Séance du 7 décembre 1998







M. le président. Par amendement n° II-60, M. Grignon et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le chapitre IV bis de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances, il est inséré un chapitre IV ter ainsi rédigé :
« Chapitre IV ter . - Du fonds commun de placement dans l'entreprise.
« Art. 22-2 . - Les fonds communs de placement dans l'entreprise sont des fonds communs de placement à risque dont l'actif est constitué pour 60 % au moins de valeurs mobilières, parts de sociétés à responsabilité limitée et avances en compte courant, telles que définies par les deux premiers alinéas de l'article 22 de la présente loi, émises par des sociétés de nationalité française qui comptent moins de 500 salariés au moment de la prise de participation du fonds, dont le capital est détenu pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues directement, pour 75 % au moins, par des personnes physiques.
« La moitié au moins des valeurs mobilières, parts de sociétés à responsabilité limitée et avances en compte courant visées au premier alinéa doivent correspondre à la prise de participation du fonds dans des entreprises au moment de leur création. »
« II. - Après le paragraphe VII de l'article 199 terdecies OA du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« VIII. - A compter de l'imposition des revenus 1999, la réduction d'impôt prévue au premier alinéa du I s'applique à la souscription de parts de fonds communs de placement dans l'entreprise mentionnés au chapitre IV ter de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 modifiée relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances.
« Les limites de versements prévues au II sont doublées dans le cas du présent dispositif. »
« III. - L'article 156 du code général des impôts est complété in fine par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - A compter de l'imposition des revenus 1999, les moins-values générées par la cession de parts de fonds communs de placement dans l'entreprise, mentionnés au chapitre IV ter de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 modifiée relative aux organisme de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances, sont imputables sur le revenu global dans la limite de 75 % du coût d'acquisition des parts cédées à l'origine de la moins-value.
« IV. - Les pertes de recettes résultant, pour l'Etat, du présent article sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Par cet amendement, M. Grignon veut favoriser l'investissement dans les petites entreprises. Or, dans le contexte actuel, où les prévisions en matière d'investissements semblent difficiles à respecter, une pareille idée me paraît la bienvenue, d'autant plus que M. Grignon fait remarquer que les petites entreprises ont naturellement à supporter des risques relativement plus importants que les grandes entreprises. J'ai d'ailleurs indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous nous réjouissions de l'augmentation des crédits SOFARIS dans le projet de budget pour 1999 qui ont un peu le même objectif.
Aussi, pour limiter le risque et pour accroître les capacités d'investissements de ces petites entreprises, notre collègue propose-t-il de créer un fonds commun de placement dans l'entreprise sur le modèle des fonds communs de placement à risques et des fonds communs de placement dans l'innovation, afin de drainer les capitaux privés vers ce type d'entreprise.
Le dispositif proposé a l'avantage d'insérer un investisseur institutionnel entre l'apporteur de capitaux et l'entreprise financée.
M. Grignon ajoute par ailleurs à cette disposition des mesures fiscales favorables, naturellement, aux épargnants.
Une telle proposition permettrait, effectivement, d'améliorer les investissements dans les petites entreprises, en particulier celles qui font face à des risques importants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit du premier amendement d'une série dont notre collègue Francis Grignon a pris l'initiative. Ces amendements s'inscrivent fort opportunément dans notre discussion concernant les incitations financières à l'innovation.
L'objectif que cherche à atteindre M. Grignon est donc, assurément, légitime puisqu'il s'agit d'attirer une nouvelle fois l'épargne de proximité afin de renforcer les fonds propres des entreprises nouvelles non cotées par le biais de fonds communs de placement.
Cela dit, le dispositif qui nous est proposé est très ambitieux puisqu'il crée une entité nouvelle : les fonds communs de placement dans l'entreprise, les FCPE.
Pour ma part, je suis très intéressé par l'idée, mais, dans le contexte fiscal actuel, ces FCPE bénéficieraient d'avantages fiscaux plus importants que ceux dont jouissent les FCPI, dont nous venons de parler lors de l'examen des amendements précédents.
Se pose donc la question, souvent débattue, de savoir s'il faut ou non favoriser le financement des entreprises nouvelles de caractère innovant. Un large débat est engagé sur ce thème.
Les uns, notamment nos collègues MM. Laffitte et Trégouët, sont des avocats extrêmement passionnés des entreprises innovantes ; les autres voient l'intérêt global du dynamisme de l'économie. Que les entreprises soient innovantes ou pas, ce qui les intéresse, c'est qu'elles créent de l'activité et des emplois.
