Séance du 27 janvier 1999







Par amendement n° 1, M. Marini, au nom de la commission, propose de compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mandats des membres du conseil de surveillance et du directoire du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance en fonctions à la date de promulgation de la présente loi sont prorogés jusqu'au 1er novembre 1999, nonobstant toute disposition relative à la limite d'âge. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il convient de rappeler que les caisses d'épargne constituent un réseau qui comporte non seulement des caisses, mais aussi un organe central, même si celui-ci ne dispose pas encore de toutes les compétences stratégiques permettant de faire un vrai groupe financier et bancaire.
Aujourd'hui, le Centre national des caisses d'épargne, le CENCEP, est administré par un directoire de trois membres nommés pour six ans, contrôlé par un conseil de surveillance de vingt-trois membres également nommés pour six ans. Les mandats de ces dirigeants, qui avaient commencé en avril 1992, devaient avoir pour date d'échéance le mois d'avril 1998. Il convient de préciser que ces durées sont prévues non par la loi, mais par une disposition statutaire du Centre national des caisses d'épargne, une assemblée générale extraordinaire permettant d'y déroger.
C'est ce qui a été fait, monsieur le ministre, à la fin de l'année 1997, avec la prorogation des mandats des deux organes dirigeants, le directoire et le conseil de surveillance, jusqu'au 1er mars 1999.
Monsieur le ministre, la commission des finances souhaiterait que vous puissiez dire au Sénat comment vous envisagez la période de transition, parce que, comme vous l'avez indiqué, cette réforme suppose une acceptation par le réseau. Elle suppose donc autant de légitimité professionnelle qu'il est possible d'en trouver pour conduire un processus très difficile.
Compte tenu des conditions complexes de cette affaire, cela exclut, me semble-t-il, tout parachutage administratif et a fortiori politique.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, la commission des finances souhaite, par cet amendement, vous interroger quant au déroulement de la période transitoire s'agissant de la responsabilité des organes centraux des caisses d'épargne.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le rapporteur, cet amendement comporte deux éléments : l'un concerne le conseil de surveillance du CENCEP ; l'autre a trait aux organes dirigeants opérationnels.
S'agissant tout d'abord du CENCEP, la durée du mandat de ses membres ne relève ni du Gouvernement ni de la loi ; elle relève de l'assemblée du GIE constituée par les différents CCCOS. C'est en effet à ces derniers de décider du renouvellement de leurs instances dirigeantes.
Par conséquent, autant il est nécessaire, par le texte que nous vous présentons, de proroger la durée d'existence des membres des CCCOS, qui sont élus au niveau de chacune des caisses d'épargne, autant ce sont les CCCOS eux-mêmes qui doivent décider ce qu'ils entendent faire s'agissant du CENCEP.
Je vous propose donc - d'ailleurs, cela répond, me semble-t-il, au souhait du Sénat lui-même - de laisser à la loi ce qui revient à la loi et de laisser ce réseau, que nous voulons justement plus mature, plus autonome, gérer dorénavant lui-même ses propres instances.
Le problème est un peu différent pour ce qui est des organes dirigeants - je pense au directoire - et je veux, de ce point de vue, vous rassurer.
Quelle que soit la composition de l'équipe qui doit mener la période de transition qui va s'ouvrir - le Gouvernement partage totalement votre sentiment - il doit s'agir, comme cela a toujours été le cas jusqu'à présent - et les dirigeants n'ont en rien démérité -, de professionnels de la banque, de la finance, de la collecte de l'épargne, de la gestion des réseaux, bref des professionnels.
Il ne saurait être question de mettre à la tête de ce groupe, que nous voulons doter d'arguments nouveaux, de puissance nouvelle, de capacité d'attraction nouvelle en direction des épargnants et des clients, des dirigeants qui n'auraient pas comme première qualité d'être reconnus par la profession.
En clair, cela signifie que nombre d'entre eux doivent venir du réseau lui-même, car il est tout à fait normal qu'un réseau soit capable de produire ses propres dirigeants. On peut parfois, sur tel ou tel poste, avoir besoin d'aller chercher à l'extérieur une compétence que l'on n'a pas, dans le domaine professionnel, cela va sans dire. Mais il est normal qu'un réseau d'une telle taille et d'une telle importance soit susceptible de générer lui-même ses propres dirigeants.
