignent bien du sens des responsabilités de nos artisans.
Le Gouvernement mène, à l'adresse des secteurs dont vous avez la charge, une politique ambitieuse, concertée et cohérente, comprenant des mesures concrètes en termes d'incitation au développement des entreprises et de l'emploi, qui prennent en compte, d'une part, la réalité de nos territoires et, d'autre part, la dimension européenne désormais nécessaire à toute politique.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bécot.
M. Michel Bécot. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant que j'aborde des sujets qui intéressent plus spécifiquement les PME, permettez-moi de me réjouir de la stabilité de ce budget, ainsi que de l'existence de ressources extra-budgétaires provenant du FISAC. En l'occurrence, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce revêt un caractère vraiment stratégique face aux évolutions récentes que connaît le secteur. La concurrence grandissante de la grande distribution à l'échelon européen rend indispensable le renforcement des interventions de ce fonds.
Je peux constater concrètement, dans le département des Deux-Sèvres, les effets bénéfiques de l'opération « Mille villages de France », qui contribue à apporter une réponse à un besoin spécifique manifesté par les maires des communes rurales dépourvues de structures commerciales. Ce type d'opérations connaît un incontestable succès depuis son lancement, en 1993.
Certes, on peut regretter le montant plutôt modeste des subventions versées, ainsi que les délais de versement relativement longs. Mais, en tout état de cause, les interventions de ce type restent indispensables, de même que les opérations analogues réservées à des agglomérations grandes ou moyennes, comme « Centre 2000 » ou « Coeur de pays ».
J'en viens aux problèmes que connaissent les PME en France.
Tous les responsables politiques reconnaissent aujourd'hui l'importance de leur contribution à la croissance économique et à l'emploi. Je lisais récemment dans Le Monde un article au titre éloquent : « Priorité aux PME-PMI » !
Madame la secrétaire d'Etat, cet article était signé par votre collègue M. Christian Pierret et par son homologue dans le gouvernement britannique de Tony Blair.
J'en partage, évidemment, la philosophie : il appartient, effectivement à l'Etat de fournir un cadre adapté au développement de l'initiative privée, qui est créatrice de travail et de richesses.
Si nous nous entendons sur ce principe, nous divergeons sans doute avec le Gouvernement sur les priorités et les modalités.
Gisements potentiels d'emplois, les PME françaises ont créé trois fois moins d'entreprises qu'en Allemagne ou aux Pays-Bas entre 1988 et 1997. Pourquoi ce décalage ? Les causes sont nombreuses et complexes.
Mes collègues en ont déjà stigmatisé quelques-unes : l'insuffisance du financement, le niveau trop élevé des charges, la complexité de la réglementation.
Les PME sont en permanence confrontées à une concurrence exacerbée sur le plan mondial, même avec nos plus proches voisins européens. Certains d'entre eux bénéficient, en effet, d'un coût de main-d'oeuvre relativement bas, ce qui leur permet de gagner bon nombre de marchés avec un niveau de prix contre lequel nos entreprises ne peuvent lutter.
Alors, imaginons une législation fiscale et sociale mieux adaptée, et favorisons l'initiative dans une dynamique d'aménagement du territoire !
La réduction des charges est particulièrement nécessaire pour les PME de main-d'oeuvre.
Je pense, par exemple, aux 320 000 entreprises artisanales du bâtiment de notre pays, qui emploient entre une et vingt-cinq personnes et représentent 56 % des emplois de ce secteur. Elles espèrent une reprise de leur activité et réclament des mesures spécifiques, en particulier en ce qui concerne la TVA.
Actuellement, en effet, l'activité essentielle de ces entreprises artisanales réside dans les travaux d'entretien, de rénovation et de réhabilitation des logements. Les particuliers constituent une part importante de leur clientèle.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas étendre le taux réduit de TVA à l'ensemble des travaux d'entretien et d'amélioration du logement non aidé ?
Certes, j'approuve les récentes mesures consistant à appliquer la TVA à 5,5 % aux travaux effectués dans les logements sociaux ou, comme le prévoit le présent projet de budget, aux travaux subentionnés par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, sans parler de la majoration du crédit d'impôt pour les dépenses d'entretien, mesure votée sur l'initiative du Parlement.
