Séance du 1er décembre 1998







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'outre-mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est traditionnel de souligner en prélude à l'examen des crédits de l'outre-mer que ceux-ci ne représentent qu'une faible part de l'ensemble de l'effort budgétaire et financier de l'Etat en direction des départements, des territoires et des collectivités territoriales d'outre-mer.
L'exactitude commande de compléter cette remarque d'usage par un autre constat : au fil des ans et compte tenu du rattachement successif d'actions qui relevaient d'autres ministères, le budget de l'outre-mer prend une place croissante dans cet effort financier et budgétaire global de l'Etat.
Le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 1999 s'inscrit bien dans cette tendance, puisque, avec 5,6 milliards de francs, il enregistre une progression de 7 %, très supérieure à celle que connaît le budget général. Il représente désormais 11 % de la dépense totale de l'Etat pour l'outre-mer, qui s'élève à 51,1 milliards de francs.
Cette évolution confirme le rôle essentiel que ce budget est appelé à jouer dans la mise en oeuvre des actions les plus spécifiques, qui constituent le coeur de la politique de l'outre-mer.
Ce budget s'inscrit dans un contexte général que je souhaiterais évoquer très brièvement.
Sur le plan institutionnel tout d'abord, l'année 1998 a, bien sûr, été marquée par l'accord intervenu en Nouvelle-Calédonie, qui engage une profonde évolution du statut du territoire et ouvre une nouvelle période transitoire. Mais le débat institutionnel s'est étendu à la Polynésie française, qui souhaiterait que soit accentuée, dans le cadre d'une nouvelle réforme constitutionnelle, son autonomie déjà largement reconnue par le statut de 1996. Une consultation de la population de Mayotte doit également être organisée d'ici à l'an 2000 pour doter cette collectivité d'un statut définitif dont les contours, imprécis, nous semblent encore à dessiner.
Enfin, dans les départements d'outre-mer proprement dits, la discussion est ouverte sur les répartitions de compétences entre l'Etat, les régions et les départements, et sur la possibilité, dans le cadre de l'article 73 de la Constitution, d'aller plus loin dans l'adaptation de leur organisation administrative.
Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, que, à l'occasion de ce débat au Sénat, vous puissiez, comme vous l'avez fait à l'Assemblée nationale, préciser l'état des réflexions du Gouvernement sur ce vaste et important dossier. Quelles options vous paraissent-elles envisageables pour les différents départements ou territoires concernés ? Quel calendrier avez-vous éventuellement retenu ? Des décisions pourraient-elles intervenir dans le cadre de la future loi d'orientation que vous avez annoncée pour la fin de l'an prochain ? Nous souhaiterions également savoir, sous un angle qui relève davantage des attributions de la commission des finances, que je représente, quels prolongements pourraient être donnés à cette réflexion sur les finances des collectivités d'outre-mer, qui, nous le savons, demeurent fragiles et ne permettent pas toujours à ces collectivités de prendre toute la part souhaitable dans le développement local.
Sur le plan économique, la conjoncture ne connaît pas globalement d'amélioration sensible outre-mer. Insuffisamment diversifiées, les économies demeurent très dépendantes des productions traditionnelles, soumises aux aléas climatiques, aux brusques variations des cours et à une rude concurrence sur les marchés mondiaux. Dans le secteur de la banane, si important pour la Martinique mais aussi pour la Guadeloupe, le marché européen sera contraint de s'ouvrir davantage à partir de janvier prochain aux productions non communautaires. Un relèvement des plafonds servant de référence au calcul des aides communautaires a été obtenu pour nos planteurs antillais. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, faire le point sur ce dossier et sur la stratégie de notre pays dans les discussions communautaires ?
En dehors du secteur primaire, seul le tourisme a véritablement enregistré une progression continue, mais il ne peut à lui seul tirer l'ensemble des économies et s'avère lui aussi sensible aux retournements de conjoncture.
Notre commission des finances souhaiterait aussi savoir où en est la question de la surrémunération des fonctionnaires, dont les effets économiques sont contestés.
Les insuffisances des économies outre-mer, conjuguées à la croissance démographique, contribuent au maintien d'une situation sociale globalement très difficile. Le chômage a continué de progresser. Il dépasse 27 % de la population active aux Antilles et 42 % à la Réunion. Autre indicateur éclairant, le nombre de personnes bénéficiaires du RMI, le revenu minimum d'insertion, représente 14,4 % de la population des départements d'outre-mer, alors que le taux n'est, si j'ose dire, que de 3 % en métropole.
Ces quelques indications illustrent l'ampleur des défis lancés à la politique de l'outre-mer.
J'en viens à l'analyse du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, qui s'élève donc pour 1999 à 5,6 milliards de francs pour les dépenses ordinaires et les crédits de paiement, soit une augmentation de 7 % par rapport à 1998. Les autorisations de programme, pour leur part, représentent 1,9 milliard de francs, soit une légère diminution de 1,7 %.
Au titre des dépenses d'administration générale, il me faut signaler l'élément nouveau constitué par la réforme du service militaire adapté, le SMA.
Ce service sera maintenu mais sous une forme profondément modifiée. Aux appelés du contingent succéderont des volontaires, dont la rémunération sera calquée sur la rémunération des emplois-jeunes. Pour rester dans une enveloppe constante, les effectifs globaux seront fortement diminués, y compris par la suppression de postes d'encadrement.
Le rôle positif du service militaire adapté pour la formation professionnelle des jeunes et le développement local a maintes fois été souligné. On peut donc se réjouir de son maintien tout en s'interrogeant sur l'avenir de la nouvelle formule, profondément différente, puisqu'elle reposera sur une forme d'engagement volontaire, assortie d'une rémunération importante. Comment le Gouvernement voit-il l'évolution du service militaire adapté à l'issue de cette profonde transformation ?
J'évoquerai maintenant l'ensemble de crédits constituant le coeur du budget du secrétariat d'Etat, à savoir les subventions de l'Etat au développement économique et social. Il s'agit de moyens financiers s'élevant à 4,4 milliards de francs, soit 10 % de plus que l'an passé.
A ce titre, le premier poste de dépenses est le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, créé en 1994 par la loi Perben et qui regroupe tous les financements correspondant aux actions de l'Etat en faveur de l'emploi et de l'insertion.
Les crédits du FEDOM représentent près du tiers du budget de l'outre-mer. Ils passeront de 1,7 milliard à 1,8 milliard de francs. La priorité sera donnée aux contrats emploi-solidarité et à la poursuite du financement d'emplois-jeunes.
Le deuxième poste de dépenses important, c'est l'aide au logement social inscrit à la « ligne budgétaire unique », transférée en 1996 du budget du logement au budget de l'outre-mer. Pour 1999, les autorisations de programme demeureront inchangées, à environ 1,1 milliard de francs. En revanche, les crédits de paiement passeront de 568 millions de francs à 897 millions de francs, soit une hausse de 58 %.
J'ajoute que les crédits de l'emploi et du logement social seront majorés en cours d'année par ce que l'on appelle la « créance de proratisation » du RMI, qui représentera 815 millions de francs en 1999.
Enfin, dernière catégorie de crédits, les subventions d'investissement de l'Etat enregistrent une certaine érosion. Elles se montent à 726 millions de francs en autorisations de programme, soit une baisse de 3,2 %.
Elles seront principalement affectées au financement par l'Etat des engagements souscrits dans les contrats de plan Etat-région et dans les contrats de développement des territoires d'outre-mer.
En 1999, les dotations du FIDOM général, le Fonds d'investissement des départements d'outre-mer, diminueront de 9 % en autorisations de programme et de 14,5 % en crédits de paiement. La réduction sera de 3 % pour le FIDES général, le Fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer. Seules sont maintenues, à hauteur de 390 millions de francs, les dotations figurant au chapitre spécifique prévu pour la Nouvelle-Calédonie depuis les accords de Matignon. Veuillez m'excuser, mes chers collègues, d'avoir cité tous ces chiffres.
L'évolution de ces dotations appelle, de la part de la commission des finances, plusieurs observations.
Sur un plan général, l'effort budgétaire en faveur de l'emploi et du logement social doit être reconnu. Il s'accorde avec les besoins très importants engendrés par une situation économique et sociale fragile.
Toutefois, le projet de loi de finances accentue la tendance, déjà forte ces dernières années, faisant du budget de l'outre-mer un budget d'interventions et de transferts publics. Ces dépenses représentent désormais plus de 80 % du budget, et on ne peut qu'être frappé par leur évolution très rapide, supérieure à 8 % en 1998 et sensiblement du même ordre en 1999. Peut-on considérer, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'augmentation continue des transferts publics constitue la seule voie pour le développement économique et social de l'outre-mer ?
J'ajoute que, paradoxalement, cette tendance ne profite pas, bien au contraire, aux formes traditionnelles d'intervention du secrétariat d'Etat, à savoir les concours aux collectivités territoriales et le financement par l'Etat de sa participation aux contrats de plan. Nous savons, certes, que, surtout dans les départements d'outre-mer, les collectivités sont souvent confrontées à des difficultés financières qui les empêchent d'assurer, à la hauteur voulue, la contrepartie des crédits d'Etat.
Quoi qu'il en soit, il faut bien constater que les investissements publics consacrés au développement local demeurent exclus du mouvement général d'augmentation des crédits budgétaires. On peut le regretter, compte tenu de l'effet d'entraînement que ces investissements pourraient engendrer en faveur d'un développement durable de l'outre-mer.
La forte progression des crédits affectés au logement social a également retenu l'attention de la commission des finances. Par le passé, nous avons constaté, dans ce domaine, que le lien entre autorisations de programme et crédits de paiement s'était distendu, comme en témoignent les taux d'exécution des crédits de paiement qui étaient de l'ordre de 60 % ou 70 % seulement. La situation a été assainie en 1997, puisque l'écart entre crédits disponibles et crédits consommés a été fortement résorbé ; mais les difficultés propres à la gestion de ces crédits ont-elles disparu pour autant ? L'expérience passée démontre l'insuffisance de la seule approche budgétaire, compte tenu de certains goulets d'étranglement, liés en particulier aux difficultés que rencontrent les collectivités ou les organismes pour acquérir des terrains et pour les viabiliser. Aussi l'augmentation considérable des crédits de paiement pour 1999 devra-t-elle être appréciée au regard de la capacité, en cours d'exercice, à les consommer et à réaliser, dans de bonnes conditions, les programmes de logement annoncés.
A ce propos, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour mieux adapter les aides à la réalité des besoins outre-mer ? Ne faudrait-il pas envisager une réglementation plus proche des nécessités locales, ce qui donnerait aux moyens très importants dont vous disposez leur pleine efficacité ?
En matière d'emploi, les aides regroupées au sein du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, auxquelles s'ajoutent les crédits d'Etat pour l'insertion des bénéficiaires du RMI, atteignent un montant sans précédent et représentent plus de 37 % du budget. Cette masse financière sera plus que jamais orientée vers les dispositifs relevant du secteur public ou parapublic, en particulier les contrats emploi solidarité, les CES, et les emplois-jeunes, aux dépens des formules relevant du secteur privé, telles que les contrats d'accès à l'emploi ou les primes à la création d'emploi dans les activités exportatrices. Ce constat amène à s'interroger sur l'efficacité de ces aides publiques, au moment où le chômage s'aggrave dans les départements d'outre-mer, faute de réelle dynamique de développement des activités productives.
Cela m'amène tout naturellement à évoquer les perspectives de l'investissement privé. Selon le rapport transmis au Parlement par la direction générale des impôts, le flux de l'investissement privé engendré par la défiscalisation des investissements outre-mer a atteint un montant inégalé de 9,1 milliards de francs en 1997, contre 5,6 milliards de francs en 1996. Nous ne disposons pas encore d'analyse précise de l'impact de la révision de la loi Pons opérée par la loi de finances pour 1998, mais il est clair que cette révision aura pour effet de réduire ce flux.
Sans doute, monsieur le ministre, n'était-il pas illégitime de vouloir préciser ou mieux encadrer un dispositif pouvant donner lieu à certains excès. Mais ne fallait-il pas, surtout, veiller à ne pas provoquer de déséquilibre dans des territoires aux structures économiques et sociales fragiles, qui plus est confrontés à de lourds handicaps ?
Il est regrettable qu'aucune mesure de substitution n'ait été sérieusement étudiée afin de garantir le maintien d'un flux d'investissements privés indispensable au développement des départements d'outre-mer, favorable à l'emploi et générateur de ressources fiscales pour les collectivités locales.
Les propositions de la commission des finances de l'Assemblée nationale, même si elles nous paraissent insuffisantes, témoignent d'une certaine évolution, par rapport à l'an passé, de l'état d'esprit de nos collègues députés. La suppression de l'abattement d'un tiers sur la base défiscalisable pour les sociétés est une mesure positive. Il en allait de même de la prorogation de la loi Pons jusqu'en 2005, qui devait donner aux investisseurs la garantie d'une certaine stabilité législative. Nous déplorons qu'en seconde délibération le Gouvernement soit revenu sur cet amendement, en limitant à une seule année la prolongation du dispositif.
D'une manière générale, les quelques modifications apportées par l'Assemblée nationale ne peuvent être considérées comme suffisantes au regard de l'importance du problème posé.
Il est nécessaire et urgent, monsieur le secrétaire d'Etat, de mener une réflexion et de proposer des mesures correspondant à l'attente d'une très grande majorité d'élus de l'outre-mer, qui, quelle que soit leur appartenance politique, sont légitimement très inquiets de voir s'amenuiser un apport vital pour le développement de leurs régions.
Telles sont les principales observations qu'appelait, pour la commission des finances, le projet de budget de l'outre-mer.
Tout en adoptant une approche critique sur certains aspects de ce projet de budget, la commission des finances reconnaît pleinement l'utilité des actions menées par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, actions qui bénéficieront, en 1999, de moyens accrus, ce qui témoigne à la fois de l'intérêt justifié porté à ces régions et de l'ampleur des besoins engendrés par une situation économique et sociale difficile.
La commission des finances soumettra toutefois au Sénat deux amendements de réduction de crédits aux titres III et IV, en vue tout simplement de replacer ce fascicule budgétaire, comme celui des autres ministères, dans le cadre plus général du budget alternatif qu'elle propose.
Je précise que, modifié par ces amendements, le budget de l'outre-mer serait ramené à 5,55 milliards de francs et serait encore en progression de 6,1 % par rapport au budget de 1998.
La commission des finances vous invite donc, mes chers collègues, à voter le projet de budget de l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Désiré, rapporteur pour avis.
M. Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aborderai la présentation des crédits destinés à l'outre-mer en soulignant une fois encore toute la difficulté de cet exercice, qui consiste à faire la synthèse de situations politiques et économiques très diverses.
S'agissant tout d'abord de la situation économique des départements de l'outre-mer, on peut faire un bilan en demi-teinte.
L'activité a été essentiellement tirée par la consommation et l'investissement des ménages, favorisés par les hausses successives du SMIC ; mais les économies domiennes dépendent encore très largement des transferts de la métropole. Le secteur du bâtiment et des travaux publics, structurellement très dépendant des commandes publiques, a enregistré une activité moyenne, en raison des capacités financières limitées des collectivités locales.
En conséquence, le taux de chômage continue de progresser pour s'établir, en septembre 1997, à 26,1 % pour la Guadeloupe ou la Martinique, et à 42,8 % à la Réunion, contre 12,5 % en moyenne en France.
En ce qui concerne les territoires d'outre-mer et Mayotte en 1997, on constate que les évolutions institutionnelles récentes ou en cours concernant la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont contribué au rétablissement d'un certain climat d'optimisme chez les chefs d'entreprise qui ont cherché à investir. Ainsi, en Polynésie française, on enregistre une amélioration générale de la conjoncture économique, en particulier dans le secteur touristique, effaçant ainsi les mauvais résultats liés au contexte des essais nucléaires. Néanmoins, la situation de l'emploi reste très préoccupante.
Pour 1999, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget s'élève à 5,6 milliards de francs, en progression de 7 %, et l'effort global de l'Etat en faveur de l'outre-mer se monte à 51,1 milliards de francs.
Les aides à l'emploi et l'aide au logement social s'élèvent à 3,5 milliards de francs en 1999, soit 15 % de plus qu'en 1998.
La dotation du FEDOM augmente de 6,4 %, principalement en raison de l'accroissement des crédits destinés aux emplois-jeunes. L'objectif est de financer 56 500 solutions nouvelles d'insertion, contre 48 500 l'an passé, dont 34 000 contrats emploi-solidarité, 15 000 contrats d'insertion par l'activité, 7 000 contrats d'accès à l'emploi, auxquelles s'ajouteraient 3 500 emplois-jeunes.
On peut regretter que cette augmentation des crédits aille essentiellement aux contrats emploi-solidarité et aux emplois-jeunes au détriment de dispositifs favorisant l'insertion professionnelle des jeunes dans le secteur privé, tels que les contrats d'accès à l'emploi ainsi que les primes à la création d'emplois.
Par ailleurs, les crédits de la ligne budgétaire unique finançant l'ensemble des aides à la pierre pour le logement social outre-mer passent, pour 1999, de 568,5 millions de francs à 897,4 millions de francs, soit une augmentation de 57,8 % ; cela permettra d'accélérer les programmes de logements aidés et le financement de 19 000 opérations supplémentaires, dont 11 800 constructions neuves liées, notamment, au prêt locatif intermédiaire, et 7 300 réhabilitations au titre de la résorption de l'habitat insalubre. Il s'agit de répondre à l'immensité des besoins de logement recensés outre-mer.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, cela ne règle pas l'existence de goulets d'étranglement liés en particulier à la difficulté des collectivités territoriales à acquérir des terrains et à les viabiliser. Pensez-vous, de plus, que les administrations et les professionnels seront en mesure de consommer ce surcroît de crédits, alors même que les départements d'outre-mer sont soumis à des réglementations de plus en plus contraignantes s'agissant de l'urbanisme et de la protection de l'environnement ?
S'agissant des interventions de l'Etat pour soutenir l'investissement, force est de constater qu'elles s'inscrivent en diminution de 4,4 % pour être fixées à 760 millions de francs tant pour les départements que pour les territoires d'outre-mer.
Je regrette que les investissements publics centrés sur l'équipement et le développement local ne soient pas augmentés régulièrement, car ce type d'investissement a un effet d'entraînement non négligeable sur les économies domiennes.
Face à la forte augmentation des transferts publics dans les domaines de l'emploi et du logement social notamment, il est encore difficile d'évaluer l'effet de la révision de la loi Pons sur le flux d'investissements privés liés à la défiscalisation. Il semblerait toutefois que les restrictions apportées par la loi de finances de l'an passé se traduisent par une très nette diminution des investissements en 1998.
Le rapporteur pour avis que je suis regrette qu'aucun dispositif pérenne n'ait été étudié à ce jour pour garantir, outre-mer, le maintien d'un flux d'investissements privés indispensable au développement des départements d'outre-mer, favorable à l'emploi et générateur de ressources fiscales pour les collectivités locales.
Enfin, quelles seront les conséquences financières pour les économies de l'outre-mer, s'agissant de la mise en oeuvre de l'euro et, surtout, du réseau européen de banques centrales ? Celles-ci doivent pouvoir bénéficier du statut spécifique des régions ultrapériphériques et d'un financement particulier à mettre en place - pourquoi pas au niveau de la Banque centrale européenne ?
Compte tenu de ces observations, le rapporteur pour avis que je suis, considérant que ce projet de budget était globalement positif, avait proposé d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'outre-mer pour 1999 ; mais la commission des affaires économiques et du Plan s'en est finalement remise à la sagesse du Sénat. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les aspects sociaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'aborder les aspects sociaux du budget de l'outre-mer, je tenais à rendre ici hommage à notre regretté collègue Pierre Lagourgue, dont je reprends les fonctions de rapporteur pour avis. Sa compétence et son expérience quotidienne des difficultés sociales de l'outre-mer lui permettaient d'apporter un éclairage toujours très pertinent à notre Haute Assemblée lors de la préparation du débat budgétaire.
Le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer tend, année après année, à se concentrer sur les politiques sociales. Les crédits consacrés à l'outre-mer dans le projet de loi de finances pour 1999 ne dérogent pas à cette tendance, bien au contraire.
Ainsi, les crédits correspondant au développement social et économique de l'outre-mer représentent 79 % de l'ensemble des crédits et augmentent de 10 % par rapport à l'an dernier ; mais ce sont les crédits relatifs à l'emploi et au logement qui augmentent le plus vite. Les dotations du FEDOM progressent de 6,4 % et celles de la ligne budgétaire unique pour le logement, de 58 %.
Au total, ces deux lignes budgétaires, abondées par la créance de proratisation du RMI, représentent 63 % des crédits contre seulement 58 % en 1998. Cette réorientation de l'effort budgétaire vers les difficultés sociales majeures me paraît aller dans le bon sens. Elle correspond, en effet, à une nécessité, car la situation sociale de l'outre-mer apparaît de plus en plus préoccupante.
Le chômage a encore augmenté, notamment chez les jeunes, pour atteindre 32 % de la population active des départements d'outre-mer. Le nombre d'allocataires du RMI a également progressé. On estime que près de 15 % de la population des départements d'outre-mer vit du RMI, contre 3 % environ en métropole.
Concernant le logement, le retard de l'outre-mer reste considérable. Au rythme actuel de construction et de rénovation, il faudrait près de vingt ans pour rapprocher l'habitat de l'outre-mer des standards métropolitains.
Dans ces conditions, c'est à l'aune de l'impact prévisible du budget sur cette situation sociale qu'il importe d'évaluer les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
A cet égard, la commission des affaires sociales a pris acte des efforts consentis en matière d'emploi et de logement, mais elle a aussi relevé des insuffisances regrettables dans ces deux domaines.
S'agissant de la politique de l'emploi, tout d'abord, j'observe que le budget prévoit de financer 56 500 solutions d'insertion au titre des dispositifs prévus par la loi Perben. Il prévoit, en outre, la création de 3 500 emplois-jeunes, qui iront s'ajouter aux quelque 4 000 qui devraient être créés d'ici à la fin de l'année.
Ce dispositif appelle un certain nombre de remarques.
En premier lieu, le développement des emplois-jeunes se fait très largement au détriment des autres mesures en faveur de l'emploi : alors que les crédits destinés aux emplois-jeunes augmentent de 48 %, la dotation budgétaire affectée aux autres dispositifs du FEDOM diminue, elle, de 2,2 %.
En deuxième lieu, on constate une réorientation de la politique de l'emploi vers le secteur non marchand. Les aides à la création d'emplois dans le secteur marchand ne représentent plus que 12 % des solutions d'insertion proposées, alors qu'elles en représentaient 31 % dans la loi de finances initiale pour 1996.
Enfin, on peut craindre que la diminution des dotations du FIDOM et du FIDES ne se traduise par un impact négatif sur l'emploi, dans la mesure où ces deux fonds exercent un effet d'entraînement direct sur les économies locales.
La commission des affaires sociales considère que la réponse durable au chômage passe non pas par des mesures de traitement social, mais par un effort de création d'emplois dans le secteur marchand avec le soutien de l'Etat, notamment grâce à une diminution des charges sociales.
Le dispositif issu de la loi Perben n'est applicable en l'état que jusqu'en mars 2000. Je souhaite que la révision de cette loi soit l'occasion de repositionner l'ensemble de la politique de l'emploi vers le secteur marchand.
Le dispositif actuel doit en effet être prorogé. L'exemple des exonérations sectorielles de charges sociales instituées par la loi Perben montre ainsi qu'une politique de baisse du coût du travail peut relancer l'emploi dans le secteur privé. Mais il doit être également approfondi. Je citerai brièvement à ce propos quelques pistes : l'élargissement du champ des exonérations sectorielles de charges sociales, la mise en place d'un contrat d'insertion dans le secteur marchand moins aidé mais plus étendu que le contrat d'accès à l'emploi, l'extension du FEDOM à Mayotte.
S'agissant du logement, j'ai souligné tout à l'heure la situation très préoccupante outre-mer. Le Gouvernement propose une augmentation sensible des crédits et envisage une réforme des produits de logement et de la politique foncière. La commission des affaires sociales estime également que les difficultés actuelles tiennent largement à l'inadaptation des produits et au manque de terrains à des prix abordables. Mais les réformes envisagées doivent aussi s'accompagner d'une réforme des aides personnelles au logement, dans la mesure où les conditions d'attribution de l'allocation logement restent, en pratique, très strictes.
Avant de conclure, je souhaiterais dire un mot sur la politique d'égalité sociale. Cette politique visait à aligner progressivement les prestations sociales et les différents minima sociaux des départements d'outre-mer sur ceux de la métropole. Or elle est aujourd'hui au point mort. Le rattrapage n'est pas encore total : le RMI est inférieur de 20 %, l'aide personnalisée au logement n'existe pas dans les départements d'outre-mer, l'allocation de parent isolé et le complément familial y sont inférieurs de moitié.
La commission des affaires sociales souhaite la reprise de la politique d'égalité sociale. Une telle politique relève bien plus de l'équité que de l'assistanat. Nos compatriotes d'outre-mer ne sont en effet pas les assistés que certains se plaisent à décrire. Pour preuve, une récente enquête de l'INSEE montre que la part des revenus sociaux dans le revenu des ménages est plus forte en métropole qu'outre-mer : 29,6 % en métropole, pour 27,2 % dans les départements d'outre-mer.
Aussi, si un alignement du RMI sur le niveau métropolitain n'est pas forcément souhaitable du fait de la créance de proratisation du RMI, un effort pourrait être fait à court terme en faveur du relèvement de l'allocation de parent isolé et du complément familial.
En conclusion, les priorités de ce budget - l'emploi et le logement - correspondent effectivement aux besoins les plus pressants de l'outre-mer.
Mais la commission des affaires sociales regrette l'absence de mesures nouvelles, notamment en matière d'égalité sociale, et s'inquiète de l'orientation de la politique de l'emploi.
Elle a donc décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Balarello, rapporteur pour avis.
M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale pour les départements d'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens d'abord à rendre hommage à notre ancien collègue François Blaizot, qui présentait précédemment l'avis de la commission des lois consacré aux crédits destinés aux quatre départements d'outre-mer et qui, comme vous le savez, ne s'est pas représenté lors des dernières élections sénatoriales.
