Séance du 9 mars 1999







M. le président. La parole est à M. Lepeltier, auteur de la question n° 453, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Serge Lepeltier. Voilà quelques mois, vous avez annoncé, madame la ministre, que certaines inflexions ou réorientations seraient données à la politique des déchets en vue, d'une part, de réduire, notamment par le tri, la quantité de déchets à la source et, d'autre part, de valoriser ces déchets.
S'agissant de l'accent qui a été mis sur la filière de la valorisation agricole et du compostage, je souhaiterais, madame la ministre, attirer tout particulièrement votre attention sur la contradiction qui existe - elle pourrait, à terme, bloquer totalement le système - entre l'objectif que vous affichez, qui est, je le crois, parfaitement louable, utile et intéressant, et les multiples incertitudes qui pèsent, en pratique, sur l'utilisation des composts.
Je veux parler d'abord de la défiance manifeste d'un certain nombre de parties prenantes de la filière alimentaire, qu'il s'agisse du monde agricole lui-même, d'opérateurs agroalimentaires, de distributeurs, mais aussi des consommateurs, qui, très légitimement, sont de plus en plus exigeants sur la qualité des produits qui leur sont proposés. L'exemple de l'épandage des boues de stations d'épuration me paraît significatif et se rapproche des problèmes que l'agriculture peut rencontrer avec les composts.
Ainsi, le renforcement de l'encadrement réglementaire, avec, d'une part, le décret du 8 décembre 1997 et, d'autre part, l'arrêté du 8 janvier 1998, n'a pas permis, au moins dans un premier temps, de lever toutes les interrogations et vous a conduit, au début de l'année dernière, à mettre en place, conjointement avec le ministre chargé de l'agriculture, le comité national sur les boues.
La confiance dans le traitement biologique des déchets et dans l'utilisation de fertilisants issus de ce traitement est au coeur du débat.
Lors de votre communication au conseil des ministres du 26 août dernier, vous avez évoqué, madame la ministre, la mise en place d'un cadre technique et réglementaire rénové pour la valorisation biologique des déchets, ainsi que votre souci de l'information. Je souhaiterais donc, aujourd'hui, que vous nous précisiez vos intentions à ce sujet.
Comment pensez-vous revaloriser, en quelque sorte, l'image même des composts ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour faire évoluer les normes techniques et sécuriser l'ensemble des partenaires concernés ?
Cependant, de nouvelles normes techniques ne risquent-elles pas, par ailleurs, de rendre obsolètes de nombreux et récents systèmes de traitement des déchets, pour lesquels de gros investissements ont été réalisés ?
Comment une collectivité locale, une entreprise, peuvent-elles être assurées de pouvoir, à long terme, valoriser leurs composts ? Si elles n'ont pas cette assurance, comment peuvent-elles développer un concept de valorisation agricole ?
Pouvez-vous enfin, madame la ministre, nous apporter des garanties sur l'indispensable transparence qui doit prévaloir en ces domaines et les mesures que vous envisagez de mettre en oeuvre pour renforcer les débouchés, comme l'attribution de labels aux composts de qualité ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, la question de la valorisation biologique des déchets et de la sécurité alimentaire des produits issus de l'agriculture est primordiale. La promotion de la valorisation des déchets en agriculture qu'il faut mener ne peut se faire que dans le strict respect des conditions de sécurité alimentaire. Cela implique de rompre avec l'image ancienne des composts urbains qui recouvraient des produits de qualité variable, parfois franchement mauvaise.
Il convient de rappeler que la mise sur le marché des composts en agriculture est soumise aux conditions et critères définis par la loi du 13 juillet 1979 sur le contrôle des matières fertilisantes : critères d'innocuité à l'égard de l'homme, des animaux et de l'environnement et critères d'efficacité.
Plusieurs initiatives ont été prises tant pour assurer la qualité des produits que pour promouvoir une valorisation saine des déchets en agriculture.
Un groupe de travail visant aux conditions d'homologation de matières fertilisantes à base de produits résiduaires propose de définir des critères homogènes et applicables à toutes les matières fertilisantes. Ces critères portent tant sur les apports maximaux en éléments organiques que sur la présence d'agents biologiques.
