Séance du 30 novembre 1998






PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord adresser mes très vives félicitations à mes collègues rapporteurs pour la qualité de leurs interventions.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Très bien ! Ça commence bien !
Mme Nelly Olin. Depuis plus de deux ans, le Gouvernement ne cesse de réitirer sa volonté de lutter contre l'insécurité urbaine.
La sécurité dans nos villes est, déclare-t-il, une de ses priorités.
M. le Premier ministre nous en parlait encore lors de sa dernière apparition au journal télévisé de France 2, s'agissant des manifestations lycéennes.
Aussi, je ne vous cache pas quelle fut ma surprise en prenant connaissance des crédits affectés à la sécurité pour 1999 !
Ces derniers ne correspondent en rien ni aux attentes de la population ni à vos précédentes déclarations, monsieur le ministre, et je m'interroge, à juste titre, sur la réalité de la politique lancée à grand renfort de presse à Villepinte.
A titre d'exemple, on ne peut plus concret, par rapport au produit national brut prévu pour 1999, le budget de la police nationale connaît, pour la deuxième année consécutive, son niveau le plus bas depuis 1991, et c'est inacceptable.
La loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité arrive à son terme : seul le quart de ses objectifs sera atteint. Le manque de moyens budgétaires a en effet empêché sa complète mise en oeuvre, ce qui est inadmissible. Son seul intérêt aura été de montrer la nécessité d'allier la stratégie aux moyens.
Les 5 000 recrutements prévus ne se sont jamais concrétisés. Pourtant, plus qu'un besoin, c'était une nécessité lorsque l'on sait comment vivent les habitants de nos banlieues qui n'en peuvent plus des agressions de toute nature que, pudiquement, frileusement mais surtout très hypocritement, on qualifie d' « incivilités ».
Comme je l'avais dit l'an passé, sans avoir, semble-t-il, été entendue, je me dois de nouveau insister sur le besoin croissant d'une police de proximité pour assurer un îlotage efficace.
Je souhaite d'ailleurs insister sur la nécessaire proximité qui doit exister entre les différents services de police et la population.
Les emplois de proximité trouvent leur entière légitimité dans la prévention mais également dans la répression de la délinquance.
Au cours des huit premiers mois de l'année 1998, la délinquance a progressé de 5,5 %. Force est de constater que les résultats sont inquiétants et qu'il est urgent d'agir.
Le recrutement d'adjoints de sécurité et les contrats locaux de sécurité sont actuellement les deux principaux dispositifs que vous avez choisi d'appliquer pour renforcer la présence policière sur le terrain.
C'est bien mais nettement insuffisant. C'est aussi la preuve que le Gouvernement n'a pas conscience de la situation des banlieues.
Certes, il est prévu de recruter des adjoints de sécurité, mais, monsieur le ministre, permettez-moi de m'étonner : est-ce réellement judicieux et sérieux, quels que soient leur volonté et leur courage, de les affecter, après seulement deux mois de formation, dans des sites sensibles où ils seront confrontés à la dure réalité des quartiers difficiles ? Vous leur tendez la main en leur trouvant un emploi, mais vous les découragerez en les plaçant dans cette situation.
Certes, il y a les contrats locaux de sécurité et j'ai signé pour ma part, sans états d'âme, un tel contrat voilà deux mois pour la ville de Garges-lès-Gonesse dont je suis maire.
Même si ces deux dispositifs vont dans le bon sens, je me dois cependant de vous rappeler qu'ils sont loin d'être suffisants et qu'ils ne répondent que très incomplètement et très imparfaitement aux besoins réels.
Parce que les violences urbaines sous toutes leurs formes - leur nombre s'est accru de 400 % entre 1992 et 1997 - continuent à déstabiliser nos villes, nos quartiers, nos transports en commun, nos centres commerciaux, nos cages d'escaliers, parce que les faits de délinquance sont de plus en plus graves et leurs auteurs de plus en plus jeunes - certains sont âgés de onze ou douze ans, et le nombre de mineurs délinquants a augmenté de 81,48 % entre 1987 et 1996 - parce que le sentiment d'insécurité devient insupportable, votre projet de budget, monsieur le ministre, construit hélas ! au rabais, n'est pas réaliste et se trouve en complète contracdiction avec vos discours, seulement pavés, malheureusement, de bonnes intentions.
Le recrutement à moindre coût d'adjoints de sécurité, dont le devenir à cinq ans est d'ailleurs loin d'être assuré, ne permet pas de pallier le manque cruel d'effectifs de police dans nos villes. Or ce sont des effectifs que nous vous réclamons d'urgence parce qu'il y a urgence.
Nous vous réclamons de mettre en oeuvre les mêmes mesures en grande couronne qu'en petite couronne.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, le taux de délinquance dans le Val-d'Oise est le même que celui de Paris, aussi pourquoi ce département ne bénéficie-t-il pas des mêmes moyens ?
Y aurait-il des citoyens de première zone et des citoyens de seconde zone ?
La sécurité, je vous le rappelle, est un droit pour tous.
Sachez, monsieur le ministre, que les maires de villes en difficulté, quelle que soit leur sensibilité, en ont asssez de voir naître chaque année une politique anti-violence vouée à l'échec, et que tous les efforts qu'ils déploient pour redresser la situation dans leurs ville seront eux aussi voués à l'échec si vous ne prenez pas les mesures qui s'imposent.