Je rappellerai tout d'abord que les départements d'outre-mer sont en principe soumis aux dispositions législatives applicables en métropole, sous réserve des adaptations permises par l'article 73 de la Constitution, tout comme Saint-Pierre-et-Miquelon, qui avait antérieurement le statut de département, mais à la différence de Mayotte ou des territoires d'outre-mer, qui ont pour leur part une « organisation particulière » en vertu de l'article 74 de la Constitution.
La situation économique et sociale de ces départements est marquée à la fois par leur dynamisme démographique, qui induit d'importants besoins d'équipements publics, par un taux de chômage, hélas ! très élevé qui frappe massivement les jeunes, comme l'a rappelé M. Torre, et par des niveaux de vie très supérieurs à ceux des pays environnants, d'où un fort effet attractif en matière d'immigration. Ainsi, le PNB par habitant était de 9 597 dollars à la Réunion et de seulement 230 dollars à Madagascar en 1994.
L'effort budgétaire global consacré aux départements et collectivités territoriales d'outre-mer, au sein duquel la part de vos crédits, monsieur le secrétaire d'Etat, ne représente qu'un peu plus de 10 %, sera marqué en 1999 par une progression significative des crédits de paiement de 3,6 %.
En revanche, le mouvement de baisse des autorisations de programme, déjà amorcé les années précédentes, se poursuit, ce qui risque de handicaper des investissements publics pourtant nécessaires au développement des DOM dans les années à venir.
Je me réjouis cependant que, s'agissant de l'aide aux investissements privés, un amendement adopté à l'Assemblée nationale ait prévu - vous nous l'avez précisé, monsieur le secrétaire d'Etat, lors de votre audition devant la commission des lois - la prorogation jusqu'en 2005 du dispositif de défiscalisation instaurée par la loi Pons.
Je me réjouis d'autant plus de l'effort très important fait par le Gouvernement sur le logement social que vous nous avez précisé que ces logements seraient adaptés aux besoins et aux possibilités des locataires ou accédants à la propriété dans les départements d'outre-mer. Vous avez également consenti un effort important sur l'emploi.
Toutefois, concentrant comme de coutume ses observations sur les crédits destinés à l'exercice des missions régaliennes de l'Etat, la commission des lois a constaté que des efforts devraient être poursuivis pour améliorer les résultats obtenus en matière de sécurité, de justice et de maîtrise de l'immigration, qui sont encore loin d'être satisfaisants.
En effet, même si la criminalité tend globalement à se stabiliser, les crimes et délits contre les personnes continuent de progresser à un rythme rapide.
Les juridictions doivent faire face à une progression soutenue des flux de contentieux, supérieure à celle de la métropole. Je me contenterai de citer l'augmentation des affaires civiles entre 1992 et 1996 à la Réunion : plus 60,43 % pour la seule cour d'appel de Saint-Denis.
En dépit de la mise en service récente de nouveaux établissements pénitentiaires, on observe encore une surpopulation carcérale persistante : 169 % à la Réunion, 120 % en Guadeloupe, même si ce dernier taux a sensiblement baissé.
L'immigration clandestine demeure un important sujet de préoccupation, tout particulièrement à Saint-Martin, en Guadeloupe, à Mayotte ou en Guyane, même si vous nous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un certain nombre de mesures avaient été prises en vue d'améliorer le contrôle des flux migratoires dans ce département.
En Guyane, département le plus exposé, 30 000 personnes seraient en situation irrégulière, et elles seraient 10 000 à Mayotte.
Toujours attentive aux questions institutionnelles concernant l'outre-mer, la commission des lois a porté un intérêt particulier aux évolutions statutaires envisagées pour ces départements et collectivités.
Vous avez confirmé devant notre commission, monsieur le secrétaire d'Etat, la perspective d'une consultation de la population de Mayotte sur son avenir statutaire d'ici à l'an 2000. Vous avez par ailleurs annoncé la nomination prochaine de deux parlementaires en mission chargés de vous faire des propositions en vue d'un approfondissement de la décentralisation dans les départements d'outre-mer.
Peut-être pourrez-vous aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, nous apporter de nouvelles précisions sur vos intentions dans ce domaine ? Un des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune vous a d'ailleurs déjà posé cette question.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements et collectivités territoriales d'outre-mer dans le projet de loi de finances pour 1999, ramenés aux montants résultant des amendements proposés par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les territoires d'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais avant tout rendre hommage au travail accompli par notre collègue M. Jean-Marie Girault, ancien sénateur et maire de Caen, qui a rapporté non seulement le budget des territoires d'outre-mer, mais aussi tous les grands textes concernant les territoires d'outre-mer ces dernières années. N'a-t-il pas été rapporteur devant le Sénat de la récente révision constitutionnelle au mois de juillet ?
Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit le rapporteur spécial de la commission des finances en ce qui concerne les territoires d'outre-mer. La baisse des crédits affectés à ces territoires est, certes, de 4,8 %, ces crédits ne représentant que 9,6 % du budget et de l'effort de l'Etat en faveur de l'outre-mer, mais il faut souligner que cette baisse est essentiellement due au fait que la subvention accordée à la Polynésie française au titre du fonds intercommunal de péréquation, le FIP, n'a pas été reconduite en 1999. Nous attendons à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, que la loi sur l'organisation communale en Polynésie française permette de reconduire ce fonds, qui est indispensable.
En même temps, la loi organique devient, elle aussi, urgente, et j'espère que le Parlement sera appelé à se prononcer rapidement.
Bien sûr, l'examen du projet de budget est l'occasion pour la commission des lois d'examiner la situation économique et politique des territoires d'outre-mer, et je dirai quelques mots de chacun d'eux.
Tout d'abord, s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, je ne reviendrai pas, bien entendu, sur les accords de Nouméa et sur l'adoption du projet de loi constitutionnelle par le Congrès, le 20 juillet dernier, à une très forte majorité.
En revanche, la consultation organisée le 8 novembre dernier a connu un taux de participation très élevé : 11 points de plus qu'au référendum de 1988 sur les accords de Matignon. Le « oui » a recueilli près de 72 % des suffrages et a été majoritaire dans toutes les communes, notamment à Nouméa.
Je crois que les élus et la population de Nouvelle-Calédonie ont fait la preuve de leur maturité politique. En même temps, à la suite des accords de Matignon, un effort réel a été accompli pour le rééquilibrage du territoire. Nous avons pu le constater, même s'il est encore imparfait. De plus, l'application des accords de Nouméa devrait permettre de poursuivre le développement équilibré de la Nouvelle-Calédonie.
En ce qui concerne la Polynésie - M. Flosse ne me démentira pas - le statut de 1996 focntionne bien. Nous attendons cependant un certain nombre de textes, notamment le projet de loi sur les communes.
Dans le même temps, je pense qu'il est nécessaire d'envisager une nouvelle évolution institutionnelle. Le statut de 1996 a déjà donné de grandes responsabilités à ce territoire et l'Etat a rempli également ses engagements, il faut le dire. L'éloignement de la Polynésie nécessite aussi que les habitants de ce territoire prennent leur destinée en main et aient des compétences plus affirmées. (M. Flosse applaudit.)
Quant aux îles Wallis-et-Futuna, représentées ici par notre collègue M. Laufoaulu, que nous sommes heureux d'accueillir, vous vous y êtes rendu récemment, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous savez que des inquiétudes s'y sont développées en raison des accords de Nouméa. Toutes les assurances devront être rapportées à ce territoire !
Faute de temps, je n'évoquerai pas les Terres australes et antarctiques françaises, sauf pour mentionner la délocalisation du siège à Saint-Pierre-de-la-Réunion.
Mes chers collègues, sous ces réserves, et en espérant vivement que notre calendrier législatif nous permette d'examiner les textes relatifs à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie, la commission des lois s'en remet à la commission des finances en ce qui concerne les crédits pour les territoires d'outre-mer. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidé par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 48 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 25 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans moins de trois semaines, la Réunion célébrera le cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Les paradoxes de l'Histoire sont parfois saisissants. Si l'esclavage a laissé le souvenir d'une exploitation du travail dans des conditions dégradantes et inhumaines, quel souvenir laissera le chômage de longue durée qui frappe aujourd'hui plus de 40 % de la population de la Réunion et ne lui laisse, dans les conditions actuelles, aucun espoir d'avoir un jour du travail ?
Quelle signification donneront à cette célébration les 140 000 Réunionnais privés depuis des années d'emploi et donc de dignité ?
Ces hommes et ces femmes, confrontés de plus en plus jeunes et dans leur quotidien à la violence de nos sociétés inégalitaires, attendent aujourd'hui des actes pour faire reculer ce fléau.
Après la conquête de l'égalité sociale, il nous faut ouvrir l'étape décisive du développement ; étape décisive car, en moins de trois décennies, la Réunion devra accueillir 300 000 habitants supplémentaires pour voir sa population augmenter de près de moitié et se stabiliser vers l'an 2025 autour du million d'habitants. L'ampleur du défi s'inscrit dans ce seul chiffre.
Soit on continue sur les voies empruntées jusqu'à ce jour, et cette donnée démographique sera un handicap majeur insurmontable ; soit, dans un sursaut commun avec la nation, nous avons la capacité de transformer cette donnée en un atout précieux, le plus précieux de notre île.
La Réunion compte déjà plus de 140 000 chômeurs, dont un large secteur de jeunes de plus en plus formés et diplômés : 6 000 d'entre eux ont un niveau supérieur au baccalauréat et sont actuellement sans emploi. Chaque année, les lycées fournissent un nombre équivalent de bacheliers.
Qui peut croire que l'équilibre de plus en plus fragile de la société réunionnaise pourra perdurer longtemps ?
Avec la croissance continue du chômage, nous compterons, à brève échéance, plus de personnes sans emploi qu'en activité. Une société virtuelle peut s'accommoder d'une pareille situation, mais nous avons affaire à un corps social vivant dont les réactions sont de plus en plus soudaines et violentes. Les saccages de commerces, les agressions physiques contre les élus, les barrages de routes et l'occupation de bâtiments publics font aujourd'hui partie du quotidien des Réunionnais. Mais dans leur désordre apparent, ces événements illustrent une réalité profonde : nous sommes au point de convergence de toutes les contradictions de la société réunionnaise.
Cette réalité sociale aggrave chaque jour l'exclusion, renforce les inégalités, génère la frustration, nourrit la violence, et il n'est besoin ni d'oracle ni de Cassandre mais juste d'un peu de bon sens pour voir se rapprocher l'échéance redoutée de tous.
C'est la conscience de cette menace qui a permis à la Réunion un large rassemblement autour du défi du développement. Chacun est conscient que les efforts réalisés jusqu'à maintenant, que les progrès enregistrés dans bien des domaines, que les milliards de francs versés au titre du transfert public risquent à tout moment d'être anéantis faute de réponses au fléau majeur du chômage et du mal-développement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la Réunion vit un de ces moments rares dans l'histoire d'un pays où toutes les forces sont rassemblées pour faire avancer les intérêts fondamentaux de leur île.
Depuis l'élaboration en 1992 du plan de développement actif, mais aussi avec l'élaboration par les deux collectivités - la région et le département - et l'Etat des « dix priorités pour le développement » et, plus récemment, dans le cadre des travaux préparatoires au débat du 23 octobre à l'Assemblée nationale, les Réunionnais ont fait la preuve de leur capacité à s'unir au-delà des légitimes différences politiques et des intérêts catégoriels pour élaborer des solutions sérieuses, globales et cohérentes afin d'engager leur île sur la voie du développement durable et solidaire.
La déclaration commune des cinq députés de la Réunion, qui ont unanimement défendu, le 23 octobre dernier, à l'Assemblée nationale, les mêmes positions et les mêmes orientations, témoignent de la force du rassemblement opéré à la Réunion pour le développement.
Ces solutions sont, vous le savez, pour l'essentiel, approuvées par l'ensemble des formations politiques, des assemblées locales, des chambres consulaires et des représentants des catégories socio-professionnelles.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la loi d'orientation que vous avez annoncée veut être la marque de la volonté du Gouvernement de répondre à cette attente.
L'urgence du développement et l'existence de solutions imposent la mise en application rapide d'un certain nombre de mesures.
Il n'est pas urgent d'attendre, il est urgent d'agir.
Il faut, dès maintenant, assurer la mise en cohérence des documents de programmation en cours d'élaboration - projet de loi sur l'aménagement du territoire, contrat de Plan, plan de développement régional avec l'Union européenne, contrat de ville - avec les solutions préconisées par les assemblées réunionnaises. De notre capacité à donner à ces documents un contenu résolument tourné vers l'emploi et le développement dépend notre avenir immédiat.
Nous avons en effet devant nous les rendez-vous capitaux qui conditionnent notre développement : la négociation du futur règlement sucrier européen dont dépend l'avenir de la filière canne-sucre ; la prise en compte des intérêts de la Réunion dans les relations entre l'Union européenne et les pays ACP ; le contenu à donner à la notion de région ultrapériphérique inscrite dans le traité d'Amsterdam ; le renouvellement à l'horizon 2000 de la loi sur les exonérations sociales.
Sur tous ces points d'une excessive importance, nous attendons du Gouvernement une concertation, un soutien actif dans la prise en compte concrète des propositions élaborées à la Réunion.
Vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, les solutions réunionnaises. Elles s'articulent autour de trois préoccupations majeures : l'emploi et le développement économique, l'aménagement durable et équilibré du territoire, l'ouverture de la Réunion à son environnement international. Je n'y reviendrai pas en détail.
Concernant l'emploi et le logement, les crédits inscrits au budget tentent de mieux répondre à la situation d'urgence sociale dans laquelle se trouvent les départements d'outre-mer. Les crédits du fonds d'emploi des départements d'outre-mer, comme ceux de la ligne budgétaire unique pour le logement, sont en effet abondés.
Nous n'insisterons jamais assez sur l'importance à développer le secteur de l'économie en fonction du contexte géographique et du sous-emploi actuel.
Il est important dans une société comme celle de la Réunion, rongée par les inégalités, de faire intervenir toutes les formes de solidarité locale comme nationale.
Concernant le logement, l'augmentation de 58 % des crédits devrait permettre en 1999 la programmation de 2 000 logements supplémentaires. Près de 3 000 emplois pourraient ainsi être créés. Toutefois, pour que ces inscriptions trouvent leur pleine efficacité, il convient de lever les contraintes foncières et d'aménagement qui font que, chaque année, les crédits pour le logement ne sont que partiellement consommés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, concernant l'économie marchande, nous demandons la mise en oeuvre d'une série de mesures inscrites dans la durée pour consolider le tissu productif et inciter au développement de l'exportation.
Le maintien du dispositif de défiscalisation, qui doit être amélioré, est aujourd'hui, je l'espère, chose acquise.
Mais surtout, la relative performance des économies des départements d'outre-mer est essentiellement fondée sur le dynamisme du secteur des services. A cet égard, les savoir-faire et les valeurs ajoutées sont des atouts dans nos stratégies à l'exportation. Ne serait-il pas judicieux d'étendre les mesures de défiscalisation et d'exonération aux services exportés ?
S'agissant de la politique d'aménagement du territoire, notre territoire est exigu et fragile, et si son aménagement est un enjeu vital devant être au coeur de la politique de développement, comment rattraper nos retards structurels, où loger les 300 000 Réunionnais supplémentaires, comment répondre à leurs besoins en termes de logements, d'équipement, d'alimentation en eau et de mobilité, comment concilier ces impératifs avec le respect de l'environnement ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une large majorité d'élus réunionnais propose d'engager un processus de réforme administrative de l'île. Des propositions de loi ont été déposées tendant à la création de deux départements.
Ces propositions répondent à l'histoire et à la géographie, elles permettent surtout de corriger les graves déséquilibres et inégalités qui existent entre les différentes micro-régions de l'île. La création de deux départements doit s'accompagner obligatoirement de la création de nouvelles communes et d'un nouveau découpage des cantons.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, personne ne conteste plus aujourd'hui l'importance que revêt l'insertion de la Réunion dans son environnement géo-économique. Les conditions devront être créées pour que notre île puisse tirer tous les bénéfices de sa situation au coeur d'une zone d'échanges en pleine expansion.
Nous souhaitons enfin rappeler au Gouvernement l'attente depuis plus de cinquante ans de quelque 12 000 employés communaux, qui réclament un statut et des garanties. C'est maintenant qu'il faut mettre en oeuvre une politique globale anticipant sur plusieurs décennies, avec la loi d'orientation annoncée par le Gouvernement, les documents de programmation en cours d'élaboration, le rapport d'initiative du Parlement européen. Ce sont autant de portes qui s'ouvrent pour le développement et il faut agir avant qu'elles ne se referment complètement. La voie est étroite, mais le compromis historique trouvé pour la Nouvelle-Calédonie nous indique qu'il y a toujours une solution quand il y a une volonté et quand prime l'esprit de responsabilité. Notre vote positif sur ce projet de budget prend le sens d'un pari sur un tel avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il faudrait singulièrement manquer d'objectivité pour ne pas reconnaître l'attention particulière accordée, cette année, par le Gouvernement à la situation des départements d'outre-mer.
Cette attention peut se mesurer déjà à l'effort consenti pour le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, que nous examinons aujourd'hui. Celui-ci accuse, en effet, une progression de 7 %, progression tout à fait remarquable si l'on tient compte du fait qu'elle s'effectue à structure constante et, qui plus est, dans le cadre d'un budget global qui n'augmente, lui, que de 2,3 %.
L'effort porte d'ailleurs plus spécialement sur les départements d'outre-mer. Les crédits les concernant sont en effet en progression de 10 %.
Mais l'attention du Gouvernement pour les départements d'outre-mer se manifeste également par l'évolution de différentes dotations budgétaires dépendant d'autres départements ministériels.
Ainsi, dans l'ensemble, les interventions de l'Etat en direction des quatre départements d'outre-mer et des deux collectivités territoriales s'élèvent à 40,4 milliards de francs, ce qui représente une progression de 3,60 % d'une année à l'autre.
Il y a là un effort tout à fait inhabituel que l'on ne peut pas ne pas saluer et qui est très largement le fruit de la force de conviction que vous mettez, monsieur le secrétaire d'Etat, à défendre les dossiers de l'outre-mer.
Cependant, pour important qu'il soit, cet effort n'aurait à vrai dire que peu d'écho chez nous si, parallèlement, le Gouvernement n'avait clairement affiché sa volonté d'ouvrir rapidement deux chantiers qui seuls peuvent permettre de dégager de nouvelles perspectives d'avenir dans les départements d'outre-mer.
Ces deux chantiers, pour être menés à bien, doivent être menés de concert. Il s'agit, d'abord, d'un projet global de développement qui va prendre, c'est la voie que vous avez choisie, monsieur le secrétaire d'Etat, la forme d'une loi d'orientation, et, ensuite, d'une évolution institutionnelle, au besoin différencié selon les départements, qui, dans une première étape, fera l'objet d'une mission parlementaire.
En effet, l'échec de toutes les politiques menées jusqu'ici ne s'explique pas autrement que par l'obstination dont on a constamment fait preuve à vouloir traiter un mal-développement structurel par des mesures conjoncturelles, il ne s'explique pas autrement que par le parti qui a été pris, chaque fois, de ne s'attaquer qu'aux symptômes du mal, ou seulement à certaines causes, en refusant toujours a priori de prendre en compte celles qui relèvent de l'ordre institutionnel.
Votre mérite, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est d'avoir très vite compris qu'il n'était plus possible de continuer dans cette voie. Les mesures les plus intéressantes qui ont pu être conçues et appliquées - on en trouve aussi bien dans la loi de défiscalisation que dans le loi du 25 juillet 1994 - ne pourront jamais donner les résultats escomptés si elles ne sont pas repensées à l'intérieur d'un plan global et cohérent, prenant en compte notre réalité dans toute sa complexité, et mises en oeuvre dans le cadre d'une stratégie de développement efficace s'inscrivant dans la durée.
Il suffit d'ailleurs, pour s'en convaincre, d'observer dans nos quatre départements l'inexorable dégradation de la situation.
Pour s'en tenir à celle de la Martinique, que constate-t-on ? On observe d'abord que, dans leur très grande majorité, les acteurs économiques font preuve d'un assez remarquable dynamisme et qu'ils s'efforcent d'utiliser au mieux toutes les mesures d'incitations économiques qui leur sont proposées. S'il en résulte un taux appréciable de créations d'entreprises, malgré tout la situation continue de se dégrader.
Les dernières statistiques de l'Institution d'émission des départements d'outre-mer, publiées en novembre, montrent que le nombre de demandeurs d'emplois a augmenté en un an de 8,3 %, le taux de chômage officiel dépassant donc désormais 28 %.
Le nombre de RMIstes a progressé en un an de 7,3 %. Le nombre des interdits bancaires est également en nette progression, puisqu'il est d'environ 10 % pour les personnes physiques et d'environ 20 % pour les personnes morales.
Je n'en dis pas plus. Il est évident que les choses ne peuvent plus continuer ainsi, il est évident aussi qu'il est urgent de changer de politique.
C'est dire, monsieur le secrétaire d'Etat, les espoirs qui sont mis dans les initiatives que vous avez prises en accord avec le Premier ministre et combien, par conséquent, il apparaît indispensable que se mobilisent et s'impliquent tous les acteurs concernés - politiques, économiques et sociaux - pour donner à ces initiatives toutes les chances d'aboutir aux meilleurs résultats possibles.
Pour cela, il faudra notamment que, dans chacun de nos départements, l'on s'attache à bien mettre en évidence tout ce qui constitue un frein aux politiques de développement, qu'elles soient d'impulsion gouvernementale ou d'impulsion locale, tout ce qui mérite donc, à ce titre, d'être réformé et repensé.
Cela devra évidemment nous amener à procéder à une évaluation précise des problèmes posés, dans chacun des quatre départements d'outre-mer, par l'enchevêtrement des compétences des collectivités régionales et départementales qui y coexistent sur un même territoire.
Beaucoup d'élus, de tous bords politiques, y voient un facteur préjudiciable à tout développement. C'est notamment l'avis émis par le conseil général de la Martinique en mars 1997.
Les opinions sont très partagées sur les solutions à apporter, ce qui, à mon sens, constitue une raison de plus de procéder à une évaluation très sérieuse.
Mais, toujours dans la même optique, bien d'autres sujets me paraissent devoir retenir toute notre attention. Je n'en évoquerai que deux : le mode de gestion des programmes européens et les problèmes posés par la coopération régionale.
S'agissant du mode de gestion des programmes européens, une question mérite sérieusement d'être posée : les régions d'objectif numéro 1 que constituent les départements d'outre-mer retirent-elles tout le bénéfice qu'elles seraient en droit d'attendre de ces programmes ?
N'est-on pas arrivé à un point où l'attention portée aux procédures, notamment aux procédures dites « franco-françaises », l'emporte par trop sur le souci des objectifs à atteindre ?
Une évaluation sérieuse du fonctionnement du système extrêmement contraignant dans lequel les élus et les acteurs économiques sont obligés d'évoluer apparaît tout à fait indispensable. Des réformes de ce système s'imposent si l'on veut que les fonds européens jouent pleinement leur rôle de levier de développement.
Je suis, pour ma part, frappé par l'expérience que nous venons de vivre en Martinique. Il y a un an, nous en étions à un taux d'engagement d'opération de seulement 30 %. Il a suffi d'alléger certaines procédures et de modifier certaines pratiques administratives pour atteindre un taux d'engagement d'opération de près de 70 %.
Il y a bien là, vous en conviendrez, matière à réflexion !
En ce qui concerne la coopération régionale, les attentes sont, on le sait, très grandes, tant chez nous que chez nos voisins. Les possibilités qui s'offrent pour l'avenir sont, on s'en rend d'ailleurs de mieux en mieux compte, particulièrement intéressantes, notamment en matière de transferts de technologie et de savoir-faire et en matière de prestations de services dans certains secteurs d'activité. C'est en tout cas ce que je constate dans la zone Caraïbe.
Mais la mise en oeuvre de véritables politiques de coopération se heurte jusqu'ici, nous le savons, à des obstacles qu'il est nécessaire de lever.
Certains tiennent au fait que la décentralisation n'a pas conféré aux élus locaux des compétences de nature à leur permettre de développper des liens réels de coopération avec des Etats. Or, c'est le plus souvent à ce type de situation que les élus des départements d'outre-mer sont confrontés.
Cela implique qu'il est nécessaire d'envisager des transferts de compétences adaptés, des compétences nouvelles donc, qui devraient permettre, entre autres, aux exécutifs des départements d'outre-mer de siéger dans certains organismes internationaux regroupant des pays de leurs zones géographiques et d'être associés à certaines négociations internationales qui les concernent directement. Je pense évidemment aux négociations de Lomé V.
D'autres obstacles tiennent aux difficultés auxquelles les ressortissants des pays de la Caraïbe ont à faire face pour se rendre en Martinique ou en Guadeloupe.
A ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois qu'il est indispensable que, sans plus attendre, soient prises des mesures d'assouplissement en matière de visa, au moins pour certaines catégories de ressortissants de pays voisins : les hommes d'affaires, les universitaires, les artistes, les sportifs ou les élus.
Beaucoup d'autres sujets que je n'ai pas le temps d'aborder méritent également de faire l'objet d'un examen approfondi afin d'identifier d'éventuels facteurs de frein au développement. C'est notamment le cas dans les domaines de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du logement, de l'éducation, de l'environnement, du transport, notamment, mais aussi de la fiscalité et des marchés publics.
L'objectif est toujours, chaque fois, de rechercher les solutions - notamment en termes d'adaptation de textes législatifs - qui sont susceptibles de permettre de supprimer tout ce qui fait obstacle au développement.
Mais là ne devra pas s'arrêter l'implication des élus et des acteurs économiques et sociaux de nos départements. Il leur faudra également apporter une contribution active à l'élaboration des mesures de soutien et d'incitation au développement économique que comprendra la future loi d'orientation.
