Séance du 2 mars 1999







M. le président. Par amendement n° 13, Mmes Terrade, Beaudeau, Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance du 26 mars 1982 précitée, avant les mots : "chargé notamment d'émettre les chèques-vacances", il est inséré le mot : "seul". »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement tend à spécifier, dans le premier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance du 26 mars 1982 qui crée l'ANCV, que cette même agence conservera le monopole d'émission des chèques-vacances afin d'assurer le contrôle public des excédents générés par l'utilisation des chèques-vacances.
Il est nécessaire de préciser qu'aujourd'hui, d'un point de vue strictement juridique, l'ANCV ne dispose pas du statut de monopole public qui la protégerait de la concurrence sauvage. En effet, seul le montant dissuasif du droit du timbre garantit actuellement un monopole de fait et non de droit à l'ANCV.
En outre, compte tenu des intérêts de plus en plus grands que suscite le chèque-vacances auprès de quelques groupes privés bien connus, compte tenu de l'ouverture à l'Europe qu'il nous faut préparer et non subir, il nous paraît préférable de conforter l'ANCV dans ses missions de service public.
D'ailleurs, l'amendement n° 6 est quelque peu ambigu et lourd de dangers pour la pérennité d'une gestion publique et solidaire du chèque-vacances telle que nous la connaissons.
J'observe d'ailleurs que cet amendement reprend en des termes presque identique la rédaction proposée par M. Bernard Pons, à l'exception notable de la précision que nous souhaitons, quant à nous, voir apporter au texte.
Doit-on comprendre cette omission comme une porte laissée ouverte à une éventuelle privatisation de l'ANCV et de ses excédents ?
Pour notre part, nous défendons une tout autre logique avec amendement n° 13, qui renforce la législation de 1982. En conséquence, j'indique dès maintenant que nous voterons contre l'amendement n° 6 de la commission des affaires sociales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Blanc, rapporteur. Cet amendement vise à garantir le monopole d'émission de l'ANCV. La commission n'est pas opposée au maintien de ce monopole. Elle considère simplement que la rédaction actuelle de l'ordonnance de 1982 est suffisamment précise sur ce sujet et que l'amendement est inutile, aucun autre organisme n'étant habilité à émettre des chèques-vacances.
Au demeurant, elle s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Odette Terrade. Ah !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat. Madame la sénatrice, par votre amendement, vous souhaitez garantir la mission sociale de l'ANCV en confortant son monopole d'émission.
C'est une attention que je respecte tout particulièrement. Je voudrais cependant souligner que l'ensemble du projet de loi est porté par cette ambition, à l'image de l'ordonnance de 1982, qui prévoyait, dans son article 5, l'exclusivité d'émission des chèques par l'agence. Aussi, le Gouvernement s'en remet-il à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, pour lequel la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Par amendement n° 6, M. Blanc, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 précitée, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Cet établissement public est chargé de promouvoir et diffuser le titre nominatif "chèques-vacances" en France et à l'étranger. A cette fin, il est autorisé à conclure des conventions de partenariat avec des entreprises ou organismes susceptibles d'en assurer la plus large diffusion.
« Il rend public chaque année un rapport établissant un bilan économique et social de l'utilisation du chèque-vacances. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc, rapporteur. Cet amendement vise à étendre les missions de l'Agence nationale pour les chèques-vacances. Il permet d'abord à l'Agence de diffuser des chèques-vacances à l'étranger sans toucher à l'objet de ces chèques qui viennent financer des dépenses en France.
Je peux donc rassurer pleinement notre collègue Jean Chérioux, qui, tout à l'heure, pensait que nous voulions permettre l'utilisation des chèques à l'étranger. Tel n'est pas le cas.
Cet amendement permet également de sous-traiter la diffusion des chèques-vacances, notamment auprès d'organismes qui connaissent bien les PME et qui seraient donc en mesure d'assurer une plus grande distribution des chèques-vacances dans ces entreprises.
Ces deux nouvelles dispositions s'inscrivent dans une démarche pragmatique. Elles répondent au souci de dynamiser la distribution des chèques-vacances et de permettre notamment à l'ANCV de prendre une longueur d'avance dans le développement d'un futur chèque-vacances européen.
L'amendement prévoit enfin qu'un bilan économique et social sera publié chaque année. Il confirme donc notre volonté de ne pas voir disparaître le monopole de l'ANCV, dont nous avons confirmé le principe tout à l'heure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise à autoriser l'ANCV à promouvoir le chèque-vacances en France et à l'étranger.
Il m'apparaît important de souligner que le chèque-vacances n'est pas un titre de voyage. Sa diffusion à l'étranger ne peut concerner que les salariés français expatriés, ce qui ne pose pas de problèmes dans le cadre des dispositions existantes reposant sur un système d'épargne salariale. Il est bien réservé aux seuls salariés, aux bénéficiaires de notre pays.
Diffuser le chèque-vacances à l'étranger pose la question de la nature même du chèque-vacances.
Par ailleurs, l'utilisation du chèque-vacances en Europe est effectivement un sujet d'actualité sur lequel nous réfléchissons. Nous en avons abondamment débattu dans la discussion ; je ne reviendrai donc pas sur le sujet.
Le partenariat que vous souhaitez est déjà organisé par l'ANCV, notamment dans le cadre de l'article 6, comme en témoigne la convention conclue avec les mutuelles de fonctionnaires et les caisses de retraites des agents des collectivités locales. Son développement est d'ailleurs envisagé par l'ANCV pour que le projet de loi qui vous est soumis trouve rapidement une application concrète : l'Agence a déjà pris des contacts avec des organisations existant dans le secteur des PME.