L'heure n'est donc plus ni aux promesses ni aux discours. L'heure est aux mesures concrètes, sérieuses et efficaces. Le temps des constats est hélas ! révolu. Monsieur le ministre, il est urgent d'agir et de lutter sans merci afin de remettre de l'ordre dans nos villes avant qu'il ne soit trop tard, mais trop tard, monsieur le ministre, c'était déjà hier. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - MM. les rapporteurs applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, quand j'écoute vos déclarations, j'ai l'impression que mon pays est composé de deux mondes qui s'ignorent : d'un côté, le pays légal, qui invoque sans cesse une France Etat de droit - je dirai pour ma part : « dit de droit » - qui parle « redéploiement », « meilleure utilisation des moyens » et cultive une vision intellectuelle de la sécurité ; de l'autre, sur le terrain, le pays réel, où, pour reprendre le titre du livre d'un auteur connu, « toujours plus » les bandes saccagent les trains, dévalisent le voyageurs - du reste, les agents de la SNCF et de la RATP et des transports urbains en général, exaspérés, se mettent sans arrêt en grève pour défendre leur sécurité personnelle et lutter contre les dégradations du matériel.
Toujours plus de voitures et de magasins qui flambent ou sont allégrement pillés.
Toujours plus de lycées, de collèges où le racket sévit.
Toujours plus de commissariats de police attaqués, de policiers régulièrement agressés, aux portes mêmes de leur commissariat et à l'extérieur.
Toujours plus de quartiers ou de campements qui sont interdits aux forces de sécurité.
Toujours plus on pirate sur la route, comme au temps des diligences, et même les fourgons pharmaceutiques y passent !
Toujours plus de mineurs délinquants, qui, pour beaucoup, sont multirécidivistes, et qui sont plus violents et plus précoces.
Toujours plus de multiples petites infractions impunies.
Toujours plus celui qui rentre le soir est anxieux.
Toujours plus nombreux sont ceux qui ne déposent plus plainte car cela ne sert à rien, qui pensent que l'Etat a plus d'attention pour celui qui fait mal que pour celui qui veut bien faire, qui s'inquiètent du départ à la retraite de 25 000 policiers dans les années qui viennent et qui sont obligés de payer la création de polices municipales.
Ainsi, monsieur le ministre, vous ne semblez pas répondre aux questions que se posent constamment nos concitoyens : où est passée notre sécurité réelle et assurée ? Pourquoi notre police n'a-t-elle pas les moyens en hommes et en matériel, sa qualité personnelle n'étant jamais mise en cause ?
Il faut embaucher et accroître les effectifs, pas de 2 400, comme annoncé, mais de près de 10 %.
Cessons de nous comparer, de nous référer aux autres pays et au passé. C'est de notre époque et de notre pays qu'il s'agit.
Finalement, monsieur le ministre, vous subordonnez l'homme, ses conditions de vie, à l'argent. Très sincèrement, j'estime que, avec cette réduction budgétaire pour cause de rentabilité, vous êtes, avec tous ceux qui veulent nous imposer une telle forme de pensée, dans l'erreur.
Il faut de vrais policiers, formés, présents, en nombre suffisant et près des habitants. Cela a un coût, cela répond à un choix, c'est la mission de l'Etat. N'est-ce pas aussi l'exigence de nos concitoyens ? Pourtant, depuis des années, les gouvernements semblent atteints de surdité.
Vous devez répondre à cette volonté de nos concitoyens sans tarder. Vous connaissant, je pense que, comme moi, vous sentez qu'il est indispensable d'apporter la bonne réponse : « toujours plus » d'effectifs ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord indiquer que le budget du ministère de l'intérieur, que nous étudions aujourd'hui, s'élève à quelque 88 milliards de francs. Hors dotation aux collectivités locales et crédits relatifs aux élections, il augmente de 3 % par rapport aux dotations de ces dernières années. C'est important, vous en conviendrez, madame Olin.
Surtout, cette progression des crédits figurant dans la loi de finances pour 1999 va s'accompagner de mesures significatives dans la loi de finances rectificative que vous allez bientôt examiner, et qui prendront leur plein effet en 1999.
La loi de finances rectificative comporte en effet 470 millions de francs de mesures nouvelles nettes en faveur du budget du ministère de l'intérieur. Ce complément viendra s'ajouter aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 1999 et il permettra de renforcer les moyens consacrés à l'équipement et au fonctionnement de la police nationale.
Ces crédits permettront aussi - je réponds ainsi à M. Vallet - de prendre en compte le remboursement de la dette à France Télécom, pour 90 millions de francs. Ainsi, ce remboursement sera assuré, ce qui me paraît indispensable pour la bonne régularité des comptes.
L'effort financier qui sera consenti dans la loi de finances rectificative montre bien que le ministère de l'intérieur - M. Jean-Pierre Chevènement avait sollicité M. le Premier ministre lors de la préparation du budget à cet effet - disposera des moyens nécessaires pour assurer sa mission.
J'évoquerai tour à tour les deux grands thèmes qui nous préoccupent aujourd'hui : la sécurité publique, c'est-à-dire le rôle de la police nationale, et la sécurité civile, c'est-à-dire le rôle des services de secours et les actions en matière de protection civile.
Nous savons que la sécurité publique figure parmi les préoccupations premières de nos concitoyens, avec l'emploi.
Le Gouvernement a donc mis en oeuvre les orientations définies lors du colloque de Villepinte : citoyenneté, proximité, efficacité. Pour aboutir, il entend à la fois mener une politique de proximité sur le terrain, associer tous les acteurs à l'échelon local et, enfin, dégager les moyens suffisants pour que la police puisse accomplir ses missions.
La politique de sécurité de proximité repose sur la volonté de mettre en oeuvre un droit égal à la sécurité pour tous les citoyens et sur l'ensemble du territoire national.
Quatre axes principaux caractérisent cette politique que je vais maintenant vous présenter en répondant à vos question : la signature de contrats locaux de sécurité, la création d'emplois de proximité sur le terrain, le réaménagement de la répartition territoriale des forces de police et de gendarmerie et, enfin, la réforme de la préfecture de police de Paris.
Les forces de police doivent travailler en liaison avec les élus locaux.
