Séance du 16 février 1999







M. le président. La parole est à M. Gaillard, auteur de la question n° 426, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Yann Gaillard. Madame le ministre, il s'agit d'un problème que vous connaissez bien, tout comme beaucoup de nos collègues qui sont maire d'une petite ou d'une moyenne commune, hélas !
Une commune qui dépose une demande de lotir sur un terrain communal peut voir apparaître des contraintes et des frais imprévus si le service régional de l'archéologie a prescrit des opérations de fouilles. En effet, non seulment les travaux sont à la charge de l'aménageur, la commune, mais encore les retards d'avancement des travaux très importants en augmentent le coût. On peut quelquefois s'interroger - mais ce n'est pas l'objet direct de mon propos - sur la manière dont sont gérées les fouilles par l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, l'AFAN !
Bien entendu, si un site présente de l'intérêt, il faut tenter de le sauvegarder. Mais, permettez-moi de vous soumettre le cas qui m'a alerté.
La commune de Voué, dans l'Aube, compte 380 habitants ; pour un petit lotissement, on lui demande 130 000 francs toutes taxes comprises. Je me suis adressé à la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC, pour demander s'il était possible d'obtenir des aides.
Le directeur m'a répondu que les aides éventuelles du ministère de la culture ne portaient que sur le logement social, que ces crédits, fort peu nombreux, n'étaient pas disponibles avant le deuxième trimestre de l'année et que leur dévolution était déjà prévue depuis le mois d'octobre. De toute façon, s'agissant non pas d'un logement social, mais d'un lotissement privé, même si les crédits avaient été disponibles, la commune n'y aurait pas eu accès.
Il a ajouté très aimablement qu'il était toujours possible de s'adresser aux collectivités locales, qui, à l'occasion du soutien au développement local, pouvaient subventionner de tels travaux.
Cet état de fait est fort préjudiciable pour notre économie locale et notre développement rural.
Nous avions mis quelque espoir dans votre projet de réforme de la loi relative à l'archéologie préventive, modifiant la loi du 27 septembre 1941. Hélas ! je ne trouve, dans l'article 1er du projet, que cette phrase, d'ailleurs fort bien écrite et fort balancée : « L'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. »
C'est très beau, mais comment veille-t-il à cette conciliation ? Je souhaite reprendre la suggestion que notre collègue M. Louis de Broissia avait formulée dans une question écrite du 3 décembre 1998 : prévoir la création d'un fonds de concours alimenté sur le plan national ou départemental. Je ne sais pas si la réponse est parue. Je vous pose de nouveau cette question, madame le ministre, en faisant appel à votre générosité et à votre souci d'équilibre qui est bien connu.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Le ministère de la culture, responsable du patrimoine archéologique, tente, depuis maintenant de nombreuses années, de concilier, comme le prévoit l'article 1er du projet de loi, la sauvegarde du patrimoine archéologique et les aménagements du sol en vue du développement économique et social.
Il est certain que les contraintes induites par l'archéologie, notamment en termes financiers, peuvent être difficilement supportables pour certaines communes et contrarier une politique d'équipements et d'aménagement du territoire essentielle pour notre développement. A l'inverse, la destruction de vestiges archéologiques constitue une perte irréparable pour la connaissance de la mémoire du sol et du patrimoine national.
L'intervention des services en charge de l'archéologie suffisamment tôt dans le processus d'autorisation des opérations, la recherche d'implantation hors des secteurs où la présence de patrimoine archéologique est attestée ou probable grâce au travail réalisé par les services de l'Etat pour l'élaboration de la carte archéologique, l'adoption de solutions techniques minimisant les atteintes au sous-sol, le recours, enfin, à des opérations archéologiques préalables permettent, le plus souvent, de concilier les objectifs des uns et des autres.
