Séance du 27 janvier 1999







M. le président. « Art. 29 ter . - Il est créé au niveau départemental un observatoire de l'emploi salarié en agriculture comportant les organisations représentatives des salariés, des professionnels et l'inspection des lois sociales en agriculture.
« Ses missions seront de suivre l'évolution des emplois salariés agricoles en référence aux 1°, 2°, 3° et 5° de l'article 1144 du code rural, de comparer les écarts entre emplois permanents et emplois précaires, type contrats à durée déterminée et saisonniers, et de proposer des solutions pour renforcer les emplois permanents. Un bilan annuel sera établi auprès de l'autorité administrative et rendu public. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 143, M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 369, le Gouvernement propose de rédiger comme suit l'article 29 ter :
« Après l'article 1000-7, il est inséré dans le code rural un article 1000-8 ainsi rédigé :
« Art. 1000-8. - Il est créé, auprès de chaque préfet de département, un observatoire départemental de l'emploi salarié en agriculture.
« L'observatoire départemental de l'emploi salarié en agriculture a pour mission de suivre l'évolution des emplois salariés visés aux 1°, 2°, 3° et 5° de l'article 1144 du code rural, et notamment des contrats à durée indéterminée et des contrats à durée déterminée et de proposer, le cas échéant, des solutions pour inciter à la conclusion de contrats à durée indéterminée.
« Il remettra chaque année un rapport au préfet de département, qui sera rendu public.
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article et fixe notamment la composition et les modalités de fonctionnement de l'observatoire. »
La parole est à M. Leclerc, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 143.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer l'article 29 ter. En effet, celui-ci pose trois types de difficultés.
En premier lieu, la création d'observatoires départementaux de l'emploi salarié en agriculture semble très largement inutile, car il existe déjà de nombreuses structures, à l'échelon tant national que local, qui sont chargées d'étudier l'emploi agricole.
Ainsi, la mutualité sociale agricole a mis en place un observatoire économique et social qui fonctionne bien. Elle doit, en outre, installer un outil spécifique de suivi des salariés, qui devrait être opérationnel au début de l'année 1999.
De même, à l'échelon local, il existe des commissions paritaires régionales et départementales de l'emploi, mises en place grâce à la négociation collective, qui offrent aux partenaires sociaux un outil adapté pour mener des négociations sur l'évolution et les conditions d'emploi du travail salarié agricole. Ces commissions s'appuient également sur les associations régionales de l'emploi et de la formation agricoles et sur les associations départementales emploi-formation, qui associent la MSA et l'inspection du travail, de l'emploi et de la protection sociale en agriculture aux partenaires sociaux et jouent en matière d'étude et de concertation un rôle identique à celui qui est prévu pour l'observatoire.
En deuxième lieu, les missions dévolues à cet observatoire départemental prêtent à confusion. Au-delà de la simple fonction d'étude, il est chargé de « proposer des solutions pour renforcer l'emploi permanent ». Or le rôle d'un observatoire est non pas de déterminer les axes de la politique de l'emploi en agriculture, mais d'établir des constats.
En troisième lieu, la rédaction de l'article 29 ter reste plus qu'approximative. En effet, il ne prévoit pas de codification de ces dispositions dans le code rural et il ne précise pas les conditions de création de l'observatoire, dont la composition est plus qu'incertaine : les « professionnels » évoqués ne sont pas définis et l'inspection des lois sociales en agriculture n'existe plus sous ce nom depuis de nombreuses années. Les missions de l'observatoire sont, comme on l'a constaté, ambiguës. En tout état de cause, cet article mériterait une nouvelle rédaction juridiquement plus précise et il serait nécessaire de prendre un décret d'application pour le mettre en oeuvre.
En conséquence, la commission des affaires sociales propose au Sénat de le supprimer.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 369 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 143.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. L'amendement n° 369 s'inscrit dans la suite logique du conseil que M. Leclerc a donné au Gouvernement à la fin de son intervention. (Sourires.)
Selon M. Leclerc, la rédaction de l'article 29 ter est approximative et une réécriture plus précise et prévoyant une codification s'imposerait. Tel est exactement l'objet de l'amendement du Gouvernement.