M. Vallet m'interrogeait ce matin sur l'attitude des commissaires de police par rapport aux élus. Je peux lui dire que les commissaires de police doivent travailler avec les élus locaux. Dans une concertation, chacun a un rôle, chacun à une place. Il est indispensable que ces relations se nouent. C'est ma conception des relations entre la police et les collectivités locales.
Les choses ont beaucoup évolué depuis vingt ans, je l'admets. Autrefois, les élus rencontraient le commissaire de police à l'occasion de la cérémonie traditionnelle des voeux ; maintenant, par exemple dans l'agglomération lyonnaise, ces rencontres sont hebdomadaires, ce qui paraît normal, tant les problèmes de sécurité sont importants.
Les contrats locaux de sécurité constituent l'instrument privilégié de la police de proximité. Ils permettent d'analyser des besoins, d'évaluer les problèmes qui se posent, d'affecter des moyens humains et matériels et d'organiser une mobilisation concertée de tous les acteurs de terrain. A ce jour, nous avons signé pratiquement 140 contrats locaux de sécurité et 400 sont en préparation.
Les premiers contrats, qui ont été signés en début d'année, ont été parfois établis un peu rapidement. Mais ceux qui sont signés maintenant reposent sur de véritables plans d'action détaillés.
A la fin de la semaine dernière, j'ai signé le contrat local de sécurité de Lyon, qui est le premier contrat local à être conclu avec une grande ville, puis celui de Chambéry. Ils reposent tous les deux sur une analyse vraiment minutieuse de l'évolution de la délinquance quartier par quartier, arrondissement par arrondissement, et, en même temps, sur la mise en place de moyens, qui vont de la prévention à la sanction, en passant par la réparation, et ce en organisant une mobilisation des administrations d'Etat, des collectivités locales, de tous les acteurs locaux, notamment les responsables associatifs et les responsables des chambres de commerce.
Il existe, dans ce domaine, un véritable engagement, quelles que soient, d'ailleurs - je remercie Mme Olin de l'avoir dit - les tendances politiques, puisque nous devons tous concourir à l'amélioration de la sécurité de nos concitoyens.
Le deuxième axe de cette politique est le recrutement d'adjoints de sécurité. A la fin de l'année 1998, 8 250 auront été recrutés, en priorité dans les vingt-six départements très sensibles. A la fin de l'année prochaine, ce nombre sera porté à 15 850 et, à l'été 2000, l'engagement de procéder à 20 000 recrutements sera tenu.
La montée en puissance du dispositif n'exclut pas une sélection rigoureuse des adjoints recutés.
Nous avons certes rencontré quelques problèmes dans la région parisienne, où l'information a été parfois insuffisante. Mais j'ai pu constater samedi matin que tel n'était pas le cas à Chambéry.
J'ai rencontré les seize adjoints de sécurité qui ont été recrutés - parmi quatre-vingt-seize candidats - dans le département de la Savoie.
Lorsque je leur ai demandé pourquoi ils avaient choisi de devenir adjoints de sécurité, ils m'ont répondu spontanément : « par conviction ». Certains avaient accompli leur service national dans la police ou dans la gendarmerie et ils se préparaient pratiquement tous à passer des concours pour entrer dans la police nationale.
Ces adjoints de sécurité constitueront un vivier qui permettra de répondre en partie au déficit des effectifs qui se fera sentir dans les prochaines années en raison de l'évolution démographique au sein de la police nationale.
Ces adjoints de sécurité sont placés sous l'autorité de gradés et de gardiens de la paix. Ils concourent à des tâches essentiellement d'accueil dans les commissariats, d'îlotage dans les quartiers sensibles et de prise en charge des victimes.
Dans tous les cas, ils sont encadrés par une fonctionnaire de police nationale assurant le rôle de tuteur. Les adjoints sont donc bien placés sous l'autorité effective de la police nationale.
Pour répondre à M. Bonnet, je précise que ces emplois, comme tous les emplois-jeunes, ceux du ministère de l'éducation nationale, des collectivités locales ou des associations sont financés à 80 % par le ministère de l'emploi, des affaires sociales et de la solidarité. Telle est la règle ; nous n'y avons pas dérogé.
Cette politique, malgré les quelques réserves qu'elle a soulevées au départ, nous permettra non seulement d'engager de bons éléments en tant qu'adjoints de sécurité, mais aussi, plus tard, d'avoir de bons candidats aux futurs concours d'entrée dans la police nationale.
Il est exact que, après deux mois de stage, les adjoints de sécurité sont armés. Mais je rappelle que les policiers auxiliaires l'étaient après un mois seulement de formation.
Nous nous sommes tous interrogés sur la nécessité d'armer ces personnels. Si nous souhaitons qu'ils aient le moins souvent possible besoin d'une arme à feu, nous estimons qu'en détenir une - je le rappelle -, après une période de formation, leur confère un statut véritable. J'ai par ailleurs le sentiment que l'esprit de responsabilité prédomine chez ceux qui ont choisi la police nationale.
Quinze mille agents locaux de médiation sociale doivent être recrutés au titre des emplois-jeunes par les collectivités locales, par certaines associations, par des établissements publics, en particulier par des sociétés de transport et par les bailleurs sociaux.
Ces agents doivent jouer un rôle en matière de prévention et les premiers recrutements sont engagés.
J'ai pu constater que les agents de médiation sociale opérant dans les transports en commun de la région lyonnaise, que l'on appelle localement les AMI, avaient permis d'améliorer la sécurité d'une manière significative. Ne réinvente-t-on pas ainsi des métiers qu'on avait fait disparaître, les receveurs de bus ou les contrôleurs du métro ?
On pourra toujours s'interroger sur la volonté de notre société d'aller vers toujours plus de technicité et moins de présence humaine, cette présence humaine étant pourtant le premier élément qui garantit la sécurité, notamment dans les transports en commun.