Le Gouvernement souhaite, comme nous tous ici, la relance de l'activité et des investissements. Mais il faut se montrer plus ambitieux encore au niveau fiscal.
Les effets d'une telle baisse de la TVA seraient doubles : augmentation de la demande de travaux des particuliers, qui attendent des mesures incitatives, et diminution du travail clandestin.
Le volume des travaux compenserait largement la diminution du produit de la TVA. Et, par voie de conséquence, le surcroît d'activité dans le secteur du bâtiment entraînerait de nombreuses créations d'emplois.
Un autre domaine intéressant pour les PME demanderait à bénéficier d'un effort tout particulier : le commerce extérieur. Ce dernier, quoique excédentaire - 164 milliards de francs environ, cette année - reste encore fragile, car ses résultats reposent encore sur 1 200 entreprises seulement.
Malgré des progrès récents, les PME françaises réalisent 40 % des exportations environ, alors que leurs voisines italiennes en assurent les deux tiers.
En particulier, l'accès des PME aux réseaux d'appui aux exportations et la coordination des différents intervenants à l'échelon régional restent encore à améliorer. Mais l'exemple de certains pays étrangers comme l'Italie, nous l'avons vu, mais aussi l'Allemagne et le Japon, est très instructif et pourrait nous inspirer.
Ainsi en est-il du regroupement de PME-PMI dans des consortiums à l'exportation en Italie. Il s'agit là d'un système particulièrement efficace.
Mais le préalable reste toujours la simplification des procédures et l'unification des structures d'aide aux PME. Les entreprises exportatrices françaises sont en relation avec un trop grand nombre d'administrations. Trop souvent, elles ont réellement du mal à trouver les bonnes filières et les bons interlocuteurs.
Evoluons donc encore vers le guichet unique, en matière de commerce extérieur comme de création d'entreprise. Continuons à simplifier les formalités et les déclarations fiscales ou sociales.
Madame la secrétaire d'Etat, vos efforts en ce domaine sont louables, et nous nous y associons, dans la continuité de l'action de notre collègue Jean-Pierre Raffarin.
Même si, comme le dit Jean-Paul Fargue, « il n'y a pas de simplicité véritable, il n'y a que des simplifications », nous sommes aussi conscients des contraintes pesant à ce niveau sur tout gouvernement.
Cependant, il est regrettable - reconnaissez-le, madame la secrétaire d'Etat - que les mesures positives prises par votre ministère soient trop souvent contrebalancées par de nouvelles contraintes imposées sur l'initiative de certains de vos collègues du Gouvernement. Je pense, bien sûr, à la réduction de la durée du travail à 35 heures, mesures unilatérale imposée aux PME en 2002 contre la volonté de la majorité d'entre elles. Il s'agit d'une mesure anti-économique, alors que la loi Robien offrait déjà un socle solide pour les entreprises qui souhaitaient s'engager dans la voie du partage du temps de travail, mais dans la souplesse et la concertation.
Pour préparer le XXIe siècle, il faut des réformes alllant dans le sens de la simplicité et de la souplesse, réformes engagées sur l'initiative du précédent gouvernement et de sa majorité. Le renforcement de notre réseau de PME en France et sur les marchés extérieurs est à ce prix.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les PME sont des éléments essentiels du tissu économique, première source de créations d'emplois et moteur de la croissance. C'est bien là ma conviction, et je sais que vous la partagez, madame le secrétaire d'Etat...
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Oh oui !
M. Bernard Joly. ... puisque cette affirmation figure dans la présentation du fascicule budgétaire de votre département ministériel.
Le commerce, l'artisanat et les PME représentent près de 5 millions d'emplois. Ils ont créé environ un million d'emplois les quinze dernières années alors que, pendant la même période, le secteur industriel en perdait autant.
Pourtant, on constate que le coût du travail en France est plus élevé que celui de nos voisins. Le niveau des prélèvements obligatoires atteint, cette année, 46 % du PIB - c'est un record - soit 4 à 5 points de plus que la moyenne européenne.