Enfin, du fait des missions spécifiques de l'ANCV, qu'il s'agisse de l'émission du chèque-vacances ou de ses interventions sociales, notre souci est de préserver l'instrument, sans le corseter ; nous voulons rendre possibles des partenariats, mais sans que la maîtrise de la mission par l'Agence soit entamée.
Vous souhaitez également qu'un bilan économique et social du chèque-vacances soit établi par l'ANCV. Or il est évident qu'il n'appartient pas à l'Agence d'établir ce document : cela relève de la tutelle, donc des services de l'administration du tourisme.
En conclusion, je comprends le souci qui anime la commission, mais je considère que les modalités proposées dans l'amendement risquent d'apporter plus de confusion que d'éléments nouveaux. Pour cette raison, j'y suis défavorable.
M. Paul Blanc, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc, rapporteur. Madame la secrétaire d'Etat, je crains de ne m'être pas bien fait comprendre.
Dans la mesure où, aujourd'hui, avec l'ouverture économique mondiale, de plus en plus d'entreprises françaises s'implantent à l'étranger, notamment dans d'autres pays européens, il serait intéressant que les salariés étrangers de ces entreprises puissent acheter des chèques-vacances à l'ANCV pour ensuite venir les dépenser en France.
Il me semble que cet amendement apporte de la souplesse au dispositif et qu'il est susceptible de fournir des recettes supplémentaires, en provenance de l'étranger, à un plus grand nombre de lieux d'accueil touristique, ce qui va dans le sens de votre propre souci d'aménagement du territoire.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat. Je vous remercie de cette précision, monsieur le rapporteur. Je comprends parfaitement votre souci, mais le sujet est aussi d'une grande complexité. Il requiert une expertise très complète. Nous continuerons donc à étudier cette question afin d'envisager d'y répondre lors de la deuxième lecture.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Si vous le permettez, monsieur le président, je reviendrai un instant sur l'amendement précédent, car j'avais levé le doigt juste avant que vous n'appeliez le Sénat à voter, mais vous ne m'avez pas vu. Je veux seulement dire que, selon moi, le mot « seul » aurait dû être placé entre virgules, afin qu'il soit encore mieux mis en relief.
Pour ce qui est de l'amendement n° 6, nous sommes un peu partagés.
En effet, la possibilité de disposer chaque année d'un rapport sur l'utilisation du chèque-vacances est tout à fait intéressante. Un tel rapport peut même se révéler très précieux pour mesurer l'impact du texte que nous examinons, notamment en ce qui concerne le nombre de salariés utilisateurs. Il permettrait donc, dans la clarté, de savoir où il convient de faire porter l'effort pour optimiser le dispositif du chèque-vacances, afin qu'il concerne le plus possible d'entreprises.
Cependant, le premier rapport annuel ne serait publié qu'à la fin de l'an 2000, soit à l'issue de la deuxième campagne sous le régime de l'extension du chèque-vacances aux PME. En effet, l'année 1999 sera certainement, pour l'essentiel, consacrée à sa mise en place.
Il nous paraît également tout à fait utile de préciser que l'Agence nationale pour le chèque-vacances est chargée de promouvoir le chèque-vacances en France et à l'étranger, même si ce dernier point a un aspect plus prospectif qu'immédiatement réalisable. Mais, après tout, il est bon que le Sénat montre parfois sa capacité à se projeter dans l'avenir ! (Sourires.)
En revanche, nous sommes beaucoup plus réservés sur la possibilité donnée à l'ANCV de signer des conventions de partenariat avec des entreprises privées qui se verraient concéder la diffusion du chèque-vacances.
Le chèque-vacances, faut-il le rappeler, n'est pas un chèque de voyage. Sa vocation est sociale, tout comme est sociale l'action de l'ANCV, qui redistribue l'essentiel de ses bénéfices au profit du tourisme social. On ne peut attendre la même préoccupation d'une entreprise qui aurait pour principal souci la distribution des dividences à ses actionnaires. A terme, suivant la plus grande pente, le chèque-vacances deviendrait un moyen de paiement comme un autre.
L'adoption d'une telle disposition comporte donc un risque de changement de nature du chèque-vacances. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Le chèque-vacances est quand même un instrument de paiement dont les caractéristiques évoquent un peu la monnaie scripturale. Aussi émettrai-je des réserves sur le texte de l'amendement tel qu'il est libellé.
Mes réserves ne tiennent pas à des considérations analogues à celles qu'a exposées notre collègue socialiste, qui a insisté sur le caractère social de ce moyen de paiement ; elles sont plutôt inspirées par un souci de protection. En effet, le texte est bien vague : « Cet établissement public est chargé de promouvoir et diffuser le titre nominatif "chèques-vacances" en France et à l'étranger. A cette fin, il est autorisé à conclure des conventions de partenariat avec des entreprises ou organismes susceptibles d'en assurer la plus large diffusion. »
Cela mériterait tout de même d'être étudié d'un peu plus près. Un certain nombre de précautions me paraissant s'imposer pour éviter que des conventions soient signées avec n'importe qui, faute de quoi on risquerait de voir naître des difficultés ou même de déplorer des « magouillages ». Or ce serait très ennuyeux à la fois pour les intéressés et pour l'image du chèque-vacances.
Par conséquent, je souhaiterais que, au cours de la navette, cette notion d'entreprises ou d'organismes susceptibles d'assurer la diffusion des chèques-vacances soit encadrée de manière plus précise.
C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai à ce stade de la discussion.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.

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