Vous évoquiez le champ administratif ; ce sont des pratiques qui n'ont plus cours ! Vous évoquiez même le parachutage politique.
Vous vous référiez aux pratiques qui avaient cours sous un gouvernement précédent, mais pas celui-ci ! (Exclamations au banc de la commission.) Je vous renvoie à votre taquinerie !
Plus sérieusement sur le fond, ce qui est sûr, c'est que, pour diriger cet ensemble aujourd'hui et demain, comme cela a été le cas hier, il nous faut des professionnels et, autant que possible, des professionnels issus du réseau. C'est ce que le Gouvernement a l'intention de soutenir et de faciliter, de manière que cette réforme puisse être conduite au mieux de l'intérêt des salariés des caisses d'épargne, des usagers et déposants, et du système financier français dans son ensemble par les alliances que ce réseau est susceptible, dans un, deux, trois ou cinq ans, de nouer avec tel ou tel autre partenaire français pour s'enrichir et offrir de nouvelles activités.
Nous avons donc tous, je le crois, les mêmes préoccupations : nous voulons un réseau professionnel de qualité offrant le meilleur service possible. J'espère que ces éléments seront de nature à vous rassurer sur les intentions du Gouvernement - si c'est le cas, je m'en réjouis, sinon je suis prêt à les compléter - et que, en tous cas, elles vous convaincront de retirer cet amendement, qui serait source de retard du fait des navettes inévitables entre l'Assemblée nationale et le Sénat que son adoption entraînerait. Je le souhaite d'autant plus que la durée du mandat des membres du CENCEP ne relève pas de la loi et que, s'agissant du directoire, nous avons les mêmes intentions.
M. le président. Monsieur le rapporteur, êtes-vous sensible à l'appel du Gouvernement ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, j'ai bien entendu l'appel de M. le ministre, mais certains de nos collègues ont peut-être des éléments d'appréciation supplémentaires à apporter !
M. le président. La réponse est oui !
Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je remercie M. le rapporteur de me permettre de m'exprimer !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est la courtoisie bien connue de la commission. (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. Le thème abordé par M. Ostermann de la durée du mandat des membres du CCCOS m'interpelle ! En effet, il trouve que sept ans, c'est long, alors qu'au Sénat la durée du mandat est encore un peu plus longue ! (Rires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Et pourtant, cela passe très vite ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission. Le regrettez-vous ?
M. Jean-Louis Carrère. Pas du tout !
M. le président. Ne confondons pas les domaines, mon cher collègue !
M. Jean-Louis Carrère. S'agissant de l'amendement n° 1, qui offre un intérêt, celui de nous donner un éclairage, sans paraphraser M. le ministre, je dirai simplement, que, lorsque l'on proroge la durée du mandat des membres des CCCOS, de facto on proroge celle du mandat des membres du conseil de surveillance du CENCEP qui en est l'émanation.
Il n'en est pas tout à fait de même, comme l'a indiqué M. le ministre, s'agissant du directoire du CENCEP. Toutefois, cette intention affirmée avec force nous permet d'envisager une suite logique des choses, ce qui me semble absolument nécessaire dans cette période.
J'ai relu les débats à l'Assemblée nationale. Le rejet, notamment, de la prorogation des mandats jusqu'en 2001 est, à mon avis, une erreur. Je ne proposerai pas au Sénat de voter ce texte autrement que conforme, mais j'attire l'attention de M. le président de la commission, de M. le rapporteur et de M. le ministre sur un fait. Nous avons élu des directoires dans chacune des caisses. Les CCCOS devant être appelés à disparaître ou à être renouvelés en 1999, qui va les réélire ? Les porteurs de parts sociales qui ne seront pas encore en situation de les avoir acquises, c'est-à-dire que ces CCCOS n'auraient plus aucune légitimité.
Lorsqu'on examinera le projet, je demanderai que l'on réfléchisse à cette période transitoire. Cela me conduit d'ores et déjà à vous dire que je déposerai certainement un amendement pour proroger les mandats pour les CCCOS, pas indéfiniment, monsieur Ostermann, n'ayez crainte, et en aucun cas pour qu'ils fassent concurrence à la durée d'un mandat de sénateur, que, par ailleurs, je respecte et que je souhaite voir se prolonger (Exclamations amusées sur les travées du RPR), mais, mes chers collègues, de telle sorte que la vraie légitimité soit en place !
