Séance du 30 novembre 1998







Sur ces crédits, la parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je limiterai mon propos au problème de la sécurité à Paris, qui a d'ailleurs déjà été évoqué à la tribune par plusieurs orateurs.
Vous avez bien voulu reconnaître vous-même, monsieur le ministre, que ce problème était réel, mais en recourant à la litote puisque vous avez parlé d'une évolution « parfois un peu inquiétante de la délinquance ».
La situation me paraît tout de même plus grave que ne le laissaient entendre vos propos. Je vous en fais juge, mes chers collègues : au cours des neuf premiers mois de 1998, on a assisté à une hausse de 4,5 % de l'ensemble des crimes et délits par rapport à la même période de 1997. La situation est donc des plus préoccupantes.
Elle est même alarmante pour l'élu local que je suis puisque, en tête du « palmarès », on trouve le XVe arrondissement. J'espère que cet état de chose ne durera pas et que vous aurez à coeur, monsieur le ministre, de faire en sorte qu'il y soit mis un terme.
Il est paradoxal que, parallèlement à cette évolution, les effectifs policiers de la capitale aient subi, au cours des quatre dernières années, une baisse continue, se traduisant par un déficit d'environ 1 000 fonctionnaires, ce qui est considérable.
Certes, monsieur le ministre, vous nous avez annoncé une importante réforme de la préfecture de police, la plus grande réforme depuis la Libération, avez-vous précisé.
Cependant, l'importance même de cette réforme n'est pas sans nous préoccuper. En effet, il ne s'agit plus simplement d'adaptations mesurées, comme nous en avons connu ces dernières années. C'est une véritable rupture, dont les conséquences en termes de fonctionnement des services et de coût n'ont pas été clairement mesurées.
Il serait donc intéressant de savoir, monsieur le ministre, comment vous envisagez de mettre effectivement en oeuvre cette réforme.
Vous créez en outre une direction de la police de proximité. C'est une bonne chose. Il est cependant bien évident qu'elle se traduira en contrepartie par une parcellisation - autant de commissariats que d'arrondissements - ce qui risque de compromettre un bon suivi des affaires de délinquance de masse.
Vous créez également une direction de l'ordre public. Or les missions qui lui sont confiées vont nécessiter un effectif supplémentaire de 750 gradés et gardiens. Cela pose un grave problème de moyens. Ne risque-t-on pas de devoir prélever cet effectif supplémentaire sur la direction de la police de la proximité ?
J'aimerais que vous nous rassuriez sur ce point, monsieur le ministre, et que vous puissiez nous dire ce que vous avez prévu, notamment dans le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, pour faire face à ces nouvelles missions que vous envisagez.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous avez dit sur la formation, le développement et l'affectation des forces de police. Mais nous sommes confrontés à trois problèmes très difficiles. Je souhaiterais que le Gouvernement en prenne conscience et essaie d'améliorer la situation.
Le premier problème concerne l'utilisation des effectifs de police. Si je partage votre sentiment sur l'aspect quantitatif, je crois que c'est la mauvaise utilisation de ces effectifs qui crée le plus de difficultés.
Quand on se rend dans certains pays voisins, en Italie, en Espagne ou en Allemagne, on voit beaucoup moins de policiers affectés à la simple protection des édifices publics. De ce fait, les forces de police sont beaucoup plus nombreuses sur le terrain. Or ce qui inquiète nos concitoyens, c'est l'absence de forces de police sur le terrain, notamment le soir et la nuit.
Il nous faut aussi avoir une conception beaucoup plus moderne de la présence policière sur le terrain. Les effectifs gigantestques qui sont déployés à l'occasion d'un match de football - même s'il s'agit d'un événement important ! - rend criante l'absence de forces de police pour lutter contre la délinquance ; il y a là un grave déséquilibre, à la fois dans les faits et dans la conception que l'on a de la sécurité.
Il faut donc réfléchir à une meilleure utilisation des effectifs existants.
Le deuxième problème concerne la formation des policiers, surtout des plus jeunes d'entre eux mais aussi de ceux qui sont plus expérimentés, notamment au regard du développement dans les banlieues de la délinquance des très jeunes. Les policiers n'ont généralement pas reçu de formation spécifique pour affronter cette délinquance juvénile qui est parfois le fait de gamins de dix à quatorze ans. Et c'est une des causes de l'aggravation du phénomène, d'autant que la justice sait encore moins y faire face.
Dans un département comme le mien, celui des Hauts-de-Seine, le nombre d'actes délictueux constaté commis par des très jeunes s'accroît dans des proportions très importantes. Il convient donc de mener une action de formation, notamment des jeunes policiers, avec des psychologues, des sociologues, etc., pour leur permettre d'appréhender ce problème, qui est de plus en plus grave.
La troisième difficulté réside dans l'insuffisante coordination entre la police nationale et les polices municipales, quand elles existent. Il me paraît quelque peu inutile de maintenir des activités concurrentes, notamment en matière de circulation et de stationnement, tandis que des activités restent inexistantes, en particulier dans le domaine de la prévention de la délinquance nocturne.