Ce sera également l'occasion, je l'espère, de redéfinir les contours d'un dispositif de défiscalisation reposant sur des bases vraiment objectives. Ce dispositif devra être conçu de façon à s'adapter au mieux aux problèmes et aux besoins de chaque secteur économique concerné, mais aussi de façon à répondre au mieux à ce qui est sa finalité : la création d'emplois durables.
Ce sera également l'occasion d'imaginer les meilleurs moyens de mobiliser l'épargne locale, de concevoir les instruments les plus appropriés pour aider les créateurs d'entreprises, notamment les jeunes créateurs d'entreprises qui n'ont souvent, au départ, que leurs compétences comme seul capital, d'élaborer de nouveaux systèmes de soutien aux entreprises artisanales.
Mais ce sera aussi, dans le même temps, l'occasion, J'en suis sûr, de contrer le courant cartiériste qui se développe en ce moment en France, en faisant bien ressortir les atouts des départements d'outre-mer et la capacité de leurs peuples à construire leur avenir.
Vous me pardonnerez, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir ainsi largement dépassé le cadre traditionnel d'une discussions budgétaire.
Mais, à vrai dire, je n'avais pas beaucoup d'observations à faire sur le budget que vous nous présentez et dont je vous ai dit d'emblée qu'il est un très bon budget.
Les seuls reproches que je pourrais faire sont des reproches que je suis obligé de formuler depuis plusieurs années déjà, à chaque examen du budget de l'outre-mer.
Ils concernent, d'une part, la disparition du FIDOM décentralisé : il est en effet regrettable qu'au moment où vous annoncez de nouvelles avancées en matière de décentralisation vous ne rétablissiez pas un tel instrument d'intervention à la disposition des collectivités locales.
Ils concernent, d'autre part, la nouvelle baisse, certes légère, des crédits destinés à l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT. Je suis effectivement convaincu, compte tenu du nombre malheureusement sans cesse croissant de nos compatriotes qui vivent des situations de plus ou moins grande précarité, que, tôt ou tard, on finira par redonner à l'ANT toute la vocation sociale qui était la sienne à l'origine.
En réalité, si j'ai débordé aussi largement du cadre de la discussion budgétaire, c'est que j'ai tenu à faire écho à votre déclaration du 23 octobre à l'Assemblée nationale.
Celle-ci ouvre incontestablement des perspectives intéressantes, même si, sur le plan institutionnel, vous avez choisi de n'avancer que d'un pas très prudent.
Mais, après tout, qui pourrait sérieusement vous reprocher cette prudence quand, sur le sujet, on entend chez nous tant de discours différents, tant de discours divergents et, malheureusement surtout, tant de discours ambigus ?
Pour ma part, je constate que vous nous proposez de sortir de l'immobilité actuelle, une immobilité à vrai dire bien commode pour ceux qui préfèrent la déploration à l'action.
Je constate que vous nous proposez une avancée concrète, en fixant une méthode et une échéance.
Qui plus est, dans la démarche que vous adoptez, pour la première fois se trouvent liées réflexion institutionnelle et réflexion sur le développement économique, ce qui constitue, selon moi, la façon la plus pertinente d'avancer dans l'une et l'autre réflexion.
Je ne vois pas de raison de marquer le pas et, laissant à d'autres le plaisir de goûter aux délices d'un débat théorique sur les mérites comparés de l'article 73 et de l'article 72 de la Constitution, je préfère m'inscrire résolument dans la dynamique qui s'amorce.
Cette dynamique nous conduira-t-elle à une avancée significative, suffisante en tout cas pour faire renaître l'espoir chez nous ? Je ne le sais. Ce dont je suis sûr, en tout cas, c'est que cela dépendra pour une bonne part de la mobilisation de chacun.
C'est à cette mobilisation que je veux donc appeler tous mes compatriotes d'outre-mer ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole et à M. Henry.
M. Marcel Henry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 1999 augmente notablement par rapport à l'année dernière, en vue, notamment, de concrétiser les priorités affichées par le Gouvernement en matière de soutien à la croissance, à l'emploi et à la solidarité.
Cependant, pour la collectivité territoriale de Mayotte, les dispositions budgétaires envisagées consistent essentiellement en une reconduction des crédits de fonctionnement de 1998 et en une évolution contrastée des moyens d'investissement, alors que les Mahorais s'apprêtent à se prononcer sur l'avenir institutionnel de l'île dans la République.
La hausse sensible des moyens financiers affectés aux domaines déclarés prioritaires ne concerne pas les dispositifs spécifiques applicables à Mayotte.
En effet, la collectivité territoriale de Mayotte n'est pas éligible au Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, ni à la créance de proratisation du revenu minimum d'insertion, qui sont, tous les deux, fortement abondés.
Les mesures particulières de lutte pour l'emploi dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte, notamment le fonds de chantiers de développement local et les contrats emploi-solidarité, sont soumises à la reconduction des moyens financiers déployés l'année précédente.
Compte tenu de la forte évolution démographique dans l'île et du taux de chômage qui atteint, sur la base des résultats du recensement officiel de 1997, 41 % de la population active, selon l'INSEE, il convient, à mon sens, d'appliquer à Mayotte, comme c'est le cas pour Saint-Pierre-et-Miquelon, des règles d'attribution des dotations du FEDOM et du RMI après adaptation aux réalités socio-économiques locales.
En matière de formation, les crédits destinés au financement des bourses aux étudiants mahorais et des mesures d'insertion dans l'île sont également maintenus à leur montant de l'année dernière. De plus, la baisse du budget de l'ANT se poursuit encore, bien que cet organisme soit désormais amené à prendre en charge non seulement les ressortissants des départements d'outre-mer mais aussi ceux de Mayotte et des territoires d'outre-mer.
Pour le reste, la subvention allouée sur le chapitre 41-91 à Mayotte pour la mise en oeuvre de sa convention de développement économique et social est réduite de moitié, alors que la situation sociale, aggravée par les effets de l'immigration clandestine, ne permet plus de faire face à la montée en puissance des dépenses d'aide sociale ou encore aux besoins de financement dans le domaine sanitaire, puisque le fonds de concours « santé » est amputé depuis deux ans de 12,5 millions de francs réaffectés au budget de l'établissement public hospitalier de Mamoudzou.
La section d'investissement du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer connaît une évolution contrastée pour Mayotte.
La priorité accordée pour le logement social se traduit, certes, pour l'ensemble de l'outre-mer, par un accroissement de 58 % des crédits de paiement de la ligne budgétaire unique et par un doublement des moyens financiers consacrés à la résorption de l'habitat insalubre.
Néanmoins, l'évolution de la ligne budgétaire unique tend surtout à rattraper les paiements tardifs pour les années précédentes. De ce fait, la disposition que nous attendons toujours à Mayotte concerne l'extension à notre collectivité territoriale du fonds régional d'aménagement foncier et urbain, pour permettre de réaliser la viabilisation des terrains destinés à la construction des logements sociaux.
Les engagements contractuels de l'Etat au travers de la convention de développement du 5 avril 1995 et du contrat de plan seront, sur le plan financier, manifestement respectés. Cependant, il faut souligner à cet égard que les dépenses de fonctionnement induites par les investissements réalisés dépassent largement les prévisions budgétaires contractualisées. A titre d'exemple, les dotations en personnels des établissements scolaires du second degré sont nettement inférieures aux normes en vigueur dans ce secteur.
La baisse des crédits du fonds d'investissement des départements d'outre-mer, consacrés principalement au financement du contrat de plan, aboutit à l'extinction, cette année, de la section décentralisée de ce fonds. Ainsi, la disparition des marges de manoeuvre pour ajuster la programmation du contrat de plan aux besoins locaux va nécessairement priver les autorités locales des moyens de mener à bien, par exemple, toutes les actions requises pour l'indispensable refonte de l'état civil à Mayotte.
Pour l'avenir, ma très vive inquiétude réside surtout dans l'intention prêtée au Gouvernement de substituer à ces deux instruments de développement un seul document contractuel. Ce serait là nous imposer une inacceptable régression puisque le contrat de plan constitue un dispositif de droit commun et la convention de développement économique et social représente pour Mayotte une mesure complémentaire spécifiquement destinée au rattrapage de nos retards et handicaps structurels. En tout état de cause, à l'heure où ces deux documents contractuels arrivent à terme, les Mahorais ne comprendraient pas que l'Etat ne favorise pas le progrès de l'île en prolongeant ces deux instruments du développement de Mayotte.
Il reste que, au-delà des moyens financiers du développement, la principale préoccupation des Mahorais porte sur l'avenir institutionnel de l'île, problème posé à Mayotte depuis quarante années et auquel les plus hautes autorités de l'Etat ont promis de répondre depuis vingt-deux ans.
Sur cette question essentielle, je voudrais vous proposer, monsieur le secrétaire d'Etat, quatre observations.
La première sera pour vous exprimer notre gratitude, à vous et à l'ensemble du Gouvernement, ainsi qu'au Président de la république, puisque celui-ci et le Premier ministre ont eu l'occasion de confirmer que la population de Mayotte serait effectivement consultée sur le statut de l'île en 1999. Cet engagement avait été pris dans la loi du 24 décembre 1976, mais n'avait jamais été tenu. Les Mahorais se réjouissent donc de la possibilité qui va leur être donnée de réaffirmer leur attachement à la France et à un statut stable et clair.
Ma deuxième observation sera pour vous faire part - mais vous n'en doutiez pas - de notre volonté de concertation. Les élus mahorais ont largement participé aux travaux des deux commissions, l'une locale, l'autre nationale, qui ont éclairé le débat statutaire. Vous avez décidé de nous envoyer, dans les prochains jours, une mission que vous avez vraisemblablement chargé d'étudier les modalités de la consultation.
Les membres de la mission doivent être assurés, par avance, de la parfaite collaboration que les élus leur apporteront dans le respect des engagements pris devant la population. Nous exposerons les problèmes spécifiques d'organisation de cette consultation et nous ne manquerons pas, par exemple, de rappeler qu'un vote aussi décisif doit être garanti par une application stricte de la règle du visa préalable à l'entrée à Mayotte.
Ultérieurement, vous nous avez indiqué que vous souhaitiez une vaste concertation politique locale, qui pourrait déboucher sur un texte de consensus en amont des travaux du Parlement, texte élaboré en quelque sorte sur le modèle calédonien. S'agissant de ce modèle, je vous dirai franchement « oui » s'il s'agit de la méthode, mais je vous dirai clairement « non » s'il s'agit de l'évolution institutionnelle.
En troisième observation, je tiens en effet à vous rappeler que, de façon constante et largement majoritaire, les Mahorais ont toujours demandé qu'on leur donne le statut de département d'outre-mer comme une garantie de leurs libertés individuelles et collectives, de la stabilité institutionnelle de leur île et de la dynamisation de leur développement. La position de notre population n'a jamais varié et elle s'exprimera, n'en doutez pas, de façon parfaitement claire, à condition que la question qui nous sera posée soit, elle aussi, la plus claire possible.
Pour des raisons diplomatiques ou pour des motifs de politique intérieure, je sais qu'il peut être tentant de « tourner autour du pot », de poser une ou plusieurs questions alambiquées, d'inventer un nouveau statut provisoire ou marqué par l'instabilité, de définir une catégorie hybride départementale, mais qui n'oserait dire son nom de département. Je pense que le Gouvernement devra résister à cette tentation. Il peut mettre fin à cette espèce de sursis avec mise à l'épreuve que l'on impose aux Mahorais pour leur donner le statut qu'ils attendent.
Libre à vous de poser d'autres questions, d'envisager d'autres hypothèses statutaires. Mais je vous demande de poser clairement, parmi toutes ces autres questions, celle du statut de département d'outre-mer. Il vous sera répondu franchement, nettement et massivement.
J'en viens à ma dernière observation.
Pour autant, nous n'ignorons pas que nous ne sommes plus en 1946 ni à l'époque du grand mouvement de décolonisation. Nous vivons le temps de la décentralisation et de son approfondissement. C'est pourquoi le Gouvernement réfléchit, à juste titre, à des adaptations législatives et même à des évolutions institutionnelles qui permettront, dans chaque catégorie de collectivités locales, de rendre compte des spécificités géographiques et historiques, de singularités culturelles, des atouts et des handicaps dans le champ du développement.
Je crois que cette réflexion est féconde, et nous y participerons en précisant que l'aspiration mahoraise au statut de département d'outre-mer n'est en rien la demande d'uniformisation ou d'assimilation intégrale. Mayotte n'est ni la Corrèze ni la Saône-et-Loire. Elle n'est pas non plus la Réunion, qui, elle-même, n'est pas la Guyane.
Nous attendons que la départementalisation de Mayotte s'accompagne de toutes les adaptations permises par l'article 73 de la Constitution et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour rendre compte, d'une part, des retards de développement que Mayotte a subis depuis trop longtemps et, d'autre part, des particularismes sociaux et culturels dont elle entend enrichir la communauté nationale dans la République. Nous voulons montrer, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le cadre départemental, qu'il y a une manière mahoraise d'être Français, et nous espérons que vous nous permettrez de le prouver.
C'est sous le bénéfice de ces observations et sous l'éclairage de vos réponses que je me prononcerai tout à l'heure sur votre projet de budget pour 1999. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous savez qu'il est une idée à laquelle je suis particulièrement attaché : celle du rapprochement des communautés d'outre-mer. La distance qui les sépare de la France métropolitaine les conduit bien souvent à éprouver quelque solitude.
Pourtant, j'ai le sentiment que des progrès sont perceptibles. Sensibilisés notamment par les actions menées en faveur de la Nouvelle-Calédonie, nos compatriotes de métropole - qui sont nombreux dans cet hémicycle - nous semblent en effet de plus en plus ouverts aux préoccupations de leurs lointains cousins.
Je forme donc le voeu que le développement de cette connaissance mutuelle ne cesse de croître afin que les milliers de kilomètres qui séparent ces Français ne soient plus interprétés comme symbole d'extranéité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il nous faut repenser l'outre-mer pour demain.
Je ne dirai pas que ce projet de budget est dénué d'intérêt, bien au contraire ; il s'agit simplement de rappeler que les crédits alloués dans le cadre de la loi de finances ne sont que le reflet des choix politiques et stratégiques qu'il appartient au Parlement de contrôler.
La seule interrogation que je souhaite formuler en matière budgétaire stricto sensu concerne la réaffectation des sommes allouées l'année passée sur le FIDOM afin de régler la dette des agriculteurs guyanais.
Vous avez indiqué que, pour 1999, ces crédits seraient notamment dévolus à la reconstruction de classes dans le département. Or, le projet de loi de finances ne fait pas mention de cette ligne budgétaire, sauf si elle est comprise sous l'intitulé : « Infrastructures de Guyane ».
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous m'indiquiez s'il en est ainsi et que vous m'apportiez plus de précisions sur la signification exacte de la ligne que je viens d'évoquer.
Par ailleurs, la différence entre cette somme et celle qui est attribuée pour 1998 à la Société financière pour le développement économique de la Guyane ne pourrait-elle pas alimenter un fonds d'investissement pour la Guyane, à l'instar de celui qui a été créé en Polynésie ?
Nous savons en effet que plusieurs communes de Guyane ne sont pas, ou très peu, dotées d'une fiscalité propre.
L'Etat, par le biais d'un projet de loi déposé sur le bureau de notre assemblée, rendra prochainement disponibles 52 millions de francs pour les communes polynésiennes. Ne serait-il pas dès lors opportun que des mesures analogues soient proposées pour la Guyane ?
Il s'agissait du fonds d'investissement polynésien. Parlons donc du fonds d'investissement guyanais !
Je quitterai maintenant, si vous le permettez, le terrain purement comptable pour envisager à présent les perspectives d'avenir offertes aux territoires et départements d'outre-mer.
Ainsi que l'a souligné notre collègue José Balarello, dans l'excellent rapport qu'il a présenté pour avis au nom de notre commission des lois, des efforts sont encore nécessaires pour améliorer l'exercice des missions régaliennes de l'Etat.
Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que les difficultés liées à l'immigration clandestine en Guyane n'ont pas disparu, malgré les quelques aménagements spécifiques de la loi sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers.
Convenez avec moi que seule l'adoption d'une législation propre à la Guyane permettrait de remédier à une situation qui n'est en aucun cas comparable à celle que vous connaissez en France métropolitaine avec l'affaire des sans-papiers.
En matière judiciaire, l'accroissement considérable du volume des affaires ne permet plus aux juridictions saisies de remplir correctement leurs missions.
J'aborderai ce point plus en détail lundi prochain, en m'adressant à Mme le garde des sceaux, mais qu'il me soit d'ores et déjà permis de signaler au Gouvernement que le statut de la cour d'appel ne correspond plus aujourd'hui à la réalité judiciaire de la Guyane.
L'adoption, en 1990, de la proposition de loi dont je fus l'auteur avait permis le détachement à Cayenne d'une chambre de la cour d'appel de Fort-de-France. Cet aménagement temporaire n'est malheureusement plus satisfaisant.
Dans un tout autre domaine, je partage certaines des interrogations que soulève la commission des lois concernant la surrémunération des fonctionnaires.
Je comprends que l'on puisse trouver étrange le fait que le traitement des personnels outre-mer soit supérieur à celui qui est versé en métropole, mais je rappelle que cette différence trouve notamment son origine dans le fait que le coût de la vie dans ces régions y est lui aussi supérieur.
Je ne suis pas opposé à ce que des correctifs soient apportés à ce régime dans la mesure où ils seraient nécessaires, mais je souhaite que l'on s'interroge d'abord sur le caractère opportun ou non des primes accordées aux fonctionnaires qui quittent la métropole pour exercer leurs fonctions outre-mer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de conclure avec la réforme des institutions, j'aborderai brièvement quelques points sur lesquels je souhaite connaître la position du Gouvernement.
En matière de santé, le nombre de cas de paludisme est toujours aussi préoccupant. Quel est l'état de la coordination gouvernementale en matière de lutte contre ce fléau ? A ce jour, les médicaments ne sont toujours pas remboursés.
En décembre 1997, une mission de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, s'est rendue en Guyane afin de procéder à un audit sur la situation des centres de santé. Les conclusions sont connues.
Le 6 juin 1998, à la préfecture de la Guyane, vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'Etat, l'accord sur le principe de la reprise en main des centres de médecine préventive en 1999.
Nous apprenons qu'une mission d'évaluation, composée d'un directeur des hôpitaux et d'un médecin, se rendra en Guyane afin d'évaluer le coût de ce transfert. Pourquoi cette mission, alors que le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation réunit toutes les conditions pour remplir celle-ci ?
Enfin, qu'en est-il du transfert des centres de transfusion sanguine de Guadeloupe vers la Martinique et de la Guyane vers la Martinique ?
En matière de défiscalisation, la disposition adoptée par l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 consistant à ne plus appliquer l'abattement aux résultats acquis pendant la durée normale d'utilisation des investissements outre-mer qui ont donné lieu à cette déduction, est une réduction très sensible quant à l'avantage qu'elle pourrait produire et pose une incertitude quant à son interprétation administrative. Elle pénalise exclusivement l'exploitant outre-mer.
Cette disposition est anti-économique et injuste, car elle condamnerait les sociétés à conserver trop longtemps des investissements obsolètes ou à assumer seules une réintégration fiscale largement plus coûteuse que l'avantage initial effectivement perçu.
De plus, en cas d'investissement direct, un exploitant outre-mer serait obligé de tenir une comptabilité analytique précise, séparée de l'ensemble de ses coûts et profits afférents à l'investissement, ce qui représente un caractère irréaliste.
En matière audiovisuelle, le Gouvernement entend-il donner à RFO les moyens d'assurer réellement ses missions de service public ? L'existence même de RFO-Sat ne devrait-elle pas être repensée ?
Pour ce qui concerne l'enseignement, les établissements scolaires ne parviennent plus à satisfaire les demandes croissantes d'inscription. Quels remèdes peut-on apporter à cette situation ?
Des moyens supplémentaires seront-ils accordés à l'université Antilles-Guyane ainsi que sa situation l'exige ?
Enfin, peut-on espérer la naissance d'une université autonome en Guyane après la réforme engagée par M. Bayrou ?
J'en viens enfin à la nécessaire révision des institutions de la Guyane, ainsi que le permet le titre XII de notre Constitution.
Nous savons que le Gouvernement, comme le Président de la République, est favorable à des évolutions statutaires.
Je considère indispensable, pour ma part, de repenser la répartition des échelons locaux au sein du territoire de la Guyane, et je m'en explique.
Mes chers collègues, bien que leurs pouvoirs diffèrent, il ne vous aura pas échappé que les intérêts d'un département peuvent être très divergents, voire opposés à ceux de la région à laquelle le département appartient. Ces différences ou ces oppositions sont positives dans la mesure où elles nourrissent le débat démocratique, les collectivtés jouant entre elles un rôle de contre-pouvoir.
En Guyane, cette possibilité nous est interdite dans la mesure où région et département comprennent la même étendue géographique.
Il y donc lieu de réorganiser l'administration d'Etat et l'administration territoriale en Guyane.
Cette démarche prend la forme d'un réel pacte de développement que pourrait concrétiser une loi de programme sur laquelle je reviendrai par la suite.
Il s'agit d'assainir une économie aujourd'hui artificielle, car assistée et trop lourdement administrée.
Cette planification devra intervenir sur trois horizons : à court terme, à moyen terme et à long terme.
Des transferts de compétence devront être opérés au profit de la nouvelle collectivité de Guyane en matière de développement économique, d'éducation, d'action culturelle, sanitaire et sociale, d'aménagement du territoire. Ils devront également assurer à la Guyane une autonomie politique et administrative territoriale.
Enfin, un partage des compétences avec l'Etat pourrait s'opérer dans le cadre de l'adaptation du droit coutumier, car les populations autochtones ont aussi droit à la parole, dans le cadre de la sécurité civile, de l'enseignement, de la réglementation et du contrôle de l'immigration.
De nouvelles institutions, telles que l'assemblée de Guyane et les conseils de province, seraient amenées à remplacer le conseil régional et le conseil général.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé pour l'automne 1999 la présentation d'une loi d'orientation qui ressemblerait à la loi-cadre de la IVe République. Je voudrais d'ores et déjà attirer votre attention sur ce point : il ne devra pas s'agir pour le Parlement de valider a posteriori des ordonnances gouvernementales ; au contraire, il s'agira d'associer l'ensemble des élus à la préparation d'une loi de programme consécutive au projet que vous défendrez.
Enfin, j'en terminerai avec l'interprétation des articles du traité d'Amsterdam.
En vertu de l'article 292-2, le traité est applicable aux départements d'outre-mer, ainsi qu'à Madère, aux Açores et aux îles Canaries.
En revanche, selon l'article 292-3, l'application du traité aux collectivités et territoires d'outre-mer n'interviendrait que sous la forme d'une association.
Pourquoi ces derniers ne connaîtraient-ils pas un statut européen analogue à celui de Madère, des Açores ou des Canaries ?
Doit-on considérer que ce texte, avant même son entrée en vigueur, ne fige la situation existante sans autoriser une quelconque possibilité d'évolution ?
Doit-on comprendre que, si la Guyane se dote un jour d'un statut lui permettant d'assurer un développement économique réel et durable, la nouvelle collectivité quittera le champ d'application du traité d'Amsterdam ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez abordé cette question devant l'Assemblée nationale. Je souhaiterais que vous puissiez préciser plus encore la position du Gouvernement sur ce point.
La Guyane attend beaucoup des réponses que vous nous ferez dans quelques instants.
Pour vous manifester la confiance que je place dans l'action que votre gouvernement et vous, monsieur le secrétaire d'Etat, menez en faveur de l'outre-mer et, si une réduction des crédits n'est pas votée, j'émettrai un vote positif sur le budget que vous nous proposez.
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous allons examiner les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, et nous constaterons qu'ils ont globalement augmenté de 7 %, mais que les crédits qui concernent les territoires d'outre-mer, eux, ont diminué de 4,8 %.
En réalité, le débat sur les moyens que consacre la nation à l'outre-mer nous aura, mes chers collègues, largement échappé. En effet, vous le savez, les crédits du secrétariat d'Etat ne représentent que 11 % du total des crédits destinée à l'outre-mer. Nous n'avons donc, malgré les efforts des rapporteurs, qu'une idée approximative de la contribution qu'apporte l'Etat au développement de l'outre-mer.
Ne serait-il pas préférable de clarifier l'action du Gouvernement et soit, comme je l'ai souhaité depuis longtemps, de donner au ministre de l'outre-mer la gestion de l'ensemble des moyens destinés à l'outre-mer, soit de limiter strictement son rôle à la coordination des autres ministères ? Mais alors, il faudrait présenter la totalité des budgets de ces derniers affectés à l'outre-mer au moment de la loi de finances. Sans cette transparence, comment les populations de nos départements et territoires pourraient-elles connaître l'effort consenti à leur intention par la France ?
J'ajoute que l'action de l'Etat depuis le vote de la loi de défiscalisation des investissements outre-mer ne se borne pas à des interventions budgétaires. Le développement de nos départements et territoires passe en effet par celui de leurs ressources économiques : sans activités privées, sans entreprises productives, nous pourrions déverser des milliards de francs chaque année sans autre résultat que d'accroître la dépense au titre de l'outre-mer.
La Polynésie refuse la voie de la facilité. Dès 1991, nous avons décidé de développer nos ressources propres, et nous avons évidemment accentué cette orientation avec la suspension en 1992, puis l'arrêt en 1996 des essais nucléaires.
En concertation avec l'Etat, au travers de tous les changements de majorité qu'a connus la France et avec toujours le bienveillant soutien de Jacques Chirac, nous avons mis au point un pacte de progrès, puis un programme stratégique de développement visant à accroître notre autonomie économique.
Sur une période de dix ans, l'aide de l'Etat viendra compenser la disparition du Centre d'expérimentation nucléaire. Elle est nécessaire, elle est également justifiée, car, ne l'oublions pas, c'est grâce aux trente années d'expérimentation nucléaire en Polynésie que la France a pu se doter d'une force de dissuasion.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Gaston Flosse. Notre programme de développement est un succès et je suis heureux, mes chers collègues, de pouvoir vous dire que nous avons redressé le budget polynésien, qui était gravement compromis au moment où j'ai reconquis la majorité à l'assemblée de Polynésie française, en 1991.
