Séance du 2 février 1999







M. le président. « Art. 42. _ Les articles L. 644-2, L. 644-3 et L. 644-4 du code rural sont ainsi rédigés :
« Art. L. 644-2 . _ Pour les denrées alimentaires autres que les vins et pour les produits agricoles non alimentaires et non transformés, originaires de France, le terme "montagne" ne peut être utilisé que s'il a fait l'objet d'une autorisation administrative préalable.
« Art. L. 644-3 . _ Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles est délivrée cette autorisation et précise, en tant que de besoin, les clauses que doivent contenir les cahiers des charges, notamment concernant les techniques de fabrication, le lieu de fabrication et la provenance des matières premières permettant l'utilisation du terme "montagne".
« La provenance des matières premières ne peut être limitée aux seules zones de montagne françaises.
« Art. L. 644-4 . _ Les dispositions des articles L. 644-2 et L. 644-3 ne s'appliquent pas aux produits bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée, d'une indication géographique protégée ou d'une attestation de spécificité et pour lesquels le terme "montagne" figure dans la dénomination enregistrée. »
Par amendement n° 504 rectifié, Mme Bardou, MM. Grillot, Puech, Ferrand, Amoudry, Faure, Hérisson, Jarlier, Lesbros, Michel Mercier, Blanc, Natali, Jourdain, Descours, Gouteyron, Fournier, Ostermann, Vissac, Braun et Althapé proposent de rédiger ainsi le second alinéa du texte présenté par l'article 42 pour l'article L. 644-3 du code rural :
« La dénomination montagne est accessible aux produits agricoles et agro-alimentaires produits, élaborés et conditionnés dans les zones de montagne telles que définies par le 3 de l'article 3 de la directive n° 75-268 du conseil du 28 avril 1975. »
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Le rétablissement de l'utilisation de l'indication de provenance « montagne » instituée par la loi montagne du 9 janvier 1985 est important.
Un arrêt du 7 mai 1997 de la Cour de justice des Communautés européennes a invalidé ce régime aux motifs que, d'une part, cette distinction ne correspondait ni à une indication géographique ni à une appellation d'origine au sens de la directive européenne et que, d'autre part, elle ne s'appliquait qu'à des produits français.
Le présent amendement a donc pour objet de mettre en conformité avec la décision de la Cour de Luxembourg le régime de l'indication de provenance « montagne ». En indiquant que ce régime s'applique aux produits issus des zones montagne définies par la directive européenne n° 75-268, il indique clairement qu'il sera appliqué sans discrimination fondée sur la nationalité aux produits des zones de montagne de tous les Etats membres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Souplet, rapporteur. La commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. La rédaction proposée par cet amendement n'est pas cohérente avec celle de l'alinéa précédent du projet de loi, qui prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'accès à l'appellation « montagne », notamment celles qui sont relatives à la provenance des produits.
En outre, l'amendement ne prévoyant aucune possibilité de dérogation, il est à craindre que ne se posent de graves problèmes d'application.
Enfin, la référence aux zones de montagne de l'ensemble de l'Union européenne ne règle pas le problème soulevé par la Commission européenne. Telle qu'elle est formulée, elle pourrait être interprétée comme signifiant que les producteurs des autres pays de l'Union européenne ne pourraient vendre en France des produits portant une indication « montagne » qu'après en avoir obtenu l'autorisation. Or cette procédure française ne peut pas leur être opposable.
Nous devons donc bien rester en situation d'autoriser nos producteurs ou nos transformateurs à recourir éventuellement à des produits des autres pays, pourvu que ceux-ci viennent d'une zone de montagne.
Au bénéfice de ces explications, je souhaiterais que les auteurs de l'amendement veuillent bien le retirer, faute de quoi je me verrais obligé de m'y opposer.
M. le président. Mme Bardou, l'amendement n° 504 rectifié est-il maintenu ?
Mme Janine Bardou. Je suis un peu gênée pour le retirer, parce que la loi montagne prévoyait la possibilité d'obtenir une indication de qualité spécifique après autorisation administrative. En effet, comme l'a dit tout à l'heure M. Vissac, la démarche de qualité AOC est souvent très lourde et très difficile à mettre en oeuvre dans des pays où la production est faible.
Or l'arrêté de la Cour de justice européenne interdit toute dénomination de provenance « montagne ». Je ne souhaite donc pas retirer cet amendement, car le projet de loi évoque surtout la provenance des matières premières, tandis que la rédaction que nous soumettons au Sénat vise les produits agricoles et agroalimentaires élaborés et conditionnés dans les zones de montagne.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Michel Souplet, rapporteur. La commission avait prévu de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement, car elle avait, elle aussi, soulevé le problème communautaire évoqué par M. le ministre. Celui-ci est réel, et nous nous en tenons donc à cette position.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je voudrais insister sur le fait que, compte tenu de l'arrêt de la Cour de justice européenne, notre procédure ne peut s'appliquer qu'aux produits français, et non pas à ceux provenant des autres pays de l'Union européenne.
Il est donc bien clair, à mes yeux, que l'amendement n° 504 rectifié doit être retiré, car les dispositions qu'il prévoit sont incompatibles avec nos engagements internationaux. Si Mme Bardou le maintient, nous réglerons le problème en commission mixte paritaire.
M. le président. Madame Bardou, acceptez-vous maintenant de céder à l'appel renouvelé de M. le ministre ?
Mme Janine Bardou. Je persiste à penser que cela donnerait tout de même un peu plus de poids aux négociations si cette possibilité était inscrite dans la loi. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
M. le président. La dénégation de M. le ministre est assez explicite et édifiante ! (Sourires.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 504 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 42, ainsi modifié.

(L'article 42 est adopté.)

Article 42 bis