A l'heure où les contrats locaux de sécurité sont en discussion, il serait utile que vous donniez des instructions aux préfets, à vos négociateurs et aux directeurs départementaux, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que l'action des polices municipales, quand elles existent, soient étroitement coordonnée avec celle de la police nationale, et qu'il y ait un partage des tâches communes. On a trop l'impression, en effet, que cette coordination est beaucoup plus verbale que concrète. Or nos concitoyens ont besoin de choses concrètes.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que vous donniez une impulsion à ces contrats locaux de sécurité, de façon que soient mieux coordonnées l'action de la police nationale et celle des polices municipales. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur Fourcade, je vous indiquerai tout d'abord que la coordination entre la police nationale et les polices municipales peut constituer l'un des thèmes des contrats locaux de sécurité. Un meilleur partage des tâches peut, me semble-t-il, être assuré. Dans le contrat local de sécurité de Lyon, - ville qui comporte une police municipale chargée, notamment, des parcmètres et du stationnement - cette question a été précisément étudiée.
Le projet de loi relatif aux polices municipales devrait être examiné en deuxième lecture, au mois de février prochain, selon le calendrier prévisionnel parlementaire. Ce texte devrait accroître les capacités d'intervention de la police municipale, notamment pour les infractions au code de la route dans les villes, ce qui déchargerait d'autant la police nationale. Nous savons, par exemple, que la police municipale ne peut pas sanctionner les véhicules lourds qui circulent dans les villes et qu'elle doit, à cet effet, faire appel à la police nationale. Sur ce plan, nous pouvons espérer une meilleure utilisation des moyens.
En ce qui concerne la délinquance des jeunes, voire des très jeunes, il est vrai que les forces de police sont aujourd'hui placées devant un certain nombre de phénomènes nouveaux. Diverses tâches, en effet, relèvent pratiquement de l'éducation ou de l'éducation surveillée. Comme je l'ai indiqué, un important effort de formation sera accompli au cours des trois prochaines années, afin de permettre à des fonctionnaires de mieux appréhender ces problèmes.
Enfin, s'agissant d'une meilleure utilisation des moyens, comme vous l'avez dit, un certain nombre de fonctions traditionnelles, notamment les gardes statiques, peuvent évoluer dans les prochaines années. Le rôle de la police nationale n'est pas simplement d'assurer des gardes statiques. Elle doit pouvoir être déployée plus facilement sur la voie publique, dans les transports en commun, et agir contre la grande délinquance.
Vous avez évoqué la coupe du monde de football. A part le malheureux incident de Lens, cet événement, qui a draîné de nombreuses foules, a été bien maîtrisé par l'ensemble des forces de sécurité publique. Je tiens, là encore, à rendre hommage aux fonctionnaires qui ont travaillé de nombreuses heures avant et après l'événement pour sécuriser les villes et les stades.
Monsieur Chérioux, vous avez fait allusion à la réforme de la préfecture de police de Paris. A cet égard, nous avons à faire face, à Paris, à une évolution de la délinquance qui est de l'ordre - je cite le chiffre de mémoire - de 4 à 5 % des faits constatés pour le premier semestre. C'est pourquoi notre appareil policier doit être mieux adapté, notamment à la petite délinquance que subissent nos concitoyens. Les vols, notamment, sont dus au fait que Paris est un lieu de brassage : une foule nationale et internationale vient assister aux événements les plus divers ou simplement visiter la capitale.
La réforme de la préfecture de police répond à une volonté de mieux insérer la police dans les quartiers. Dans le même temps, il faut éviter la parcellisation. D'où l'idée de la création d'une direction centrale de la police de proximité, qui permettra de coordonner l'usage des forces dans les vingt arrondissements de Paris.
La réforme s'effectuera avec les effectifs dont nous disposons aujourd'hui. Une légère réduction de ceux-ci est intervenue, qui tient précisément aux problèmes de départ à la retraite ou de mutation, mais nous nous efforcerons de la combler.
Comme je vous l'ai dit, les effectifs de policiers en tenue sur Paris s'élèvent à un peu plus de 17 000 agents. Parfois, les départements de la périphérie envient cette richesse, mais celle-ci répond à des contraintes particulières d'ordre public et de protection. Peut-être pourrons-nous les alléger dans les années à venir.
Cela dit, la préfecture de police de Paris est une grande institution. Elle entreprend sa mutation. Les commissions paritaires du personnel ont commencé à se réunir et se réuniront encore durant le mois de décembre. Pour réussir une telle réforme, il faut disposer de l'adhésion des personnels, on le sait bien. Seule cette adhésion permettra, me semble-t-il, à l'organisation de la préfecture de police d'être plus efficace et plus présente sur le terrain.
M. Jean Chérioux. Si j'ai bien compris, sans crédits budgétaires supplémentaires ! C'était le sens de ma question !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Vous avez bien compris !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 9 290 438 777 francs.