Séance du 10 mars 1999







M. le président. « Art. 21. - Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative :
« 1° Pendant le délai du recours contentieux, lorsque le régime qui lui est applicable a prévu des mesures de publicité ;
« 2° Dans le cas contraire, pendant un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née la décision. »
Par amendement n° 30, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de remplacer les deux derniers alinéas (1° et 2°) de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Pendant le délai de recours contentieux ouvert aux tiers, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ;
« 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision ou, sans condition de délai, sur demande d'un tiers y ayant intérêt, lorsque aucune d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ;
« 3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Cet amendement reprend le dispositif qui avait été adopté en 1997 par l'Assemblée nationale et par le Sénat lors de l'examen du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public.
Il vise à distinguer, en matière de retrait des décisions implicites d'acceptations illégales, selon que des mesures de publicité ont été ou non effectivement prises, et non selon que des mesures d'information des tiers étaient ou non prévues par le régime applicable à la décision en cause.
On peut, en effet, imaginer des cas où, des mesures de publicité n'étant pas prévues, des tiers ont été lésés. Dans cette hypothèse, il semble donc nécessaire de ménager une possibilité de retrait à la demande du tiers concerné.
Par ailleurs, conformément à la jurisprudence, il semble nécessaire de prévoir une possibilité de retrait lorsqu'une instance contentieuse est en cours afin d'éviter que des procédures ne se prolongent inutilement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Le Gouvernement aurait pu prendre à son compte les préoccupations de la commission, notamment pour prévoir le cas où les mesures d'information prévues ne sont pas mises en oeuvre, et ce même si l'ajout du 3° de cet amendement ne paraît pas essentiel, puisqu'il s'agit d'une règle générale bien établie par la juridiction administrative.
Cependant, le Gouvernement est opposé à cet amendement pour deux raisons.
Au 1°, la précision « recours ouvert aux tiers » est inutile et peut prêter à confusion. Ce qui est visé, c'est le délai de recours de droit commun ouvert à toute personne, y compris au bénéficiaire de la décision implicite. Certes, on imagine mal l'intérêt que celui-ci aurait à agir, mais cela ne doit pas conduire à suggérer dans la loi que les possibilités de recours sont restreintes.
Au 2°, par ailleurs, le Gouvernement ne souhaite pas prévoir la possibilité d'un retrait sans limitation de durée. La solution proposée par le projet, limitant à deux mois la durée pendant laquelle le retrait peut intervenir, maintient un équilibre entre le respect de la légalité et la sécurité juridique des usagers. Cette durée paraît être suffisante pour permettre aux tiers de faire valoir leurs droits. La jurisprudence du Conseil d'Etat encore récemment confirmée tend du reste à cantonner dans les mêmes limites les possibilités de retrait.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 30.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 30.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Il semble qu'il y ait des conséquences trés dommageables pour les bénéficiaires d'une décision implicite d'acceptation qui n'aurait pas fait l'objet de mesures de publicité.
Si un tiers découvre cette décision implicite d'acceptation dans un délai qui peut être fort lointain, puisqu'il est illimité, et fait un recours, l'administration pourrait alors retirer la décision en question si elle est illégale.
Cela serait inacceptable. D'une part l'administration aurait un droit de repentir à vie. D'autre part, le bénéficiaire d'une décision implicite d'acceptation verrait celle-ci éternellement fragilisée et n'aurait droit à aucun recours et à aucun dédommagement.
J'attire votre attention sur les difficultés qu'entraînerait l'adoption de cet amendement.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Je précise que l'amendement de la commission des lois reprend la jurisprudence et ne concerne que les décisions implicites qui n'ont pas fait l'objet de mesures de publicité.
Nous prévoyons, certes, de donner en quelque sorte à l'administration un droit de repentir,...
M. Jacques Mahéas. Eternel !
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. ... certes éternel, de lui ouvrir la possibilité de retirer une décision illégale, mais uniquement à la demande d'un tiers qui a, de toute façon, un droit de recours contentieux sans limitation de délai.
Notre proposition vise en fait à permettre à l'administration qui a pu constater, sur la requête d'un tiers, l'existence d'une décision entachée d'illégalité, de retirer cette décision et d'éviter un recours contentieux.
Monsieur Mahéas, la position que nous défendons ne crée pas plus d'instabilité juridique que celle qui consiste à laisser les tiers intenter un recours contentieux. Nous permettons à l'administration de se repentir et, ainsi, nous évitons que les tiers qui découvrent une des décisions leur portant préjudice ne fassent des recours contentieux.
Il s'agit donc bien d'une mesure de simplification du fonctionnement de l'administration.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21, ainsi modifié.

(L'article 21 est adopté.)

Article 22