Séance du 18 février 1999







M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
En 1994, répondant à la demande pressante de très nombreux élus nationaux et locaux, de toutes tendances d'ailleurs, préoccupés des projets de suppression, dans plusieurs secteurs, du service public, le Gouvernement décidait d'un moratoire qui bloquait tout projet de fermeture, notamment en milieu rural ou dans certains secteurs difficiles de banlieues de villes, dès lors qu'il s'agissait du dernier point de service public de la commune ou du quartier et, s'agissant plus particulièrement des écoles, de la dernière classe existant dans la commune - classe unique ou en regroupement pédagogique.
Cette directive, prise par le Premier ministre Edouard Balladur, manifestait clairement la volonté du Gouvernement de maintenir une présence du service public sur l'ensemble du pays et s'inscrivait dans une démarche de reconquête du territoire. Cela correspond d'ailleurs, comme l'a souligné tout à l'heure notre collègue M. Barraux, à une aspiration profonde de nos concitoyens.
Le gouvernement de M. Alain Juppé avait confirmé ce moratoire.
Or il semble qu'à nouveau se manifestent des velléités de procéder à des fermetures de postes.
Sans doute un gel ne peut-il être maintenu indéfiniment, et j'ai bien à l'esprit que nous traiterons de cette question lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, à la fin du mois de mars prochain. Mais puisque nous allons en discuter, ne serait-il pas logique et sage d'attendre que les dispositions qui seront décidées soient opérationnelles avant toute décision qui, immanquablement, fragiliserait des secteurs difficiles ?
Je souhaiterais, monsieur le Premier ministre, que vous nous indiquiez si le moratoire est maintenu et si des instructions précises vont être données dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
M. Emmanuel Hamel. Déjà Premier ministre ? (Sourires.)
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, vous soulevez le problème de l'avenir du service public dans les espaces géographiques défavorisés, urbains ou ruraux - mais j'ai cru comprendre que votre question portait essentiellement sur les territoires ruraux.
Répondant tout à l'heure, sur le même sujet, à votre collègue du département de l'Allier, j'ai déjà eu l'occasion d'indiquer que le Gouvernement était soucieux de maintenir un équilibre sur le territoire.
C'est pourquoi, dans une instruction très importante, parue au mois de décembre à la suite d'un travail mené pendant près d'un an avec des représentants de l'ensemble du monde rural - ce travail a d'ailleurs donné lieu à un rapport, celui de M. Lebossé, que vous avez eu entre les mains - j'ai réaffirmé les objectifs du service public de l'éducation : la défense du service public et de l'égalité des chances pour les élèves en milieu rural isolé et le maintien de structures rurales scolaires solides sur l'ensemble du territoire.
Plusieurs sénateurs du RPR. Et le moratoire ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. J'ai, en conséquence, mis en place un nouvel instrument de défense de l'école en milieu rural : les réseaux d'écoles rurales.
A cet égard, l'arrivée des nouvelles technologies constitue une chance inespérée, car elle permettra le mise en place de réseaux d'écoles rurales durables, solides, avec une densité pédagogique suffisante.
Plusieurs sénateurs du RPR. Et le moratoire ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le moratoire - j'y viens ! - a été utile, notamment dans certaines parties du territoire que je connais bien pour être moi-même élue d'un département rural. Mais je n'oublie pas que je suis aussi en charge des zones d'éducation prioritaire situées en milieu urbain. Même si c'est difficile, nous devrons aussi veiller, parce que c'est notre responsabilité politique, à assurer une répartition équitable des moyens sur l'ensemble du territoire.
En tout cas, le moratoire a permis de résister au mouvement entraînant la disparition de services publics ; il a permis à de nombreuses communes de mobiliser des moyens et de reconquérir des élèves en milieu rural.
Cependant, après quatre ou cinq années, dans certains endroits, le moratoire se retourne contre l'intérêt même des élèves parce qu'il nous conduit parfois à fermer des classes et à opérer des regroupements pédagogiques, l'immobilisme caractérisant certaines écoles à moratoire. D'ailleurs, monsieur Revet, la commission des affaires culturelles du Sénat a elle-même souhaité une évolution du moratoire.
Avec l'association des maires de France, l'ensemble des partenaires du milieu rural et la commission des affaires culturelles du Sénat, nous sommes convenus qu'on ne sauverait pas l'école rurale par l'immobilisme ou le statu quo, qu'il fallait au contraire avancer et faire preuve d'imagination. Désormais, toute école à moratoire devra faire l'objet d'un réexamen avec les acteurs locaux, dans le cadre de la mise en place des réseaux d'écoles rurales.
Même si c'est difficile à admettre, mieux vaut fermer une école à classe unique mais maintenir l'emploi sur le réseau d'écoles rurales, par exemple pour améliorer l'accueil des enfants en maternelle, pour apporter un soutien scolaire aux élèves en difficulté, pour développer l'apprentissage des langues et des nouvelles technologies.
C'est ainsi, monsieur Revet, que l'école rurale pourra être sauvée, en restant un service public structurant du territoire mais en offrant aux élèves qu'elle accueille l'égalité des chances par la qualité éducative. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Vecten applaudit également.)

FUSION AÉROSPATIALE-MATRA