Au-delà du fait qu'un chef d'entreprise doit devenir un spécialiste de la réglementation dans tous les domaines, il voit s'alourdir les coûts de revient et rogner la compétitivité de son entreprise.
On imagine les résultats si les pouvoirs publics s'attachaient à définir une véritable politique en faveur des petites entreprises ! En effet, il n'y a pas de projet propre ; mais il existe des extensions, des adaptations des dispositions applicables aux grandes structures. Les quelques mesures qui paraissent spécifiques relèvent d'ajustements face à de trop grandes distorsions. Ce sera le cas pour un prochain texte visant à la simplification de l'environnement administratif des PME. Il s'agit d'une avancée certes demandée et appréciée, mais en référence avec ce qui est exigé pour des unités de taille supérieure. D'un côté, il y a surdimension - le costume est nettement trop grand - et, de l'autre, il y a refus d'accorder une autonomie qui répondrait aux exigences du contexte.
La question de l'ouverture du dimanche illustre parfaitement cela. Dans mon département, en Haute-Saône, un affilié à une enseigne de bricolage se voit opposer l'interdiction d'ouvrir tout le week-end. Il s'agit d'un homme qui a investi ses propres deniers dans une affaire quasi familiale. Les candidats à l'emploi dominical existent. Ils ne sont ni contraints ni exploités. Mais on ne peut revenir sur une avancée sociale qui, en l'espèce, n'est pas posée en ces termes puisqu'il s'agirait de travail à temps partiel. Il n'y a donc ni embauche, ni amélioration de service à la clientèle, ni optimisation de la rentabilité. L'insatisfaction est totale.
Quelle est la réalité ? On constate que 600 000 entreprises n'ont qu'un seul salarié, et ce n'est pas la réduction du temps de travail à 35 heures qui les fera créer un second emploi ; 500 000 PME de plus de neuf salariés changent de mains chaque année, mais la transmission reste périlleuse et beaucoup périssent faute de repreneur ; 90 % des créateurs d'entreprises débutent leur activité avec moins de 250 000 francs qui proviennent de fonds propres, quand ils le peuvent, les aides publiques s'enlisant dans des rigidités administratives.
J'ai des exemples, madame la secrétaire d'Etat, de dossiers parfaitement recevables sur le fond quant à la validité du projet et à la crédibilité des acteurs qui ont achoppé sur le fait qu'il manquait un mois d'inscription à l'ANPE pour les demandeurs. Tout le monde y gagnait, mais les sacro-saints textes étaient incontournables.
Pourquoi, malgré tout, ce secteur reste-t-il dynamique ? Tout simplement parce que les acteurs sont des hommes et des femmes totalement impliqués dans leur entreprise, c'est leur vie. Ils demandent moins de subventions et plus de liberté.
Il semblerait que les aides les plus diverses qui ont été répertoriées tournent autour de 2 000. Il va sans dire qu'elles sont surtout exploitées par les spécialistes de ce type de chasse, les arcanes administratifs n'étant pas aisés à déchiffrer.
Les attentes des acteurs économiques sont simples et leurs ambitions consistent à obtenir des conditions de développement satisfaisantes. L'ensemble de la collectivité est intéressée par la santé et le développement du commerce, de l'artisanat et des PME et, en premier lieu, dans le monde rural.
Il serait souhaitable, dans cette optique, d'arriver à une déconcentration du FISAC.
La nécessité d'aider la création d'entreprise dans les zones rurales en difficulté n'échappe à personne. Il est convenable que les critères de répartition des enveloppes régionales soient arrêtés au niveau national pour préserver la cohérence de la politique menée. Toutefois, les décisions d'aides devraient revenir à une entité plus proche du terrain. Meilleure saisie, instruction plus rapide, efficacité renforcée ; il n'y a que des avantages.
