Séance du 18 février 1999







M. le président. La parole est à M. Lemaire.
M. Guy Lemaire. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Après que M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, eut prétendu vouloir « dégraisser le mammouth » et s'en fut pris à tous les enseignants, bloquant ainsi toute réforme au sein de l'éducation nationale, voilà que le Gouvernement désigne à la vindicte populaire l'ensemble de la fonction publique.
Les fonctionnaires peuvent remercier le Gouvernement de la méthode employée pour réduire la durée du temps de travail !
Après l'échec patent des 35 heures dans le privé, le Gouvernement, pour aller au bout de son idéologie en la matière, prend le risque de déstabiliser la fonction publique.
Ainsi, d'après une note de l'inspection des finances du 2 février dernier, le laxisme prévaudrait dans de nombreux services de l'Etat et le temps de travail serait, dans les faits, bien inférieur à 35 heures.
Voilà donc à nouveau la polémique relancée entre les prétendus nantis - les fonctionnaires - et les salariés du secteur privé, ainsi que le confirme un récent sondage de l'IFOP, qui indique que 77 % des Français pensent que les fonctionnaires sont une population privilégiée.
L'Etat patron, au lieu de soutenir ses agents, s'ingénie à ce qu'ils se sentent humiliés, déconsidérés.
Or, la fausse apparence d'unité induite par le statut de la fonction publique cache une extrême diversité de situations, comme le souligne le rapport Roché sur le temps de travail des agents du public.
Ce rapport, vous l'avez qualifié, monsieur le ministre, de « diagnostic inconstestable », tout en rappelant immédiatement que ce rapport « n'engage pas le présent gouvernement », ce qui paraît pour le moins surprenant.
Chacun de nous en tant qu'élu sait que le schéma manichéen qui nous est présenté n'est pas exact. Nous connaissons le dévouement des personnels hospitaliers comme les difficultés que rencontrent certains enseignants. Par ailleurs, nous savons qu'à vouloir trop simplifier on risque de commettre de graves injustices. Ne décourageons pas tous ceux et toutes celles, nombreux, qui sont fiers d'appartenir à la fonction publique et qui y travaillent avec compétence, efficacité et dévouement.
Le Gouvernement serait au contraire bien inspiré d'associer les fonctionnaires à la nécessaire réforme de l'Etat, qui seule peut permettre le maintien du service public « à la française ». Cette réforme passe sans doute par une diminution à terme de la fonction publique, mais, en même temps, par une revalorisation et une modernisation de cette même fonction publique, recentrée sur les missions régaliennes de l'Etat. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
J'en termine, mes chers collègues.
Dans ces conditions, quelles initiatives entendez-vous prendre, monsieur le ministre, pour mettre en oeuvre l'indispensable réorganisation des services de l'Etat sans pour autant transformer les fonctionnaires en boucs émissaires commodes et sans porter un mauvais coup à la notion de service public. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je vous remercie de me poser cette question, qui me donne l'occasion de revenir sur le rapport Roché.
Je dirai d'abord que le principe de l'établissement de ce rapport, de ce constat des lieux, était inscrit dans l'accord salarial du 10 février 1998, signé avec les organisations syndicales.
J'ajoute que ce rapport, avant même sa parution, avait donné lieu à des commentaires extrêmement orientés, venant des habituels contempteurs de la fonction publique... dont j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas,...
M. Guy Lemaire. C'est exact !
M. Jean Chérioux. Cela a l'air de vous étonner !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... et faisant une exploitation éhontée de quelques situations marginales concernant quelques dizaines de personnes sur 4,5 millions de fonctionnaires.
En fait, le rapport Roché, qui a été fait très sérieusement - c'est la première fois qu'un travail aussi important est effectué dans l'histoire de la fonction publique, et je crois qu'il venait opportunément - démontre exactement le contraire : les fonctionnaires, dans leur immense majorité, travaillent normalement et selon des horaires tout à fait comparables à ceux de n'importe quelle autre catégorie professionnelle.
Si le rapporteur a pu faire état de fourchettes de 35 à 37 heures ou de 36 à 38 heures, c'est que, par honnêteté, il a fait la correction, à l'échelle de l'année, de jours de vacances spécifiques à telle ou telle catégorie de fonctionnaires. Si l'on faisait le même travail dans le secteur privé, on arriverait à des résultats tout à fait comparables.
Le diagnostic est fait, il est sérieux. C'est pour le Gouvernement un outil de travail. Mais, à ce stade, ce document est le rapport de M. Roché, à qui je rends hommage pour la qualité de son travail.
Qu'allons-nous faire désormais ? A partir de cette base, nous allons poser le diagnostic, en concertation avec les organisations syndicales et les associations d'élus, pour qu'il soit aussi consensuel que possible. Nous entamerons ce travail à partir du mois de mars. Nous essaierons éventuellement d'améliorer et de rectifier le constat sur tel ou tel point et de dégager une méthode.
Ce qu'il me paraît important de souligner - vous l'avez évoqué dans votre question - c'est que si, en effet, la perspective des 35 heures concerne aussi la fonction publique, c'est dans une logique différente : il s'agit de profiter de la formidable occasion que représente cette perspective pour améliorer le service public et pour prendre mieux en compte les besoins des usagers.
Encore une fois - vous l'avez dit et c'est vrai - cela rejoint les préoccupations concernant la réforme de l'Etat. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

APPLICATION DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ
EN MATIÈRE DE CHASSE