Séance du 18 mars 1999







M. le président. Par amendement n° 1, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 9 du code civil est ainsi rédigé :
« Chacun est libre de sa vie personnelle et a droit au respect de sa vie privée et familiale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. J'ai pensé, tout comme la commission des lois, qu'il était nécessaire de préciser l'article 9 du code civil.
Nous avons d'abord souhaité tenir compte des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui sont relatives au respect de la vie privée et familiale.
Nous avons ensuite souhaité aller plus loin - nous l'avons dit tout au long de ce débat - en ne prononçant aucune condamnation. Nous voulons en effet reconnaître à chacun le droit de mener sa vie personnelle comme il l'entend.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cet article tend à modifier l'article 9 du code civil, qui dispose notamment que « chacun a droit au respect de sa vie privée ».
Cette modification m'apparaît inutile.
La liberté pour chacun de mener sa vie personnelle est une composante de la liberté individuelle proclamée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. La solennité et la portée générale de ce texte n'imposent pas un rappel dans le code civil.
S'agissant de l'ajout relatif à la vie familiale, je rappelle que la vie privée englobe la vie sentimentale et familiale des personnes. A ce titre, elle est donc déjà protégée par l'article 9 contre les atteintes qu'elle pourrait subir. La jurisprudence a eu l'occasion, à de très nombreuses reprises, de faire application de ce principe.
Même au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, dont l'article 8 assure le respect de la vie privée et familiale de toute personne, la vie familiale ne constitue pas un concept autonome ainsi qu'il résulte clairement de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
Je suis donc défavorable à cet amendement n° 1.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre l'amendement n° 1.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Si j'interviens à ce stade du débat, c'est parce que, ainsi d'ailleurs que je l'ai annoncé à M. le rapporteur, cet amendement n° 1 ne fera que compliquer l'état de notre droit sans rien y ajouter. En effet, M. le rapporteur ne définit pas le concept de vie personnelle... tout simplement parce qu'il est quasi impossible de le définir.
Nous savons tous ce qu'est la vie privée. Je rappelle que le texte actuel de l'article 9 du code civil consacre déjà le principe du droit au respect de la vie privée. Sur ce point, il n'y a donc aucun problème.
Vous voulez ajouter le concept de « vie familiale ». Nous ne nous y opposerions pas si l'amendement n° 1 se résumait à cela, bien que cette notion figure déjà dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, convention qui a une valeur supérieure à notre droit interne. Sur ce point, votre amendement n'apporte donc rien de plus, monsieur le rapporteur.
En revanche, le fait d'ajouter : « Chacun est libre de sa vie personnelle » ne fera que créer de la confusion. En effet, si vous entendez par là que chacun d'entre nous peut vivre comme il l'entend, je constate que cela figure dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et que nous ne sommes pas en train d'en rédiger une nouvelle ! Quant à affirmer une distinction entre vie personnelle et vie professionnelle, cela ouvrirait la voie à toutes les difficultés.
S'il s'agit pour M. le rapporteur, comme je le pense, de dire par là que l'on respecte le droit de chacun à conduire comme il le veut sa vie sexuelle, dans ce cas, cher ami, permettez-moi de vous dire que dans la jurisprudence, qu'elle soit nationale ou européenne, la vie sexuelle entre au premier chef dans le cadre de la vie privée, et même de l'intimité de la vie privée. Par conséquent, elle est déjà parfaitement protégée par les textes existants.
N'ajoutons surtout pas dans le code civil des dispositions qui ne pourront ensuite que nourrir des difficultés d'interprétation et des jurisprudences incertaines ! Ce n'est pas faire bonne oeuvre de législateur, et c'est la raison pour laquelle nous ne vous suivrons pas dans cette voie, après avoir vainement tenté, je dois le dire, de rédiger une formule qui correspondrait à votre pensée. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Philippe Marini. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je tiens à expliquer mon vote à titre personnel.
