Séance du 30 novembre 1998







M. le président. Par amendement n° II-76, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 76, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est abrogé.
« II. - La valeur du point d'indice des pensions auxquelles ont été appliquées les dispositions de l'article 120-II d de la loi de finances pour 1991 (n° 90-1168 du 29 décembre 1990) est rétablie au niveau auquel elle aurait été fixée en l'absence de ces dispositions.
« III. - Les droits perçus en application des articles 575 A et 575 B du code général des impôts sont relevés à due concurrence des pertes de recettes résultant des I et II ci-dessus. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à supprimer une injustice flagrante par laquelle des personnes justifiant d'un descriptif d'infirmités identiques percevront des pensions dont le montant peut varier de l'une à l'autre jusqu'à 10 %.
Cette disparité résulte du gel institué par l'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. C'est pourquoi nous demandons son abrogation.
Cet amendement, s'il était adopté, permettrait de réparer non seulement un préjudice matériel lié au gel des pensions, mais aussi, et surtout, un préjudice moral pour lequel les grands invalides ont dû subir un traitement différencié qui porte atteinte à leur dignité.
C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à déposer cet amendement. Il a fait l'objet de discussions. Nous connaissons la réponse. Néanmoins, j'ai enregistré que des avancées pourraient avoir lieu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. La commission suivra la position du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je considère qu'il s'agit d'un amendement d'appel, auquel je ne donnerai donc pas satisfaction ce soir. Toutefois, comme je l'ai indiqué tout à l'heure du haut de la tribune, cette question doit être traitée de façon prioritaire au cours de l'année 1999. Une solution devrait pouvoir être trouvée au plus tard dans le prochain projet de loi de finances. Je sais bien que c'est encore loin, mais le Gouvernement est tout à fait ouvert à cette question.
Pour l'instant, j'invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 est-il applicable ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-76 n'est pas recevable.
Par amendement n° II-77, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 76, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La pension des assurés qui sont chômeurs en fin de droit et qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 est liquidée, sur leur demande, avec anticipation et calculée au taux normalement applicable à soixante ans lorsqu'ils ont quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse en incluant la période équivalente à leur temps de séjour en Afrique du Nord, avec bonification de trimestres correspondant à ce temps. »
« II. - Les droits perçus en application des articles 575A et 575B du code général des impôts sont relevés à due concurrence. »
Monsieur Fischer, vous connaissez déjà l'avis du Gouvernement, mais je vous donne la parole pour exposer votre amendement.
M. Guy Fischer. C'est le dernier combat de la soirée, monsieur le président !
Le 29 juin dernier, le Sénat discutait d'une proposition de loi du groupe communiste républicain et citoyen tendant à accorder la retraite anticipée pour les anciens combattants chômeurs en fin de droit, justifiant de quarante années de cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord.
J'avais alors eu l'honneur de rapporter devant notre Haute Assemblée les conclusions de la commission des affaires sociales.
Cet amendement reprend dans des termes similaires le texte qui s'était alors vu opposer l'impitoyable article 40 de la Constitution.
Je rappelle que cette mesure s'inscrit dans l'esprit de la loi du 31 mars 1919, qui a posé le principe de la reconnaissance de la nation et du droit à réparation pour les anciens combattants, et dans celui de la loi du 21 novembre 1973, qui permet aux victimes de guerre de bénéficier d'une retraite anticipée à taux plein avant l'âge de soixante-cinq ans.
Diverses tentatives de restitution de cet avantage relatif ont subi un sort identique à la nôtre.
Or, le débat sur la retraite anticipée se pose aujourd'hui en des termes nouveaux compte tenu des dispositions partielles déjà prises en faveur de cette population et des difficultés sociales et professionnelles auxquelles se heurtent souvent les anciens d'Afrique du Nord.
Est-il besoin de rappeler que cet amendement répond à un engagement de M. le Premier ministre ?
Le 29 juin dernier, monsieur le secrétaire d'Etat, pour expliquer le refus du Gouvernement, vous avez exposé des arguments forts, mais contestables.
