Séance du 21 janvier 1999







M. le président. La parole est à Mme Brisepierre.
Mme Paulette Brisepierre. Je rentre, monsieur le Premier ministre, du Congo. Je suis arrivée hier de Brazzaville, où j'ai tenu à me rendre pour apprécier par moi-même la situation exacte, notamment en ce qui concerne la sécurité de nos compatriotes.
Si je m'adresse à vous, monsieur le Premier ministre, c'est parce que, le 28 septembre dernier, vous avez déclaré devant le Conseil supérieur des Français de l'étranger : « La sécurité de nos compatriotes est un sujet constant de préoccupation. Le ministère des affaires étrangères a, dans ce domaine, une responsabilité déterminante. » Ces paroles furent unaniment appréciées.
Ce n'est pas en deux minutes et demie que je pourrai vous exposer la situation, vous décrire vraiment le sentiment d'insécurité de nos compatriotes et leur angoisse devant l'insuffisance des moyens de protection. A titre d'exemple, il y a en tout et pour tout à Brazzaville, pour assurer la sécurité de l'ambassade, des très nombreux bâtiments qui en dépendent et de la communauté française, dix policiers et seize gendarmes. A Pointe-Noire, où il y avait seulement quatre gendarmes, on en a retiré deux voilà quelques mois.
Il faut d'urgence renforcer ce dispositif, car les combats ont brusquement repris il y a un mois. C'est à l'arme lourde qu'on tire dans Brazzaville et l'on entend encore régulièrement des tirs de mitraillette.
Je suis allée avec l'ambassadeur dans les quartiers sud, où se sont déroulés les combats. Des barrages subsistent encore partout, et l'on ignore la plupart du temps s'ils sont tenus par des troupes régulières ou par des rebelles qui ont pris des uniformes sur des cadavres.
Mais ce qui m'a beaucoup frappée, c'est que presque tous, en voyant le drapeau français de la voiture de l'ambassadeur, se mettaient pratiquement au garde-à-vous, comme ils le font quand ils voient un gendarme. Il est vrai que nos gendarmes jouissent, là-bas, d'une popularité extraordinaire.
Je suis allée aussi dans les lieux où nous distribuons des vivres qui proviennent de France pour aider les personnes déplacées - plus de 200 000 - et je n'ai eu, à aucun moment, l'impression d'un sentiment anti-français, au contraire.
Aussi ai-je été profondément choquée, en rentrant, par la conférence de M. Noël Mamère. En effet, là où M. Mamère voit des néo-colonialistes, je n'ai vu pour ma part que des Français soucieux d'aider le peuple congolais, tous les Congolais.
Plusieurs sénateurs du RPR. Bravo !
Mme Paulette Brisepierre. J'ajoute que notre pays a été le premier, et pratiquement le seul, à se préoccuper des populations.
Il est facile de palabrer devant des journalistes, dans les couloirs de l'Assemblée nationale. Moi, c'est sur le terrain que je prends mes informations et, au moins, elles sont exactes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
En ce qui concerne la communauté française, l'ambassade a fait un travail extraordinaire, malgré un effectif beaucoup trop réduit.
Nous sommes sans nouvelles depuis plusieurs semaines de beaucoup de nos compatriotes. Sont-ils terrés dans leurs maisons, vivants, morts, partis dans la nature ? Par manque de personnel militaire, il est impossible de le vérifier.
La situation reste très préoccupante à Dolisie et à N'kayi, où, comme vous le savez, un de nos compatriotes vient d'être assassinés et où beaucoup d'autres ont subi des sévices très graves, notamment les femmes.
Il n'y a, à Pointe-Noire, ni eau ni électricité, et la communauté française - près de 3 000 personnes avec les réfugiés de Brazzaville - reste malgré tout, dans son ensemble, parfaitement responsable et calme, mais elle est lucide.
M. le président. Votre question, s'il vous plaît, ma chère collègue.
Mme Paulette Brisepierre. Je tiens ici à rendre hommage à l'ensemble du personnel diplomatique et consulaire du Congo qui, tant à l'ambassade qu'au consulat général de France à Pointe-Noire, accomplit un travail absolument remarquable dans des conditions particulièrement difficiles.