Nombre d'arguments militent en faveur des deux écoles. J'ai le sentiment que notre collègue M. Grignon a une vision très globale du sujet. Sans doute serait-il nécessaire d'approfondir un peu cette piste et de choisir des incitations importantes, neutres quant à la nature des entreprises et de leurs activités. J'y vois quelques contradictions avec le dispositif fiscal existant, qu'il faudrait peut-être réformer en profondeur.
C'est la raison pour laquelle, dans le contexte actuel, je suggère le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Comme M. le rapporteur général, je souhaite le retrait de cet amendement. En effet, ce fonds commun de placement dans l'entreprise est plus avantageux et moins contraignant que les fonds communs de placement dans l'innovation. Comme M. le rapporteur général l'a fort bien dit, cela n'est pas tout à fait adapté.
M. le président. Monsieur Fréville, l'amendement n° II-60 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville. Ayant été convaincu par les propos de M. le rapporteur général, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-60 est retiré.
Par amendement n° II-61, M. Grignon et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« « I. - Le I de l'article 219 du code général des impôts est complété in fine par les dispositions suivantes :
« g) Les sociétés mentionnées aux 1 à 3 de l'article 206, soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, autres que les sociétés à capital variable et celles mentionnées à l'article 238 bis HE, peuvent bénéficier d'un taux de 19 %, à hauteur de la fraction de leurs résultats comptables qu'elles incorporent à un compte de réserve spéciale d'investissement destiné à financer l'acquisition et la création d'immobilisations strictement nécessaires à l'activité de l'entreprise.
« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° La société a réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs et n'est pas mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, au cours de l'exercice pour lequel le bénéfice du taux réduit est demandé ;
« 2° Le capital de la société, entièrement libéré, est détenu de manière continue, pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une société répondant aux conditions visées au 1° dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds.
« Lorsque la société n'a pas dressé de bilan au cours d'un exercice, le bénéfice imposé provisoirement en application du deuxième alinéa de l'article 37 ne peut être soumis au taux réduit ; lorsqu'elle a dressé plusieurs bilans successifs au cours d'une même année, seule la fraction du bénéfice du dernier exercice clos au cours de ladite année est soumise aux dispositions du présent g.
« 3° Si les sommes affectées à ce compte ne sont pas utilisées, pour l'acquisition ou la création d'immobilisations strictement nécessaires à l'activité de l'entreprise, au cours de l'exercice suivant celui de la réalisation du bénéfice, la société acquitte, dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice au cours duquel elle aurait dû procéder à cet investissement, l'impôt au taux normal sur la fraction de résultat de l'exercice qui a été soumise au taux réduit, diminué de l'impôt payé à ce titre, majoré de l'intérêt de retard mentionné de l'article 1727.
« Les conditions d'application du présent g ainsi que les obligations déclaratives qui en découlent sont fixées par décret. »
« II. - Après l'article 39 octodecies du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art ... - La part du bénéfice imposable incorporée à un compte de réserve spéciale d'investissement destiné à financer l'acquisition et la création d'immobilisations strictement nécessaires à l'activité de l'entreprise fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 19 %.
« Les entreprises peuvent opter pour les dispositions du premier alinéa si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° L'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs ;
« 2° Si les sommes affectées à ce compte ne sont pas utilisées, pour l'acquisition ou la création d'immobilisations strictement nécessaires à l'activité de l'entreprise, au cours de l'exercice suivant celui de leur affectation, l'entreprise acquitte, dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice au cours duquel elle aurait dû procéder à cet investissement, l'impôt au taux normal sur la fraction de résultat de l'exercice qui a été soumise au taux spécifique du présent article, diminué de l'impôt payé à ce titre, majoré de l'intérêt de retard mentionné à l'article 1527.
« Les conditions d'application du présent article ainsi que les obligations déclaratives qui en découlent sont fixées par décret. »
« III. - Les pertes de recettes, pour l'Etat, résultant du présent article sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. L'intention de M. Grignon est toujours de stimuler l'investissement dans les PME. Pour cela, il propose un dispositif intéressant, qui consisterait à créer une réserve spéciale d'investissement où les bénéfices ainsi placés ne seraient taxés qu'au taux réduit de 19 % pour que l'entreprise puisse, l'année suivante, utiliser cette part de bénéfice pour des dépenses d'investissement. Bien entendu, si les sommes ainsi mises en réserve n'étaient pas utilisées l'année suivante pour les investissements, elles devraient être réintégrées dans le bénéfice imposé au taux normal, avec naturellement la pénalité de retard pour le non-paiement en temps utile de l'impôt sur cette part du bénéfice.