Tout d'abord, la présente proposition ne visant que les retraites du régime général d'assurance vieillesse et non les retraites complémentaires relevant de systèmes conventionnels, les anciens combattants seraient, selon vous, désavantagés par rapport au niveau des pensions auquel ils peuvent prétendre actuellement.
Là où il s'agit, selon nous, d'un droit facultatif, vous nous opposez le principe d'une obligation.
Or, il n'appartient qu'à vous et au Gouvernement de trouver un système adéquat permettant de mobiliser les caisses complémentaires afin d'éviter ce type de distorsion.
Par ailleurs, je rappelle que cette revendication n'aura logiquement plus de raison d'être dans des délais très brefs. Je précise, à cet égard, que d'après les renseignements que j'ai pu recueillir, environ 230 000 soldats ont servi en Afrique du Nord en 1960 et en 1961. Ce n'est donc pas, contrairement à ce qui a été dit, la dernière année où cette mesure peut être appliquée. Elle sera valable, d'après mon analyse, jusqu'en 2001.
Enfin, comme chacun peut le constater, nous limitons la portée de notre amendement aux anciens combattants chômeurs en fin de droits afin de lui assurer un caractère réaliste et immédiat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement avant de me prononcer, monsieur le président.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. En dépit de l'heure avancée, je répondrai en détail à M. Fischer, car, si je ne le faisais pas, vous pourriez me reprocher d'être indifférent à la question qu'il a soulevée. Ma réponse reprendra toutefois des arguments que j'ai déjà développés dans cet hémicycle.
Au mois de juin, je me suis opposé, au nom du Gouvernement, à la proposition de loi tendant à accorder la retraite anticipée aux anciens combattants chômeurs en fin de droits justifiant de quarante annuités, car la législation actuelle ne prévoit pas une telle possibilité. Quand une personne a droit à une retraite, elle ne peut pas choisir entre celle-ci et le maintien des aides sociales qui lui sont versées par ailleurs.
La remise en cause de ce principe bouleverserait l'ensemble du dispositif existant. Partant de ce constat, je m'étais donc opposé à cette proposition de loi qui ne concernait d'ailleurs qu'un nombre restreint de personnes. Or un nombre beaucoup plus grand d'anciens combattants aurait perdu dans cette affaire. La commission des affaires sociales avait estimé le nombre des bénéficiaires à environ 15 000. Le nombre des perdants, selon nous, se serait élevé à 35 000. Je vous avais donc renvoyé aux dispositifs déjà existants, tels que les 5 600 francs, l'allocation de préparation à la retraite ou l'allocation en faveur des chômeurs âgés, que nous avons complétés par la suppression du sas de six mois et par la petite mesure relative à l'ARPE.
Ainsi, le système actuel en faveur des anciens combattants chômeurs en fin de droits ayant réuni quarante annuités est, dans la plupart des cas, plus avantageux, même si l'on tient compte du cumul de la retraite de la sécurité sociale et de la retraite complémentaire.
Je continue de privilégier ce dispositif dès lors qu'il n'est pas possible de traiter la question de l'option et que des négociations difficiles sont menées sur la retraite complémentaire.
Grâce au travail que nous menons et que vous menez - je sais que vous êtes très attentifs aux questions du monde combattant dont vous êtes véritablement les interlocuteurs privilégiés ; vous vous faites l'écho de toutes les revendications qui sont exprimées - nous parvenons progressivement à apporter un certain nombre de réponses.
Avant d'invoquer le fameux article 40 de la Constitution, permettez-moi, monsieur le président, de remercier très sincèrement la Haute Assemblée car, au bout du compte, même si j'ai refusé les amendements qui ont été présentés, elle aura voté le budget des anciens combattants pour 1999 tel qu'il lui est parvenu de l'Assemblée nationale.
Je tiens à remercier chaleureusement et sincèrement toutes celles et tous ceux qui ont permis, par ce vote, de témoigner du respect et de la reconnaissance de la nation envers le monde des anciens combattants.
Je terminerai donc maintenant par le couperet ; ce sera mon dernier mot, celui qui me vaudra encore bien des reproches et des critiques tout au long des semaines et des mois à venir : j'invoque l'article 40 de la Constitution à l'encontre de l'amendement n° II-77. M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président, il l'est.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-77 n'est pas recevable.

Articles 76 bis et 75 ter