Mais cette archéologie préventive a un coût et il manque, à l'évidence, un cadre juridique clair puisque, comme dans la plupart des pays européens, la législation sur la préservation du patrimoine archéologique, qui date de 1941, a été adoptée avant le développement de l'archéologie préventive, née de l'essor des grands chantiers et des opérations d'aménagement.
Depuis plusieurs années, la réforme de l'archéologie préventive a été annoncée à maintes reprises, mais n'a jamais connu le moindre début de concrétisation. L'intensité du débat actuel résulte largement de cette situation et de la difficulté, pour les archéologues, d'exercer depuis des années des missions par nature contraignantes pour autrui, sans véritable cadre d'intervention. Cela suscite une grande exaspération de la part des maires et des élus locaux.
J'ai donc décidé de traiter ce dossier au fond rapidement ; j'ai chargé Bernard Pêcheur, conseiller d'Etat, Bernard Poignant, maire de Quimper, Jean-Paul Demoule, universitaire, d'une mission de propositions.
Au terme d'une concertation approfondie avec toutes les parties intéressées lors du dernier trimestre de l'année passée, ils m'ont récemment remis leurs conclusions. Celles-ci se fondent sur l'affirmation de l'archéologie préventive comme science et comme service public national à caractère scientifique dont l'Etat est garant.
Sur la base de ce rapport, un projet de loi est en cours d'élaboration et sera rapidement soumis au Parlement.
L'Etat assurera directement certaines des missions relevant de ce service public : établissement de la carte archéologique nationale, prescription scientifique, contrôle des opérations et évaluation des résultats.
Un établissement public national de recherche, qui reprendra les contrats de travail de l'Association pour les fouilles archéologiques nationales, assurera la réalisation des opérations de terrain pour lesquelles il pourra faire appel à d'autres organismes publics disposant de compétences scientifiques en matière d'archéologie, notamment le CNRS, les universités, les services archéologiques des collectivités territoriales. Cet établissement assurera également la publication et la diffusion des résultats.
Ces fouilles resteront principalement financées par les aménageurs, selon une pratique en vigueur dans la plupart des pays européens et confirmée par la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique adoptée en 1992 par le Conseil de l'Europe et ratifiée par la France en 1995, dite convention de Malte.
Mais l'Etat continuera, comme il le fait déjà, à intervenir exceptionnellement, à hauteur maximale de 50 % du coût hors taxes des travaux archéologiques, dans un certain nombre de cas, en considération de la nature de l'opération envisagée et de l'importance des travaux archéologiques qui s'imposent. Le coût de ces derniers s'en trouve ainsi atténué.
Il est vrai que de tels financements ne suffisent pas dans les cas où se rencontrent à la fois un aménageur aux ressources limitées et des travaux archéologiques coûteux. Le ministère de la culture étudie donc la création d'un fonds d'intervention permettant d'aider plus largement les aménageurs qui ne peuvent assumer le coût d'une fouille archéologique en totalité, notamment au regard d'une charge créée par une opération archéologique importante et qui présente un intérêt scientifique majeur.
Voilà, monsieur le sénateur, très exactement le point où nous en sommes aujourd'hui sur ce dossier. J'en espère une issue favorable dans des délais qui permettront de répondre enfin à une question vieille de plus de dix ans.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je vous remercie, madame le ministre.
Je ne pense pas que votre réponse me permettra d'apporter une solution immédiate au maire de Voué. Je reconnais cependant qu'elle est substantielle et que vous avez décrit vos projets avec une grande précision.
Je relève avec intérêt que le projet de loi va instituer un établissement public - donc un contrôle des conditions d'intervention et une meilleure localisation - qui évitera les dérives que l'on reproche parfois à l'AFAN.
Quant au fonds d'intervention - j'ignore quelles seront les conditions de son action, notamment dans les petites communes - je souhaite que ses interventions ne se limitent pas aux très gros chantiers, mais que les petites communes aient leur part. Peut-être aurons-nous ainsi contribué à la solution de ce problème irritant.

RESPECT ET DÉFENSE DES DROITS DES SOURDS-MUETS