Mieux encore, notre économie va bien, les Polynésiens travaillent et réussissent. Cette réussite n'allait pas de soi après plus d'un quart de siècle où le seul moteur de l'économie était la dépense publique, mais, en quelques années, notre conversion s'est faite.
Nous avons eu besoin, pour maîtriser notre développement, de créer une véritable autonomie politique. Cette autonomie est née en 1984, grâce à l'appui et à la compréhension du ministre de l'outre-mer de l'époque, M. Georges Lemoine, à qui je veux rendre hommage.
Elle s'est confortée de manière progressive jusqu'à la réforme de 1996. Vous avez eu à en connaître, mes chers collègues, et je remercie M. Lanier, le rapporteur du texte à l'époque, de l'avoir si efficacement présentée.
Cependant, la réforme de 1996 était restée dans les limites de la Constitution. Nous avions pourtant demandé que celle-ci soit modifiée afin que le statut d'autonomie y soit inscrit.
Ce qui n'était pas possible à l'époque l'est devenu après les accords de Nouméa. Aussi ne vous étonnerez-vous pas, mes chers collègues, que nous ayions demandé de nouveau une loi constitutionnelle pour la Polynésie. Mais, à la différence de la Nouvelle-Calédonie, qui permet une éventuelle évolution vers l'indépendance,...
M. Simon Loueckhote. Vous n'avez pas besoin de dire cela !
M. Gaston Flosse. ... nous voyons dans l'autonomie la forme définitive de notre organisation institutionnelle. Les Polynésiens l'ont exprimé clairement lors de chaque consultation électorale : nous sommes français et nous entendons le rester.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saisirez rapidement le Parlement de ce projet de texte. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Bien que nous n'ayions pas les mêmes convictions politiques, nous avons eu, vous, membre du Gouvernement de la République, et moi, président du gouvernement de la Polynésie française, des rapports constructifs. Je tiens à vous en rendre hommage.
Nous devons maintenir cette relation de travail qui ne peut être que bénéfique pour la République et pour la Polynésie française.
J'espère en particulier que vous pourrez, aujourd'hui, répondre à quelques inquiétudes que m'inspirent et la loi de finances et l'action de certaines administrations.
Tout d'abord, votre budget ne prévoit pas la reconduction de crédits alloués par l'Etat aux communes de Polynésie au titre de la loi d'orientation de 1994, qui ne les prévoyait de manière explicite que jusqu'en 1998. Vous avez préparé un texte propre aux communes qui prévoit de poursuivre ces versements, mais il ne sera inscrit à l'ordre du jour du Parlement que dans le courant de l'année 1999.
Compte tenu des besoins de financement des communes, n'aurait-il pas fallu inscrire toute de même ces crédits, d'un montant de 52 millions de francs, au titre du présent projet de loi de finances ? Sinon, comment allez-vous procéder ?
Il faut savoir, mes chers collègues, que l'essentiel des ressources des communes polynésiennes vient d'un prélèvement sur le budget de mon territoire : les contribuables polynésiens concourent au fonds intercommunal de péréquation pour un montant de près de 540 millions de francs, soit dix fois plus que l'apport de l'Etat à ce même fonds. Et pourtant les communes sont des collectivités de l'Etat. Ce dernier devrait donc mieux assurer ses responsabilités financières à leur égard.
Ensuite, l'article 70 du projet de loi de finances instaure une présomption de revenu de capitaux mobiliers pour les personnes physiques résidentes de métropole disposant d'actifs hors de France soumis à un « régime fiscal privilégié ». Je voudrais que vous me confirmiez que ce « régime fiscal privilégié » ne concerne pas les dispositifs d'incitation fiscale aux investissements qui peuvent exister dans les territoires d'outre-mer.
Enfin, je souhaiterais que vous nous rassuriez sur l'application de la loi Pons. C'est une préoccupation constante de la part de tous les parlementaires de l'outre-mer, et plus particulièrement pour nous, puisqu'elle est un élément essentiel de notre programme de développement.
Nous constatons en effet, une interprétation de plus en plus restrictive des dispositions de la loi de défiscalisation par les services du ministère des finances, quand il ne s'agit pas purement et simplement d'un véritable rejet de principe.
Comment, par exemple, accepter que la direction générale des impôts puisse considérer la réalisation d'hôtels comme inutile au développement économique, alors que c'est un des éléments essentiel, de notre programme concerté avec l'Etat ?
Ne faudrait-il pas que les avis de mon gouvernement, qui a compétence en matière économique, soient systématiquement sollicités et, surtout, pris en compte ?
Comment admettre que nous ne puissions apporter, de notre côté, le complément à l'aide de l'Etat qui reste nécessaire pour permettre que la construction des hôtels soit compatible avec les conditions de la compétition internationale ?
Pourriez-vous nous confirmez que le terme de subvention utilisé dans la loi de défiscalisation des investissements outre-mer ne concerne pas les incitations fiscales que nous avons mises en place.
Comment comprendre que les concessions de service public, qui permettent de compléter les infrastructures, encore insuffisantes, de nos départements et territoires en instaurant une saine discipline de paiement par les usagers des services concédés, soient si difficilement agréées ?
Pourriez-vous nous préciser si les concessions de service public industriel et commercial comprennent bien les concessions pour travaux publics comme les routes, les infrastructures portuaires ou aéroportuaires ou les ouvrages d'art en général ?
L'Assemblée nationale a modifié le seuil d'agrément, qui est désormais fixé à 2 millions de francs. Cette disposition, qui peut rassurer les investisseurs métropolitains, va se traduire par une charge de travail supplémentaire importante pour les services du secrétariat d'Etat au budget et du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Les moyens correspondants ont-ils été mis en place ? Il ne faudrait pas que cette modification se traduise par une paralysie de l'instruction des dossiers.
Notre collègue député M. Migaud, qui avait pu constater combien la loi Pons était bénéfique pour l'outre-mer, après en avoir initialement douté, avait déposé un amendement pour en prolonger la validité jusqu'en 2005. C'était une bonne idée. Voici donc ma cinquième et dernière question : monsieur le secrétaire d'Etat, êtes-vous favorable à la prolongation de la loi de défiscalisation jusqu'en 2005 ?
La Polynésie - comme, je le pense, beaucoup d'autres collectivités d'outre-mer - a besoin de poursuivre le développement qu'elle a amorcé. Dans cette marche, elle espère que l'Etat ne lui fera pas défaut.
L'outre-mer a un grand rôle à jouer dans notre nation, surtout au moment où, sans l'ouverture mondiale qu'il assure, la France ne serait qu'une péninsule, certes respectable et respectée, au sein d'un vaste ensemble européen occupé à ses propres affaires.
Cela doit se traduire dans un grand projet de la République pour l'outre-mer, où nos départements et territoires seront considérés non comme des accessoires mais comme des partenaires, fiers de leur personnalité et acteurs de leur destin. C'est ce que les Polynésiens veulent être, et ils ont déjà montré qu'ils en étaient capables.
Merci, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir les accompagner. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Monsieur Flosse, vous avez légèrement dépassé votre temps de parole, mais le voyage est si long pour venir de Polynésie française jusqu'ici que nous pouvons bien vous le pardonner ! (Sourires.)
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous prenons acte de l'augmentation de votre budget et nous approuvons l'effort accompli par le Gouvernement à cet égard.
Les propositions avancées comportent beaucoup de mesures généreuses, mais celles-ci suffiront-elles pour apaiser les angoisses qui viennent des profondeurs des DOM-TOM ? Il est difficile d'en être convaincu. Mon ami Paul Vergès a dit tout à l'heure avec éloquence et émotion ce qu'il en était pour la Réunion. Mon collègue député Ernest Moutoussamy a rappelé à la tribune de l'Assemblée nationale que le département de la Guadeloupe devait gérer une « cascade interminable de crispations, révélatrices d'une construction socio-économique et d'un mal-être qui font que le peuple ne peut plus se satisfaire de promesses ». Ici, nous entendons, venant de toutes parts, des propos fort semblables.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une fois n'est pas coutume, je vais être d'accord avec l'orateur qui m'a précédé à cette tribune : nous devrions inscrire le débat sur le budget de l'outre-mer dans un cadre beaucoup plus transparent. Cela ne constitue nullement une critique de vos services ; je veux dire que toutes les recettes et dépenses de tous les ministères qui sont relatives à l'outre-mer devraient être mises en évidence, ce qui nous permettrait de nous livrer à une analyse sérieuse de la situation de chaque collectivité territoriale.
Les départements et territoires d'outre-mer n'ont pas les moyens de s'inscrire dans le cadre trop onéreux de la mondialisation des échanges. Ils sont placés dans une situation grave, qui appelle des mesures exceptionnelles.
J'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre discours à l'Assemblée nationale. Vous y avez notamment déclaré ceci : « Dans un autre domaine, nous savons que les départements d'outre-mer possèdent un potentiel d'épargne important eu égard aux liquidités qui caractérisent leurs économies. Dans le même temps, nous savons aussi que le secteur bancaire outre-mer s'engage moins qu'ailleurs dans le soutien à l'économie, en privilégiant les crédits à la consommation, qui apparaissent moins risqués. Or, plus que jamais, les entreprises privées, notamment les plus petites d'entre elles, souffrent d'une absence de ressources financières à moyen et à long terme. Une réflexion approfondie, prenant en compte la nature spécifique du risque dans les DOM, doit donc être conduite pour remédier à cette situation. »
Cette analyse, que j'approuve, et qui n'est pas de tonalité libérale, mérite d'être appronfondie. Il s'agit d'encourager une autre orientation de l'argent, des crédits à l'économie autorisant une croissance plus dynamique. J'espère que vous nous apporterez des précisions quant aux perspectives qui sont les vôtres à cet égard.
Le groupe communiste républicain et citoyen se félicite des résultats du référendum du 8 novembre en Nouvelle-Calédonie. Le « oui » massif dans la province Nord et dans la province des Iles, le « oui » spectaculaire - au regard du passé et des craintes que l'on pouvait nourrir - dans la province Sud indiquent que l'avenir du territoire est sur de bons rails. Mais nous nous trouvons placés, du même coup, face à de grandes responsabilités.
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, connaître votre opinion sur la situation économique en Nouvelle-Calédonie, en particulier s'agissant du nickel.
Même si je suis bien conscient qu'il n'est pas l'heure d'entamer le débat sur la loi organique, je crois tout de même utile de dire d'ores et déjà qu'il faudra, pour réussir, s'appuyer sur toutes les composantes essentielles du peuple calédonien et recueillir l'accord de toutes les forces vives du territoire.
Je sais que le récent vote au Congrès du Territoire n'a malheureusement pas été unanime mais, après avoir passé huit jours en Nouvelle-Calédonie - avant le référendum du 8 novembre - et entendu les discours sages, courageux, déterminés et équilibrés des dirigeants du FLNKS, j'espère que le dialogue que vous avez avec les uns et avec les autres permettra, dans la période qui s'ouvre, de dissiper les nuages. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme chaque année, les membres de la Haute Assemblée sont appelés à discuter et à voter le projet de budget de l'outre-mer. Déjà l'an dernier, nous avions constaté que ce budget, en réelle augmentation, amorçait une rupture avec les exercices précédents, qui étaient présentés en « trompe-l'oeil », pour reprendre l'expression de M. Jean-Jacques de Peretti.
Pour 1999, la progression demeure importante ; le projet de budget s'établit à 5,6 milliards de francs, en augmentation de 7 % par rapport à 1998.
Globalement, monsieur le secrétaire d'Etat, vos orientations s'inscrivent dans une logique d'égalité sociale. Je ne puis qu'y souscrire et vous soutenir dans votre démarche : sans hésitation, je voterai votre projet de budget.
Toutefois, permettez-moi de paraphraser Beaumarchais en disant que, sans liberté de critique, il n'est point d'éloge flatteur.
En réalité, un projet de budget ne concerne que le temps d'un exercice et ne permet pas, hélas ! bien souvent, d'aborder en profondeur les maux réels qui touchent la population.
La Guadeloupe, département français, demeure, à deux ans de l'entrée dans le troisième millénaire, un pays en « mal-développement ».
Sous l'impulsion de la politique gouvernementale menée depuis 1997, on assiste dans l'Hexagone à une sortie de la phase de récession, avec une croissance retrouvée, une confiance restaurée.
Le chômage diminue en France et tout donne à penser que l'application des 35 heures accentuera cette décrue.
Dans le même temps, la Guadeloupe continue de s'enliser un peu plus chaque jour dans le marasme. Tous les indicateurs socio-économiques sont au rouge : la barre fatidique des 50 000 chômeurs est largement dépassée, et ce fléau atteint tout particulièrement nos jeunes.
Notre département compte aussi 28 000 RMistes et près de 100 000 personnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté, alors que la population est de 417 000 habitants.
En dépit de la mesure gouvernementale qui a triplé le montant de l'allocation de rentrée scolaire, nombre d'élèves, de collégiens, de lycéens et beaucoup d'étudiants sans ressources abordent l'année scolaire ou universitaire avec d'énormes difficultés.
Votre projet de budget consacre au logement social 1,5 milliard de francs, destinés à la construction de nouveaux logements et à l'aide à l'amélioration de l'habitat.
La LBU pour l'ensemble de l'outre-mer passe à 897 millions de francs en crédits de paiement, soit une augmentation de 329 millions de francs par rapport à 1998. Nous ignorons quelle part de cette enveloppe sera consacrée à la Guadeloupe. Mais nous pouvons dire que, dans ce domaine, les besoins sont loin d'être satisfaits.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'exécution de votre projet de budget dans le cadre du logement social est freinée par des procédures trop lourdes.
En 1989, le président François Mitterrand, témoin des effets désastreux du passage du cyclone Hugo, avait déclaré sur le sol guadeloupéen que, devant une urgence nationale, il fallait « bousculer les procédures ».
Hélàs ! neuf ans après cette déclaration solennelle, tout, dans la démarche des fonctionnaires, en particulier ceux de la DDE de Guadeloupe, semble indiquer qu'ils considèrent que leur mission est d'appliquer sans nuance les procédures, non de les bousculer.
Ces tracasseries administratives empêchent une consommation optimale de la LBU. En conséquence, les opérateurs sociaux en charge de l'amélioration de l'habitat, par exemple ceux qui sont en charge de la PACT - protection, amélioration, conservation et transformation de l'habitat - connaissent des difficultés de trésorerie qui mettent en péril leur existence.
De même, les entreprises artisanales souffrent d'une absence de commandes régulières dans ce secteur, où il y a pourtant beaucoup à faire. Les difficultés engendrées par ce zèle administratif intempestif les mettent très souvent en situation de faillite, ce qui se traduit inévitablement par des licenciements.
J'ai déjà eu l'occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, d'attirer votre attention sur cette situation fort préoccupante, qui fragilise un peu plus la structure de l'entreprise guadeloupéenne, qui aggrave le sort de tous les sans-logis, de tous les mal-logés. Je ne doute pas que des dispositions seront prises, à votre demande, pour apporter une lueur d'espérance à toute cette population en état de grande souffrance et d'exclusion ; car je sais que, pour vous, comme pour nous, l'égalité sociale passe par le droit au logement pour tous.
Malgré la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, les RMIstes, les titulaires de contrat emploi-solidarité, de contrat d'accès à l'emploi, de contrat d'insertion par l'activité, etc. ne peuvent pas accéder au parc locatif social. Il faut donc créer, pour cette catégorie d'exclus, un dispositif particulier d'accession au logement.
Mais il n'y a pas de politique efficace du logement sans disponibilité foncière. Notre « département-archipel » est handicapé dans ce domaine par la non-parution du décret d'application de la loi sur les cinquante pas géométriques, votée en 1996. Au quotidien, cela pose des problèmes aux maires des communes de Guadeloupe, qui se voient contraints de refuser des permis de construire ou d'amélioration de l'habitat sur cette zone.
Je sais que la commission de validation des titres, prévue dans la loi, se met en place. Je sais, et je m'en réjouis, que vous mettez tout en oeuvre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que ce décret soit signé le plus rapidement possible. Ainsi, vous donnerez la possibilité à de nombreuses familles modestes de nos communes de construire ou d'améliorer leur habitat dans la légalité. Pour ces familles, la voie sera alors ouverte vers une harmonie indispensable à leur plein épanouissement.
Ces quelques aspects des difficultés de la vie guadeloupéenne illustrent bien le phénomène de non-développement dont souffre le département. Il est temps de prendre des mesures pour assurer un développement durable, un développement qui ouvre les perspectives d'une modernisation de la filière canne-sucre-rhum, différente de l'option qui a été prise par vos prédécesseurs à partir de 1994, monsieur le secrétaire d'Etat, et qui aboutit à un déficit de la sucrerie de Gardel dirigée par des professionnels réputés avisés.
Cette option industrielle est tenue pour responsable du déclin de la production cannière, les agriculteurs n'étant pas dans les conditions leur permettant d'avoir pleinement confiance en l'avenir de la canne. Cette confiance est la condition essentielle pour que la centrale thermique du Moule soit véritablement une centrale bagasse-charbon et non pas, comme c'est le cas aujourd'hui, une centrale utilisant uniquement le charbon comme combustible.
La pêche, sinistrée en permanence, ne peut se développer sans des accords de coopération avec les pays voisins et sans une politique active de reconstitution des fonds marins et des ressources halieutiques de la Guadeloupe.
Notre économie insulaire est essentiellement animée par des entreprises de la taille des PME-PMI. Celles-ci doivent être protégées par des mesures fortes pour faire face aux contraintes du marché européen et aux conséquences de la mondialisation libérale de l'économie. C'est au prix de cette protection que l'on évitera la dérive vers l'assistanat généralisé. Nous supportons mal que nos pays soient considérés comme les « danseuses de la France ».
Certes, la départementalisation, avec ses évolutions, a permis à notre population d'accéder à la santé, à la protection sociale, à l'éducation et à la formation.
Certes, les lois de décentralisation ont permis aux élus locaux d'assurer, dans des conditions difficiles - les moyens financiers n'ayant pas été à la hauteur des responsabilités transférées - la gestion des affaires locales. Mais le constat est celui d'une absence de développement économique susceptible de générer l'emploi et de vaincre le chômage.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déclaré le 23 octobre dernier, à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement élaborerait une loi d'orientation. Je salue cette initiative qui répond, sur le principe, à mes interrogations. La question du développement économique est, en effet, au centre du débat. Nos forces vives - les acteurs de l'économie, la société civile, les mouvements associatifs, les syndicats et les élus politiques - en conviennent collectivement. Ils attendent du Gouvernement la plus grande concertation en amont de l'élaboration de ce projet de loi.
La Guadeloupe entend rester dans le cadre de la République française. Vous avez également annoncé à l'Assemblée nationale que, sur votre proposition, « le Premier ministre nommera prochainement deux parlementaires en mission, élus des DOM, qui devront lui faire, dans un délai de six mois, des propositions d'approfondissement de la décentralisation ». Cette initiative mérite d'être saluée. J'apporterai ma pierre contributive à la démarche des deux missionnaires.
D'ores et déjà, j'affirme que l'on ne saurait concevoir un concept global pour l'ensemble de l'outre-mer français. A cet égard, la proposition faite à la suite de M. Aimé Césaire par M. Louis Le Pensec, en 1992, d'un « statut à la carte », et que vous avez reprise vous-même en parlant de « statut différencié » pour chaque département d'outre-mer, garde tout son sens.
Le rapport qui sera remis par nos collègues ouvrira sans nul doute le débat dans chaque département, car il ne saurait y avoir, entre le peuple et le Gouvernement, d'autre interface que les élus de ces départements.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques réflexions que je voulais exprimer au cours de ce débat.
Avant de conclure, je ferai quatre observations.
Ma première observation, monsieur le secrétaire d'Etat, sera pour vous rappeler que, répondant favorablement à une revendication des élus de Saint-Barthélemy, le conseil général de la Guadeloupe a adressé au Gouvernement le texte d'une proposition de loi tendant à ériger la commune de Saint-Barthélemy en collectivité territoriale nouvelle.
La deuxième observation concerne le rectorat de la Guadeloupe, qui n'a encore ni les moyens ni l'autonomie suffisant pour être une académie de plein exercice. Le ministre de l'éducation nationale, M. Claude Allègre, a promis une mise à niveau sur trois ans. Nous attendons avec confiance.
Dans le domaine sanitaire - c'est ma troisième observation - je me félicite de la décision du maintien de l'établissement de transfusion sanguine de la Guadeloupe, et je salue l'ouverture effective du premier cycle des études médicales à l'unité de formation et de recherche Antilles-Guyane. C'est une excellente décision du Gouvernement, prise sous votre impulsion et celle du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nos étudiants en médecine doivent pouvoir bénéficier d'une formation dans un environnement scientifique et hospitalier adapté. A cet égard, le CHU de Pointe-à-Pitre, qui se relève des suites d'une grève dure et prolongée, doit être doté de moyens humains et techniques adaptés à sa mission de soins et à sa mission de formation.
Ma quatrième et dernière observation soulignera, monsieur le secrétaire d'Etat, l'absence de délégation aux droits des femmes dans notre département. C'est un vide insupportable qu'il convient de combler rapidement.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Oui, c'est insupportable !
M. Dominique Larifla. Monsieur le secrétaire d'Etat, je compte fortement sur le Gouvernement pour cela. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon court propos sera pour évoquer la loi que nous avons examinée, voilà deux ans, concernant l'aménagement et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques.
Cette bande littorale, située sur la côte des quatre départements d'outre-mer, constitue une réserve domaniale. A cet titre, elle ne peut, en principe, être vendue et les terrains qui y sont situés ne sont pas susceptibles de faire l'objet de la prescription acquisitive trentenaire. Cependant, 30 000 de nos concitoyens vivent actuellement sur cette zone, sans titres, sans droits et sans perspectives. Pour eux, l'entrée en vigueur de la loi est essentielle. Ils paient des impôts fonciers au titre de la résidence, souvent modeste, qu'ils y ont construite, mais l'Etat ne leur reconnaît pas le statut de propriétaire ! De ce fait, ils ne peuvent ni céder ni transmettre le terrain qu'ils occupent. Rien n'est donc fait pour encourager les occupants à entretenir le patrimoine bâti, qui, d'ailleurs, ne peut pas recevoir d'aides de l'Etat, alors même qu'il en aurait souvent besoin.
En ma qualité de rapporteur de la loi du 30 décembre 1996 devant le Sénat, je crois de mon devoir, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous demander de présenter à la Haute Assemblée son état d'application.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Jean Huchon. En effet, outre la question sociale que je viens d'évoquer, la zone dite des cinquante pas géométriques concentre l'essentiel du potentiel de développement économique de la Guadeloupe et de la Martinique. Le texte adopté voilà deux ans a prévu d'établir un équilibre afin de protéger les espaces naturels, de stabiliser la situation juridique des occupants des zones urbanisées et, enfin, de permettre une mise en valeur et un aménagement dont la zone dite des cinquante pas géométriques a bien besoin.
La délimitation de la zone est, selon les informations dont je dispose, techniquement terminée en Martinique. En Guadeloupe, elle pourrait s'achever dans les semaines à venir. Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous donner au Sénat l'assurance que tout sera fait pour achever au plus vite la délimitation des zones naturelles ou urbanisées, ainsi que toutes les formalités administratives qui en découlent ? L'ensemble de ces procédures n'auraient-elles pas dû, aux termes mêmes de la loi, être achevées avant le 30 décembre 1997 ?
Le législateur a également prévu la création d'une commission de validation des titres de propriété, l'octroi d'une aide à l'acquisition des terrains occupés sans titre et, enfin, la création d'une agence pour la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques.
Le décret concernant la création d'une commission de vérification des titres est paru en septembre dernier et le décret relatif aux agences vient d'être publié, aujourd'hui 1er décembre 1998, et je m'en réjouis, monsieur le secrétaire d'Etat. Cependant, quand paraîtront les décrets d'application déterminant le plafond des superficies susceptibles d'être cédées ? Quand les textes fixant l'aide de l'Etat pour l'acquisition par des occupants des terrains qui ne disposent pas de titres de propriété entreront-ils en vigueur ?
L'ensemble de ces décrets seront, en outre, accompagnés d'une kyrielle d'arrêtés ministériels ou préfectoraux portant nomination des différentes instances prévues par la loi. Je crains que leur publication ne retarde encore un peu plus la mise en oeuvre de la loi. Or le temps presse.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite connaître, outre l'état d'avancement des procédures en cours, les conditions dans lesquelles elles se coordonneront avec l'élaboration des schémas régionaux d'aménagement.
Je serais également désireux que vous présentiez à la Haute Assemblée l'échéancier des mesures que vous entendez prendre au cours du premier semestre 1998 et les conditions dans lesquelles vous entendez associer les collectivités locales à leur édiction.
Permettez-moi enfin de souligner que, lors de la mission que j'ai effectuée en Martinique et en Guadeloupe, j'ai rencontré nombre d'élus et de parlementaires, notamment Mme Michaux-Chevry, MM. Lise, Désiré, Bangou, Chaulet, Darsières et Césaire. Tous partageaient le même point de vue : il faut régler, au plus vite, la question de la zone dite des cinquante pas géométriques.
Lors de ce même déplacement, j'ai également rencontré les habitants de cette zone. C'est, à cette heure, vers eux que se tournent mes pensées et c'est en leur nom que je vous demande d'agir. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Rodolphe Désiré applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Payet.
M. Lylian Payet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tout à l'heure, mon collègue M. Vergès vous a présenté une carte postale de la Réunion qui n'était pas très réjouissante. Je partage tout à fait la présentation qu'il a faite de cette île. Avec une augmentation de ses crédits de 7 % - ce chiffre a souvent été cité dans cette enceinte ; est-ce un chiffre qui va porter chance à l'outre-mer ? je l'ignore - par rapport à l'an dernier, le budget de l'outre-mer pourrait, certes, être considéré comme satisfaisant.