M. Grignon pense que ce dispositif présenterait l'avantage d'inciter les entreprises à préparer un programme pluriannuel d'investissement.
Je serais heureux d'entendre les réactions de M. le rapporteur général sur cette proposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, là encore, c'est un débat qui revient assez souvent. En l'occurrence, il s'agit de savoir s'il est opportun ou non de définir plusieurs taux pour l'impôt sur les sociétés selon l'affectation donnée aux bénéfices. Selon une école, qui est celle de la neutralité fiscale, le taux doit être le même, qu'il s'agisse de rémunérer les actionnaires ou de réinvestir. Pour une autre école, qui est plus interventionniste, des avantages de taux doivent être consentis lorsqu'il s'agit de garder les fonds en réserve et d'investir.
On peut rapprocher de cette seconde vision le taux réduit de 19 % qui existe depuis la loi de finances pour 1997 et qui concerne les PME réalisant un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs et qui incorporent les bénéfices ainsi taxés à leurs fonds propres. Par cet amendement, M. Grignon souhaite étendre le bénéfice de cette mesure à l'ensemble des PME qui réinvestissent les bénéfices taxés au taux de faveur de 19 %. Le champ d'application serait donc très vaste, sinon immense, car il vise toutes les PME, qu'elles soient assujetties à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu.
Il conviendrait de réexaminer ce sujet car, en l'état actuel, le coût d'une telle mesure - qui serait une innovation très importante dans la fiscalité des entreprises - serait extrêmement élevé.
Aussi, malgré l'intérêt du dispositif évoqué et le caractère très légitime des objectifs que l'on cherche à atteindre, il me paraît préférable, à ce stade, de retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Même avis, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Fréville, l'amendement n° II-61 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville. Compte tenu des explications de M. le rapporteur général, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-61 est retiré.
Par amendement n° II-62, M. Grignon et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 239 bis AA du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 239 bis AB . - Les sociétés à responsabilité limitée, exerçant une activité industrielle commerciale ou artisanale, détenues directement, pour 75 % au moins, par des personnes physiques, peuvent, dans les cinq premières années de leur création, opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionné à l'article 8. L'option ne peut être exercée qu'avec l'accord de tous les associés et cesse de produire ses effets dès lors qu'une des conditions prévues par le présent article vient à faire défaut »
« II. - Le 3° de l'article 8 du code général des impôts est complété in fine par les mots suivants : "ainsi que dans celles prévues à l'article 239 bis AB".
« III. - Le 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les sociétés mentionnées à l'article 239 bis AB, les dispositions du premier alinéa du I sont applicables. »
« IV. - Les pertes de recettes, pour l'Etat, résultant du présent article sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Il a déjà été défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini. rapporteur général. J'ai analysé de manière aussi complète que possible les suggestions de notre collègue qui, encore une fois, sont très intéressantes. En l'occurrence, il s'agit d'autoriser les SARL de moins de cinq ans à opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes dites « transparentes », afin de permettre à leurs associés, lorsque ceux-ci sont, pour 75 % du capital, des personnes physiques, d'imputer les pertes éventuelles de la société sur leur revenu imposable.
C'est un dispositif intéressant mais, sur le plan juridique, il mérite, nous semble-t-il, d'être retravaillé, car s'il était adopté en l'état on créerait une distorsion entre sociétés de personnes et SARL ayant opté pour leur assujettissement à l'impôt sur le revenu, dans la mesure où les associés des sociétés de personnes seraient soumis à la « tunnélisation » des déficits - nous en avons beaucoup parlé l'année dernière lors de la préparation de la loi de finances, et non les associés des SARL. Il faut donc que l'on puisse reprendre à tête reposée cette question. De plus, l'amendement présente des inconvénients techniques.
Selon moi, il serait plus judicieux de supprimer la « tunnélisation » des déficits en subordonnant la déductibilité des déficits du revenu global à l'engagement du bénéficiaire de conserver ses parts pendant cinq ans. Toutefois, cela impliquerait de reconcevoir tout le dispositif. Je suis à la disposition de M. Grignon et de vous-même pour poursuivre le dialogue sur ce point.
Aussi, je suggère, à ce stade, le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Monsieur Fréville, l'amendement n° II-62 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-62 est retiré.

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