Tout à l'heure, Mme le ministre nous disait que notre démarche n'était pas suffisamment claire en ce qui concerne les discriminations possibles et les signaux susceptibles d'être donnés à la jurisprudence. Je crois, au contraire, que la démarche de la commission des lois, à laquelle je m'associe, vise à délivrer clairement ce signal, de telle sorte que, le moment venu, la jurisprudence puisse évoluer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 2, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Au début de l'article 144 du code civil, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le mariage est l'union d'un homme et d'une femme célébrée par un officer de l'état civil. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il y a un vide dans notre code civil, pour la bonne raison que, lorsqu'il a été rédigé, la question ne se posait pas : le code civil ne contient pas de définition du mariage.
Nous avons voulu combler cette lacune, compte tenu d'ailleurs de ce que - comme l'a rappelé Mme le garde des sceaux - le mariage était une institution de la République. Nous voulons donc le conforter.
A l'heure actuelle, en effet, le caractère hétérosexuel du mariage n'est pas explicité.
Bien sûr, cette conception ne fait aucun doute. La doctrine voit dans l'identité des sexes une cause de nullité absolue des mariages, même si le code civil ne la mentionne pas expressément dans les cas de nullité. La jurisprudence a régulièrement affirmé que l'absence de sexe ou l'impossibilité de reconnaître le sexe d'un époux sont susceptibles d'entraîner la nullité du mariage.
Mais, à l'heure où la notion de différence des sexes s'affaiblit et où, dans certains pays étrangers, il est question d'ouvrir l'institution du mariage aux homosexuels, il n'est pas inutile d'affirmer clairement ce principe.
En outre, parce que le mariage est une institution, il faut faire ressortir sa célébration, qui le distingue du concubinage, simple union de fait.
Certes, l'hétérosexualité du mariage peut néanmoins être déduite à travers trois articles.
Ainsi, l'article 75 l'énonce que l'officier d'état civil doit recevoir des parties la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme.
Mais chacun connaît le théâtre asiatique, où les rôles de femmes sont toujours tenus par des hommes !
M. René-Pierre Signé. C'est ridicule !
M. Claude Estier. On sombre dans le ridicule !
M. Jean-Luc Mélenchon. On n'est pas au théâtre !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Laissez-moi parler !
L'article 144 donne l'âge minimal que l'homme et la femme doivent avoir pour contracter un mariage, mais sans toutefois préciser que l'homme et la femme se marient entre eux.
Enfin, l'article 162 établit des prohibitions entre oncles et nièces et entre tantes et neveux mais, là encore, sans préciser qu'il faut être de sexe différent.
Aussi, compte tenu de l'évolution dans laquelle nous sommes engagés, la commission souhaite que l'article 144 soit modifié pour que le caractère hétérosexuel du mariage soit affirmé.
M. Claude Estier. C'est un grand apport du Sénat !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement ne peut pas accepter cet amendement.
J'ai déjà dit tout à l'heure pourquoi il me semblait inutile, je vais maintenant préciser mon propos.
D'abord, il est tellement évident, depuis deux cents ans, que le mariage unit un homme et une femme,...
M. Jean Chérioux. Bien avant !
M. Dominique Braye. Il y a bien d'autres choses qui sont évidentes, et pourtant...
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... que, bien entendu, il me paraît inutile d'introduire cette précision dans le code civil. Cela n'a jamais, jusqu'à aujourd'hui, posé de problème à personne.
Ensuite, je ne souscris pas à la démarche de la commission, parce que je ne souhaite pas que l'on traite dans un même texte du mariage et des relations entre les membres du couple non marié.
Je me suis déjà longuement expliquée lors de cette discussion ainsi qu'à l'Assemblée nationale sur le fait que l'adhésion du Gouvernement à la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale reposait sur une distinction fondamentale entre le régime créé pour les personnes qui ne veulent pas ou qui ne peuvent pas se marier - c'est l'objet du PACS - et le droit de la famille, qui inclut au premier chef l'institution du mariage.