Mais, en y regardant de plus près, c'est-à-dire en détaillant les chapitres budgétaires, notre satisfaction est beaucoup plus mesurée si - comme il se doit - on s'attache davantage à l'affectation des crédits plutôt qu'à leur volume. Je dirais alors que la quantité ne rime pas nécessairement avec la qualité. J'en veux pour preuve les deux grandes priorités de ce budget, qui représentent 63 % de l'ensemble des crédits, à savoir l'aide au logement social et les actions en faveur de l'emploi.
J'aborderai tout d'abord la question du logement, puisque c'est le chapitre budgétaire qui connaît la plus forte progression, avec 897 millions de francs. Il est destiné à financer 19 000 opérations de logement social. Il s'agit, à la Réunion, d'un véritable problème.
Cette hausse de 58 %, intégrant la créance de proratisation, tend à répondre, il est vrai, à l'immensité des besoins recensés qui sont liés, à la fois, à l'accroissement démographique - c'est le cas de la Réunion - au renouvellement du parc ancien et à la résorption de l'habitat insalubre ; c'est une nécessité à la Réunion.
Le retard est tel que près de vingt ans seraient nécessaires pour rapprocher l'habitat de l'outre-mer des standards métropolitains. Il nous faudrait construire 10 000 logements par an pour espérer répondre à la demande.
Mais l'augmentation de la ligne budgétaire unique ne peut, à elle seule, résoudre la question du logement, car, outre l'ampleur des besoins, le problème du logement outre-mer se pose en termes de contraintes foncières et d'inadéquation à la demande.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, les collectivités ont les plus grandes difficultés pour acquérir et viabiliser des terrains. L'expérience menée à la Réunion - et que vous souhaitez étendre aux autres départements d'outre-mer - de création d'un fonds régional d'aménagement foncier urbain a montré ses limites dans la mesure où, victime de son succès, il souffre déjà d'un manque de moyens ; il doit donc être renforcé et optimisé. Monsieur le secrétaire d'Etat, que comptez-vous faire pour que cet outil soit encore plus performant ?
Par ailleurs, certains produits ne correspondent plus à la demande du marché car les logements construits sont trop chers et ne sont plus accessibles à la population concernée, compte tenu de la faiblesse des revenus des ménages.
En outre, la ligne budgétaire unique n'est qu'une partie du financement de l'habitat, car la construction des logements dépend corrélativement de la mobilisation des prêts complémentaires et de la solvabilité des ménages. Une amélioration du système de financement s'impose donc, en ce qui concerne tant les aides à la pierre que les conditions d'intervention de l'aide à la personne.
J'ai noté avec satisfaction que le Gouvernement étudiait actuellement deux nouveaux produits. En premier lieu, le logement en accession différée pourrait être acquis après dix années de location par des ménages sociaux ou très sociaux. En second lieu, le logement locatif social de transition serait réservé aux ménages dont les ressources sont supérieures au plafond du logement locatif social mais qui ne peuvent accéder au logement intermédiaire.
L'ensemble des difficultés que je viens d'énumérer explique la sous-consommation récurrente et même navrante des crédits de la ligne budgétaire unique.
Une nouvelle politique foncière en outre-mer doit être mise en place, sinon il est à craindre que l'effort budgétaire en faveur du logement soit en partie illusoire. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez sur ce point.
Enfin, la ligne budgétaire unique, comme vous le savez, est abondée par une partie de la créance de proratisation du RMI. Le Gouvernement envisage-t-il d'aligner le RMI sur le niveau métropolitain ? Si la réponse est positive, quand compte-t-il le faire ? J'ai noté que M. Lorrain estimait que cet alignement n'est pas forcément souhaitable. Or, au regard de l'égalité sociale, cette ponction sur les plus pauvres est parfaitement détestable.
J'en viens maintenant à l'emploi. Il s'agit d'un autre domaine d'intervention prioritaire du budget de l'outre-mer, compte tenu du taux de chômage dans nos départements qui est sans commune mesure avec la métropole. Mon collègue Paul Vergès a rappelé tout à l'heure que 42 % de la population, parmi laquelle figurent de nombreux jeunes diplômés, est privée d'emploi.
Les crédits du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, enregistrent une augmentation de 6,4 %, mais, là encore, il faut nuancer l'appréciation positive de cet effort budgétaire. En effet, le FEDOM finance les emplois-jeunes, qui n'ont été réellement mis en place que cette année, ce qui explique leur montée en puissance naturelle, laquelle va être très largement renforcée puisque leur nombre augmentera de 48 %.
Mais si l'on enlève la part consacrée à ces emplois-jeunes, on constate une régression du FEDOM proprement dit, c'est-à-dire des sommes consacrées aux contrats emploi-solidarité, aux contrats d'insertion par l'activité, aux contrats d'accès à l'emploi, aux contrats de retour à l'emploi et aux primes à la création d'emploi.
En outre, les crédits du FEDOM étant fongibles, la redistribution se caractérise par un recul très net des crédits pour les contrats d'accès à l'emploi au profit des contrats emploi-solidarité.
Il résulte de l'examen de ces chiffres que votre politique de l'emploi outre-mer, monsieur le secrétaire d'Etat, privilégie très nettement le secteur public et parapublic au détriment du secteur marchand, lequel ne bénéficiera que de 12 % des quelque 56 500 solutions d'insertion qui seront financées.
Pour ma part, je regrette cette orientation, car je crois qu'il faut, au contraire, développer le secteur privé et donner aux entreprises, quelle que soit leur taille, les moyens d'embaucher et de se développer.
A ce sujet, la chambre de commerce et d'industrie de la Réunion a interrogé, voilà quelques semaines, les responsables économiques du département afin d'identifier leurs attentes. Il résulte de cette enquête très intéressante que trois priorités ont été clairement exprimées.
Il s'agit, en premier lieu, de la réduction des charges d'exploitation par l'abaissement du coût du travail - n'oublions pas que la loi Perben viendra à échéance en mars 2000 - par le maintien du dispositif d'incitation à l'investissement outre-mer, qui a été gravement amputé cette année - par la baisse des coûts d'approvisionnement résultant du poids du fret dû à l'éloignement géographique et par l'amélioration des conditions d'accès au crédit.
Il s'agit, en deuxième lieu, de la simplification des formalités administratives et de la mise en place de mesures spécifiques pour les très petites entreprises.
Il s'agit, en troisième lieu, du désenclavement de la Réunion par la création du statut d'entreprises franches et l'instauration d'un dispositif plus performant d'aide à l'exportation. Sur ce dernier point, je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez reconduit jusqu'à la fin de 1999 le régime des primes à la création d'emplois pour les entreprises exportatrices.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé, pour la fin de l'année prochaine, un projet de loi d'orientation - j'aurais préféré une loi de programmation - qui marquera pour les départements d'outre-mer, nous avez-vous dit, « une nouvelle étape, celle du développement durable ». Je souhaite que ce texte soit élaboré sur la base de la concertation et de l'innovation : il faut que nous relevions ensemble le défi de l'outre-mer et que nous n'ayions pas peur d'expérimenter des solutions nouvelles, au moment où la décentralisation semble être en panne.
Dans cette attente, je voterai votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, en raison de l'augmentation de ses crédits et en dépit des imperfections, voire des incertitudes, qu'il comporte. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je commencerai mon propos par l'évocation rapide d'un événement quelque peu inhabituel, puisqu'il s'agit du lancement, le 5 novembre dernier à Saint-Malo, d'un paquebot de croisière, Le Levant, navire français à 100 %, doté d'un équipage national et battant pavillon français, ce qui est assez exceptionnel.
Ce navire ultramoderne, levier touristique et symbole d'une technologie où la France tient le haut du pavé, participera au rayonnement de la culture et de la gastronomie de la Guyane jusqu'à l'estuaire du Saint-Laurent, aux Grands Lacs américains et même jusqu'au Labrador, puisqu'il évoluera également à partir de Saint-Pierre-et-Miquelon à la belle saison.
Cette réalisation, porteuse d'espoirs pour le développement de notre tourisme outre-mer, montre bien ce que peuvent faire les investisseurs privés quand ils sont aidés par une défiscalisation pertinente.
C'est donc l'occasion, pour moi, de louer les mérites de la loi Pons et d'avouer que je ne suis pas mécontent de la voir prorogée pour quelque temps - pas pour bien longtemps - après avoir été si dénigrée, mais c'est également l'occasion pour moi d'exprimer mon inquiétude lorsque je constate qu'aucun système alternatif attractif, s'agissant de l'avantage fiscal, n'est à l'étude et que votre gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, s'oppose à réactiver les mesures de déduction pour les personnes physiques, dont chacun sait l'importance qu'elles revêtent dans l'investissement privé.
Votre budget est marqué par une avancée très nette des aides à l'emploi et au logement social - elles progressent de 15 % par rapport à 1998, le FEDOM, pour sa part, augmentant de 6,4 % - ce qui, intrinsèquement, permettra, sur ces deux fronts, de répondre partiellement aux énormes problèmes que connaît une partie de l'outre-mer.
Les crédits d'insertion, en dehors de ceux du RMI qui augmentent, de même que les primes à la création d'emplois orientés vers le secteur privé producteur tourné vers l'exportation sont en nette diminution. Ce n'est pas bon.
S'agissant des investissements publics destinés à assurer un développement économique pérenne de la France de l'outre-mer, on assiste à un mouvement perpétuel d'affaiblissement, comme en témoignent la diminution des enveloppes du FIDOM général - contrats de plan - et du FIDES ainsi que la disparition totale du FIDOM départemental. Or ces fonds, monsieur le ministre, ont fait leur preuve comme courroies d'entraînement de l'activité économique.
Certes, vous n'êtes pas le seul à intervenir outre-mer, puisque votre budget ne compte que pour environ 11 % dans les interventions de l'Etat, alors que les autres ministères y participent à concurrence de 51 milliards de francs.
Ce montant est important, mais il faut, pour l'apprécier, tenir compte des handicaps divers qui marquent l'outre-mer, à savoir des marchés limités, parfois très exigus, et des coûts élevés d'infrastructures ainsi que d'importation.
Il faut donc beaucoup d'investissements publics mais aussi privés ; il faut également de nouvelles perspectives, de l'innovation et de la décentralisation où le pragmatisme doit secouer les rigueurs institutionnelles. Or je crois que, pour le moment, cette décentralisation est plutôt en panne.
A ce sujet, je vous dirai quelques mots de notre statut, qui est un bon statut.
Vous souhaitez, me semble-t-il, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une concertation entre les élus débouche sur une proposition qui vous serait faite en faveur d'aménagements internes à ce statut. Une telle démarche me paraît logique et intéressante ; j'y souscris donc totalement mais je crains que le climat polémique instauré localement à ce sujet par ceux qui réclament le changement à grands cris ne soit guère favorable à son succès.
Le transfert de quelques compétences en direction des collectivités locales est une chose, mais les transferts en matière budgétaire en sont une autre compte tenu de la quasi-inexistence des marges de manoeuvre dont dispose le conseil général.
L'institutionnel est rejoint par l'économique dans l'actualité, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque le Sénat vient d'accueillir favorablement ces jours derniers l'amendement que j'avais déposé et qui visait à modifier le code minier afin que les exploitations de gisements sous-marins de gaz ou de pétrole dans la zone économique française au large de Saint-Pierre-et-Miquelon fassent l'objet d'une redevance au bénéfice de l'archipel.
Cet amendement, de même philosophie sur le fond que celui qui a été présenté à l'Assemblée nationale par Gérard Grignon, a été l'occasion d'interroger le secrétaire d'Etat au budget sur les intentions du Gouvernement à propos de l'application de la loi de janvier 1993, notamment de l'article 49, qui permet la modification de l'article 27 de notre loi statutaire du 11 juin 1985.
Il est en effet bien évident que si ce processus ne se met pas en route, la modification de l'article 31 du code minier, dans le sens que mon amendement induit, sera repoussée aux calendes grecques.
Pourtant, nous avons et nous aurons grand besoin de ressources nouvelles, vous le savez. Alors, à quand la rédaction du cahier de charges, monsieur le ministre ? Et comment ?
Depuis cinq ans, aucun pas ne semble avoir été accompli dans ce sens. Ma question, vous devez le comprendre, sonne donc comme un véritable appel. J'attends votre réponse.
J'avoue avoir été quelque peu surpris, après avoir défendu l'amendement, par la réaction du secrétaire d'Etat au budget, car le Gouvernement devrait tenir un seul langage.
Est-il logique de nous inviter à nous investir, à prendre part davantage à des projets économiques susceptibles de nous aider à sortir de l'ornière et, en même temps, dès qu'on veut aller de l'avant, de dresser des obstacles sur notre route ou du moins de freiner notre ardeur ? Qu'on nous fasse confiance ! Qu'on nous accompagne !
La redevance, dont il est question, en cas de succès des recherches et d'exploitation effective, portera un fanion tricolore et, pour moi, c'est l'essentiel. Je souhaite donc, monsieur le ministre, connaître clairement votre position à l'égard de l'amendement que j'ai fait adopter par le Sénat.
Cette évolution concernant l'article 27 de notre statut dans le cadre décentralisateur de la loi française s'inscrit également dans la ligne préconisée par Bruxelles telle qu'elle ressort de la décision 91/482/CEE du 25 juillet 1991 relative aux relations entre les pays et les territoires d'outre-mer, les PTOM, et l'institution européenne.
Depuis 1996, près d'une centaine de dossiers d'activités économiques nouvelles se sont concrétisés à Saint-Pierre-et-Miquelon par l'aboutissement de quarante-deux d'entre eux.
D'autres développements sont possibles dans les domaines de la pêche, de l'agroalimentaire et des activités transformatrices en vue d'exportation vers l'Union européenne. Mais cela nécessite l'activation de l'article 39 de la décision de la CEE susvisée qui permet l'intégration des projets les plus stratégiques à des programmes européens adaptés.
Trois projets d'ordre industriel sont susceptibles de bénéficier des dispositions de l'article 101 de cette même décision. Toutefois, les nouvelles conditions de définition des produits entièrement obtenus et suffisamment transformés risquent de rendre inopérantes celles de l'article 101.
Il est indispensable, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous soyons aidés à Bruxelles pour que nos spécificités de PTOM, petit et défavorisé, soient prises en compte.
J'attire également votre attention sur les dispositions du texte 91/493 du 22 juillet 1991 qui imposent aux pays hors de l'Union européenne un certain nombre d'exigences s'ils veulent exporter leur production sur le marché européen.
Dans un contexte de reprise difficile et modeste de nos activités de pêche, la mise aux normes européennes des trois usines locales exportatrices représente un coût absolument exorbitant compte tenu du faible tonnage destiné à l'Union européenne.
Monsieur le secrétaire d'Etat, serez-vous à nos côtés dans une démarche visant à obtenir une dérogation de la part de la CEE ?
Nous sommes des citoyens européens, nous votons aux élections européennes mais nous n'avons pas accès aux fonds structurels européens, au financement desquels participe la France, et dont, chacun le sait, une partie importante n'est pas utilisée, même en métropole.
Un rééquilibrage en faveur des PTOM français s'avère nécessaire. A ce sujet, permettez-moi de reposer la même question : « Serez-vous à nos côtés en vue d'un tel rééquilibrage ? »
S'agissant de la diversification des activités de la pêche, vous savez, monsieur le ministre, les efforts déployés sur place par ceux qui ont la volonté d'entreprendre sur mer ainsi qu'à terre.
Or les quotas sont maigres et, surtout, la décision d'attribution n'appartenant pas à la France, le début de campagne est trop décalé vers l'été, ce qui s'est révélé négatif pour les pêcheurs.
Vous avez l'intention d'intervenir dans ce domaine pour que l'archipel puisse obtenir des avances sur quotas de manière à favoriser la régulation de l'emploi à terre dans ce domaine. C'est bien.
Mais le Gouvernement ne pourrait-il pas user de son poids afin que les licences accordées par Ottawa à nos pêcheurs leur soient délivrées avant le début de la campagne ? Cette question est importante.
A Miquelon, depuis le dépôt de bilan de l'opérateur premier employeur de cette collectivité, le chômage règne en maître, même si les initiatives et la volonté de s'en sortir sont présentes.
Votre influence ne pourrait-elle pas infléchir le destin auquel semble vouée l'installation sophistiquée mise en place dans l'usine de Miquelon SA ? Pouvons-nous toujours compter sur son accompagnement financier pour soutenir les efforts qui sont et seront déployés afin que redémarre l'activité sous un pavillon plus national que par le passé ? Le soutien de l'Etat ne nous a jamais manqué ; il demeure vraiment indispensable car notre économie reste très fragile.
Je voudrais dire, ici, quelques mots de la coopération régionale avec les provinces qui nous entourent.
Je crois à cette coopération en dépit des quelques incidents qui s'attachent obligatoirement à une entreprise de ce genre compte tenu du passé de l'archipel dans ses relations avec nos voisins.
Il me paraîtrait judicieux, dans la perspective du succès de l'exploration pétrolière, d'encourager d'ores et déjà une approche de ce que pourrait nous apporter la coopération régionale dans ce domaine où nos interlocuteurs canadiens ont une avance doublée d'une expertise où nous pourrions puiser des éléments de sensibilisation et de formation professionnelle pour nos jeunes lycéens.
J'ajoute que cette coopération a des ramifications vers l'Europe qu'il faut amplifier.
Au nombre des projets de cette coopération régionale, et en particulier du volet concernant le rayonnement de la France à partir de ses territoires ultramarins, pouvez-vous m'indiquer où en est le projet CANCOM de relais sur l'Amérique du Nord, d'émissions françaises de télévision à partir de RFO Saint-Pierre-et-Miquelon ? J'avais cru percevoir quelques réticences, lors d'une audition au Sénat, de la part du ministre des affaires étrangères.
Je ne m'étendrai pas sur les deux sujets d'ordre social que sont l'application de la loi de 1975 sur les handicapés et la question des retraités du secteur hospitalier, puisque, dans une autre enceinte parlementaire, vous avez dit à leur égard votre approche positive.
S'agissant du processus d'application à Saint-Pierre-et-Miquelon de certains textes, je voudrais, compte tenu des spécificités locales, faire allusion aux ordonnances. Un important train de mesures législatives a vu le jour au cours de l'année qui s'achève.
Cette adaptation et cette actualisation du droit outre-mer, tant attendues, constituent une avancée indéniable.
Toutefois, il arrive qu'on ne tienne pas compte de l'avis rendu par l'assemblée territoriale, comme ce fut le cas pour une partie des textes relatifs au droit pénal, au droit civil, au droit commercial, etc.
Il arrive également que des dispositions sur lesquelles le conseil général a rendu un avis favorable soient retirées du texte de l'ordonnance, ce qui, forcément, ne passe pas inaperçu et génère un climat désagréable.
Il me semble, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une meilleure concertation et, peut-être, une information plus large permettraient d'éviter ce genre de dysfonctionnement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour nous votre département ministériel est important. Il est le lien entre la France du large et l'Hexagone qui, parfois, porte sur elle un regard inexact fait de clichés où le péjoratif le dispute trop souvent à la méconnaissance des réalités de terrain, tandis que l'outre-mer apporte une dimension particulière à son rayonnement mondial.
Pourtant, cela ne nous décourage pas et, pour ma part, je continue à croire en notre futur, à condition que nos ambitions et nos efforts trouvent à Paris l'écho que nous attendons et une volonté politique claire de nous aider, tant sur le plan national que sur le plan européen, à préparer un avenir de dignité pour les futures générations. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne reviendrai pas sur votre projet de budget pour 1999, qui me paraît plutôt bon dans le contexte actuel. Toutefois, ce projet de budget ne représentant que 11 % des dépenses de l'Etat, j'émets le voeu, après beaucoup d'autres collègues, qu'une présentation plus lisible des efforts consentis pour chaque collectivité soit envisagée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez annoncé, le 23 octobre dernier, lors du débat sur l'outre-mer à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement a, sur votre proposition, décidé de déposer un projet de loi d'orientation sur les départements d'outre-mer à l'automne 1999, et de nommer prochainement deux parlementaires de l'outre-mer en mission, afin de faire des propositions sur l'approfondissement de la décentralisation.
C'est une porte qui s'entrouvre et qui montre, si besoin était, que l'adaptation de la législation nationale pour nos départements ultramarins se pose.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de loi d'orientation vient après un certain nombre de mesures législatives prises en faveur de l'outre-mer depuis 1982. Je les rappelle.
En 1983, il y eut la création de régions décentralisées outre-mer qui, malheureusement, a abouti à l'instauration à la Martinique, île de 1 000 kilomètres carrés et comptant plus de 350 000 habitants, de deux exécutifs sur un même territoire. En 1984, a eu lieu la mise en place des contrats de plan Etat-région. En 1986, ce fut la loi de défiscalisation, dite loi Pons, qui, tout le monde le reconnaît, a entraîné une augmentation considérable de l'investissement privé outre-mer, et la loi de programme pour cinq ans.
En 1989, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer, POSEIDOM, est venu s'articuler sur les dispositions précédentes pour renforcer les moyens financiers publics propres au rattrapage des handicaps structurels reconnus pour ces territoires par l'Etat et par la Communauté européenne. Parallèlement, diverses mesures procédant au rattrapage dans le domaine social ont abouti à l'égalité sociale en 1995 et à l'alignement du SMIC des départements d'outre-mer sur le SMIC métropolitain.
Il faut signaler, par ailleurs, l'importance de la loi Perben de 1994, qui a permis en même temps le désendettement des régions outre-mer et la mise en place d'un dispositif exonérant des charges sociales certains secteurs de l'économie, notamment l'agriculture, le tourisme, la pêche et l'artisanat.
Toutes ces mesures ont amené une croissance soutenue et la création de milliers d'emplois, mais n'ont malheureusement pas suffi pour ralentir l'augmentation continue du chômage, dont le taux va de 25 % de la population active en Guyane à 42 % à la Réunion.
Il faut relever que cette croissance a été essentiellement soutenue par l'augmentation considérable des transferts publics, mais marquée par l'insuffisance des moyens mis en oeuvre pour les investissements productifs et créateurs d'emplois.
Si le projet de loi d'orientation que vous proposez est une porte entrouverte sur l'avenir, il en faudra néanmoins beaucoup plus pour espérer résoudre les problèmes aussi complexes que ceux qui se posent aux DOM, territoires qui portent encore le poids d'un lourd passé colonial et qui subissent des handicaps structurels que l'on connaît bien, à savoir l'éloignement, l'insularité et la petitesse de leur territoire - à l'exception de la Guyane - le retard de développement ou le « mal-développement », l'étroitesse de leur marché intérieur et leur mauvaise insertion dans un environnement géographique sous-développé.
Je crois donc qu'une réforme en profondeur est nécessaire, et non pas la recherche désespérée de solutions à travers le droit commun. Autrement dit, monsieur le secrétaire d'Etat, personne ne fera l'économie d'une mise à plat de tous les problèmes des départements d'outre-mer, surtout dans leur aspect intitutionnel.
Je crois, par ailleurs, que la France gagnerait beaucoup à s'inspirer des exemples des régions outre-mer du Portugal et de l'Espagne, à savoir les Açores, Madère et les Canaries, qui, avec les DOM, constituent les sept régions ultrapériphériques de l'Europe, et dans lesquelles tous ces handicaps ont été bien pris en compte. Ces régions ou communautés sont autonomes et n'en font pas moins partie intégrante de leur territoire national respectif.
L'article 73 de la Constitution interprété plus largement et couplé à l'article 299-2 du traité d'Amsterdam nous permettait d'imaginer les formules les plus heureuses pour une évolution positive des institutions des départements d'outre-mer.
Pour le moment, considérant donc votre projet de loi d'orientation, je m'inspirerai d'un vieux proverbe chinois : « Mieux vaut allumer une chandelle que de maudire l'obscurité. » (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais, dans la deuxième partie de mon intervention, attirer votre attention sur les difficultés rencontrées par les collectivités d'outre-mer dans le cadre actuel de nos institutions. Ces dernières années, nous avons assisté à une recentralisation rampante par les services extérieurs de l'Etat, et l'on est en droit de se demander aujourd'hui ce que vaut le pouvoir local face à l'omnipotence de l'administration centrale.
Je prendrai des exemples dans ma commune, Le Marin, peuplée de 7 500 habitants.
En 1984, la commune met en place un plan d'aménagement du territoire et un plan de développement économique dont les principaux volets étaient le développement des infrastructures portuaires, le développement touristique, le désenclavement des hameaux et l'aménagement du bourg.
Deux projets structurants sont prioritaires : la construction d'une voie de 300 mètres pour désenclaver la zone portuaire et la construction d'un hôtel 4 étoiles de deux cents chambres pour un investissement de 350 millions de francs sur le littoral caraïbe, afin de créer 200 emplois.
Concernant ce dernier projet, un permis de construire est délivré par la commune en 1992, après des études très poussées financées par les investisseurs, pour un coût de 15 millions de francs, et après avoir obtenu les avis favorables de tous les services de l'Etat, y compris de la commission des sites et du préfet.
Je passe sur les nombreuses difficultés qui font que ce projet n'a pu être encore réalisé à ce jour. Ce n'est qu'en 1998, lors de l'examen par la région Martinique du schéma de mise en valeur de la mer, le SMVM, que l'on s'est aperçu que la véritable cause du blocage a été l'arrêté pris en 1989 par le ministère de l'environnement.
Cet arrêté inscrivait à l'inventaire des monuments naturels et des sites à caractère scientifique, légendaire ou pittoresque l'endroit sur lequel devait se construire l'hôtel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cet arrêté a été pris en catimini, non seulement sans raisons valables, mais - plus scandaleux encore - sans que la commune et les services de l'Etat aient été informés. Je rappelle que c'est la direction départementale de l'équipement, la DDE, qui avait instruit le permis de construire délivré en 1992.
Le projet de voie de desserte vers la zone portuaire, dont la conception remonte à 1988 et dont le tracé ne concerne que des terrains communaux et des terrains publics situés dans la zone des cinquante pas géométriques, s'est heurté, d'une part, à un arrêté pris en 1993 par le ministre de la culture, pour classer monument historique, sur la demande expresse de son propriétaire, une maison avoisinante pompeusement appelée « habitation Montgérald » et, d'autre part, à l'inscription à l'inventaire des sites d'une partie du tracé de la voie, considérée comme ayant fait partie des anciens « jardins créoles » de ladite habitation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai déjà parlé de ce problème. Les raisons évoquées par les fonctionnaires du ministère de la culture sont fausses.