La révision, en 1999, de la norme en vigueur - NFU 44051 - s'appuiera, en toute logique, sur les travaux de ce groupe et reprendra les mêmes valeurs limites.
Ces initiatives doivent s'accompagner de la promotion de démarches « Qualité » appliquées aux filières de valorisation biologique des déchets. C'est ainsi que les aides financières de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, aux investissements et opérations de compostage sont assujetties à la mise en place d'un club « Qualité » associant utilisateurs et producteurs de matières organiques. Des dispositifs incitatifs sont à l'étude, visant à soutenir l'établissement de plans d'action « Qualité » pendant les premières années de montée en puissance des installations de compostage.
Enfin, l'ADEME participe à plusieurs programmes de recherche qui feront progresser la connaissance scientifique dans ce domaine : programme européen QUALORG, programme AGREDE - agriculture, épandages de déchets et environnement - de l'Institut national de la recherche agronomique.
L'ensemble de ces initiatives permettra, à terme, la mise en place des filières de valorisation biologique, de haute qualité environnementale, qui devront assurer la redéfinition des critères de qualité d'un produit, le respect de ces critères et une traçabilité des opérations de collecte, de traitement et d'épandage. Le véritable défi consiste non pas seulement à assurer l'innocuité, mais aussi à reconquérir la confiance des agriculteurs et des industries agroalimentaires, par la démonstration de l'efficacité agronomique des produits.
J'ai le sentiment que s'exprime depuis de nombreux mois une opposition idéologique aux matières fertilisantes valorisant des déchets, quelles que soient les qualités de ces matières par ailleurs. Je souhaite que l'on établisse, en partenariat avec toutes les parties concernées, les experts, les consommateurs, la profession agricole, la grande distribution, les associations de protection de l'environnement,... une norme « produit » qui soit seulement édictée en fonction de critères de risques et de qualité, quelle que soit l'origine de ces matières fertilisantes, et non pas sous le coup de telle ou telle crainte passionnelle, voire intentionnelle. Il nous faut travailler avec sérieux, avec rigueur scientifique, dans la transparence pour arriver à une solution satisfaisante pour tous et notamment pour tous les élus qui développent un effort tout particulier, qu'il s'agisse du compostage des déchets ménagers ou de l'épuration des eaux, qui s'assurent de la qualité des boues produites dans leur station et qui s'étonnent, souvent à juste titre, de l'existence de telles craintes, rarement adossées à de véritables arguments scientifiques.
M. Serge Lepeltier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, qui répond à la crainte des élus locaux.
Je voudrais simplement, vous rejoignant tout à fait sur ce point, insister sur le fait que nous pâtissons quelquefois de l'image ancienne des composts urbains. Or les collectivités locales ont fait, depuis maintenant de nombreuses années, et font actuellement de gros efforts en la matière.
Vous avez évoqué une opposition d'ordre idéologique. Nous devons essayer de faire en sorte, les uns et les autres, qu'elle soit dépassée parce que, sur le terrain, comme je le disais dans mon propos, le côté passionnel qui est mis dans l'appréciation du problème bloque complètement le système.
Je voudrais insister sur l'urgence des mesures à prendre et, vous l'avez dit, sur les critères homogènes à trouver. Nous devons en effet travailler sur des critères homogènes. Mais ce qui serait encore plus important, ce serait de donner des garanties à long terme aux collectivités locales et aux agriculteurs. Nous entendons souvent exprimer la crainte suivante : « Comment puis-je épandre sur mon terrain des résidus de boues de station d'épuration ou des composts alors que la réglementation risque, dans deux ou trois ans, de changer, rendant impossible la commercialisation de mes propres produits agricoles ? »
Je suis moi-même, en tant que maire, confronté à cette situation puisque, pour les boues provenant de ma station d'épuration, je suis dans l'impossibilité, alors que je respecte la loi, d'établir des plans d'épandage, qui pourraient me permettre de valoriser mon produit, qui est conforme aux normes.

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