Séance du 1er décembre 1998







Par amendement n° II-35, M. Torre, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 18 958 588 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre, rapporteur spécial. La commission des finances vous propose deux amendements tendant à réduire les crédits des titres III et IV du projet de budget de l'outre-mer.
M. Guy Fischer. Eh bien bravo !
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Ainsi que je l'ai indiqué dans mon exposé liminaire, la commission des finances reconnaît bien volontiers l'effort budgétaire entrepris en direction de l'outre-mer et l'intérêt des actions menées par le secrétarirat d'Etat.
Toutefois, comme elle l'a fait pour la totalité des fascicules budgétaires, elle souhaite replacer ce projet de budget dans le cadre plus général du nouvel équilibre budgétaire proposé au Sénat.
La commission propose donc d'appliquer une réduction forfaitaire de 1 % aux dépenses de rémunérations et de charges sociales et de 5 % aux autres dépenses de fonctionnement.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, ces amendements, au-delà de leur portée comptable dans l'optique du cadrage budgétaire d'ensemble, sont le témoignage de notre grave préoccupation pour l'outre-mer.
En effet, nous observons que, de plus en plus, le budget de l'outre-mer est constitué de dépenses d'intervention et de subventions à caractère économique et social. Le rapporteur spécial a indiqué que, dans le présent projet de loi de finances, les crédits en question représentaient plus de 80 % du budget de l'outre-mer.
Cela traduit en fait la dégradation de la situation sociale et de l'emploi dans de nombreux départements, territoires et collectivités territoriales de l'outre-mer. Les membres de la majorité sénatoriale observent que les mesures prises l'année dernière sur le régime fiscal des investissements en outre-mer conduisent très vraisemblablement à un freinage de l'investissement privé dans ces mêmes départements, territoires et collectivités territoriales. Cela nous semble extrêmement grave.
C'est pourquoi, lorsque nous discuterons les articles non rattachés, nous serons amenés à examiner un certain nombre de dispositions tendant à assouplir ce que l'on a exagérément durci il y a un an. Plusieurs de ces dispositions nous viennent de l'Assemblée nationale ; d'autres nous seront suggérées par des collègues, en particulier par le président Gaston Flosse.
Il conviendrait que, lors de ces discussions qui vont intervenir la semaine prochaine, nous réalisions que l'intérêt de l'outre-mer est bien de voir des entreprises se créer, se développer et apporter ainsi des solutions au problème de l'emploi.
Les propositions de la commission des finances doivent être replacées dans ce contexte. Nous estimons qu'il faut accroître le flux des investissements privés outre-mer et que, dans cette perspective, il est nécessaire de revenir sur certaines dispositions malencontreuses ou à courte vue qui ont été prises pour de simples raisons de politique intérieure métropolitaine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est dans cet esprit que la commission des finances vous propose cet amendement ainsi que celui qui sera examiné tout à l'heure.
Nous demandons qu'il soit statué sur ces amendements par un scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Je répondrai à M. le rapporteur spécial qu'il y a quelque paradoxe à présenter un tel amendement après qu'a été évoquée pendant quelque quatre heures et demie la situation, à bien des égards difficile, de l'outre-mer.
Au-delà des divergences politiques qui s'expriment, on s'accorde généralement à considérer que l'action publique est essentielle pour soutenir les investissements qui sont réalisés outre-mer tant par les collectivités que par les entreprises.
Force m'est donc de dire, comme l'année passé que, par-delà sa dimension politique, un tel amendement risque d'être interprété comme le signe d'un sentiment de défiance vis-à-vis de nos compatriotes d'outer-mer.
M. Claude Estier. Absolument !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Cet amendement vise à réduire les crédits pour l'outer-mer, alors même que, tout le monde l'a souligné, les taux de chômage sont très élevés, que les besoins, notamment en matière de logement sont considérables. Il y a tout de même là quelque chose de singulièrement paradoxal !
M. Guy Fischer. C'est le double langage de la majorité sénatoriale !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Cette démarche ne peut qu'être difficilement comprise par nos concitoyens d'outer-mer, qui, dans leur immense majorité, sont loin d'être des privilégiés.
Le Gouvernement est donc évidemment opposé à cet amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-35.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Nous sommes effectivement là face à une situation qui paraît un peu paradoxale.
La commission des finances, et cela a été excellemment expliqué par le rapporteur général, a une position de principe qu'elle applique à la quasi-totalité - mais pas à tous - des fascicules budgétaires, et qui vise à réduire le déficit. Cela, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, est parfaitement clair et s'explique politiquement d'une façon très simple : il n'est donc pas besoin, me semble-t-il, d'aller chercher d'autres arguments.
En effet, monsieur le rapporteur général vous nous dites que notre estimable collègue, M. Torre, rapporteur spécial, a constaté une ampleur particulière du titre IV, c'est-à-dire des subventions économiques et sociales aux départements d'outre-mer. Mais, après tout, on pourrait se passer d'un budget de l'outer-mer ! Il pourrait y avoir un ministre chargé de l'outre-mer, placé auprès du ministre de l'intérieur, et les crédits seraient répartis entre les divers ministères concernés : la ligne logement au budget du logement, la ligne action sociale à tel autres budget, etc.
Dans ce cas, monsieur le rapporteur général, que se passerait-il ? Eh bien, l'essentiel de ces crédits figurerait au titre IV des charges communes, c'est-à-dire dans une espèce de fourre-tout où nous ne pouvons rien contrôler !
Par conséquent, la démarche de la commission, telle que vous la présentez, pourrait à la limite avoir cette conséquence : la suppression du budget de l'outre-mer, avec un éclatement, un saupoudrage dans différents budgets, de telle manière qu'on n'y verrait plus rien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une illustration de votre goût bien connu du paradoxe !
M. Michel Charasse. Que la commission des finances s'en tienne à sa position, qui consiste à rechercher des économies et à appliquer sa méthode avec constance - je ne suis pas de son avis, mais je reconnais qu'il y a une certaine logique dans la démarche - mais qu'elle ne vienne pas se justifier en recourant à un argument qui revient finalement à dire : si l'on avait supprimé le budget de l'outre-mer, nous ne pourrions pas repérer ces crédits parce qu'ils seraient mélangés avec tout le reste et nous ne saurions pas dans quoi nous pourrions « taper ».
Ne serait-ce que pour ce motif - mais il y en a d'autres ! - mes amis du groupe socialiste et moi-même ne voterons évidemment pas l'amendement présenté par la commission.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous débattons depuis plusieurs heures de l'outre-mer et nos collègues qui représentent ces départements, territoires et collectivités territoriales ont tous témoigné, chacun avec sa sensibilité, de la gravité de la situation économique et sociale qui prévaut chez eux.
On aurait pu penser que certains budgets échapperaient à la volonté de la commission de réduire les dépenses de 26 milliards de francs et que le budget de l'outre-mer avait quelques titres à en faire partie.
Il a été en effet largement expliqué que les taux de chômage dans l'outre-mer étaient exceptionnellement élevés, que la situation de nos compatriotes d'outre-mer était particulièrement difficile et que l'on pouvait craindre une nouvelle aggravation de certains problèmes économiques - je pense notamment au nickel - dans les semaines et les mois à venir.
Mais la commission persiste à vouloir réduire encore les crédits de l'outre-mer ! Le groupe communiste républicain et citoyen ne peut s'associer à une telle démarche et votera donc résolument contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-35, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 34:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 209
Contre 100

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 68 814 403 francs. »