Tout d'abord, la référence historique avancée, à savoir la bataille survenue entre Français et Anglais en 1808, s'est déroulée, en fait, dans la commune voisine de Saint-Anne et le comte Girardin de Montgérald dont il est question dans cette affaire est en réalité mort d'une crise d'apoplexie dans son lit, et non pas la tête emportée par un boulet de canon au cours de la bataille.
Par ailleurs, aucune raison architecturale n'a pu être démontrée. Le député M. Camille Darsières ayant demandé, dans le contexte de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, le dossier du classement, celui-ci est revenu vide sans aucune étude architecturale circonstanciée sur cette maison.
Je rappelle qu'une commission d'experts a été désignée en 1995 pour déterminer si le tracé de la route était réalisable. L'expert représentant le ministère de la culture était comme par hasard celui qui avait procédé au classement de cette maison.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'en suis amené à me demander ce que vaut un élu local lorsqu'il est confronté aux manoeuvres et aux manipulations de l'administration centrale car, depuis 1992, je demande en vain la nomination d'un inspecteur général d'administration pour faire toute la lumière sur cette affaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les déboires de la commune du Marin avec l'administration sont loin d'être un cas isolé. Imaginez qu'à la Martinique on dénombre trente-deux services extérieurs de l'Etat, qui doivent presque tous être consultés à chaque fois qu'un projet est à l'étude, chacun ayant bien souvent un avis différent sur le même projet, voire différent de l'avis du préfet.
En même temps qu'un problème de décentralisation se pose un problème de déconcentration. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement devrait, je crois, se pencher rapidement sur une véritable réforme de l'Etat, comme cela avait déjà été promis par votre prédécesseur, M. de Peretti.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lorque l'on n'est pas confronté à l'incompréhension et à la mauvaise foi de certaines administrations qui sont persuadées qu'elles peuvent faire le bien des Martiniquais même malgré eux et dont les membres sont, en l'occurrence, incompétents, voire de dangereux prédateurs, on est aux prises avec les difficultés d'application de la législation nationale sur le plan local.
Les problèmes et les blocages rencontrés sont multiples, monsieur le ministre. Je pourrais également vous parler du problème de la justice dans les départements d'outre-mer, à propos de laquelle le Conseil supérieur de la magistrature lui-même a reconnu un certain nombre de curiosités, voire d'anomalies, par exemple le fait que 98 % des magistrats en poste sont d'origine métropolitaine, ce qui ne rapproche pas vraiment la justice du justiciable.
A la Martinique, il n'y a jamais eu, au moins depuis 1946, de procureur général d'origine antillo-guyanaise. Compte tenu de la différence de langue, il serait tout de même souhaitable qu'un certain nombre de magistrats soient d'origine antillaise pour permettre de meilleures relations entre la magistrature et le justiciable martiniquais.
Par ailleurs, il faudrait mener une réflexion sur l'applicabilité des textes concernant l'aménagement du territoire et les contraintes géotechniques qui y sont inhérentes. C'est ainsi que la Martinique vient d'adopter son schéma d'aménagement régional, SAR, et son schéma de la mise en valeur de la mer, dont la mise en conformité avec la loi sur le littoral aboutit à la stérilisation de l'espace maritime martiniquais. Vingt-huit communes sur trente-quatre se trouvent sur le littoral. La Martinique est une petite île montagneuse dont la plus grande largeur entre l'Atlantique et la Caraïbe est de trente kilomètres. Pour le Marin, dont la largeur est seulement de cinq kilomètres, le SMVM qui vient d'être prescrit par le Conseil d'Etat interdit à cette commune, qui possède près de 30 % des plages de la Martinique, de construire un hôtel sur son littoral, alors que pas un seul n'existe à ce jour.
Parlant du littoral, j'en profite pour remercier mon collègue M. Huchon de son intervention sur les cinquante pas géométriques. Je me demande toutefois si le SMVM ne risque pas de compliquer encore cette affaire.
Je prendrai pour autre exemple l'article 35 de la loi sur l'eau, qui prescrit la mise en place de plans communaux d'assainissement avant 2005.
En ce qui concerne la commune du Marin, composée d'un bourg et de dix-sept hameaux, les études que j'ai fait réaliser pour la mise en place du schéma d'assainissement montrent que, si je devais appliquer intégralement ce dernier dans sa forme actuelle et le faire voter conformément aux normes nationales, il ne serait plus possible de délivrer un permis de construire que sur 20 % du territoire communal, compte tenu de la nature des sols et du relief géographique tourmenté.
Autant dire qu'il s'agit là d'un texte inapplicable à la majeure partie de la Martinique, île dont la géographie et les contraintes climatiques sont, pour le moins, très différentes de celles que l'on rencontre en France métropolitaine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, voilà quelques exemples emblématiques qui vous montrent la difficulté et les dangers qu'il y a à nous « normaliser », c'est-à-dire à nous appliquer systématiquement les normes nationales.
En conclusion, il y a non pas seulement des problèmes de handicaps liés à l'insularité et à l'éloignement, mais aussi des problèmes liés à la difficulté d'appliquer des textes nationaux sans aucune adaptation aux situations locales.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Rodolphe Désiré. Il faudrait que l'Etat ait la volonté de trouver les véritables solutions qui permettraient à ces départements d'outre-mer de créer une ambiance propice à leur développement, notamment en favorisant l'investissement productif et créateur d'emplois.
Je passerai très rapidement sur la nécessité, déjà signalée par d'autres collègues, d'un statut fiscal pour les départements d'outre-mer, statut qui soit plus approprié pour le développement et plus durable que l'actuelle défiscalisation.
Il faudrait aussi mettre en place d'autres moyens de financement nécessaires au développement économique. Vous connaissez les difficultés des banques et des sociétés de crédit de l'outre-mer. Vous savez que les taux d'intérêt sont supérieurs, en moyenne, de 2,5 points à ceux qui sont pratiqués en France métropolitaine, handicapant sérieusement l'investissement local.
Ne serait-il pas possible, alors que l'ambiance est à la baisse générale des taux d'intérêt et que la France s'apprête à passer à la monnaie unique, l'euro, de mettre en place un dispositif à partir de la Banque centrale européenne, la BCE, en vue de permettre aux entreprises et aux économies domiennes de bénéficier de prêts à taux bonifiés et à long terme, comme cela était possible, mais de manière trop restrictive, avec l'IEDOM, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, en utilisant notamment l'instrument de réescompte ?
Vous voyez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que, comme je le soulignais au début de mon intervention, le chantier de l'outre-mer est complexe et difficile : il nécessite, de la part de l'Etat et des populations des départements d'outre-mer, une véritable volonté de mettre en place tous les moyens, y compris institutionnels, pour un développement harmonieux et durable, faute de quoi se feront jour insatisfaction d'un côté et agacement de l'autre. Je vois difficilement la métropole continuer indéfiniment à entretenir des économies dont le moteur essentiel repose sur les transferts publics.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut s'y résoudre, le moment est venu de se pencher sérieusement et exhaustivement sur les problèmes posés par les départements d'outre-mer, particulièrement sur le problème institutionnel. En effet, comme le dit un vieux proverbe, « on ne peut marcher en regardant les étoiles quand on a une pierre dans son soulier ». (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Permettez-moi cet autre proverbe, monsieur Désiré : « Si tu lances un pot de fleurs en l'air, prends garde qu'il ne te tombe sur la tête ! » (Sourires.)
La parole est à M. Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne puis débuter mon propos sans vous exprimer, avant toutes choses, ma gratitude.
En effet, voilà quelques mois, vous avez accepté de réviser la Constitution de la République française pour permettre la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa, qui établit les fondements de vingt ans de stabilité institutionnelle, de paix et de progrès, dans la France.
En accomplissant cet acte hautement symbolique, la représentation nationale a témoigné de façon éclatante sa solidarité à l'égard de la population de la Nouvelle-Calédonie, qui s'est elle-même exprimée, le 8 novembre dernier, en approuvant à une écrasante majorité cet accord.
Je suis personnellement très heureux de ce résultat, qui nous conforte tous dans notre conviction d'avoir choisi la bonne voie, celle du maintien au sein de la République française. Si je me répète, ce dont je vous demande de bien vouloir m'excuser, c'est parce que j'ai entendu à deux reprises au moins des collègues déclarer le contraire.
Nous constatons aujourd'hui que le soutien financier de l'Etat à l'égard de nos compatriotes calédoniens est renforcé dans ce projet de loi de finances pour 1999, et ce malgré les lourdes contraintes pesant sur le budget de la nation. C'est une grande satisfaction pour nous tous qui avons à relever le défi de construire cette terre calédonienne dans la paix.
Chacun sait, au sein de la Haute Assemblée, que les vingt ans de paix et de stabilité que les Calédoniens viennent de choisir vont leur permettre d'optimiser leurs efforts, dans la poursuite du grand chantier du développement.
Notre foi en l'avenir ne nous fait pas pour autant ignorer l'ampleur des difficultés que nous avons à surmonter.
Nous sommes en effet particulièrement préoccupés, aujourd'hui, par la gravité et par la durabilité de la crise qui frappe l'activité minière dans le monde, et que la Nouvelle-Calédonie subit de plein fouet.
De septembre 1997 à septembre 1998, le cours moyen en dollars de la livre de minerai de nickel a chuté de quelque 37 %. Dans le même temps, nos exportations de minerai de nickel ont diminué en valeur d'au moins 33 %.
Ayant subi dix-sept mois consécutifs de baisse des cours, les professionnels de la mine, plus particulièrement les petits mineurs calédoniens, sont au bord de l'asphyxie, car ils ne parviennent plus à produire du minerai à des coûts inférieurs au prix du marché.
Limiter les coûts de production revient inévitablement à réduire les effectifs ainsi que les contrats passés avec les sous-traitants. De telles mesures pèsent très lourd sur le marché du travail calédonien, car l'extraction minière - nous ne devons pas l'oublier - constitue depuis plusieurs années l'essentiel du tissu économique de la côte Est de la Nouvelle-Calédonie et y fait vivre de nombreuses familles.
Notre préoccupation est d'autant plus vive que la situation mondiale actuelle présente toutes les caractéristiques d'une crise structurelle, avec le maintien d'un prix bas du minerai de nickel, sur le long terme.
Nous ne devons pas non plus ignorer les menaces qui pèsent sur l'activité métallurgique elle-même, par l'introduction sur le marché de nouvelles techniques d'exploitation de la latérite, à un prix de revient bien moindre par rapport aux coûts de transformation de la garniérite, qui caractérise l'activité de la SLN, la société Le Nickel.
Une véritable révolution technologique est en train de se produire non loin de la Nouvelle-Calédonie, en Australie, où vont se révéler très offensives des usines hydrométallurgiques qui, en exploitant à faibles coûts la latérite, vont, dès 1999, prendre des parts de marché.
Nous sommes de toute évidence en train de vivre un tournant majeur, dont notre territoire ne sortira pas indemne.
La mine a toujours été un sujet très sensible pour les Calédoniens.
Nous ne souhaitons pas que les difficultés touchant ce secteur, qui se traduisent d'ores et déjà, pour de nombreuses familles, par une perte d'emploi et une absence de revenus, puissent obérer la réussite de la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa.
Une réflexion est engagée sur le plan local, et des mesures de soutien au secteur de la mine seront très prochainement adoptées par le congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie.
Il serait d'ailleurs souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous puissions disposer dans les meilleurs délais du rapport réalisé par M. Turpin sur la crise minière en Nouvelle-Calédonie.
Nous allons consacrer une partie des ressources territoriales à ces mesures d'aide, mais il est difficilement envisageable que le territoire puisse se passer du concours de l'Etat, qui est directement impliqué dans ce dossier, par le biais de la SLN.
Dans cette conjoncture défavorable, les efforts de diversification de notre économie doivent être accrus.
En approuvant un pacte de paix pour les vingt ans à venir, les Calédoniens ont compris qu'ils se donnent toutes les chances d'un décollage économique, en créant les conditions propices à la multiplication des investissements sur notre territoire ; toutefois, il s'agit là de conditions nécessaires mais non suffisantes, aux yeux des investisseurs potentiels, qui sont en droit d'attendre que les risques qu'ils acceptent de prendre se traduisent par la réalisation d'un profit.
C'est pourquoi je souhaite aujourd'hui appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur l'importance, pour notre territoire, de la loi Pons, qui autorise la défiscalisation des investissements outre-mer.
Je veux vous faire part de l'inquiétude des Calédoniens, devant la décision prise par nos collègues députés de maintenir jusqu'en 2002 seulement le dispositif de la loi Pons, tant pour les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu que pour ceux qui sont soumis à l'impôt sur les sociétés.
Cette décision est intervenue en dépit des conclusions de M. le député Migaud, rapporteur de la commission des finances, qui a préconisé une prolongation de cinq ans du dispositif de la défiscalisation, pour les sociétés.
La Nouvelle-Calédonie sera inévitablement pénalisée durement, en cas de retrait de ce dispositif à partir de 2002, alors qu'elle aspire à vingt ans de croissance économique. Nul ne peut douter de son besoin d'être accompagnée au cours de cette période décisive.
La réalisation des grands projets hôteliers est directement liée à l'existence de la loi Pons.
De même, notre compagnie régionale Air Calédonie International projette d'acquérir en défiscalisation, dans le cadre d'un ambitieux programme de restructuration de ses activités, un Airbus 330, investissement particulièrement lourd pour lequel le territoire de la Nouvelle-Calédonie s'est déjà engagé financièrement.
De tels investissements, lorsqu'ils sont pratiqués directement, peuvent bénéficier de l'intermédiation d'un groupement d'intérêt économique, un GIE, cette disposition ayant été réintroduite.
Il n'en demeure pas moins que les avantages fiscaux réservés aux opérateurs regroupés en GIE seront réduits, puisque ces derniers ne peuvent plus faire remonter leurs pertes comptables pendant la durée de l'investissement. Nous craignons l'effet dissuasif de cette nouvelle restriction.
Nous sommes conscients de l'effort fiscal fait par l'Etat au travers de la loi Pons. Nous le sommes d'autant plus que, pour la majorité des investissements réalisés sur le sol calédonien par des investisseurs imposables en Nouvelle-Calédonie, la solidarité territoriale s'exerce par le biais d'un mécanisme semblable de déduction des montants investis de l'assiette fiscale et des multiples possibilités de bénéficier d'exonérations des taxes applicables aux matières premières et aux biens d'équipement. Ce dispositif pèse lourd en termes de manque à gagner en recettes fiscales qui sont, au demeurant, non extensibles, à l'échelle de notre territoire.
Mais vous n'ignorez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que l'enjeu du décollage économique de la Nouvelle-Calédonie dépasse de loin nos propres capacités. Il est donc essentiel que la solidarité nationale puisse s'exercer durablement.
Pour l'heure, si la volonté politique est encore de maintenir le mécanisme de la loi de défiscalisation, on ne peut que déplorer les difficultés croissantes auxquelles se heurtent nos agents économiques, dans sa mise en oeuvre. Ils ont à faire face aux exigences démesurées des fonctionnaires en charge de l'instruction des dossiers de demandes d'agrément, qui ont transformé une telle démarche en un véritable parcours du combattant.
Je terminerai en rappelant qu'il me paraît essentiel de ne pas oublier que l'outre-mer français n'est pas privilégié dans le domaine économique, car il a tout à faire pour construire son avenir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Rodolphe Désiré applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne vous surprendrai pas en consacrant la quasi-totalité de mon intervention à attirer encore votre attention sur la situation particulièrement difficile de l'emploi outre-mer.
En moyens de paiement, le projet de budget de l'outre-mer progresse de 7 % par rapport à l'année 1998 ; mais il faut tout de suite tempérer l'optimisme de certaines déclarations.
En effet, s'agissant du logement social, secteur prioritaire pour l'outre-mer, la stabilité des autorisations de programme - 1,096 milliard de francs en 1999 comme en 1998 - ne permettra pas, à mon sens, d'ébaucher un quelconque rattrapage des retards accumulés dans les départements d'outre-mer.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'emploi, secteur tout aussi sensible, la dotation globale, hors emplois-jeunes, baisse de 37 millions de francs, ce qui conforte notre crainte exprimée lors de l'examen du projet de loi relatif aux emplois-jeunes que le rattachement des crédits « emplois-jeunes » au FEDOM n'entraîne la baisse des autres crédits. Nous avions, hélas ! raison !
Est aussi négative la forte diminution des contrats d'accès à l'emploi - moins 35 % - qui constituent pourtant, en fait, la seule véritable solution d'insertion dans la mesure où ils permettent d'apprendre réellement un métier, sous l'autorité d'employeurs privés.
Il est vrai que la progression du volume des contrats emploi-solidarité au détriment des contrats d'accès à l'emploi fait suite aux revendications des maires qui, localement, rencontrent de plus en plus de difficultés face aux revendications des chômeurs, de plus en plus nombreux chez nous.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, ce budget, avec sa progression de 7 %, répond-il aux attentes des populations de l'outre-mer ? Va-t-il permettre de rattraper un peu le retard en matière de logement ? Va-t-il permettre de casser le courbe infernale du chômage ?
A l'évidence, non ! Ce budget ne changera rien à la situation socio-économique des départements d'outre-mer. Il n'apportera pas d'espoir aux 43 % de chômeurs vivant à la Réunion, notamment aux jeunes, pas plus qu'il n'en donnera aux planteurs qui désespèrent, aux artisans qui se sentent abandonnés, aux marins pêcheurs qui sont aujourd'hui harcelés par les huissiers et aux 20 000 ouvriers du bâtiment au chômage qui attendent une hypothétique reprise.
En réalité, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons, nous, Domiens, le sentiment que les DOM ne constituent plus une priorité pour le Gouvernement de la France, comme cela a été le cas dans le passé, et que l'on se contente de gérer les affaires courantes en réglant les conflits au jour le jour, sans projet d'avenir, bref, sans y croire vraiment.
Ce sentiment d'abandon est par ailleurs renforcé par les attaques lancées contre des dispositifs forts qui, mis en place par les précédentes majorités, ont montré leur efficacité dans la lutte contre le chômage : je veux parler, bien sûr, des lois Perben et Pons, cette dernière ayant d'ailleurs été fortement amputée l'an dernier par la nouvelle majorité de l'Assemblée nationale.
Monsieur le sécrétaire d'Etat, il vous appartient de mettre fin à ce sentiment d'immobilisme, voire de régression.
Il vous appartient de redonner espoir à ces fidèles populations, en leur proposant un véritable plan pour que les DOM parviennent enfin, après l'égalité sociale, à l'égalité de développement avec la France continentale.
Ce qu'il nous faut, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est non pas des modifications de statut - qui ne régleront rien, bien au contraire - mais un ensemble de dispositions économiques et sociales pour rendre leur dignité par le travail aux Français de l'outre-mer.
Nous avons des atouts humains, notamment une jeunesse nombreuse qui veut se former et qui veut travailler, et notre qualité de Français et d'Européens nous vaut d'appartenir à un ensemble riche, politiquement stable et sans inflation, dans un environnement marqué, chez nos voisins, par l'instabilité politique et sociale, l'inflation galopante et parfois, hélas ! la misère.
En outre, nous avons les atouts juridiques, puisque l'article 73 de la Constitution et l'article 299-2 du traité d'Amsterdam peuvent nous permettre d'adapter notre spécificité au contexte économique, en particulier en ce qui concerne l'abaissement des charges sociales, l'aide à l'emploi et la protection de nos productions.
Enfin, les moyens financiers existent, car les crédits inscrits au budget de la nation au titre de l'aide à l'emploi sont colossaux, et les habitants des DOM doivent y avoir accès à égalité de traitement avec les habitants de la métropole.
En effet, il est inadmissible, à mon sens, qu'un chômeur réunionnais soit traité quatre fois moins bien qu'un chômeur de métropole, ce qui est le cas actuellement s'agissant des emplois-jeunes.
Cette loi sur les emplois-jeunes a soulevé outre-mer un immense espoir, qui s'est, hélas ! transformé en désillusion amère. Cette loi ne peut pas, en effet, permettre de répondre à la situation particulière des DOM, caractérisée par un taux de chômage très important, par une carence de grandes entreprises publiques ou chargées de service public, qui avaient pu embaucher, et par la situation financière tendue des collectivités locales.
Finalement, seuls les jeunes diplômés ont des chances d'être embauchés, les autres étant de plus en plus exclus, car les crédits, hors emplois-jeunes, diminuent.
Or, à la Réunion, ce n'est pas 3 000 jeunes, ni 4 000, ni 6 000 qu'il faut insérer, mais 26 000, et... le double dans cinq ans !
Savez-vous, mes chers collègues, qu'à la Réunion la création d'emplois-jeunes est refusée par la sous-préfecture au motif que la situation financière de la commune ne permettra pas leur pérennisation dans cinq ans - cela s'est passé la semaine dernière à Saint-Philippe, commune dont le maire appartient à votre majorité, monsieur le secrétaire d'Etat - alors qu'à Paris - et c'est tant mieux pour les jeunes parisiens - la préfecture de police et la mairie font de la publicité pour recruter des emplois-jeunes ? En fait, aucune commune de l'île ne pourra demain pérenniser ces emplois en nombre significatif !
La seule solution, à mon sens, réside dans la modification de cette loi, dans son adaptation à la situation spécifique de l'outre-mer et dans son application au secteur privé. Tel est le sens de la proposition de loi que j'ai déposée à la fin de l'année dernière.
Ce texte permettait d'embaucher la quasi-totalité des jeunes d'outre-mer, de développer fortement l'économie exportatrice des DOM - agriculture, industrie, tourisme et services - de relancer la construction des logements sociaux et de dynamiser la formation des hommes.
Le financement proposé par ce dispositif croisait cinq ressources : la quote-part de l'Etat, sur les fonds des emplois-jeunes, au prorata du nombre de chômeurs outre-mer ; la participation de l'employeur privé ; le redéploiement des primes d'éloignement des fonctionnaires, primes à caractère colonial qui n'ont plus aujourd'hui aucune justification ; une partie de la TVA sociale de la loi Perben, payée par les consommateurs locaux ; enfin, la participation des collectivités régionale et départementale.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, nous disposons d'une panoplie importante de moyens humains, juridiques et financiers pour développer l'emploi outre-mer, pour permettre d'insérer nos territoires dans leur environnement régional, pour limiter nos importations, développer nos exportations et, surtout, redonner l'espoir à nos populations.
Il ne manque plus que la volonté politique ! Il faut que le Gouvernement écoute enfin ses élus qui, unanimement, vous tiennent le même discours d'urgence.
Il y a urgence, monsieur le secrétaire d'Etat. A la Réunion seulement, le nombre de jeunes exclus passera de 26 000 à 50 000 en cinq ans si vous ne réagissez pas. La révolte gronde, vous le savez, et il ne se passe pas une semaine sans qu'une mairie soit envahie par des jeunes en quête d'un travail. La matraque du CRS n'est pas, à mon avis, une réponse à ces appels de détresse !
Vous avez annoncé une loi d'orientation pour l'automne prochain ; je vous en remercie, mais j'ai bien peur que cette loi et ses décrets d'application ne viennent trop tard pour empêcher ce que, sur place, nous redoutons tous : l'explosion ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez qu'un nouveau venu s'émerveille dans cette prestigieuse maison commune.
La mémoire suscite souvent des associations difficiles à expliquer. En pénétrant ici pour la première fois, ce sont des souvenirs irrésistibles d'enfance qui m'ont envahi : la grande case aménagée en salle de classe de quarante à cinquante élèves, un mobilier plus que rudimentaire, une frêle religieuse bretonne nous initiant à la langue française, les récitations, les poésies et, surtout, un chant, le seul dont je me souvienne, et qui, il y a une vingtaine d'années, comme l'effet d'un conditionnement pavlovien, m'était aussi subitement monté à la bouche en découvrant la campagne française. Oui, un chant : « Gloire à la France ! »
J'exprime ainsi, mes chers collègues, l'attachement presque viscéral et, bien sûr, très ancien des Wallisiens et Futuniens à la France. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, redescendant maintenant vers les réalités matérielles, je vous dirai que la maîtrise des déficits publics que chacun appelait de ses voeux pouvait laisser craindre à beaucoup que l'outre-mer ne soit sacrifié sur l'autel de la rigueur budgétaire. Or il n'en est rien, et chacun d'entre nous s'en réjouit.
L'effort du Gouvernement, au contraire, est net et mérite d'être salué. En effet, si l'ensemble de la contribution de l'Etat à destination des DOM-TOM augmente de 2,9 %, le seul budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer est en hausse de 7 % environ, marquant l'importance croissante des interventions dans le domaine économique et social.
Par conséquent, mon propos commencera par un remerciement, en dehors de tout esprit partisan, remerciement d'autant plus fort que la subvention de fonctionnement au territoire de Wallis-et-Futuna a été plus que doublée, passant de 1,6 million de francs à 3,3 millions de francs.
Mais, puisqu'un compliment doit toujours être assorti de nuances, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, d'appeler votre attention sur les difficultés que connaissent les îles Wallis et Futuna, que j'ai l'honneur de représenter désormais au Sénat, car le doublement de la subvention d'équilibre sera insuffisant pour remettre à niveau les finances locales.
Mon collègue Victor Brial, lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, vous avait fait part de son inquiétude pour le financement de la desserte inter-îles entre Wallis et Futuna et de l'urgente nécessité pour le territoire d'obtenir une rallonge budgétaire de 2,2 millions de francs. Serait-il possible, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir des précisions sur cette question ?
Toujours dans le cadre des finances locales, la prise en charge par l'Etat des personnels de statut local de la délégation de Wallis-et-Futuna en Nouvelle-Calédonie, actuellement à la charge du territoire pour 1,4 million de francs par an, se justifierait notamment par les missions d'état civil qu'ils remplissent. Il faut en effet rappeler que 17 000 Wallisiens et Futuniens vivent en Nouvelle-Calédonie, où ils sont plus nombreux que sur leur territoire même.