Le troisième axe de la politique de sécurité de proximité, porte sur la répartition des forces de police et de gendarmerie.
M. Hyest, qui est l'auteur du rapport sur ce thème avec M. Roland Carraz, a évoqué ce matin, l'inégale répartition des forces sur le territoire national. Plusieurs orateurs, notamment M. Cornu, sont revenus sur ce sujet. Je rappelle simplement que la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité, qu'avait initiée M. Pasqua, prévoyait que toutes les communes de moins de 20 000 habitants passeraient en zone de gendarmerie.
Des propositions ont été faites par le Gouvernement. Ces propositions ont provoqué des réactions au niveau local qu'il serait vain de nier, notamment dans un certain nombre de circonscriptions concernées par les transferts.
C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité que ce dossier soit repris. Il a dès lors confié à M. Fougier, conseiller d'Etat et ancien préfet de police, le soin de procéder à un état des lieux et à des consultations approfondies. M. Fougier, qui a déjà visité une douzaine de régions, doit terminer son tour de France d'ici à la fin de l'année. Il a rencontré ou rencontrera les associations d'élus et les organisations syndicales ; il pourra donc remettre un ensemble de propositions.
Je voudrais, sur ce plan, vous confirmer ce qu'a indiqué, voilà quelques jours, le Premier ministre devant le congrès de l'Association des maires de France. Nous entrons dans une phase de véritable concertation et non de décisions sur ce sujet. Les décisions viendront ensuite, notamment sur la base des conclusions du rapport de M. Fougier. Nous veillerons à associer chaque fois les personnels et les élus locaux dans une démarche qui ne peut se faire contre la volonté locale et qui a pour objet d'assurer une meilleure répartition des forces de sécurité sur notre territoire.
J'en viens au quatrième axe de la politique de sécurité de proximité : la réforme de la préfecture de police de Paris.
Nous constatons à Paris une progression de la délinquance. M. Plasait a fourni des éléments relatifs à ses fonctions d'adjoint au maire de Paris. Cette évolution est inquiétante et nous devons essayer d'y remédier. C'est pour cela que nous envisageons la mise en place, au début de l'année 1999, d'une nouvelle organisation de la préfecture de police de Paris.
La première innovation consiste à créer dans chaque arrondissement une circonscription unique de police urbaine de proximité, placée sous l'autorité d'un commissaire central. Ce choix mettra fin à l'éclatement qui existe actuellement entre commissariats de quartier de police judiciaire et commissariats de sécurité publique. L'action locale de la police sera ainsi d'une plus grande cohérence et d'une meilleure lisibilité pour le public.
La deuxième innovation vise à distinguer trois filières. A chacune d'elles correspondra une direction : celle de l'ordre public et de la circulation, celle de la police urbaine de proximité et celle de la police judiciaire, qui sera réorganisée. Ces trois directions conforteront les références d'excellence de la préfecture de police en matière d'ordre public et de police judiciaire, et permettront ainsi d'affirmer la priorité nouvelle donnée à la police de proximité.
Les autres directions seront maintenues, à savoir les renseignements généraux, la logistique et la direction générale des services.
Des discussions sont engagées, notamment avec les organisations syndicales et l'ensemble des personnels. D'après les consultations en cours, je suis en mesure de vous indiquer que cette réforme se mettra en place au début de l'année prochaine. Cette réforme, sans doute la plus importante que la préfecture de police ait connue depuis la Libération, lui permettra, tout en respectant son statut particulier, de répondre aux attentes du public en termes de police de proximité et de prévention de la délinquance. Bien évidemment, la préfecture de police continuera à exercer ses missions traditionnelles d'ordre public, missions qui sont lourdes à Paris puisqu'elles mobilisent plus de 17 000 fonctionnaires en tenue. Il est vrai que la capitale concentre toutes les contraintes liées à la présence de grands services publics, d'importantes délégations internationales et d'ambassades.
J'en viens aux statistiques sur la délinquance. Je ne nie pas les chiffres, mais il faut savoir que, grâce aux améliorations apportées aux actions de proximité, les victimes se font davantage connaître. Comme M. Haenel le soulignait déjà en juin 1998, dans son rapport relatif aux infractions sans suite et à la délinquance mal traitée, la réforme des commissariats parisiens a eu pour effet une amélioration considérable de l'accueil du public, ce qui encourage les victimes à porter plainte. Si cette évolution est positive, elle ne peut évidemment que se traduire dans les chiffres et peser sur les statistiques relatives à la délinquance.
M. Demuynck m'a interrogé sur les effectifs du département de la Seine-Saint-Denis. Ils n'ont pas diminué, puisqu'ils sont passés de 3 798 fonctionnaires de police titulaires au 1er janvier 1998 à 3 889, soit 91 de plus, au 2 novembre 1998.
Des recrutements d'adjoints de sécurité ont également eu lieu, dont une partie remplace les policiers auxiliaires, appelés à disparaître avec l'évolution du service national.
Nous veillons, notamment en matière d'effectifs, à ne pas remettre en cause les moyens, en particulier dans la petite couronne. Je ne dispose pas des effectifs relatifs au département du Val-d'Oise, sur lesquels Mme Olin m'a interrogé ; mais je ne manquerai pas de les lui communiquer.
Outre les actions relatives à une politique de sécurité de proximité, le ministère de l'intérieur doit mener des actions adaptées que je vais illustrer par quatre exemples : la sécurité dans les transports, la lutte contre le trafic de stupéfiants, les conditions de détention des armes et, enfin, la place à réserver aux polices municipales.
