Séance du 17 décembre 1998







M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Voilà quinze jours, un mouvement de grève nationale mobilisait les praticiens hospitaliers pour sensibiliser l'opinion sur l'avenir catastrophique de la démographie hospitalière dû, en grande partie, au manque d'attractivité de leur carrière, à l'absence de revalorisation de leur statut et à la détérioration de leurs conditions de travail, avec surcharge, contrainte et lourdeur des activités liées au manque d'effectifs, puisque l'on dénombre 600 postes vacants.
Ces hommes et ces femmes responsables estiment ne plus être en mesure de répondre à la mission de service public qui est la leur. Il ne veulent pas gérer la pénurie, renoncer à la qualité des interventions et assumer la déficience du système.
La situation est encore plus dégradée en ce qui concerne les effectifs hospitaliers médico-psychiatriques, en l'absence de renouvellement des internes. Le numerus clausus draconien appliqué à la filière unique au niveau des centres hospitaliers universitaires, les CHU, renforce considérablement l'effet indésirable.
Ainsi, il n'est pas rare de voir un chef de service assurer seul le fonctionnement de son unité. En Haute-Saône, une structure privée, dans laquelle l'Agence régionale de l'hospitalisation est partenaire, a à sa tête un neuropsychiatre qui s'estime priviligié car il a un interne à ses côtés ! Or cet hôpital psychiatrique accueille aujourd'hui 750 patients en placement libre ou à la demande d'un tiers et en placement d'office par arrêté.
Pour l'ensemble de la région Franche-Comté, l'effectif des internes est de trois, et je ne pense pas que cette région soit plus mal lotie que telle ou telle autre. Dans ces conditions, comment assurer des soins de qualité ?
Par ailleurs, et dirai-je dans un rapport qui est inversement proportionnel, les missions du service public s'étendent : interventions dans les maisons d'arrêt, prévention de la toxicomanie, activités sectorielles, pour ne citer que quelques-unes de ces missions.
La prise en charge des malades mentaux est gravement compromise.
Aux déviances comportementales déjà connues s'ajoutent des affections plus récentes dont les traitements ne sont pas curatifs, et qui posent alors le problème d'accompagnement ; viennent également se greffer les troubles dus à l'altération des facultés liés au vieillissement et, avec l'allongement de la durée de vie, ce paramètre ne peut être négligé...
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Bernard Joly. En conséquence, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour restaurer l'attractivité des carrières médicales et de l'exercice médical à l'hôpital, quelle priorité va être donnée aux moyens dans ce secteur et, enfin, comment vont être prises en compte les priorités de santé mentale ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Je voudrais d'abord croiser les doigts pour essayer de conjurer le mauvais sort, après l'énumération que vous avez faite, monsieur le sénateur, parce que, vraiment, tout va mal !
M. Christian Bonnet. C'est vrai !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, si nous devions à chaque fois répondre à la demande d'une région ou d'une autre, nous multiplierions le nombre de médecins et, alors, nous serions accusés par la Haute Assemblée d'être trop laxistes ; la quadrature du cercle dont vous parliez tout à l'heure se refermerait alors autour de nous !
Le mouvement de grève des praticiens hospitaliers auquel vous avez fait allusion succédait à une bonne vingtaine d'entrevues : depuis huit mois, en effet, nous travaillons avec ces médecins, et nous les avons reçus encore la semaine dernière ; je crois d'ailleurs qu'ils ont été relativement satisfaits de ce que nous leur proposions.
Nous leur proposons le réhaussement de la carrière de praticien hospitalier, avec des primes pour la mobilité d'un établissement à l'autre, la création, au niveau de l'internat, de trois filières particulières puisque certaines spécialités connaissent une pénurie par rapport à d'autres, la prise en charge, par un système de valence à mettre au point avec l'éducation nationale, de leur carrière pour leur ouvrir d'autres possibilités que celles de l'hôpital. Je ne vous cache pas que l'application d'un tel système à l'ensemble des catégories - dans la fonction publique, on ne peut en effet pas prendre en charge une seule catégorie - serait horriblement coûteuse ; pourtant il faut le faire, il faut rehausser le statut de praticien hospitalier.
Mais chaque fois que l'on veut, dans notre pays, multiplier le nombre des étudiants, par exemple - nous aurons besoin, dans les années 2005-2010, de praticiens dans les hôpitaux - on se heurte à la caisse d'assurance maladie, qui oppose l'enveloppe fermée votée chaque année par le Parlement. Evidemment, cela va entraîner des dépenses. Nous faisons donc attention.
Certains de ces établissements se verront effectivement moins bien dotés en personnels, car la carrière n'y est pas assez attractive. C'est une réalité, monsieur le sénateur. Il faut donc les mettre en réseau, leur fournir des spécialités différentes et complémentaires, pour que notre système de santé publique puisse encore demeurer ce qu'il est, en l'état actuel de la densité médicale : le meilleur du monde. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

INTERVENTION AMÉRICAINE EN IRAK