C'est pourquoi il a été prévu par l'accord de Nouméa qu'un accord particulier serait conclu entre les deux territoires. Or le projet de loi organique que vous avez présenté en conseil des ministres la semaine dernière et qui sera discuté les 22 et 23 décembre à l'Assemblée nationale est muet sur ce point. Qu'en est-il du calendrier ? Comment la concertation sera-t-elle organisée ? Ce sont des questions que les populations wallisienne et futunienne de Nouvele-Calédonie et de Wallis-et-Futuna se posent avec une certaine inquiétude.
L'avenir d'un territoire aussi exigu que le mien ne peut s'envisager sans ouverture à l'extérieur, à moins d'une nouvelle et profonde réorganisation interne.
C'est dans cette perpective qu'il faudrait sans doute repenser l'enseignement, surtout secondaire, et étudier la possibilité de mettre en place assez rapidement un lycée professionnel complet tout en dotant le lycée d'enseignement général des structures indispensables pour favoriser l'approfondissement des connaissances des lycéens.
Mais, pour l'immédiat, les établissements publics et privés de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, que je remercie devant mes collègues Gaston Flosse et Simon Loueckhote, restent le seul recours. C'est une solution unique et obligatoire, mais elle est lourde pour le budget du territoire, qui demande la prise en charge totale par l'Etat.
Les très faibles résultats de nos étudiants à l'issue de la première année de l'université prouvent qu'ils ont d'énormes lacunes et qu'ils sont sans doute mal guidés dans leurs choix d'orientation. C'est pourquoi la création d'un poste à plein temps de conseiller d'orientation dans le territoire serait vivement souhaitable.
Pour diverses raisons, mais surtout pour permettre à une catégorie de jeunes qui n'a pas eu la chance de compléter, ou tout simplement de commencer une formation professionnelle, ne pourrait-on pas, monsieur le secrétaire d'Etat, envisager l'implantation d'un centre de service militaire adapté à Wallis-et-Futuna ?
Le problème de l'emploi devient de plus en plus crucial dans nos îles, qui vivent essentiellement des activités du secteur public. La mise en place d'une chambre des métiers contribuerait fortement à dynamiser l'activité économique et la création d'emplois dans le secteur privé. Sur ce point, je demande l'appui du Gouvernement.
Pour ce qui concerne les problèmes sanitaires et sociaux, vous connaissez très bien la situation, monsieur le secrétaire d'Etat. Lors de votre visite, en mai dernier, vous avez annoncé la création d'une agence de santé tout en rappelant votre attachement au principe de gratuité. Je tiens, à l'occasion de l'examen de votre budget, à vous redire notre accord total sur ce point étant donné les très faibles ressources de la majorité de la population.
Concernant les personnes âgées, et même si les solidarités familiales jouent bien plus fortement qu'en métropole, 426 francs par mois, c'est franchement insuffisant. Dans la mesure où cela ne concerne qu'un peu plus d'un millier d'hommes et de femmes, une revalorisation de l'allocation serait un geste indolore pour l'Etat et symboliquement important pour la population.
Enfin, un effort devrait être fait, dans l'esprit de la grande loi sur l'exclusion, envers les personnes handicapées. Actuellement, l'Etat verse annuellement à une association locale une subvention de 450 000 francs, devant servir tout à la fois à leur assistance médicale et à leur intégration sociale et professionnelle. Votre collègue M. Bernard Kouchner avait, l'année dernière, convenu que cette somme était dérisoire, mais nous attendons toujours qu'elle soit augmentée et que, plus généralement, la politique en faveur des personnes handicapées soit redéfinie.
Bien d'autres points importants restent à mentionner, comme la préparation des futurs contrats de plan ou le statut de la fonction publique territoriale, mais je n'évoquerai très rapidement que l'avenir statutaire de notre territoire, pour dire tout simplement que tout le monde, aujourd'hui, reconnaît la nécessité d'une adaptation de la loi de 1961 aux réalités du moment.
Je crois aussi que la situation est l'une des plus favorables que nous ayons connues pour un grand palabre sur cette question. Les grandes déclarations publiques qui engendrent les blocages étant contraires à l'esprit du vrai palabre, il reste à trouver, comme on dit, les lieux où « la parole n'a qu'une seule bouche ».
Monsieur le secrétaire d'Etat, revenant à nouveau, pour conclure, sur les finances du territoire, je veux saluer le sens des responsabilités dont font preuve nos élus, qui ont entrepris le chantier difficile de l'assainissement de la situation financière du territoire. Il faut le poursuivre et, pour cela, nous comptons plus que jamais sur la coopération renforcée de l'Etat. L'année 1999 sera, pour Wallis-et-Futuna, une année charnière avec, en préparation, le nouveau contrat de plan Etat-territoire, le renouvellement de la convention Etat-mission catholique pour l'enseignement primaire et la signature de l'accord particulier avec la Nouvelle-Calédonie. C'est dans l'espoir d'un engagement sans faille du Gouvernement sur ces dossiers que je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, ne représente qu'une faible part - heureusement - de l'effort de l'Etat en faveur de l'outre-mer.
Il faut noter que, depuis quelques années, le budget de l'outre-mer n'a cessé de croître, en raison, particulièrement, du rattachement de certains crédits autrefois inscrits à d'autres ministères.
Certains postes, en matière notamment d'emploi, de logement social, connaissent une augmentation de crédits non négligeable, mais tout le problème réside dans la capacité à les consommer et à réaliser les programmes dans les conditions prévues, de manière à soutenir l'emploi.
Tel n'est pas le cas. Bien au contraire, des freins systématiques bloquent la réalisation budgétaire, et, en Guadeloupe en particulier, il n'y a aucun marché public significatif.
La commande publique n'est assurée que par la région, et celle-ci souffre des retards considérables mis par l'Etat au remboursement de ses quotes-parts, et ce en ce qui concerne tant les crédits du FIDOM que ceux des fonds européens, mais aussi les sommes avancées par la région pour réparer les dégâts causés par Luis et Marilyn en 1995, qui ne lui sont pas, aujourd'hui encore, remboursés.
Aussi suis-je un peu inquiète lorsque je note, dans votre projet de budget, la décision de supprimer 15 millions de francs de crédits de paiement de la section décentralisée du FIDOM.
Mais ce projet de budget appelle de ma part d'autres préoccupations et interrogations liées au traitement infligé à la région Guadeloupe.
La Guadeloupe est un archipel. Or cette dimension n'est pas prise en compte dans le budget de l'Etat, et ce depuis des années.
Les contraintes archipélagiques de la Guadeloupe exigent la couverture de certaines obligations, notamment pour les transports, les routes, les ports, les aéroports, la santé, l'éducation, et j'en passe.
Aucune de ces contraintes n'est prise en compte dans le budget de l'Etat, malgré la signature en 1994 du protocole archipélagique.
Cette omission est grave, parce qu'elle pénalise doublement l'archipel guadeloupéen vis-à-vis de l'Union. En effet, si l'Etat membre assumait ses responsabilités, aujourd'hui, au moment où nous allons négocier le contrat de Plan, nous aurions pu obtenir de Bruxelles une dotation archipélagique puisque la dotation ultrapériphérique a déjà été adoptée et que la collectivité régionale a déposé un amendement sur la notion archipélagique.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, les dotations allouées à la Guadeloupe sont inférieures à celles qui le sont à la Martinique. Je vous en donnerai quelques exemples.
Transports terrestres : la dotation de la Martinique s'élève à 266 millions de francs en crédits de paiement ; 11 millions de francs seulement pour la Guadeloupe. Je voudrais que l'on m'explique.
Pour la mer, c'est pareil ! Alors que l'archipel de la Guadeloupe comprend Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Désirade, Marie-Galante, Terre-de-Haut, Terre-de-Bas, sa dotation n'est que de 11 millions de francs ; 24 millions de francs pour la Martinique.
Culture : ce n'est pas grave !
Emploi : tant pis !
Santé : la Guadeloupe - je défends mon département - est obligée d'avoir un CHU. A ce propos, nous avons eu à déplorer trois décès. Que s'est-il passé ? Personne n'en sait rien ; personne n'a obtenu d'informations sur cet accident dramatique.
Nous comptons un hôpital à Pointe-à-Pitre, un à Basse-Terre, un à Marie-Galante, un à Saint-Martin, qui accueille surtout des Dominicains et des Haïtiens, un autre à Saint-Barthélemy et des dispensaires polyvalents de haut niveau à Terre-de-Haut, à Terre-de-Bas et à la Désirade.
Politique de la ville : la Martinique dispose de 19 millions de francs ; la Guadeloupe de 15 millions de francs.
Sur presque tous les chapitres budgétaires importants - et cela depuis longtemps - la Martinique, qui est une île, est mieux dotée que la Guadeloupe, qui est un archipel avec six îles.
Aujourd'hui, la dotation globale en crédits de paiement de la Martinique est supérieure de 400 millions de francs à celle de la Guadeloupe pour un nombre d'habitants inférieur.
Loin de moi l'idée d'entretenir un antagonisme quelconque avec mes collègues de la Martinique ; je veux simplement rétablir la situation. Qu'est-ce qui justifie ces différences ?
Allons-nous préparer et négocier le prochain contrat de Plan et le DOCUP sans rétablir la réalité de la situation géographique de la Guadeloupe, région d'outre-mer d'objectif 1 avec un caractère archipélagique ?
Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, nous faisons des efforts. Le rapport du ministère de l'intérieur confirme que la région Guadeloupe est celle où la fiscalité se rapproche le plus de la fiscalité nationale. S'agissant des investissements, nous donnons une leçon d'excellente gestion car, en matière tant de formation que de marchés publics, notre petite région investit plus d'un milliard de francs chaque année.
Pourquoi le Gouvernement ne répare-t-il pas cette injustice que je dénonce depuis des années et ne reconnaît-il pas le caractère archipélagique de la Guadeloupe, ce qui faciliterait nos négociations avec l'Union ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, je prendrai un exemple dont je vous ai parlé : la dotation de péréquation en matière de transports ne nous est pas applicable.
Je ne demande pas, comme certains le font pour la Corse, de rapprocher la Guadeloupe de la France métropolitaine. Actuellement, un étudiant originaire de Saint-Barthélemy se rendant en Guadeloupe paie son billet aller et retour 1 100 francs. La région a fait un effort et prend en charge 50 % du prix du billet ; ainsi le coût du billet pour l'étudiant est-il réduit à 550 francs. Combien paie un étudiant pour un billet Paris-Angers en TGV ? 195 francs. Cette discrimination est insupportable. De même, un malade originaire de la même île qui doit effectuer un scanner à Pointe-à-Pitre paie son billet d'avion 1 100 francs.
Cet exemple nous permet de nous faire une idée sur les surcoûts dus à la situation archipélagique de la Guadeloupe. Certains évoqueront la situation de la Guyane. On peut s'y déplacer en voiture. Quand on habite Saint-Martin ou Saint-Barthélemy, pour aller à Pointe-à Pitre, on est obligé de prendre l'avion. Voilà toute la différence.
En ce qui concerne l'emploi, je ne peux que souscrire à l'augmentation de la dotation du fonds pour l'emploi. Mais, en Guadeloupe, nous avons enregistré quand même, cette année, 250 dépôts de bilan.
Le produit complémentaire des deux points de TVA, s'il a permis d'accorder des exonérations de cotisations, est loin de correspondre au montant que représentent celles-ci.
C'est la raison pour laquelle nous aurions souhaité, monsieur le secrétaire d'Etat, avoir la liste nominative des entreprises bénéficiant de ces exonérations. En effet, ces mêmes entreprises bénéficient chez nous de primes, d'exonérations d'octrois de mer. Il est indispensable que les élus que nous sommes puissent contrôler l'effort qui est accompli tant par la nation que par nous-mêmes pour en voir les retombées sur l'emploi.
En ce qui concerne le RMI, force est de constater qu'il a favorisé le travail au noir. Pire, l'argent du RMI retourne en métropole par le biais du jeu.
Si le Gouvernement envisage de prendre un décret pour permettre aux RMIstes, pendant une année, de ne pas perdre le bénéfice de leurs allocations, n'estimez-vous pas qu'il serait important de mettre en place un dispositif spécifique pour l'outre-mer ?
En ce qui concerne la ligne budgétaire unique, je ne peux contester l'effort qui est consenti, mais, monsieur le ministre d'Etat, en septembre, en Guadeloupe, nous n'avions pas consommé 9 % de la LBU. La programmation a eu lieu le 30 août 1998. A partir du mois de septembre, il y a donc surchauffe pour consommer la LBU, tandis qu'en janvier, février, mars, les entreprises n'ont rien à faire. En Guadeloupe, le contrôleur financier est en train de remettre en cause le guichet unique qui avait été institué sur l'initiative de l'Etat et des collectivités pour regrouper l'ensemble des efforts financiers.
Il serait nécessaire qu'un lissage de la programmation intervienne dès le début de l'année pour que les programmes soient retenus et pour que les entreprises puissent commencer à travailler. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vais vous faire sourire. Le logiciel de la DDE en Guadeloupe est tombé en panne. Les fonctionnaires de la DDE sont allés à la Réunion chercher le logiciel pour l'appliquer en Guadeloupe. Il était inadapté !
Imaginez la réaction des entreprises dans le climat actuel : alors qu'elles sont en difficultés, elles apprennent que le logiciel de la DDE est en panne et que celui qu'on est allé chercher à la Réunion - et à quel prix ! - est inadapté...
J'en viens à l'habitat insalubre. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez signé des conventions avec nous. Nous avons un certain nombre de dossiers. Savez-vous ce qui se passe pour avoir une subvention ? Comme nous ne voulons pas que les subventions soient versées directement aux bénéficiaires, elles sont versées aux constructeurs par le biais d'un mandat financier. Or, savez-vous ce que le contrôleur financier a inventé ? Il faut que le mandat financier soit passé devant notaire. Coût de l'acte ? Neuf cent francs ! Compte tenu du niveau de vie de la population de l'outre-mer, elle ne va évidemment pas chez un notaire passer un acte.
Tout est fait - je pèse mes mots - pour bloquer la réalisation des programmes et toutes les mesures semblent inventées pour freiner ce qui se passe chez nous.
J'en viens au PACT, protection, amélioration, conservation et transformation de l'habitat, monsieur le secrétaire d'Etat. Qui est le trésorier du PACT ? La DDE ! Vous connaissez le déficit du PACT en Guadeloupe, il est de 20 millions de francs.
Quels logements sociaux, quelles réhabilitations allons-nous faire avec une structure dont l'Etat a la responsabilité et qui présente un déficit de 20 millions de francs ? Monsieur le secrétaire d'Etat, lorsqu'on ose en parler en Guadeloupe, les fonctionnaires sont choqués.
J'en viens à la pêche. Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a des efforts qui sont faits par l'Etat et par les collectivités. Mais nos pêcheurs se font arraisonner dans les prétendues zones territoriales de Saba ou d'Antigua. On nous dit qu'il faut délimiter les zones. Vous ne délimiterez aucune zone de pêche dans la Caraïbe parce qu'ils n'en veulent pas.
C'est la raison pour laquelle je vais déposer un amendement visant à la mise en place d'un fonds de soutien, avec la participation de la région, de l'Etat et de l'Union, pour dédommager les pêcheurs.
La coopération ! Mon collègue de la Martinique en a parlé tout à l'heure, et je souscris à ses propos. Je voulais simplement savoir quelle politique a la France en la matière.
Vous êtes en train de construire à Antigua, avec des financements à des taux beaucoup plus intéressants que ceux que nous obtenons, un port, le port de Vieux-Fort, qui fera concurrence à celui de Fort-de-France et de Pointe-à-Pitre.
Vous êtes en train d'améliorer les structures aéroportuaires des îles de la Caraïbe, où les salaires sont beaucoup plus bas que chez nous, et qui sont nos premiers concurrents sur le plan touristique.
Alors, nous souhaiterions que la France définisse sa politique dans la Caraïbe. Comment veut-elle protéger son rayonnement et continuer, à travers la Banque française de coopération, d'accorder à des Etats indépendants des financements à des taux bancaires extrêmement intéressants, alors qu'on nous invoque des risques financiers pour refuser les financements.
Mon collègue M. Larifla l'a déjà dit, et je le répète avec plus de force encore : lorsqu'un élu ose adresser une observation aux fonctionnaires, il n'y gagne que des tracasseries.
Le précédent gouvernement a commis une erreur qui m'avait aussi échappé : il a classé le cimetière de Basse-Terre en zone franche ... (Sourires.) parce que la zone artisanale concernée est contiguë. On ne l'avait pas vu, je ne l'avais pas vu, cela arrive à tout le monde. Lorsqu'on est allé délimiter les terrains, on s'est aperçu que c'était le cimetière qui était en zone franche et non la zone artisanale. (Sourires.) Et l'on m'a ri au nez lorsque j'ai osé demander une modification. Chez nous, les artisans n'ont pas le droit à la zone franche, mais nous avons des « morts francs » ! (Sourires.)
M. Philippe Marini rapporteur général C'est un bel exemple ! Mme Lucette Michaux-Chevry. Est-il normal que, dix ans après que le président d'une assemblée locale a pris un arrêté visant à mettre un fonctionnaire de l'Etat à la disposition d'une autre collectivité, l'Etat demande à cette dernière de payer le salaire du fonctionnaire en question alors que cet arrêté est nul, entaché de nullité absolue, puisqu'il n'appartient pas au président d'un conseil général de décider de l'affectation d'un fonctionnaire de l'Etat ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, est-il acceptable que, pour le dossier de Fort-Royal, s'agissant d'un marché public validé en 1989 par le préfet, l'Europe nous demande aujourd'hui de rembourser 18 millions de francs parce que, à un moment donné, un fonctionnaire a laissé passer un marché irrégulier ?
Tous ces dossiers sortent systématiquement parce que dans la loi relative aux cinquante pas géométriques que mon collègue M. Huchon a eu raison d'évoquer, il est écrit noir sur blanc que deux terrains sur la zone publique inaliénable de l'Etat ont été déclassés et sont passés en zone privée, donc aliénable, au profit de la ville de Basse-Terre. Comme j'ai osé demander le respect de l'application de la loi, depuis deux ans, je me fais taper sur les doigts !
Comme François Mitterrand l'a dit en 1989, ce dont souffre l'outre-mer c'est qu'il y a trop de petits fonctionnaires, qui se prennent pour des petits Napoléon. (M. le rapporteur général s'exclame.)
A l'époque, j'avais bien enregistré cette phrase et je constate que je pourrais dire la même chose aujourd'hui.
On parle beaucoup du pourcentage de 40 % de fonctionnaires dans les départements d'outre-mer. Pour ma part, j'aimerais que l'Etat commence à faire quelques économies en supprimant les primes d'éloignement accordées à ces fonctionnaires qui viennent chez nous, au soleil, qui refusent souvent d'appliquer les directives de l'Etat et qui pénalisent le budget de l'Etat au détriment de nos populations.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Le Gouvernement a décidé d'ouvrir un débat sur l'outre-mer. Je l'en félicite.
Je vous ai entendu dire, monsieur le secrétaire d'Etat, lors du débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale, que le changement de statut par lui-même n'était pas la solution à tous les problèmes. Je vous en félicite également. Il ne faut pas céder à la magie des mots !
Vous avez par ailleurs évoqué l'impérieuse nécessité de disposer de pouvoirs et de contre-pouvoirs. Cela me paraît aussi indispensable.
J'ai hérité d'une assemblée régionale en faillite. Et, aujourd'hui, l'assemblée départementale est également en faillite ! L'intégralité du pouvoir entre les mains d'une seule personne, cela me fait peur.
En réalité, monsieur le secrétaire d'Etat, la France n'a jamais pris en compte la réelle dimension de l'outre-mer, elle n'a jamais mesuré l'ampleur de cet espace géographique, maritime, culturel et humain.
Certes, des efforts considérables ont été réalisés. Mais il a fallu cinquante ans pour mettre en oeuvre l'égalité sociale, et ce au nom du particularisme de nos régions.
En revanche, le poids des prélèvements obligatoires et des contraintes prévus pour les régions en plein développement est automatiquement appliqué aux entreprises de nos régions encore en voie de développement et qui souffrent des handicaps que vous connaissez.
Pourtant, notre situation spécifique, inscrite dans la Constitution, notre retard de développement, confirmé par l'Europe dans le cadre du programme « objectif 1 » doivent inciter le Gouvernement français à mettre en place pour l'outre-mer un dispositif particulier fondé non seulement sur la reconnaissance de notre identité, mais aussi sur notre environnement géographique.
Comment parler de coopération quand les produits de la Caraïbe, qui sont concurrents de ceux de l'outre-mer, entrent chez nous à des prix défiant toute concurrence en raison de la faiblesse des salaires versés dans ces pays ?
Dans notre société, l'uniformité détruit la diversité ; la diversité, qu'elle soit culturelle, géographique, économique ou raciale, est la richesse de notre pays, la France.
Vous ne pouvez pas copier en Guadeloupe ou en Martinique ce qui se passe en Alsace. Il faut instaurer un dispositif qui soit l'objet de dialogues larges, ouverts, consensuels, non pas seulement avec les originaires des départements d'outre-mer, mais également avec nos sénateurs, nos députés. Nous sommes en effet fatigués de voir arriver en outre-mer des fonctionnaires qui viennent pour la première fois dans nos territoires et qui ne connaissent rien de nos conditions de vie, de nos traditions.
En outre-mer, monsieur le secrétaire d'Etat, on peut tout régler par le dialogue, mais rien avec les circulaires. On ne construit jamais, on ne résout jamais les problèmes culturels par des textes.
C'est la raison pour laquelle je voudrais vous rappeler notre volonté, à nous Domiens, de participer activement à la vie de nos régions, en partenaires majeurs, responsables et fiers de faire partie d'une grande communauté nationale. Nous ouvrons les portes à l'Europe.
Le sens de mon intervention, ce n'est ni la critique, ni l'éloge, car l'heure de la vérité a sonné.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma contribution au débat que le Gouvernement entend ouvrir sera de mieux travailler pour apporter plus de bonheur à mes compatriotes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. le président. Mes chers collègues, nous venons d'écouter Mme Michaux-Chevry, avec plaisir, mais pendant vingt et une minutes.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Ah bon ! (Sourires.)
M. le président. La parole est maintenant à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cette discussion budgétaire a fourni l'occasion à la plupart des orateurs de ne pas limiter leur exposé au strict examen des crédits et d'engager le débat sur l'avenir de l'outre-mer.
Ce débat est en effet fondamental, voire fondateur. L'objectif est de faire en sorte que chaque département, chaque territoire, chaque collectivité conforte sa place au sein de la République et que cette dernière mobilise les moyens dont dispose le pays pour contribuer au fonctionnement de chacune de ces entités.
La Nouvelle-Calédonie, chacun le sait, a choisi d'opter pour un avenir partagé et apaisé. Le référendum du 8 novembre, marqué par une forte participation et une victoire nette du « oui », permettra au prochain débat sur la loi organique de se dérouler dans la clarté.
L'Assemblée nationale en discutera prochainement et le Sénat devrait en être saisi au début du mois de février.
Nous devons être attentifs à la situation économique, que M. Loueckhote a évoquée, en particulier à l'évolution du marché du nickel, dont les mines constituent la ressource principale de la Nouvelle-Calédonie.
Je me réjouis que le congrès du territoire envisage de prendre des mesures pour faire face à une situation marquée par la régression des cours du nickel. Nous devrons y veiller pour notre part dans le cadre des contrats de développement.
M. Laufoaulu, dont je salue la première intervention devant la Haute Assemblée, a évoqué les relations entre la Nouvelle-Calédonie et les îles de Wallis et Futuna. Nous savons en effet que 17 000 Wallisiens et Futuniens vivent sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie. Aucune disposition spécifique n'a été prévue dans la loi organique, mais il sera possible de revenir sur ce point par voie d'amendement.
Cela étant, nous avons émis le souhait, dans les accords de Nouméa, qui ont une valeur constitutionnelle, que le futur gouvernement de la Nouvelle-Calédonie négocie avec les autorités du territoire de Wallis-et-Futuna une convention pour fixer les relations entre les deux territoires, relations qui, je le crois, s'établiront sur la base de la confiance mutuelle.
Le Gouvernement de la Polynésie française, dans une logique et dans un contexte bien différent, a souhaité bénéficier de certaines innovations de l'accord de Nouméa pour compléter les dispositions de la loi statutaire de 1996.
M. le président Flosse le sait, le chantier est ouvert. La consultation des instances juridiques, notamment du Conseil d'Etat, est en cours et nous devrions, au début de l'année 1999, pouvoir déboucher sur un projet de loi constitutionnelle.
Concernant le statut de Mayotte, je voudrais dire à M. Marcel Henry, qui est intervenu pour souhaiter que Mayotte sorte enfin, après vingt-deux ans, des incertitudes juridiques, que nous avons engagé le dialogue.
Une mission se trouve en ce moment à Mayotte. Plus précisément, elle commencera demain des discussions. Notre objectif est bien de rechercher un consensus, le plus large possible, avec l'ensemble des formations politiques et des milieux sociaux qui constituent la société mahoraise afin d'enraciner Mayotte dans notre République, conformément à la volonté émise à de nombreuses reprises par les ressortissants mahorais, qui, je le répète, sont des Français à part entière.
J'ai annoncé le 23 octobre que le Gouvernement déposerait à l'automne 1999 un projet de loi d'orientation axé en priorité sur le développement économique et social des départements d'outre-mer. Il s'agira bien, comme l'exprimait M. Lise, de mêler approche économique et approche institutionnelle.
J'indique à Mme Michaux-Chevry qu'un esprit de dialogue prévaudra lors des discussions avec l'ensemble de la représentation nationale et des collectivités locales outre-mer. Il ne s'agit pas d'un projet imposé d'en haut. Il doit être discuté par les élus des quatre départements d'outre-mer ainsi que par les personnes intéressées de la société civile. A cet instant, je me dois de faire le lien avec notre discussion budgétaire, tant il est vrai qu'un budget n'est qu'un moyen au service d'une politique. Ce budget traduit l'ambition du Gouvernement pour l'outre-mer. Les rapporteurs ont d'ailleurs souligné la progression du budget de l'outre-mer : doté de presque 5,6 milliards de francs, il progresse en effet de 7 %.