S'agissant de la sécurité dans les transports, nous avons renforcé les unités spécialisées affectées aux réseaux de la RATP et de la SNCF, unités qui devraient fusionner au début de l'année 1999. Au mois d'octobre, nous avons également déployé dans la région parisienne quatre unités de CRS et un escadron de gendarmerie mobile, soit près de 500 fonctionnaires supplémentaires, pour sécuriser le réseau des transports en commun.
En outre, nous sommes prêts à installer des postes de police dans une dizaine de gares sensibles de la région parisienne, sous réserve que la SNCF mette les locaux prévus à notre disposition.
Des instructions ont également été données aux préfets d'Ile-de-France pour que les sociétés de transport soient étroitement associées à l'élaboration des contrats locaux de sécurité.
J'ai eu l'occasion de visiter le service central commun à la préfecture de police et à la RATP, qui se trouve à proximité de la gare de Lyon. Ce service, doté de systèmes d'alerte et de caméras, permet de mobiliser les forces de sécurité. Selon les fonctionnaires qui y travaillent, l'intervention est très rapide, et 70 % des auteurs d'agressions sont arrêtés très vite.
La délinquance dans les transports en commun est insupportable pour les conducteurs, pour tous ceux qui travaillent dans les réseaux de transports en commun, mais aussi pour les usagers, qui ont le sentiment d'être les otages de conflits parfois graves. Nous avons la volonté d'agir en liaison avec les sociétés de transports en commun pour assurer ce service public indispensable.
M. Jean Chérioux. Mais dans quels délais ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Dans certaines grandes communes de notre pays, des brigades spéciales se mettent en place, comme à Toulouse, à Strasbourg, à Lille, à Marseille.
Des dispositions spécifiques ont également été retenues dans des contrats locaux de sécurité, signés ou en cours d'élaboration pour plus d'une quinzaine de grandes villes. Elles portent notamment sur de meilleures liaisons entre les bus et le réseau central qui permet une intervention rapide.
Nous discuterons prochainement, le 10 décembre prochain, d'une proposition de loi visant à renforcer les pouvoirs des agents de contrôle des sociétés de transports publics et à aggraver les peines qui sont encourues par ceux qui transgressent les règlements dans les transports publics.
S'agissant de la lutte contre la drogue et la toxicomanie, M. Courtois l'a indiqué dans son rapport, les tendances sont préoccupantes : banalisation de la toxicomanie dans les zones urbaines, mais également dans les zones périurbaines et rurales ; accroissement de la consommation chez les mineurs en milieu scolaire ; accroissement de la consommation d'ecstasy, de LSD ; développement de la production et de la consommation des drogues de synthèse.
Les services de la police nationale mènent une action d'envergure. J'en veux pour preuve des exemples récents : le démantèlement d'un important réseau international opérant entre l'Amérique du Sud, les Caraïbes, la France et l'Espagne ; le démantèlement, en Martinique, d'un réseau permettant la saisie de 43 kilogrammes de cocaïne ; et, plus récemment - je me suis d'ailleurs rendu Quai des Orfèvres pour saluer le travail des fonctionnaires concernés - la saisie en Seine-et-Marne de près de 200 kilogrammes de cocaïne destinée au marché français.
Une action résolue est donc menée sur tous les plans. Mais, et je partage l'avis de M. Courtois, s'il est vrai que l'on constate, au moins sur le plan des interpellations, une sensible désaffection pour l'héroïne, en revanche l'augmentation de la consommation d'ecstasy est inquiétante. Ainsi, cette année, 850 000 cachets ont été saisis en dix mois contre 198 000 en 1997. C'est donc contre un phénomène de grande ampleur que nous devons lutter avec le maximum d'efficacité.
S'agissant des armes, leur prolifération et les conditions de leur usage sont inquiétantes. Dans ce domaine, nous devons agir sans porter atteinte aux droits de ceux qui souhaitent chasser, collectionner ou pratiquer le tir sportif.
Une mission a été confiée à M. Cancès, inspecteur général de la police nationale, qui a permis de définir plusieurs mesures d'urgence. Un décret devrait être publié avant le 1er janvier 1999. Il n'accordera la possibilité de détenir une arme qu'à ceux qui pratiquent effectivement le tir ou la chasse. Il restreindra l'achat des 22 long rifle. Il obligera les détenteurs d'armes à posséder un coffre ou une armoire forte.
Mais le Gouvernement ne s'arrêtera pas là. Je vous confirme la préparation de dispositions législatives qui compléteront la proposition de loi de M. Le Roux, député-maire d'Epinay - examinée en première lecture à l'Assemblée nationale au mois de mai dernier - et qui qui réformeront la législation de 1939. Notre pays ne peut pas se permettre de ressembler aux Etats-Unis, où la vente des armes et leur diffusion sont libres. C'est, vous en conviendrez tous, un élément essentiel de défense des libertés publiques.
Le projet de loi relatif aux polices municipales aboutira, je l'espère, dans quelques semaines, au début de l'année 1999. Il vise à garantir un meilleur recrutement des policiers municipaux et un meilleur contrôle de leur armement. Il tend également à accroître leurs prérogatives, notamment sur le code de la route et sur les relevés d'identité.
Dans ce projet de loi, nous avons souhaité éviter la confusion avec la police nationale et favoriser la coopération.
Pour revenir à la police nationale, l'essentiel est, bien sûr, que les fonctionnaires bénéficient de meilleures conditions de formation et de travail.
Les tâches de maintien de l'ordre sont des tâches difficiles. En 1997, dix-sept fonctionnaires actifs sont décédés en opération ou en service et, en 1998, le bilan est de quatorze décès. Je tiens à m'associer à l'hommage rendu aux fonctionnaires de la police nationale dans votre assemblée et à exprimer toute mon admiration à leur égard. Ces hommes et ces femmes, très courageux, interviennent souvent au péril de leur vie pour maîtriser des forcenés ou, parfois, pour éviter que certains ne commettent des actes irréparables.