Si des modifications législatives devaient être apportées à ce dernier régime, je souhaite que ce soit dans un cadre résolument différent et que cela fasse l'objet d'un examen spécifique.
Il est une troisième raison pour laquelle je ne peux accepter cet amendement, c'est qu'il vise à insèrer, dans l'article 144 du code civil, la célébration du mariage par l'officier d'état civil. Je vous rappelle que ces formalités font partie non pas du chapitre Ier du titre consacré au mariage, mais du chapitre II traitant des formalités relatives à la célébration du mariage, notamment de l'article 165, et qu'il n'est pas judicieux, en bon droit, de mélanger qualités et conditions requises pour se marier, d'une part, formalités, d'autre part.
Cette imperfection juridique est une raison supplémentaire pour le Gouvernement de rejeter cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je ferai remarquer, d'abord, que, dans le code civil, le divorce n'est pas plus défini que le mariage.
Monsieur le rapporteur, je vous avais posé une question sur l'opportunité de préciser dans l'article 144, que le mariage est célébré par un officier d'état civil. A cet égard, je vous rappelle que, dans l'article 170, il est prévu qu'un officier d'état civil n'est pas présent forcément. En effet, le mariage contracté par des Français à l'étranger est valable s'il est célébré dans les formes prévues et usitées dans le pays, or, dans certains pays, il n'y a pas d'officier d'état civil. Il y a donc un problème de définition, sauf à préciser « sous réserve des dispositions de l'article 170 ». J'avais déjà signalé cette difficulté l'autre jour.
J'ajouterai que le code civil définit rarement les termes utilisés en ce qui concerne notamment le droit des personnes. Il s'agit d'une nouveauté et, si nous nous engageons dans cette voie, nous aurons un gros travail à faire pour poursuivre l'oeuvre de Portalis !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Les arguments que vient de développer M. Hyest apportent la démonstration que nous sommes hors sujet.
La présente proposition de loi traite du PACS et uniquement du PACS. En réalité, M. Gélard et certains de ses collègues de droite souhaitent fermer la porte au mariage entre homosexuels et transexuels, comme le précise le rapport. Ils craignent que, comme dans certains pays voisins, les Pays-Bas par exemple, on accepte demain dans notre pays le mariage entre homosexuels.
C'est cette perspective qui les effraie. Ils prennent donc les devants en présentant cet amendement alors que, justement, le PACS est une réponse à la peur de M. Gélard et de ses collègues.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je n'ai pas peur !
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Au-delà même des explications que nous donnent nos collègues juristes, je crois qu'il est impossible de parvenir à une bonne définition.
Le mariage est un acte unificateur et la proposition qui nous est faite me paraît réductrice. Il faut tenir compte des acquis de l'histoire et on ne peut les résumer en une phrase. Ainsi, une définition devant servir de référence qui ne comprendrait ni une allusion au respect de la personne ni la mention de certains concepts symboliques auxquels nous sommes très attachés ne serait pas, à mon avis, satisfaisante.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je suis particulièrement heureux de cette occasion qui m'est donnée de défendre le code civil devant la Haute Assemblée. C'est en effet un privilège dans la mesure où l'article que le Sénat veut modifier est un article d'origine. Il n'y en a pas tellement qui subsistent deux siècles après !
En fait, quand on connaît l'excellence du style du rédacteur du code civil - et je vous renvoie à Stendhal, qui en a fait sa lecture quotidienne - il faut quelque audace pour éprouver le besoin de définir, aujourd'hui, ce qu'est le mariage.
Personne à ce jour, monsieur le professeur Gélard, n'a jamais conçu l'idée que le mariage, tel que le code civil le définit, pourrait être autre qu'entre une femme et un homme !
