Séance du 10 février 1999







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Lefebvre pour explication de vote.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions indiqué, lors de la discussion générale, que nous voterions ce texte malgré l'adoption de l'amendement sur les produits illicites et de l'article 12, sur lequel notre groupe s'est abstenu.
En effet, nous voulons retenir l'essentiel, et l'essentiel, c'est effectivement que nous nous donnions les moyens nécessaires pour atteindre rapidement l'objectif que nous nous sommes fixé, à savoir réduire de moitié le nombre des accidents mortels sur la route.
Nous voterons donc le projet de loi qui nous est soumis.
M. Emmanuel Hamel. M. Gayssot a le soutien de ses amis !
M. Pierre Lefebvre rapporteur. N'est-ce pas normal ?
M. Emmanuel Hamel. Qu'il en soit heureux !
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le ministre, on ne peut pas voter contre ce projet de loi, car il part de bons sentiments.
Néanmoins, en tant qu'élu d'un département « noir », et donc très sensibilisé à ces problèmes, je ne participerai pas au vote.
Comme vos prédécesseurs, vous faites une fixation sur la vitesse. Depuis des années, on considère que la vitesse est la source de tous les maux et on prend donc sans arrêt des mesures pour la restreindre.
Or, finalement, on s'aperçoit que le nombre des morts ne diminue pas, que, bien au contraire, il augmente. Je crains donc que, vous aussi, comme vos prédécesseurs, vous ne fassiez fausse route, ce qui, pour un projet de loi sur la sécurité routière, est plutôt gênant ! (Sourires.)
En fait, la vitesse est un facteur aggravant, comme on l'a dit pendant des années, mais de là à la rendre responsable de tout !
Pour ce qui est des jeunes qui, trop souvent, perdent le contrôle de leur véhicule, et pas forcément du fait de la vitesse, je suis d'accord : des progrès restent à faire au niveau des autos-écoles et de la formation.
Mais lorsqu'on circule, que constate-t-on, notamment dans le monde rural ? On constate que les conducteurs ignorent les lignes continues, qu'ils ignorent aussi la conduite à droite, qu'ils grillent allègrement les feux rouges, tout comme les stops, qu'ils ne mettent pas leurs feux en cas de brouillard, que certains s'endorment au volant. Et, tout cela, cela fait des morts !
Vous voulez diminuer le nombre des victimes, monsieur le ministre. A cet égard, je ferai quatre remarques.
Premièrement, au lieu de faire de nouvelles lois, faites respecter la loi. Aujourd'hui, elle n'est pas respectée.
M. Emmanuel Hamel. C'est vrai !
M. Bernard Joly. Deuxièmement, mettez peut-être un peu plus d'uniformes sur la route,...
M. Emmanuel Hamel. Beaucoup plus !
M. Bernard Joly. ... et pas seulement derrière les radars !
Troisièmement, essayez de contrôler davantage l'alcoolémie au volant et non pas quand l'accident a eu lieu. Aujourd'hui, il n'y a pas encore suffisamment de contrôles antialcooliques.
Enfin, contrôlez la vitesse, oui, mais dans les agglomérations plutôt qu'en rase campagne, à minuit ; faites des contrôles pour que la vie des enfants ne soit pas en danger !
A ce moment-là, je voterai votre loi !
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, le groupe socialiste votera ce texte, même si un certain nombre de dispositions ne lui conviennent pas, d'autant que l'Assemblée nationale verra peut-être les choses différemment, notamment en ce qui concerne la prise de drogues dites illicites.
Cela étant dit, nous sommes bien conscients qu'il s'agit d'un nouveau pas, que la nouvelle loi va s'additionner à une réglementation ancienne et que, dans ce domaine, nous évoluons vite. Il ne se passe pratiquement pas de mandat sans que l'on parle de sécurité routière.
Sans vouloir anticiper sur le prochain texte dont nous discuterons, je vous demande instamment, monsieur le ministre, de miser, avec votre collègue de l'éducation nationale, sur l'éducation des conducteurs.