Je veux aussi indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs - mais plusieurs intervenants l'ont souligné avant moi - que l'effort de l'Etat représentera, pour 1999, près de 50 milliards de francs, soit une progression de 2,3 % si l'on prend en compte, évidemment, l'ensemble des concours de l'Etat.
De ce point de vue, je voudrais rassurer Mme Michaux-Chevry, puisque la lecture du « jaune » budgétaire indique que, en matière de dotations de crédits, c'est-à-dire de crédits de fonctionnement et de crédits de paiement, on ne constatera pas de différence de traitement majeure entre la Martinique et la Guadeloupe, bien au contraire. En effet, il apparaît dans le document budgétaire que la Martinique devrait recevoir à ce titre un peu plus de 7,9 milliards de francs, et que la Guadeloupe recevra un peu plus de 7,5 milliards de francs.
En ce qui concerne les autorisations de programme, la Guadeloupe est plutôt en tête avec 805 millions de francs, alors que la Martinique se verra allouer 658 millions de francs. (Mme Michaux-Chevry s'exclame.) Je vous renvoie au document budgétaire, madame le sénateur, mais vous voyez donc que, sur ce plan, il y a pratiquement égalité de traitement entre les deux collectivités, et que l'on ne constate pas les différences que j'ai cru parfois entendre relever.
Je ne sais pas si ces différences ont réjoui nos amis martiniquais mais, en tout cas, pour les élus de la Guadeloupe, elles pourraient signifier une mise à l'écart qui ne correspond pas du tout à la réalité en matière budgétaire.
M. Torre, rapporteur spécial de la commission des finances, a souligné que le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer était bon. Je pense que, pour ce qui concerne les engagements pris voilà un an, il est conforme aux ambitions du Gouvernement ; il prépare en tout cas l'avenir dans un certain nombre de domaines sans que soit niée la réalité difficile que connaît l'outre-mer.
Ces priorités concernent à la fois le développement économique et le développement social. Mais j'évoquerai aussi rapidement le cadre institutionnel dans lequel évoluent plus particulièrement les départements d'outre-mer, puisque les territoires d'outre-mer jouissent, sur ce plan, d'une autonomie avec un niveau statutaire d'évolution différent, dont j'indiquais tout à l'heure quelles étaient les perspectives pour 1999, notamment pour la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie.
Le développement durable de l'outre-mer suppose la recherche d'un meilleur équilibre entre les investissements publics et les investissements productifs.
Tout le monde s'accorde en effet pour constater que les entreprises de l'outre-mer manquent de fonds propres. Comme MM. Duffour et Désiré l'ont rappelé, l'accès au crédit demeure problématique malgré un potentiel d'épargne important. Dans le même temps, chacun sait aussi que le secteur bancaire s'engage moins qu'ailleurs dans le soutien à l'économie et qu'il privilégie plutôt les crédits à la consommation, qui apparaissent moins risqués.
Sur ce plan, nous avons engagé une réflexion préalable à la mise au point des mécanismes susceptibles de remédier à cette situation. La mission que j'ai confiée au début de cette année à Mme Mossé, professeur d'économie, avait précisément pour objet de réaliser un diagnostic de ces problèmes et de nous remettre des propositions, ce qui sera fait d'ici à la fin de l'année.
La question de la défiscalisation est présente à tous les esprits. Elle a été mentionnée par MM. Flosse et Loueckhote, qui se sont inquiétés du rythme des agréments. La Polynésie française, qui était en retard, c'est vrai, a bénéficié de 44 % du total des investissements agréés en 1997 ; c'est du moins ce qui figure dans le rapport annuel de la Direction générale des impôts au Parlement.
Pour l'avenir, la Haute Assemblée, sur l'initiative de M. Lise, avait demandé qu'un rapport soit établi à l'attention du Parlement, visant précisément à analyser l'effet tant de la défiscalisation que de ce que l'on appelle la « tunnélisation », qui figure dans le projet de loi de finances pour 1999. Cette mission a été confiée à un groupe de quatre experts, dont M. Lallier, inspecteur général des finances, et Mme Mossé. L'étude approfondie, qui sera disponible prochainement, constituera un élément de travail et de réflexion pour la commission des finances, après le rapport de M. Migaud, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale.
L'an dernier, en votant la tunnélisation, le Parlement est allé au-delà de la proposition initiale du Gouvernement. Il a créé une situation qui, pour n'être pas encore mesurée avec précision, n'en semble pas moins mériter toute notre attention.
Cette année, l'Assemblée nationale a retenu en première lecture des dispositions qui apportent quelques corrections à la marge, dont l'inspiration me paraît judicieuse.
Je sais par ailleurs que le Sénat, à nouveau sur une proposition de MM. Lise et Vergès, a souhaité parfaire la prise en compte de la situation particulière de l'audiovisuel.
Le secrétaire d'Etat au budget, M. Sautter, s'est engagé à ce qu'une solution soit trouvée pour apporter une réponse pratique à cette question. Je ne doute pas qu'il vous en fera part dans quelques jours, à l'occasion de la discussion de ce qu'on appelle les articles non rattachés.
Cette même discussion lui permettra aussi de répondre aux questions de M. Flosse et de s'exprimer sur les amendements que ce dernier entend déposer concernant les applications de la loi de défiscalisation.
Le logement répond à une exigence de justice sociale, mais il constitue aussi un moyen puissant au service du développement économique.
Outre-mer, nous somme confrontés à plusieurs facteurs, au premier rang desquels figure une pression démographique toute particulière. Mais il convient aussi de mentionner la vétusté d'un grand nombre de logements, voire l'existence de bidonvilles, situation inacceptable dans notre pays à l'aube de l'an 2000. Il faut donc répondre à l'exigence de justice sociale.
Il existe aussi une exigence qualitative. Il convient en même temps de mettre en oeuvre des normes spécifiques compte tenu de la situation climatique, de la nécessité de respecter, sur le plan architectural, des continuités historique et spatiale propres à l'outre-mer, en les combinant aux critères modernes de confort.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer l'importance pour l'emploi du secteur du BTP, qui demeure le premier employeur privé de l'outre-mer. De par son activité, il répond donc sur ce plan à une exigence en matière non seulement de construction de logements, mais aussi d'investissements publics.
En ce qui concerne le logement, les moyens publics prévus au titre de la loi de finances sont en progression, en particulier les crédits de paiement de la ligne budgétaire unique, qui passent de 558 millions de francs à 897 millions de francs, soit une augmentation de 58 %.
L'année passée, je m'étais engagé à cette tribune à ce qu'il soit mis fin aux errements observés quant à la sous-consommation des crédits.
Je peux affirmer à Mme Michaux-Chevry que, même si elle a pu encore relever quelques comportements qui ne semblaient pas correspondre à la volonté de mettre rapidement en oeuvre les politiques, la situation a été redressée. Ainsi, l'augmentation de 58 % de la dotation en crédits de paiement de la LBU devrait, pour l'année 1999, permettre de lancer la construction de plus de 19 000 logements.
La réussite de cette politique passe aussi par la maîtrise du foncier. L'exemple du FRAFU, qui a été mis en place à la Réunion, comme l'ont souligné MM. Vergès et Payet, est important. J'ai l'intention d'étendre ce fonds aux autres départements d'outre-mer dès l'année prochaine.
Le développement de la production de biens et de services suppose des infrastructures. Ainsi, le tourisme outre-mer a bénéficié de la conjonction de la baisse des prix des transports aériens, qui a renforcé la demande, et de l'accroissement de l'offre résultant de la défiscalisation des hôtels.
En matière de tourisme, nous devons faire un effort de formation d'autant plus grand pour améliorer la qualité du service que la concurrence existe, notamment dans la Caraïbe, avec les îles voisines.
Il faut aussi, en particulier en ce qui concerne la Guadeloupe - et nous évoquerons ce problème tout à l'heure -, déroger à la culture d'affrontement qui, souvent, marque les rapports sociaux - cela a encore été le cas cette année - pour développer une culture de concertation. Cette évolution me paraît indispensable pour garantir à nos départements d'outre-mer, plus particulièrement à ceux de la Caraïbe, un développement touristique répondant à l'ouverture du transport aérien et à la demande de nos concitoyens de métropole.
La question des cinquante pas géométriques a été évoquée par M. Huchon, qui a été le rapporteur de la loi de 1996 sur cette zone, par M. Larifla et par Mme Michaux-Chevry.
Deux décrets sont déjà parus. Le premier, celui du 19 septembre 1998, crée une commission départementale de vérification des titres. La nomination des membres qui la composent est en cours. Il s'agit, pour chacun des départements, de trois magistrats, d'un notaire et de deux représentants de l'administration. Cette commission aura pour objet de se prononcer sur la validité de tous les titres antérieurs à la loi de 1955.
Le second décret est paru aujourd'hui même au Journal officiel . Il porte création des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques. Il reste maintenant à mettre en place les conseils d'administration, les présidents et les organes de gestion de ces agences.
Deux autres projets de décret sont en cours de finalisation. Ils concernent, l'un, les modalités de cession et de préemption des terrains de la zone des cinquante pas géométriques, l'autre la superficie plafond pour la cession des terrains à usage d'habitation principale.
Enfin, la mise au point du projet de décret relatif à l'aide exceptionnelle de l'Etat pour les personnes à revenus modestes qui obtiendront le bénéfice de la cession à titre onéreux du terrain qu'elles occupent et où elles auront construit leur habitation principale est entamée dans les ministères concernés.
J'espère que nous parviendrons ainsi à mettre en oeuvre l'ensemble du dispositif concernant la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les DOM.
En ce qui concerne l'aspect fiscal, le Gouvernement déposera un amendement au projet de loi de finances rectificative.
S'agissant du projet de loi présenté par Mme Voynet, je suis intervenu, comme vous le savez, madame Michaux-Chevry, pour qu'y soit mentionné le concept de zone prioritaire ultrapériphérique inscrit dans l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Il reste maintenant à donner un contenu national à ce concept en liaison avec les dispositions pratiques qui seront retenues sur le plan européen.
Quant à la mise en oeuvre de cette politique d'aménagement, elle est largement contenue dans les contrats de plan et les conventions de développement, qui sont mis en oeuvre, à raison du tiers environ, grâce aux crédits inscrits sur le FIDOM, sur le FIDES et, enfin, sur le chapitre spécifique de la Nouvelle-Calédonie.
Le FIDOM est doté de 205 millions de francs en autorisations de programme. Cette enveloppe permettra non seulement de financer les engagements de l'Etat, mais encore d'autres actions, telles que celles qui ont été engagées l'an dernier en Guyane au titre des constructions scolaires. Je mentionnerai également les infrastructures de Guyane pour lesquelles je m'étais engagé à une augmentation sensible des crédits. Ceux-ci ont été augmentés de 37 % en 1998. L'effort sera reconduit en 1999.
Pour les territoires d'outre-mer, il s'agit du FIDES et du crédit réservé à la Nouvelle-Calédonie. Je soulignerai, en particulier, les interventions en faveur des communes de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie, qui pourront bénéficier, les unes et les autres, de subventions de 15 millions de francs, de l'effort spécifique qui sera consenti en faveur de Wallis - et - Futuna au titre de son équipement et du logement social.
Les crédits du FIDOM ont baissé de 43 % de 1994 à 1997, et ceux de FIDES de 26 %. Nous avons stabilisé les crédits de ces fonds. Ils permettront de financer, en 1999, la dernière année - la sixième à enveloppe constante - des contrats de plan, puisque, vous le savez, le gouvernement de M. Juppé avait prévu une année supplémentaire pour l'exécution de ces contrats, mesure qui est applicable en métropole comme outre-mer.
Le montant disponible sur le FIDOM sera, comme l'a d'ailleurs souligné M. Lorrain, en croissance de 6,2 %, puisque la dotation de 1998 était préemptée pour 32 millions de francs au titre du plan vert de Guyane, opération ancienne qu'il fallait solder, mais qui est maintenant terminée sur le plan budgétaire.
S'agissant du FIDOM décentralisé, qui ne comprend plus que des crédits de paiement, puisqu'il est en voie d'extinction, je suivrai volontiers la suggestion qui m'a été faite par M. Lise, notamment pour vérifier si les engagements de l'Etat ont bien été totalement honorés. J'ajoute toutefois qu'un crédit de 10 millions de francs a été inscrit à ce titre dans le projet de loi de finances rectificative.
Quant aux prochains contrats de plan, le Gouvernement a voulu que leur durée coïncide avec la programmation des fonds structurels européens au titre de ce que l'on appelle les documents uniques de programmation communautaires.
Je partage l'avis de M. Lise et de Mme Michaux-Chevry, il est nécessaire de simplifier les procédures avant d'engager ces financements. Il serait en effet absurde de devoir rendre des crédits à Bruxelles alors que l'on connaît l'importance des besoins de financement en matière d'investissement.
S'agissant des productions agricoles spécifiques de l'outre-mer, pour répondre à M. Torre, j'insisterai particulièrement sur la banane, production importante, puisqu'elle représente 25 000 emplois aux Antilles.
Au cours des négociations européennes, l'Organisation commune du marché a été sauvegardée jusqu'à présent, malgré l'attaque américaine. Par ailleurs, la recette de référence des planteurs a été revalorisée à raison de 8 %. Je peux vous dire que votre nouveau collègue M. Louis Le Pensec s'est particulièrement battu à Luxembourg pour obtenir ce réaménagement financier.
La Commission a fait face, MM. Santer et Brittan notamment, aux menaces américaines, et je me réjouis qu'en l'occurrence l'Europe, malgré les divergences anciennes, ait fait front commun et riposté.
En ce qui concerne les conséquences du cyclone George, qui a touché la Guadeloupe voilà quelques semaines, sur ma proposition, le Gouvernement a décidé d'accorder 100 millions à titre d'indemnisation. Cette aide pourra, je l'espère, être complétée par l'octroi de certificats d'importation à la suite de la mission des instances communautaires qui s'est rendue en Guadeloupe.
Je sais que près de 1 000 salariés se sont retrouvés au chômage technique. L'allocation de chômage versée dans le cadre de la rémunération mensuelle minimale sera prise en charge. Enfin, des contrats emploi-solidarité seront affectés à la Guadeloupe, pour un montant de 20 millions de francs.
Je suis attentif, monsieur Lauret, à la situation de la canne à sucre. La récolte de 1998 est effectivement en retrait par rapport à celle de l'an dernier, qui avait été exceptionnelle.
J'ai demandé que soit transmis au secrétariat d'Etat à l'outre-mer - dès la tenue de la commission départementale prévue pour la mi-décembre - les dossiers des agriculteurs en difficulté et sur lesquels le comité de gestion du fonds de secours aura à statuer. Je pense que nous disposerons des éléments avant la fin de l'année.
Pour répondre enfin aux préoccupations exprimées par M. Reux, je préciserai que la France est très vigilante quant aux relations entre la France et le Canada en matière de pêche. Le conseil consultatif franco-canadien devrait se tenir dans la troisième semaine de décembre. La France se réserve la possibilité, en cas de besoin, de demander une avance sur le quota de la prochaine campagne de pêche. Pour la surveillance des campagnes, je précise que sept emplois d'observateurs embarqués sont financés sur le budget du ministère de l'équipement pour l'année 1999.
En ce qui concerne Archipel SA, je considère qu'il n'y a pas de fatalité à ce qu'une entreprise privée soit perpétuellement aidée par l'Etat. Un protocole a été mis en place au titre du plan social et de l'exploitation. Il devrait produire ses pleins effets.
En revanche, s'agissant de Miquelon SA, l'étude réalisée par l'IFREMER ne permet pas de penser que la ressource existante soit suffisante et permette d'alimenter le fonctionnement de l'usine.
M. Reux a également évoqué la fiscalité des hydrocarbures. Je n'ai aucune objection à formuler à l'égard de l'amélioration que vous souhaitez apporter, monsieur le sénateur. La disposition que le député de Saint-Pierre-et-Miquelon avait proposée et que vous voulez amender viendra prochainement devant le Sénat.
Je vais maintenant aborder les questions sociales en parlant plus particulièrement de l'emploi puisque nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont fait part des difficultés d'ordre sociale que connaissent les départements d'outre-mer et ont fait état de chiffres du chômage qui, malheureusement, ne traduisent pas les mêmes progrès qu'en métropole. La situation continue à se dégrader, et cela principalement pour des raisons démographiques. Les dotations de mon budget consacrées à l'emploi demeurent donc en forte croissance.
S'agissant du FEDOM, je voudrais insister plus particulièrement sur la dotation destinée aux emplois-jeunes.
Cette politique a porté ses fruits. L'an passé, j'avais indiqué que nous procéderions en 1998 au recrutement de 2 500 emplois d'aides-éducateurs dans l'éducation nationale outre-mer. Ce chiffre est atteint. Ainsi, 89 adjoints de sécurité ont été recrutés et, compte tenu des emplois proposés par les collectivités locales et les associations, dont le nombre se situe entre 3 000 et 4 000, l'objectif en matière d'emplois-jeunes, qui, initialement, était de 5 000 pour 1998 sera dépassé puisque la tendance actuelle conduit à au moins 6 000 emplois nouveaux.
S'agissant de la Réunion, je voudrais indiquer à M. Lauret que, chaque année, 9 000 à 10 000 jeunes arrivent sur le marché du travail et que 3 000 emplois sont créés spontanément par l'économie. Cette année, les emplois-jeunes ont apporté une réponse pour 3 000 jeunes supplémentaires. Les bénéficiaires de ces emplois sont autant de personnes préservées de la précarité, de l'oisiveté et de la désespérance.
En ce qui concerne les actions du FEDOM je rappellerai simplement le nombre de solutions d'insertion financées : 34 000 contrats emplois-solidarité, 15 000 contrats d'insertion par l'activité, 7 000 contrats d'accès à l'emploi, 500 primes à la création d'emplois. Nous offrons donc un éventail de solutions devant permettre aux jeunes de surmonter au maximum les difficultés qu'ils rencontrent.
S'agissant des territoires d'outre-mer pour lesquels l'Etat n'a pas de compétence puisque celles-ci ont été transférées, notre politique sera intensifiée.
Les chantiers de développement, qui constituent un instrument privilégié, verront leurs moyens accrus dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité de Mayotte : le montant total des interventions à ce titre est passé de 30 millions à 35 millions de francs en 1998. Cet effort sera poursuivi. De même a été consenti un effort considérable pour les chantiers de développement de Wallis-et-Futuna. J'avais constaté sur place combien était grande l'attente des jeunes qui voulaient rester sur le territoire.
Les moyens de ces chantiers de développement ont également progressé en Nouvelle-Calédonie, puisqu'ils sont passés à 37 millions de francs en 1998.
Plusieurs orateurs ont évoqué la poursuite de l'égalité sociale. Une réflexion doit être enagagée à cet effet.
Les principales dispositions de la loi Perben du 25 juillet 1994 relative à l'emploi et à l'insertion viennent à expiration au printemps 2000. Nous avons donc besoin d'une évaluation objective pour nous permettre de doter l'économie et donc l'activité des entreprises d'outre-mer de moyens les plus adaptés.
Je voudrais insister sur le rôle que joue la formation. A cet égard, vous pourrez constater dans le « jaune » budgétaire que les crédits consacrés par le ministère de l'éducation nationale à la formation initiale des jeunes progressent de 14,5 %, passant de 15,8 milliards à 18,1 milliards de francs. C'est là un effort important. En outre, vous le savez, M. Claude Allègre a mis l'outre-mer au rang de ses priorités.
Nous devons consacrer un effort tout particulier en matière de construction.
Notre effort a porté notamment sur la Guyane. Cette année, une dotation supplémentaire de 40 millions de francs permettra de compléter les financements des constructions scolaires opérées par les communes, les conseils généraux et les conseils régionaux de ce département.
J'en viens au service militaire adapté, dont je voudrais souligner l'importance. Une demande m'a été transmise pour Wallis-et-Futuna, je ne sais pas si nous pourrons la satisfaire.
Vous savez que les modalités du SMA vont évoluer dès l'année prochaine en raison des modifications intervenues dans le service national liées à la fin de la conscription. Les mesures envisagées permettront de remplacer les appelés par des volontaires. A ce propos, je voudrais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, combien nous pouvons être fiers du travail accompli par les centaines de jeunes du premier régiment du SMA de la Martinique, qui sont intervenus au Guatemala pendant quinze jours pour remettre les routes en état et rétablir les réseaux d'eau.
Enfin, dans le domaine de la santé, le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité est en première ligne. Dans ce domaine également, l'effort du budget de l'Etat est en forte progression, puisqu'il atteint 1,3 milliard de francs. Les dotations hospitalières - cette question a été abordée - progresseront en moyenne de 2,08 % au niveau national ; leurs taux d'évolution oscilleront entre 3,52 % à la Martinique et 3,69 % à la Réunion, pour donner deux exemples. Vous pouvez constatez que nous prenons en compte les spécificités de nos départements et de nos territoires d'outre-mer.
S'agissant du nouvel hôpital de Mayotte, qui devrait être inauguré au printemps, nous avons fait ratifier l'ordonnance créant dans la collectivité territoriale un établissement public de santé, ce qui en permettra le financement à un niveau raisonnable.
Monsieur Laufoaulu, l'agence de santé qui sera mise en place à Wallis-et-Futuna prendra en charge les tâches hospitalières et de prévention. Notamment, le budget de l'hôpital passera de 41 millions à 57 millions de francs dès cette année, en tenant compte par conséquent de l'endettement.
A Saint-Pierre-et-Miquelon, la décision d'engager la construction de l'hôpital a enfin été prise, les travaux devraient démarrer cet été.
En Guyane, je tiens à confirmer à M. Othily que la décision de transférer les centres de médecine collective qui étaient gérés par le département, en particulier dans le secteur du Fleuve, a été prise.
J'en viens aux moyens attribués aux collectivités.
En ce qui concerne Wallis-et-Futuna, il a été décidé, pour tenir compte de la précarité des finances du territoire, de doubler la contribution de mon budget à son fonctionnement, ce qui a fait passer cette contribution à 3,3 millions de francs pour l'année 1999.
S'agissant des communes de Polynésie, M. Flosse ayant évoqué la contribution du territoire, je voudrais indiquer que l'Etat leur accorde une dotation globale de fonctionnement de 280 millions de francs, à laquelle s'ajoute une dotation globale d'équipement de 15 millions de francs.
En ce qui concerne le fonds de péréquation des communes, je rappelle que la contribution n'aura plus de base légale à la fin de l'exercice 1998. Mais j'espère que le vote du projet de loi sur les communes de Polynésie, qui doit intervenir en 1999, nous permettra de redonner une base légale à cette contribution.
Nous aurons, au cours de cette année 1999, à réfléchir, concernant plus particulièrement les départements d'outre-mer, à la préparation d'une loi d'orientation. J'ai indiqué la méthode et je ne reviens pas sur les grands objectifs.
Nous devons envisager une nouvelle répartition des compétences entre les collectivités territoriales, ainsi que de nouveaux transferts de compétences, assortis des mesures d'adaptation ad hoc .
Parmi les points qu'il nous faudra absolument aborder, la question de la coopération décentralisée me paraît décisive, eu égard au rôle que nous entendons voir jouer par nos départements d'outre-mer dans leur bassin géographique respectif.
Sur ma proposition, M. le Premier ministre va désigner deux parlementaires en mission, élus des départements d'outre-mer, qui feront des propositions concernant la décentralisation. Il s'agira de votre collègue M. Claude Lise, président du conseil général de la Martinique... (Mme Michaux-Chevry applaudit.)
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. ... et de M. Michel Tamaya, député de la Réunion et maire de Saint-Denis. Leur rapport devra être remis dans un délai de six mois.
Je pense qu'ils auront à coeur de visiter les différents départements d'outre-mer avant de mettre au point leurs propositions.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. Nous devrons réfléchir, comme M. Vergès nous y a invités, au découpage communal et départemental à la Réunion.
Nous devrons aussi étudier, la question du statut des îles du nord de la Guadeloupe. Mme Michaux-Chevry a évoqué les difficultés que rencontrent les habitants de ces îles du nord pour se rendre à Basse-Terre ou à Pointe-à-Pitre et a souligné le coût élevé du trajet.
Il ne faut cependant pas oublier que ces îles du nord bénéficient d'un statut fiscal particulièrement dérogatoire.
M. Michel Charasse. O Combien !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. ... et que ce problème mérite d'être examiné en prenant aussi en compte l'absence de certaines charges. Je vois que M. Charasse, pour bien connaître ce dossier, m'approuve sur ce point !
M. Michel Charasse. Ils ne connaissent pas leur bonheur ! Ils ne devraient pas se faire remarquer ! (Sourires.)
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim. S'agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, M. Reux le sait bien, il nous faudra réfléchir sur la question des compétences en matière d'urbanisme ainsi que sur les problèmes de répartition financière entre les communes et la collectivité territoriale.
Tels sont les sujets sur lesquels des débats doivent être ouverts.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget correspond aux grandes orientations d'une politique qui va se développer au cours de l'année 1999 et qui est très attendue, ainsi que j'ai pu le percevoir au cours de mes visites en outre-mer. La méthode que le Gouvernement met en oeuvre est celle de l'évaluation des problèmes, de l'identification des solutions, de la concertation sans affrontement, du travail en association avec toutes les parties prenantes et, enfin, de la décision.
Je sais qu'il n'y a pas de démocratie sans responsabilité. Je connais le dévouement des sénateurs d'outre-mer, qui sont intervenus très nombreux dans ce débat. Je connais aussi le travail qu'accomplissent, dans les mairies, les conseils généraux et les conseils régionaux, les élus de l'outre-mer.
Le mouvement de réforme que nous voulons lancer pour l'outre-mer pourra ainsi être mené en commun et il permettra de tracer, à la veille du prochain millénaire, un avenir assurant à nos compatriotes d'outre-mer de vivre pleinement dans notre République. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'outre-mer et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 24 617 078 francs. »