Si vous vous référez d'ailleurs au « discours préliminaire », chef-d'oeuvre de la littérature juridique, vous y verrez que Portalis, dans le style exceptionnel qui est le sien, rassure la Haute Assemblée deux siècles après. Je le cite : « L'amour » - que c'est beau sous la plume d'un grand législateur ! - « nous donne la solution de tous les problèmes posés dans le mariage », car, ajoute Portalis, « tel est l'empire de l'amour qu'à l'exception de l'objet aimé, un sexe n'est plus rien pour l'autre. » Vous comprenez maintenant pourquoi Stendhal aimait tant relire et le code civil et Portalis !
« Un sexe n'est plus rien pour l'autre », la différence des sexes est inscrite ici. (Sourires.)
Ai-je besoin d'ajouter, afin qu'il n'y ait aucune équivoque possible au regard de ce qui est le fondement de la proposition faite, à savoir la crainte, tout simplement, de voir un jour accepté le mariage homosexuel, que, dans notre droit, le mariage, qui est, ne l'oublions pas, laïc depuis la Révolution - c'est même l'un des apports essentiels de la Révolution dans l'histoire de notre droit - que le mariage, dis-je, est le fondement de l'organisation de la famille, de la famille légitime, puisqu'il existe, nous le savons, des rapports de parenté naturelle ? La famille légitime repose donc, dans notre droit, sur le mariage, et le doyen Carbonnier a raison de rappeler sans cesse que ce qui a aussi, sinon essentiellement, inspiré les grands législateurs de 1804 dans l'organisation de la famille, c'est la présomption de paternité, sur laquelle reposait l'oranisation même non seulement de la famille en soi, mais de l'ensemble du patrimoine familial. Je n'ai pas besoin, après cela, de dire que, par définition, le mariage laïc est hétérosexuel.
Ce que vous proposez, monsieur le rapporteur, c'est de porter la main sur un texte d'origine, que deux siècles ont consacré, c'est d'attenter, permettez-moi de le dire, à la pensée et au texte des auteurs du code civil ! Je considère qu'il n'y a pas lieu de le faire. Aucune crainte, hormis pour des âmes timorées qui aiment se faire peur à elles-mêmes à l'usage de l'opinion publique, ne peut véritablement se lever dans quelque esprit que ce soit. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert. Je ne souhaitais pas m'exprimer après M. Badinter, parce que je ne voulais pas que l'on puisse me soupçonner de manquer à la loyauté que nous devons tous à la majorité, ou à l'opposition, à laquelle nous appartenons. Mais j'ai cité tant de fois Portalis dans cet hémicycle qu'on ne me suspectera pas de le faire aujourd'hui par opportunité.
Mes chers collègues, introduire une définition du mariage dans le code civil est-il utile ? Vraiment, même en rassemblant toutes mes forces de solidarité envers la majorité à laquelle j'appartiens, je ne parviens pas à répondre par l'affirmative à cette question.
Je n'y parviens pas parce que, nos collègues Jean-Jacques Hyest et Robert Badinter l'ont dit tout à l'heure, la langue du code civil est la plus belle langue juridique qui soit : nous ne saurons plus jamais, mes chers collègues, écrire la loi comme l'a écrite le code civil. Dès lors, ne modifions celui-ci que lorsque c'est tout à fait indispensable.
Permettez-moi de vous relire les deux premières lignes de l'exposé des motifs de Portalis : « Les familles sont la pépinière de l'Etat et c'est le mariage qui forme les familles. » Tout est dit ! Ce qu'on pourrait ajouter serait nécessairement incomplet.
Ce n'est pas un hasard si, dans le livre des personnes, nous ne trouvons pratiquement aucune définition. J'y ai cherché la définition du mariage ; je ne l'ai pas trouvée, pas plus que je n'ai trouvé celle du divorce, celle de la filiation, celle de l'adoption, celle de l'autorité parentale, celle de la tutelle. Dans leur sagesse, ceux qui ont écrit le code civil ont en effet considéré que, s'agissant des personnes, il ne fallait pas définir de tels concepts.