La répression est une nécessité, et je ne vois pas pourquoi certains s'offusquent de la lourdeur de la peine applicable en cas de dépassement de cinquante kilomètres à l'heure par deux fois dans la même année de la vitesse autorisée. Nous savons les uns et les autres que la vitesse est l'un des facteurs importants de la mortalité sur la route.
Il conviendra toutefois d'insister, je le répète, à l'occasion d'une prochaine réflexion, sur l'aspect éducatif du problème.
Le groupe socialiste a proposé un certain nombre d'amendements qui, c'est vrai, relevaient très souvent du domaine réglementaire. Il n'en était pas dupe. Pour autant, il suivra très attentivement votre action dans les domaines concernés, monsieur le ministre.
Nous sommes nombreux à être très sensibilisés aux difficultés que rencontrent nos concitoyens sur la route. Nous vous faisons entièrement confiance, monsieur le ministre. Mais qui dit confiance ne dit pas blanc-seing, et nous suivrons donc pas à pas vos démarches et vos propositions.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Le groupe des Républicains et Indépendants votera ce texte.
Nous nous réjouissons que des améliorations lui aient été apportées soit par l'adoption d'amendements, notamment celui qui fait aujourd'hui de la conduite sous l'empire de stupéfiants un délit - c'est une bonne chose - soit par la suppression, il y a quelques instants, de l'article 15, qui concernait un vrai problème, mais qui n'avait pas sa place dans ce texte.
Monsieur le ministre, votre projet va donc recueillir une approbation très large, très consensuelle. Pour autant, il ne faut pas être euphorique. Il faut, au contraire, être très modeste. En effet, comme l'a rappelé M. le rapporteur en début d'après-midi, ce texte ne résout pas tout. De très nombreux problèmes restent posés.
Vouloir réduire de moitié le nombre des accidents mortels dans notre pays est un très bel objectif, auquel chacun ne peut qu'adhérer. Il faudra toutefois de très nombreuses années pour l'atteindre. Considérez aujourd'hui que ce texte est un modeste instrument supplémentaire mis à la disposition des pouvoirs publics pour s'en approcher.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, devant le constat dramatique du nombre de tués sur les routes, qui s'établissait encore à plus de 8 000 l'année dernière, il est urgent que les mesures que nous venons d'examiner soient mises en oeuvre dans les meilleurs délais.
On ne peut que regretter, d'ailleurs, comme l'ont souligné plusieurs orateurs, notamment notre rapporteur, notre collègue Lucien Lanier, qu'il ait fallu neuf mois pour que ce texte, passé en première lecture à l'Assemblée nationale, revienne aujourd'hui au Sénat, qui l'avait examiné, lui, en premier lieu le 7 avril 1998.
Il est encore plus regrettable de constater que seulement 30 millions de francs sont alloués au budget de la sécurité routière pour l'année 1999. Ce chiffre nous montre, malheureusement, le peu d'intérêt que le Gouvernement porte à ce problème pourtant crucial.
Permettez-moi également de rappeler, monsieur le ministre, que, l'an dernier déjà, le Gouvernement montrait son peu d'intérêt pour la sécurité routière en annulant 61 millions de francs en autorisations de programme et 45 millions de francs en crédits de paiement sur le budget consacré à l'investissement en matière de transports terrestres et aux aménagements de sécurité sur la voirie nationale.
M. Emmanuel Hamel. Les critères de Maastricht !
M. Dominique Braye. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, en matière de sécurité routière, les discours rassurants du Gouvernement, en total décalage avec ses actions, ne peuvent convaincre les membres de la Haute Assemblée de sa volonté de prendre véritablement en main ce problème. D'ailleurs, s'il y avait une réelle volonté, comme le rappelait l'un de nos collègues, il faudrait, en tout premier lieu, appliquer la loi actuelle dont le non-respect est à l'origine de la quasi-totalité des accidents graves. Le projet de loi que nous allons adopter n'améliorera pas la situation s'il n'est pas appliqué.