Sinon, nous aurions des directoires tirant leur légitimité de CCCOS qui n'auraient plus de légitimité eux-mêmes. C'est le fond du problème ! Ces CCCOS n'auront à mes yeux de légitimité que lorsqu'au minimum 50 % des parts sociales auront été effectivement vendues. Je pense donc que c'est une question à laquelle il faut réfléchir et, à ces réserves près, qui n'ont rien à voir avec l'amendement, je souhaite, monsieur le rapporteur, que cet amendement soit retiré.
M. Joël Bourdin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Sur le premier point, c'est-à-dire sur l'article lui-même et la date ultime qui a été prévue pour la prorogation, je suis d'accord avec le précédent orateur : cela me paraît un peu court. Il faudra sans doute une autre prorogation des mandats, peut-être législative, parce qu'il y aura une période pendant laquelle les porteurs de parts ne pourront pas s'exprimer. Il faudra bien quand même qu'une légitimité puisse s'exprimer ! Or sont légitimes ceux qui sont déjà membres des conseils d'orientation et de surveillance. Mais c'est un commentaire « à chaud » !
Sur l'amendement lui-même, que j'ai voté en commission des finances - il a d'ailleurs été adopté à l'unanimité -, j'ai bien compris les arguments que vous avez avancés, monsieur le ministre, mais je voudrais quand même avoir l'assurance que les organes dirigeants, qui sont au coeur du dispositif et qui suivent les affaires au jour le jour, ne seront pas perturbés au cours de la période de mise en place des éventuelles nouvelles caisses d'épargne.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je retiens ce qu'a dit M. Carrère. En effet, dans le cadre de la loi pleine, il faut une phase de discussion de cette question.
Des dispositions sont déjà inscrites pour éviter le problème que vous évoquez. Peut-être ne sont-elles pas suffisantes. Il faudra que l'on examine ce point tout particulièrement parce que l'objectif que vous poursuivez, à savoir, au bout du compte, l'élection des nouveaux CCCOS par des sociétaires, est effectivement le bon. On verra si les dispositions prévues permettent de l'atteindre. Sinon, on pourra toujours les modifier.
Pour répondre à M. le sénateur, je veux que devant le Sénat la parole du Gouvernement soit parfaitement claire. Il y a deux logiques.
La première, c'est que le directoire qui est en place aujourd'hui fasse la réforme et que, une fois la réforme faite, éventuellement tout change parce que les circonstances seront différentes.
La seconde, c'est que soit mis en place un directoire qui porte la réforme et ensuite la mette en oeuvre.
C'est au CENCEP d'en décider. Les deux logiques sont possibles. Ce qu'il ne faut pas, vous avez raison, c'est qu'au milieu de la réforme il y ait des perturbations. Je suis tout à fait de votre avis.
Qu'un changement éventuel se produise - c'est ce que je répondais à M. Marini -, dans tous les cas, il faudra conserver les caractéristiques que j'évoquais en répondant à M. le rapporteur, à savoir celles du professionnalisme, cela va aussi sans dire.
Maintenant, il appartient au conseil de surveillance de faire son choix sur la façon dont il entend accompagner lui-même la réforme - car il a un rôle à jouer pendant qu'elle sera votée par les deux assemblées, puis mise en oeuvre par le réseau - et de savoir si l'on considère que la page qui change la vie des caisses d'épargne se tourne plutôt maintenant ou plutôt ultérieurement ; il s'agit là d'une question qui ne relève pas du Gouvernement.
En tout cas, je vous rassure : je partage tout à fait votre sentiment, à savoir qu'il ne faut pas que, au milieu ou au cours du processus, des changements viennent rendre cette évolution plus difficile encore qu'elle ne l'est déjà.
Par conséquent, il ne relève pas du Gouvernement de savoir si c'est plutôt avant ou après le processus que les mouvements peuvent éventuellement avoir lieu. Mais, je le répète, je partage votre sentiment : cela ne peut pas être en plein milieu du processus.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Dans cette affaire, pas plus que dans d'autres, le Sénat n'a compétence pour régler des questions de personnes ; cela ne relève pas de notre responsabilité. En l'occurrence, il s'agit de la responsabilité de l'Assemblée générale et du conseil de surveillance du CENCEP.