Bien sûr, on trouve des définitions dans le droit des contrats ; je ne dirai pas que c'est parce que ce droit est plus vulgaire, mais il est sans doute, moins dangereux de fixer des définitions dans ce domaine.
Lors de la discussion générale, j'ai, pour ma part, affirmé ma conviction de la primauté juridique et sociale du mariage et j'ai invité tous nos collègues qui partagent cette conviction profonde à le dire. Pardonnez-moi, monsieur Badinter, mais j'ai le sentiment que vous avez vous-même fait part de cette conviction.
Et si je ne vois aucun avantage à introduire cette définition du mariage, je crains, en revanche, qu'elle ne soit source de danger. En effet, n'est-ce pas laisser entendre qu'un doute existe, aujourd'hui, sur ce qu'est le mariage ? Si l'on estime nécessaire de définir le mariage, c'est précisément parce qu'on a le tort de décalquer le mariage sur le concubinage ou d'élaborer la définition du concubinage à partir du mariage.
Mes chers collègues, pour ce qui me concerne, vous me trouverez toujours à vos côtés pour défendre la cause de la liberté, pour défendre les idées qui sont les nôtres, et je ne crois pas avoir jamais fait défection, mais ne me demandez pas de porter une atteinte, qui n'est sans doute pas définitive, mais qui est sûrement inutile, à ce qu'il y a d'un peu sacré dans les textes fondateurs de notre société. (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du RDSE.)
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je veux tout de même souligner que la plupart des codes civils modernes - le nôtre ne l'est pas : il a 197 ans ! - précisent bien que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme.
On a cité Portalis. Mais le malheureux Portalis a dû se retourner dans sa tombe s'il a entendu tout ce qui a été dit tout à l'heure en faveur du PACS !
On a bien vu dans quel raisonnement on voulait nous entraîner. On a bien vu la façon dont des associations ou des groupes divers voulaient la reconnaissance d'un certain mariage. Il est donc temps de dire que le mariage est hétérosexuel.
Dans l'état actuel du code civil, un maire peut très bien détourner les textes, et je ne vois pas très bien comment on pourrait annuler un mariage entre deux personnes d'un même sexe.
M. Raymond Courrière. Quelle insulte à l'égard des maires !
M. Patrice Gélard, rapporteur. La déférence à l'égard de Portalis, je la partage, comme je partage l'admiration que suscite la langue de Portalis. Mais nous avons fait justement le minimum minimorum, de manière à ne pas mettre en cause autre chose. Nous proposons simplement d'introduire dans la loi ce qui est la réalité reconnue par tous. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Raymond Courrière. On va tripoter le code civil !
M. Jean Chérioux. Et, avec le PACS, vous ne le tripotez pas ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je voudrais seulement renchérir sur le propos de Jean-Jacques Hyest.
Représentant les Français établis hors de France, je souhaite mettre en garde le Sénat contre une définition restrictive, telle que certains de nos compatriotes qui se marient dans des pays où il existe une religion d'Etat - je pense à des pays chrétiens orthodoxes et à des pays musulmans, où il n'y a pas d'officier de l'état civil - ne pourraient pas voir leur mariage reconnu en France. Je rappelle que 1 700 000 Français vivent à l'étranger et que beaucoup d'entre eux s'y marient.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est un faux problème, madame ben Guiga : l'article 170 du code civil a parfaitement réglé la question. Le mariage à l'étranger est reconnu en France dans la mesure où il a été célébré selon les règles de l'Etat considéré.
De toute façon, nous ne légiférons pas pour l'étranger, nous légiférons pour la France.
M. Jean-Jacques Hyest. Mais l'article 170...
M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais il n'y a aucun problème avec l'article 170 !
M. Robert Badinter. On ne célèbre pas que des mariages entre Français, en France !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Bien sûr, mais c'est la loi française qui s'applique !