Je veux formuler une demande pressante et deux questions.
Je souhaiterais l'envoi immédiat de vingt gendarmes supplémentaires à Brazzaville et de quatre à Pointe-Noire ; c'est une demande modeste, mais je suis réaliste !
Les questions que je vais vous soumettre m'ont été posées avec beaucoup de gravité par nos compatriotes. Quelles dispositions prendra la République française, en cas d'aggravation du conflit, pour l'évacuation des Français ? A leur arrivée, quelles dispositions immédiates seront prises en vue d'une première indemnisation, qui leur permettrait de se réinsérer dignement dans la communauté nationale ? Pourront-ils bénéficier de prêts à taux bonifiés leur offrant la possibilité de recréer des entreprises ?
Monsieur le Premier ministre, si les mesures modestes que je demande pour la sécurité n'étaient pas prises, et si un Français était assassiné au Congo, vous dormiriez très mal, et moi aussi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je voudrais saluer la démarche courageuse de notre collègue, Paulette Brisepierre, qui s'est rendue sur place. Cela mérite d'être souligné. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Madame le sénateur, je conviens avec vous que la situation à Brazzaville, et plus généralement dans l'ensemble du pays, est encore instable, et que des zones d'insécurité étendues subsistent.
Toutefois, les autorités congolaises ont pris leurs responsabilités, grâce à quoi, fort heureusement, la sécurité a été ramenée dans plusieurs secteurs.
Je dois préciser que, conformément au principe politique de non-ingérence, les autorités françaises ont prévu d'instaurer une coopération avec le gouvernement de Brazzaville en vue de former un certain nombre d'unités de gendarmerie, ce qui correspond aux rapports d'égalité de droits et de devoirs que nous souhaitons établir avec les pays africains, y compris dans les périodes de crise. Il n'est pas question que nous mettions en place un dispositif de substitution.
Par conséquent, je voudrais qu'il soit bien entendu entre nous qu'une intervention militaire ou le recours à la force sur le territoire d'un Etat souverain ne peut être envisagé qu'en cas d'extrême urgence, par exemple pour assurer une évacuation immédiate, mais que, en revanche, il ne saurait être question que des forces armées françaises patrouillent et assurent la sécurité publique dans une capitale étrangère.
A cet égard, la mission des gendarmes et des policiers français qui sont actuellement en poste à Brazzaville ou à Pointe-Noire est d'assurer la sécurité des enceintes relevant de la souveraineté de notre pays, mais non pas celle, hélas ! des domiciles particuliers, qui relève des autorités de sécurité congolaises.
Un certain nombre de nos compatriotes, ainsi d'ailleurs que d'autres ressortissants étrangers, ont choisi de se regrouper à Pointe-Noire, où la situation est beaucoup plus calme. D'autres ont préféré être rapatriés. En tout cas, le consulat et l'ambassade se tiennent en permanence en contact avec eux, de manière à pouvoir faire jouer des dispositifs d'urgence si nécessaire.
J'indique également que les services diplomatiques français ont déjà recommandé à nos compatriotes de ne pas se rendre ou de ne pas séjourner dans les régions de Dolisie et de N'Kayi, où ont été perpétrés des assassinats et des violences très graves. Dans ces secteurs, on ne peut raisonnablement espérer que la sécurité soit assurée en permanence.
En ce qui concerne Brazzaville, le Gouvernement, qui est en contact avec les autorités locales, se tient informé en permanence de la situation. Les gendarmes qui y ont été affectés par une décision du Gouvernement en date du mois de décembre seront maintenus en place et nous pourrons adapter leur effectif - certains renforts seront probablement dépêchés à Pointe-Noire dans les prochains jours - aux impératifs du maintien de la sécurité dans les enceintes de souveraineté française. En revanche, la question d'une évacuation d'urgence n'est, heureusement, pas d'actualité, car la situation est plutôt en voie d'amélioration à Brazzaville. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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