Ce qu'il nous importe, à nous, c'est d'être assurés que ce réseau a le maximum de chances pour réussir la réforme et que le Gouvernement fait au réseau suffisamment confiance pour permettre à ce dernier de porter lui-même sa propre réforme et pour que soient en charge de la période de transition, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, essentiellement des hommes du réseau reconnus pour leur légitimité professionnelle et leur expérience. Mais j'ai compris, monsieur le ministre, que telle était votre intention.
Mes chers collègues, si nous persistions, nous risquerions, avec cet amendement, de retarder l'application de dispositions importantes pour le devenir du réseau des caisses d'épargne, réseau qui doit, par exemple, arrêter les conditions de ses relations futures avec la Caisse des dépôts et consignations, et anticiper sur la stratégie nouvelle qu'il pourra conduire lorsque la réforme aura été décidée par les assemblées parlementaires.
Tout cela nécessite, assurément, des conditions de légitimité et de professionnalisme - pardonnez-moi de me répéter, mais cela me paraît essentiel - si nous voulons disposer dans ce pays, avec la mutation des caisses d'épargne, d'un nouveau groupe financier apte à faire face à ses responsabilités, à nouer des alliances et à défendre aussi bien ses porteurs de parts que ses personnels et ses clients.
Mes chers collègues, c'est dans cet esprit que, ayant souhaité rappeler les préoccupations de la commission des finances - expérience professionnelle, légitimité et professionnalisme - et ayant entendu les explications de M. le ministre, je retire l'amendement n° 1 de la commission.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Gérard Miquel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme on l'a dit au cours de ce débat, ce projet de loi est de pure procédure : il vise à prolonger du 1er mars 1999 au 1er novembre 1999 le mandat des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance.
La raison en est claire : il s'agit d'éviter que le renouvellement de ces organes n'intervienne au milieu de la réforme des statuts des caisses d'épargne.
Ces mandats avaient d'ailleurs déjà été prolongés, dans le MUFF - projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier - de 1997, jusqu'au 1er mars 1999 pour la même raison, la réforme étant alors prévue pour le courant de l'année 1998. Mais le projet de réforme des statuts des caisses d'épargne n'a été adopté en conseil des ministres que le 2 décembre dernier et sera discuté pochainement à l'Assemblée nationale, au printemps au Sénat. Il fallait donc prévoir une nouvelle prorogation.
En effet, une concertation étendue et fructueuse a été réalisée par M. Douyère, puis par le Gouvernement. Elle a permis d'aboutir à un projet de loi équilibré, qui devrait permettre la nécessaire adaptation des caisses d'épargne à un nouvel environnement, à la transformation du monde bancaire français et à la nouvelle donne européenne. Il permettra également la dynamisation du réseau afin d'en renforcer la cohérence, d'en développer les actions dans la relance de l'aménagement du territoire, dans le soutien aux catégories les moins aisées de la population, dans le développement économique local, en partenariat avec les collectivités territoriales.
Il permettra enfin d'en renforcer les missions d'intérêt général, dans le respect des quatre grands principes qui ont depuis toujours défini ces institutions, approuvés à l'unanimité en 1983 par le Parlement, et qui reposent sur : leur caractère non lucratif ; la promotion et la collecte de l'épargne, le développement de la prévoyance en vue de la satisfaction des besoins familiaux et collectifs ; l'utilisation de leurs ressources au profit de l'économie sociale et locale, en liaison avec les collectivités territoriales ; enfin, la primauté de leur rôle dans le financement du logement social et dans l'aménagement du territoire.
La place originale des caisses d'épargne sera donc conservée, contrairement aux propositions du gouvernement précédent.
Plus que jamais notre pays a besoin de ces établissements financiers dont la finalité n'est pas le profit et qui peuvent ainsi concourir à réduire la fracture sociale. Un sondage réalisé en 1995 avait d'ailleurs montré que les Français considéraient que les caisses d'épargne avaient un rôle particulier à jouer dans le paysage bancaire français, avec une mission d'intérêt général.
Mais, pour revenir à ce projet de loi et à son article unique, la prorogation des mandats ne peut que susciter l'accord du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

5