Dans le domaine des effectifs, nous avons besoin d'une relance et d'un renouveau. En effet, en 1999, la réforme des corps et des carrières se poursuivra dans la police nationale. D'ici à 2003, nous allons donc être confrontés à un grand nombre de recrutements. Il faudra, je le rappelle, recruter 25 000 policiers sur cinq ans, chiffre à rapprocher des 113 000 qui constituent le corps de la police nationale. L'effort est massif, probablement le plus important qui ait été fait depuis la Libération.
Il faudra également prendre en compte les temps de formation.
Vous savez que les règles en vigueur en matière budgétaire ne permettent de recruter un fonctionnaire que lorsque le précédent est parti à la retraite ou a quitté ses fonctions. En conséquence, j'ai demandé au Premier ministre, pour prendre en considération les risques de rupture en matière d'effectifs, de prévoir pour 1999 le recrutement de 1 400 gardiens de la paix en surnombre, qui seront dirigés vers les écoles de formation et ne seront donc opérationnels qu'un an après leur incorporation.
En 1998, au total, nous aurons procédé au recrutement de 4 826 élèves auquel, s'ajouteront 370 élèves en surnombre, soit un recrutement de 5 196 gardiens de la paix. Nous nous inscrivons bien dans la fourchette des 5 000 fonctionnaires à recruter par an.
Les services de la police nationale ont établi une perspective afin de déterminer les besoins sur cinq ans, mais également sur dix ans. Par ailleurs, un référentiel des métiers, en cours d'élaboration, permettra de définir la nomenclature des emplois et des postes.
En outre, nous sommes en train de réaliser un logiciel de gestion des ressources humaines intitulé DIALOGUE, qui permettra d'assurer la gestion des services administratifs et des services actifs. Une centaine de millions de francs y sera consacré, et il devrait être opérationnel en 2000.
En matière de formation, M. Chevènement a annoncé la création d'une direction de la formation au sein de la direction générale de la police nationale.
Des assises nationales de la formation et de la recherche se tiendront au mois de février prochain. Vous y serez le bienvenu, monsieur Bonnet. Ces assises seront précédées d'un important travail de préparation et de mobilisation des services qui associera - et associe déjà - des milliers de policiers dans toute la France. Le travail qu'accomplit M. Antonmattei, chargé de la préparation des assises, montre que, sur le plan local, la motivation des personnels est forte.
Je voudrais vous indiquer, puisque la question de la délinquance des mineurs a été évoquée, que, dans les trois ans à venir, nous envisageons de former 17 000 fonctionnaires de police à l'approche spécifique de la délinquance des mineurs et que nous avons mis en place dans chaque département un correspondant « jeunes ». J'ai rencontré récemment certains de ces fonctionnaires à l'école de police. Je les ai trouvés tous très motivés par leur tâche et leur envie de travailler avec les différents services.
Sur le plan immobilier, j'indiquerai que les écoles d'Oissel près de Rouen et de Nîmes ouvrent cette année et que de nouvelles écoles sont en projet à Montbéliard et à Soissons.
Au titre de la formation, les moyens augmenteront, contrairement à ce qui a été affirmé ici. En effet, il ne faut pas prêter une attention excessive aux crédits budgétaires que MM. Courtois et Bonnet ont relevés. Les crédits de fonctionnement de la police nationale feront l'objet d'un réexamen d'ensemble dans le cadre du programme d'emploi des crédits en début d'exercice. Nous aurons donc à redistribuer les moyens, et la formation en bénéficiera.
Le projet de budget comporte plusieurs dispositions indemnitaires, notamment pour les agents du corps de maîtrise et d'application.
Les responsabilités d'encadrement des adjoints de sécurité, les nouvelles qualifications d'officiers de police judiciaire seront prises en compte par la création de primes. En outre, après discussion des modalités avec les organisations syndicales, le régime indemnitaire des agents du corps de maîtrise et d'application qui exercent sur la voie publique dans les circonscriptions les plus sensibles et qui bénéficient, de ce fait, d'une prime de fidélisation, sera revalorisé.
Nous veillerons à mettre en place un barème qui prenne en compte, à compter de la deuxième année d'exercice, les responsabilités que ces personnels assument sur la voie publique.
Les officiers de police, les agents administratifs de catégorie B de la police nationale et les agents techniques de laboratoire bénéficieront également de mesures indemnitaires.
L'action sociale en faveur des agents du ministère fera l'objet d'une impulsion nouvelle, sur la base du rapport qu'a remis M. Jean-Marie Alexandre et qui permet de retenir quatre axes principaux d'action : le renforcement de la protection juridique, médicale et sociale des policiers ; l'amélioration des conditions de travail dans les services ; l'attention accordée à la vie personnelle et familiale ; l'affirmation de la place et du rôle du policier dans la société. En effet, nous savons que le corps des policiers connaît certaines difficultés sur le plan social, difficultés liées notamment aux contraintes du métiers, à l'origine malheureusement d'un certain nombre de suicides.
Dans le budget de 1999, il est prévu de poursuivre la revalorisation des crédits consacrés à la médecine préventive et à la restauration chaude dans les commissariats. L'offre de logements devra être améliorée qualitativement en Ile-de-France et dans certaines villes de province où le marché de l'immobilier est tendu.
Globalement, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de fonctionnement de la police nationale progressent de 2,6 % à structure constante et, si l'on tient compte des moyens dégagés dans la loi de finances rectificative, de 5,4 %. Cette forte progression des crédits permettra - la question a été évoquée par MM. les rapporteurs - d'améliorer et de renouveler le parc automobile, dont l'état de vétusté laisse parfois à désirer.