Par conséquent, je suis défavorable à l'amendement n° 143 de suppression de l'article 29 ter présenté par M. Leclerc, dont je préfère suivre les conseils.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 143 et 369 ?
M. Michel Souplet, rapporteur. La commission des affaires économiques a fait la même analyse que M. Leclerc.
Par conséquent, elle est favorable à l'amendement n° 143 et défavorable à l'amendement n° 369 du Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 143.
M. Gérard Le Cam. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Une fois de plus, la commission des affaires sociales du Sénat s'attaque aux amendements adoptés par l'Assemblée nationale sur l'initiative des députés du groupe communiste. (Exclamations amusées sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Paul Emorine. On n'y aurait pas pensé !
M. Gérard Le Cam. Comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure en évoquant le TESA, la situation de l'emploi salarié en agriculture est particulièrement hétérogène et atomisée.
En effet, parmi les 800 000 salariés agricoles, on compte seulement 150 000 permanents travaillant plus de deux cents heures par an, contre 650 000 travailleurs employés à temps partiel ou en tant que saisonniers.
La vocation de l'observatoire départemental de l'emploi salarié dont la création est envisagée est d'assurer le suivi de l'emploi dans un secteur en situation d'éclatement et de précarisation et, élément important qui milite pour la mise en place d'un tel organisme, de formuler des propositions en faveur du développement d'emplois permanents qualifiés, rémunérés et reconnus.
Cet observatoire doit permettre de coordonner les actions qui se développent dans chacun des secteurs agricoles et d'organiser la confrontation des partenaires sociaux et de l'administration du travail.
Les spécificités du métier d'agriculteur ne peuvent, à elles seules, justifier que l'on s'accommode d'une précarisation de l'emploi salarié et d'un recul de la proportion des contrats à durée indéterminée.
Certains voient probablement dans cette situation un modèle qu'ils souhaiteraient étendre à l'ensemble des activités économiques, un modèle de flexibilité des horaires, de mobilité des salariés et d'absence de représentation syndicale coordonnée et structurée.
Compte tenu du devenir prévisible du salariat agricole dans les prochaines années, il me paraît indispensable de disposer des outils permettant de mieux évaluer la situation sociale et économique des salariés, afin d'anticiper les évolutions de la production agricole et de l'industrie agroalimentaire.
Nous rejetons donc l'amendement n° 143 de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je n'admets pas, monsieur Le Cam, que vous puissiez dire que la commission des affaires sociales vise particulièrement, parmi les textes qui nous viennent de l'Assemblée nationale, ceux qui sont issus de l'imagination...
M. Hilaire Flandre. Fertile !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. ... des députés membres du groupe communiste. Cette assertion me paraît tout à fait abusive.
La réalité, et M. le ministre l'a dit lui-même, c'est que l'article 29 ter était mal écrit et absolument pas conforme à ce que doit être un texte législatif. Je regrette simplement que nos collègues de l'Assemblée nationale aient eu la faiblesse d'avoir laissé passer une telle rédaction.
Cela montre au moins que, entre le Sénat et l'Assemblée nationale, des aménagements sont parfois possibles. Malheureusement, puisque l'urgence a été déclarée, nous ne pourrons pas poursuivre ce travail d'amélioration du texte.
Cela étant, sur le fond, la commission des affaires sociales n'a pas préconisé la suppression de l'article 29 ter pour la seule raison qu'il émanait du groupe communiste de l'Assemblée nationale. Nous pensons simplement qu'il existe, en particulier dans le domaine agricole, un nombre considérable d'organismes, à l'échelon de la chambre d'agriculture ou de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, qui mènent des études et élaborent des rapports. Il ne nous paraissait donc pas nécessaire de créer un observatoire supplémentaire, alors que tout est déjà observé par les deux bouts de la lorgnette !
Ce n'est donc pas de l'hostilité que nous éprouvons à l'égard de vos amis, monsieur Le Cam. Rassurez-vous, nous traitons les textes qui nous viennent de l'Assemblée nationale en fonction de leur contenu et non pas de leur origine.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 143, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 29 ter est supprimé et l'amendement n° 369 n'a plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 29 ter
ou après l'article 27 bis (suite)