Que dit l'article 170 ? « Le mariage contracté en pays étranger entre Français et entre Français et étranger sera valable s'il a été célébré dans les formes usitées dans le pays, pourvu qu'il ait été précédé de la publication prescrite par l'article 63. »
M. Jean-Jacques Hyest. Et s'il n'y a pas d'officier de l'état civil ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cela ne vaut que pour le mariage en France. L'article 170 demeure ! Nous ne le supprimons pas !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais c'est contradictoire !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas du tout !
M. Claude Estier. Bien sûr que si !
M. Jacques Oudin. Très bien, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. On voit à quelle confusion nous conduit cet amendement ! En effet, il vise à lever une ambiguïté qui n'existe pas.
Pour apaiser la fureur de ceux qui le proposent, il faut évoquer les mânes de Portalis. Il faut que, sur plusieurs bancs, se lèvent les autorités juridiques les plus respectées de notre assemblée pour faire comprendre que tout ce dispositif apportera plus de confusion qu'il ne réglera de problèmes.
En réalité, cet amendement témoigne d'un souci non pas juridique mais politique ; c'est un amendement « cache-sexe », et l'expression convient parfaitement à la situation. Il s'agit de faire croire à l'existence d'une menace qui, précisément, n'existe pas, que nul ne fait peser sur le statut et la définition du mariage.
M. Raymond Courrière. Exactement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Personne, dans aucune des deux assemblées ni au sein du Gouvernement, ne prétend modifier la nature du mariage. Mais il s'agit de faire semblant de croire que telle est bien la menace, afin de déplacer le débat sur le PACS.
M. Jean Chérioux. Quelle hypocrisie !
M. Raymond Courrière. C'est vous les hypocrites !
M. Robert Bret. M. Chérioux parle en orfèvre !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous risquons de le payer fort cher, car cela va faire naître des confusions là où il n'y en avait pas.
Bien entendu, après avoir fait croire à la réalité d'une menace, on veut faire croire qu'on s'efforce de la dissiper.
En effet, si vous suivez tout à l'heure, comme vous l'avez, les uns et les autres, déclaré si bravement à la tribune, la commission dans son amendement très approximatif relatif au concubinage, il s'agira, au moins pour certains d'entre vous, d' « avaler » celui-ci.
Ainsi, la dissipation d'une pseudo-menace vous sera offerte en compensation de la souffrance que vous allez ressentir dans votre esprit conservateur.
Voilà pourquoi cet amendement ne tend pas à apporter une précision juridique mais constitue un « cache-sexe » et une argutie politique. (Sourires et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Bernard Seillier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Pour des raisons philosophiques profondes, je crois que le mariage, cette union entre un homme et une femme, fait partie de ces réalités sur lesquelles nous n'avons pas prise, que nous ne pouvons que constater, sans pouvoir les définir, au même titre que les notions d'existence et d'être.
Le code civil, jusqu'à ce jour, se garde de prétendre circonscrire, sous quelque forme que ce soit, ce grand mystère qu'est celui l'union de l'homme et de la femme.
De même, ce n'est qu'en inscrivant dans un article du code civil une définition nécessairement approximative, parce que partielle, du concubinage que cette notion pourra être introduite dans notre législation, et c'est là une démarche à laquelle je m'oppose également.
Voilà pourquoi je suis hostile à la disposition qui nous est proposée.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je suis fasciné par le tir de barrage auquel donne lieu la définition du mariage.
Il s'appuie, premièrement, sur l'argument selon lequel cette définition ne serait pas utile et, deuxièmement, sur le fait que l'institution du mariage ne courrait aucun risque, qu'aucun danger ne la menacerait. M. Mélenchon vient même de soutenir qu'on avait inventé le risque à dessein.
Que de temps passé à s'opposer à une définition que tout le monde accepte ! En effet, tous les intervenants ont pris la parole pour dire, les uns citant Portalis, les autres se référant au code civil, que le mariage, c'était de toute façon l'union d'un homme et d'une femme. Mais alors, qu'y a-t-il de choquant à l'inscrire dans la loi en votant cet amendement ?