En matière d'informatique, les moyens alloués au ministère de l'intérieur permettront de poursuivre l'accomplissement des grandes missions informatiques telles que le fichier automatisé des empreintes digitales ou la réalisation du système d'information central « Schengen ».
Enfin, en matière immobilière, nous avons réussi à maintenir le niveau des autorisations de programme, avec 938 millions de francs en 1999 contre 930 millions de francs pour l'année 1998, malgré l'accélération de la mise en oeuvre du programme ACROPOL, qui est onéreuse.
M. Demuynck m'a interrogé sur les projets immobiliers de la Seine-Saint-Denis.
Monsieur le sénateur, un nouvel immeuble a été acquis pour la direction départementale de la sécurité publique, immeuble dont la rénovation doit intervenir en 1999.
En ce qui concerne le commissariat de la Plaine-Saint-Denis, qui dessert le Stade de France, les études viennent d'être engagées et les travaux devraient débuter à la fin de l'année 1999, satisfaisant une demande dont le traitement avait pris du retard.
En matière de transmissions, il est important que le progrès technique ne remette pas en cause les conditions de l'équipement de la police nationale. C'est pour cela que nous avons fait d'ACROPOL une priorité, la couverture du territoire devant être achevée en 2007 et non pas en 2014, comme cela était prévu initialement.
Jusqu'à présent, le Rhône, l'Isère, la Loire, trois départements de la région picarde et la Seine-Saint-Denis sont équipés. La couverture s'étendra l'année prochaine à Paris, à toute la petite couronne et, par anticipation, à la Corse. Les crédits prévus sont de l'ordre de 500 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement.
Voilà donc l'ensemble des moyens affectés à la police nationale.
La question de savoir s'il fallait recruter davantage de policier a souvent été posée.
Pour ma part, je crois que, plutôt que de prévoir des recrutements - car, la France a des ratios élevés de policiers ou de gendarmes par habitant - il faut affecter davantage les policiers à des tâches de police sur la voie publique.
C'est un problème auquel chaque ministre de l'intérieur a dû faire face : nous avons des effectifs suffisants, mais il faut que ces effectifs soient prioritairement chargés d'assurer les missions de contact avec le public, plutôt que certaines charges administratives, voire techniques.
M. Hyest évoquait tout à l'heure l'entretien des véhicules de la préfecture de police - sujet éternel, monsieur Bonnet, que vous avez déjà dû rencontrer. Il faudra dégager des moyens administratifs pour que cette prise en charge soit assurée, soit par des agents publics, soit par des agents privés, afin que les fonctionnaires de police soient affectés à ce qui est leur vraie mission, c'est-à-dire la protection des citoyens, principalement sur la voie publique.
Je vais aborder maintenant les questions de sécurité civile.
Dans ce domaine, l'action du ministère s'inscrit dans le prolongement de la loi du 3 mai 1996 sur la départementalisation des services d'incendie et de secours, qui est en oeuvre depuis deux ans maintenant et dont l'application se poursuivra selon une démarche concertée.
Tous les conseils d'administration des services départementaux ont été constitués - M. Laurin le sait. Les structures représentatives des personnels sont installées. J'ai reçu, voilà quelques jours, le bureau de la nouvelle association constituée par les présidents des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours, qui tenaient à me faire part de leurs préoccupations.
Les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques sont déjà arrêtés dans une quinzaine de départements et le seront dans près de la moitié d'ici à la fin de l'année.
Ces schémas départementaux me paraissent essentiels pour prendre conscience des enjeux, pour procéder aux travaux d'analyse et de perspective et, surtout, pour assurer une meilleure mutualisation des moyens de sécurité.
Le réforme, en effet, ne concerne pas que les structures ; elle concerne des hommes et des femmes qui concourent quotidiennement à la protection de nos citoyens, qu'il s'agisse des sapeurs-pompiers professionnels ou des sapeurs-pompiers volontaires.
En ce qui concerne les sapeurs-pompiers professionnels, le décret statutaire a été publié en avril dernier et le décret indemnitaire en juin 1998. Ce dernier texte a permis d'harmoniser et de simplifier le régime indemnitaire.
Pour les sapeurs-pompiers volontaires, les vacations et la part forfaitaire de l'allocation de référence seront dorénavant indexées sur l'évolution de la valeur du point de la fonction publique.
L'observatoire pour le développement du volontariat a été réuni et a réalisé une première enquête sur le volontariat.
Notre pays, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, compte pratiquement 250 000 pompiers volontaires, qui constituent un vivier indispensable qu'il faut renouveler.
S'agissant du coût pour les collectivités des services départementaux d'incendie et de secours, nous avons procédé à une estimation qui nous donne un chiffre de l'ordre de 13 milliards à 15 milliards de francs, ce qui correspond à 240 francs par habitant. Tel est, pour nos concitoyens, le coût de la sécurité.
Il n'y a pas eu de véritable étude financière préalable à la loi du 3 mai 1996. Effectivement, monsieur Laurin, certains départements doivent, pour se mettre à niveau, consentir un effort plus important que d'autres. A cet égard, il faut répondre non seulement aux attentes du personnel mais aussi à la nécessité de moderniser les moyens.
Au cours de l'année 1999, nous poursuivrons notre dialogue avec les services départementaux d'incendie et de secours, notamment avec les présidents, et nous mènerons les études qu'ils m'ont demandées concernant la prise en charge de la couverture du risque incendie et secours.
Certains m'ont proposé de créer une colonne supplémentaire sur la feuille d'impôt.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Il n'en est pas question !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Je ne sais pas s'il faut encore diversifier les ressources ! Le président du comité des finances locales pourrait s'en inquiéter. Je crains que ce ne soit pas la meilleure formule...
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Elle serait très mauvaise !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Faut-il aller vers des ressources extrabudgétaires, notamment un prélèvement sur les contrats d'assurance ?