Enfin, je tiens, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, à rendre tout particulièrement hommage au rapporteur de la commission des lois, notre collègue Lucien Lanier pour la qualité de son travail. (M. le ministre acquiesce.)
M. Emmanuel Hamel. M. le ministre acquiesce !
M. Dominique Braye. Par ses nombreuses propositions, il a su combler les lacunes de ce texte et renforcer ainsi les mesures nécessaires à la lutte contre l'insécurité routière.
En conséquence, le groupe du Rassemblement pour la République votera le texte tel qu'il a été amendé par le Sénat.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je veux tout d'abord remercier MM. Lucien Lanier et Jacques Larché, ainsi que tous ceux qui ont contribué à ce débat avec la volonté de l'enrichir, même s'il y a eu quelques divergences sur tel ou tel point.
S'agissant de l'article 12, j'ai bien compris le souci de M. Lefebvre ; d'ailleurs, l'intitulé du projet de loi a été modifié pour que l'on ne puisse plus parler de « cavalier ». Désormais, les agents d'un exploitant de réseau de transport public seront considérés comme des magistrats ou des agents des forces de police lorsqu'ils seront victimes d'outrages ou de violences.
Monsieur Joly, vous avez soutenu que ce projet de loi ne visait qu'à réprimer la vitesse. D'abord, en cas d'accident, la vitesse est un facteur aggravant, comme vous, tout le monde le reconnaît.
Je vous rappelle que le nombre d'accidents a diminué l'an dernier - j'insiste sur ce point - alors que le nombre de tués a augmenté. A quoi attribuez-vous cela ? A la vitesse, tout le monde en est d'accord !
Certes, la vitesse n'est pas la seule cause des accidents ; la fatigue, l'alcool y contribuent également. La nuit, quand la vitesse se conjugue avec l'alcool et la fatigue, le cocktail devient alors explosif. C'est pour cela que j'insiste sur la nécessité des contrôles préventifs.
Quand vous me demandez de ne pas faire procéder à des contrôles de vitesse en rase campagne à minuit, je vous renvoie à la réalité de la situation : c'est malheureusement souvent en rase campagne et à minuit qu'ont lieu les accidents les plus graves ! Et ce n'est pas là qu'un discours, j'attire l'attention de tous les responsables nationaux sur ce point.
Je remercie également M. Mahéas de sa contribution à ce débat et j'insiste avec lui sur la nécessité de la formation et de l'éducation. Il entend suivre attentivement la suite qui sera donnée à cette loi. Je saisis sa remarque au bond : j'y compte bien !
Une fois la loi votée, rien ne sera fini ; tous les partenaires devront se mobiliser ; il faudra un suivi, une évaluation.
M. Jacques Mahéas. Un rapport ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Et le Parlement, comme les associations et les responsables locaux devront apporter leur contribution.
C'est vrai, monsieur Poniatowski, ce texte ne résout pas tous les problèmes, loin s'en faut, et j'en ai bien conscience ; mais s'il participe, comme je le vois, à l'amélioration de la sécurité routière, il aura, de ce point de vue, rempli son rôle.
Je vous remercie également, monsieur Braye, pour le soutien que vous avez finalement apporté au texte.
M. Hérisson a demandé que soit favorisé le transport par rail des marchandises ; il s'en doute bien, je partage son sentiment.
M. Emmanuel Hamel. Dites à Mme Voynet de reprendre la liaison Rhin-Rhône !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. D'ailleurs, la volonté du Gouvernement est de développer le trafic ferroviaire, et notamment le transport des marchandises par rail.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le vote que vous venez d'émettre contribuera à montrer que, par-delà les différences politiques qui existent, et c'est bien normal, on peut, sur un sujet de société tel que celui-là, se retrouver pour faire avancer la bonne cause, celle de la sécurité routière. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Soyez déterminé !

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