Les actions ponctuelles et sectorielles de ce fonds s'inscrivent dans la politique d'aménagement du territoire, notamment celles qui concernent les commerces de villages. Les handicaps et les difficultés des zones considérées doivent déterminer les dispositifs fiscaux et budgétaires à mettre en place. Je ne pense pas qu'il y ait de modèle, de solution type. Seul le cadre doit être défini, et la réponse adaptée à chaque situation.
Outre la fonction économique et la qualité de services qu'ils assurent, ces commerces remplissent également un rôle de lieu de vie et d'échanges. Toute communauté en a besoin. Qu'un village perde un dernier point de vente, et il voit disparaître du même coup non pas un simple fournisseur mais un espace neutre de rencontres où se tisse le lien social.
Puisque les crédits de ce fonds sont en augmentation, je souhaite être éclairé plus précisément sur le fonctionnement du dispositif. On a prétendu que ses réunions étaient fort irrégulières, sa gestion trop administrative, l'éventail des dix-sept subventions trop large, les crédits étant concentrés sur quelques-unes d'entre elles.
Dans le monde rural, l'artisanat est devenu le premier employeur. Les communes de moins de 5 000 habitants regroupent plus de 300 000 entreprises employant 500 000 salariés.
Le développement de la pluriactivité des agriculteurs inquiète les artisans. Ils estiment qu'il y a différence de traitement. Les dispositions du projet de loi d'orientation agricole renforcent cette impression. Ils redoutent un déséquilibre.
L'univers rural doit être appréhendé dans sa globalité. Il convient d'observer à la fois les spécificités de chacun des acteurs, sans pour autant accorder des encouragements sectoriels qui in fine , créeraient des distorsions pour l'exercice d'une même activité. L'équation n'est pas simple, mais le risque de voir une concurrence de mauvais aloi s'installer doit être déjoué.
Les retraités du secteur de l'artisanat vivent, eux aussi, assez mal le décalage en matière de droits et de devoirs.
Depuis 1973, leurs retraites sont alignées sur celles du régime général. Toutefois, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a eu pour effet de soumettre leur catégorie aux prélèvements dus au titre de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, prélèvements auxquels tous les retraités sont soumis, alors que les prestations maladie servies aux artisans sont inférieures.
Le même raisonnement vaut pour la majoration pour conjoint à charge, qui n'a pas été réévaluée depuis des années, alors que cela a été fait pour d'autres régimes.
Pour ceux qui démarrent dans la vie, l'artisanat est une chance réelle. La formation professionnelle au sein de petites structures est presque toujours une garantie de tutorat assuré. Les contrats d'apprentissage permettent aux jeunes, dans 85 % des cas, de s'intégrer dans l'entreprise où ils ont été formés. C'est une filière qu'il faut encourager en la faisant mieux connaître et apprécier. Par ailleurs, le bénéfice des emplois-jeunes ne serait-il pas, ici, judicieux ? La vocation qualifiante est satisfaite et la sortie sur une insertion dans le monde professionnel raisonnablement possible.
L'avenir s'ouvre sur une adaptation et une transformation. Le passage à l'euro, pour inscrit qu'il soit, mérite un accompagnement. Beaucoup d'entreprises de ce secteur sont individuelles et peu de responsables peuvent consacrer le temps nécessaire aux ajustements. Les avertissements de l'Etat doivent être relayés convenablement par les organisations professionnelles.
Plus délicate sera la mutation résultant du commerce électronique. L'outil nouveau mis à disposition pourrait revêtir la forme de zones de chalandises Intranet encadrées aux niveaux national et international.
L'ouverture est toujours une chance. Le commerce, l'artisanat et les PME sauront la saisir. Pour cela, le Gouvernement doit surtout alléger les entraves qui les gênent.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
M. Kléber Malécot. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Malécot.
M. Kléber Malécot. Monsieur le président, ne pourrions-nous pas reprendre la séance à vingt et une heures trente ?
M. le président. Ce n'est pas possible, mon cher collègue. Compte tenu des contraintes des services, il est de règle d'observer, pour le personnel, une suspension de deux heures.
M. Kléber Malécot. Une exception est toujours possible, monsieur le président !
M. le président. Non, j'en suis désolé, mon cher collègue.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq.)