Faut-il aussi s'interroger sur le coût des services qui sont rendus quand, par exemple, les pompiers interviennent à la place du SAMU, dont l'intervention est remboursée par les organismes de protection sociale ?
Voilà autant de réflexions que nous devons mener en ce qui concerne les charges d'incendie et de secours.
La mission de l'Etat en matière de sécurité civile est aussi de faire face à des risques particuliers, notamment chimiques, nucléaires, bactériologiques, explosifs, et de pouvoir éventuellement projeter des moyens dans nos collectivités d'outre-mer ou à l'étranger.
Monsieur Laurin, vous avez rendu hommage à l'action qu'ont menée nos sauveteurs à la suite du cyclone Mitch. Ils ont été rapidement à l'oeuvre. De même, ils étaient partis en mission de prévention lorsque sévissait le cyclone George ; celui-ci n'a, heureusement, guère causé de dommages à la Martinique et à la Guadeloupe, mais ces sauveteurs ont ensuite été déployés à Saint-Domingue et à Haïti.
Le professionnalisme de ces unités mérite d'être souligné.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Ce professionnalisme sera confirmé en 1999 du fait de la suppression du service national. A ce sujet, je vous indique que 367 emplois sont créés au titre du projet de loi de finances dans les unités d'intervention et d'instruction de la sécurité civile. En contrepartie, des emplois d'appelés seront supprimés.
La concentration des moyens humains et matériels dans des unités opérationnelles a rendu nécessaire la fermeture de l'unité de Rochefort, comme le ministre de la défense l'a d'ores et déjà annoncé.
En ce qui concerne l'équipement de la sécurité civile, en particulier de sa composante aérienne, vous vous êtes inquiété, monsieur Laurin, des déformations survenues sur huit des onze nouveaux Canadair livrés par la firme Bombardier. Cette firme a été saisie de l'impérieuse nécessité de mettre en oeuvre des travaux de renforcement sous réserve de contentieux juridiques ultérieurs. Ces travaux seront effectués d'ici au début de l'année prochaine. Je n'ai pas de compétence technique dans ce domaine, mais je crois pouvoir vous affirmer que l'ensemble des Canadair devraient être opérationnels en 1999 pour la saison critique.
En tout cas, comme vous l'avez souligné, les moyens qui ont été mis en oeuvre ont permis de faire reculer de moitié, dans notre pays, les superficies brûlées par les feux de forêt au cours de ces dix dernières années.
Par ailleurs, lors du sommet franco-espagnol, nos amis du gouvernement espagnol se sont félicités de ce que nous ayons mis à disposition de leur pays, au mois de juillet 1998, certaines de nos unités, équipées notamment de Canadair, qui sont intervenues sur les feux dans la région de Barcelone, ce qui prouve leur grande technicité.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Les fait-on payer, les Espagnols ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Oui, on fait payer la prestation.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Ces Canadair nous ont coûté assez cher ! Puisqu'ils ont refusé de s'associer à l'achat, maintenant il faut qu'ils paient !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Maintenant qu'ils ont vu nos moyens à l'oeuvre, je pense qu'ils seront tentés, à l'avenir, de se moderniser de la même manière.
Je précise également qu'un Hercules C 130 de grande capacité sera loué l'an prochain pendant la saison des feux. Nous avons utilisé cette année un tel avion, ce qui a permis de compléter la flotte des Canadair. Un Tracker sera remotorisé et le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de secours sera engagé sur le plan financier. Les moyens en matière de maintenance des avions et des hélicoptères seront rééquilibrés en 1999.
Monsieur Laurin, vous avez également évoqué la mission de déminage, qui avait été en partie suspendue.
M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis. Ce sont des gens courageux !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire en réponse à une question d'un sénateur de la Somme, le plan de modernisation est en cours, notamment pour l'acquisition de robots et de tenues lourdes. Il faut en effet savoir que l'on continue de déterrer des stocks de munitions dans les départements du nord et de l'est de la France.
J'en viens au problème des accidents consécutifs à la pratique des sports à risque.
La gratuité des secours est un principe qui a été réaffirmé par Jean-Pierre Chevènement. Revenir sur ce principe nécessiterait une discussion interministérielle lourde mais aussi des négociations complexes avec les fédérations sportives.
Cela étant, une assurance existe déjà pour la couverture des risques engendrés par la pratique de certains sports. L'extension de ce système mérite vraiment qu'on y réfléchisse.
Vous avez plus particulièrement évoqué le cas des scooters des mers. A cet égard, je crois que les pouvoirs des maires doivent effectivement être accrus, de manière à éviter que la pratique de certaines activités ne fasse courir des risques trop grands aussi bien à ceux qui s'y adonnent qu'à ceux qui les entourent et qui ont droit à la quiétude. En tout cas, il y a, là aussi, une réflexion à conduire.
A Lyon, est actuellement jugée une affaire très pénible puisqu'elle est liée à la mort d'un enfant de dix ans sur une piste de ski, à la suite d'une pratique dangereuse de planche des neiges. Ce sont toujours des problèmes terribles de responsabilité qui sont posés dans ce genre d'affaires.
Les attentes de nos concitoyens sont aussi nombreuses en matière de sécurité civile qu'en matière de sécurité publique. Le Gouvernement a la volonté de répondre aux unes et aux autres.
Je retiens que, malgré un certain nombre de réserves, la commission des finances et la commission des lois du Sénat ont toutes deux émis un avis favorable sur ce projet de budget pour 1999.
Je tiens à remercier M. le rapporteur spécial et MM. les rapporteurs pour avis de leur compréhension devant ces problèmes difficiles et je leur sais gré d'avoir exprimé la volonté qui nous est commune de porter plus loin les efforts en matière de sécurité. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur et la décentralisation, et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la décentralisation ont été examinés ce matin.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 651 788 454 francs. »