M. Jacques Oudin. Rien !
M. Nicolas About. Curieusement, ceux qui trouvent cela particulièrement choquant sont précisément ceux qui vont nous demander de préciser tout à l'heure la définition du concubinage telle qu'elle est proposée par M. Gélard et qui est déjà, selon moi, tout à fait claire.
Autrement dit, ce qui sera demandé par certains à propos du concubinage nous est maintenant refusé par les mêmes à propos du mariage.
M. Claude Estier. Par les mêmes et par d'autres !
M. Raymond Courrière. Pour le concubinage, c'est la Cour de cassation qui rend la précision nécessaire !
M. Nicolas About. Par souci de cohérence, je voterai l'amendement défendu par M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Raymond Courrière. Toutes les sacristies sont mobilisées ! (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Michel Caldaguès. Nous avons écouté avec attention les interventions de quelques-uns des juristes les plus chevronnés, les plus pointus, les plus éminents de notre Assemblée. Nous ne pouvons, car c'est notre devoir de législateur, qu'être sensibles aux nuances qu'ils ont fait valoir devant nous. Mais j'ai le regret de dire que ces nuances ne sont pas perceptibles par ceux qui nous observent et qui nous écoutent. Ce qui demeure pour eux, c'est l'essentiel.
Le souvenir le plus agréable que je garde de mes modestes études juridiques, c'est la satisfaction d'avoir presque toujours constaté que le droit ne pouvait pas tourner le dos au bon sens. Lorsque les juristes ne sont pas d'accord entre eux, c'est, me semble-t-il, ce critère qui doit permettre de dégager une solution.
En l'occurrence, la solution est simple : dès lors que cet amendement existe, le Sénat ne peut pas repousser l'affirmation selon laquelle le mariage est l'union d'un homme et d'une femme !
C'est pourquoi je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je suis très embarrassé par cet amendement.
Bien entendu, tout le monde est d'accord sur le fait que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme.
M. Raymond Courrière. Il y a deux cents ans que c'est comme cela !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas évident pour tout le monde !
M. Yann Gaillard. Il me semble d'ailleurs que nous assistons ici à une discussion à front renversé : ceux qui nous disent qu'il est inutile de préciser ceci veulent en revanche préciser cela, que d'autres ne veulent pas préciser.
J'aurais préféré qu'on ne soulève pas cette question de la définition du mariage car, selon moi, ce texte n'est pas digne de servir de cadre à une réflexion sur une institution aussi profonde. A cet égard, je ne suis pas loin de faire miennes les explications données par MM. Badinter et Lambert.
Mettre sur le métier la définition du mariage, une définition sur laquelle nous sommes tous fondamentalement d'accord, justifie des études très approfondies et une discussion spécifique.
M. le rapporteur nous a indiqué qu'il n'y avait pas de difficultés en ce qui concerne les Français de l'étranger, mais il doit y en avoir d'autres.
En tout cas, je ne pense pas que ce texte soit le cadre approprié pour procéder à une définition du mariage. C'est pourquoi, pour ma part, bien qu'adhérant évidemment à la définition que nous avons tous à l'esprit - et nous verrons si, à l'avenir, nos collègues socialistes s'en tiennent toujours à cette définition - je m'abstiendrai sur cet amendement.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. J'ai bien entendu tout ce qui a été dit.
Cet amendement comporte une logique eu égard à l'ensemble du texte. Cette logique, vous allez la découvrir au fur et à mesure que seront développés les arguments de la commission des lois. C'est également pour tenir compte de cette logique que nous avons déposé un amendement tendant à modifier l'intitulé de la proposition de loi.
Mes chers collègues, vous allez tomber dans le piège que les socialistes sont en train de vous tendre ! (Rires sur les travées socialistes.) En effet, en refusant une définition extrêmement mesurée, qui ne remettra pas du tout en cause les dispositions que la commission Dekeuwer-Defossez pourra prendre pour l'avenir et qui représente une solution d'attente, vous abandonnez cette logique que la commission des lois défend. Dès lors, c'est tout un équilibre qui est rompu et vous allez là où nos amis socialistes veulent vous entraîner.
M. Raymond Courrière. Pas du tout !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vous qui avez déposé un amendement !
M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est la raison pour laquelle je vous demande instamment de voter l'amendement n° 2 présenté par la commission des lois.
Monsieur le président, nous souhaitons que le Sénat se prononce par scrutin public sur cette question. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Raymond Courrière. Retirez l'amendement, vous êtes battus !
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Pour ma part, je voterai cet amendement.
J'avoue que je suis étonné d'entendre toujours parler du conservatisme de la majorité sénatoriale.
MM. Raymond Courrière et Jean-Luc Mélenchon. Ah oui !
M. Jean Chérioux. Après tous les propos que je viens d'entendre sur ce code civil vieux de deux cents ans, je me demande de quel côté se trouve le conservatisme ! (Exclamations sur les travées socialistes.) On ne veut pas adapter le code civil.
Je reconnais qu'il a été mieux écrit à cette époque qu'on ne l'écrirait aujourd'hui. Mais le conservatisme, il est bien de ce côté-là. (M. Chérioux désigne la gauche de l'hémicycle. - Exclamations sur les travées socialistes.)
On nous dit aussi qu'il ne faut pas introduire de définition dans le Livre premier du code civil : « Des personnes ». Or que fait-on ? On insère dans ce Livre premier la définition du PACS ! Il y a donc là une contradiction.
M. Raymond Courrière. Mais non !
M. Jean Chérioux. Et il y en existe d'autres !
D'aucuns qui, en principe, soutiennent la position de la commission, nous reprochent de vouloir définir le mariage comme si nous étions réunis en concile.
M. Raymond Courrière. Le mariage n'est pas un sacrement !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas ce que l'on nous demande ! On nous demande simplement de définir le mariage républicain, tel qu'il figure dans le code civil et tel qu'il existe depuis la Révolution française ! On ne nous en demande pas davantage !
Quand on voit justement ce qui se passe dans d'autres pays, qui reconnaissent les mariages entre homosexuels, quand on voit que nous sommes maintenant engagés dans une aventure européenne, peut-être n'est-il pas mauvais que nous disions que nous, République française, nous ne reconnaissons qu'un seul mariage : le mariage d'un homme et d'une femme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Raymond Courrière. Il y a longtemps que cela se passe ainsi !
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. René-Pierre Signé. La droite réactionnaire !
M. Philippe Marini. Cette affaire comporte des aspects juridiques et des aspects politiques. (Exclamations sur les travées socialistes.) En l'occurrence, ils se rejoignent.
M. Raymond Courrière. Pas de discussions politiciennes !
M. Philippe Marini. Le droit, nous ne cessons de le dire dans cette discussion, n'est pas indépendant de l'évolution des moeurs. On ne peut pas prétendre que le mariage se trouve dans le même contexte socio-économique qu'à l'époque de Portalis. Il est aujourd'hui des menaces... (Rires sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Philippe Marini. ... morales, sociales et internationales, qui n'auraient même pas, mes chers collègues, été imaginées à l'époque de la rédaction du code civil !
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Philippe Marini. Véritablement, nous nous trouvons devant une sorte de conjonction très étrange entre celles et ceux qui voudraient créer un sous-mariage,...
M. René-Pierre Signé. Ils se font peur !
M. Raymond Courrière. Arrêtez !
M. Philippe Marini. ... et qui s'apprêtent, par le PACS, à le faire, compte tenu de la majorité qu'ils ont à l'Assemblée nationale... (Exclamations sur les travées socialistes) ... et celles et ceux qui, par un scrupule juridique tout à fait estimable et compréhensible, se placent dans un cas de figure et dans un contexte qui, hélas ! - nous pouvons le déplorer - ne sont plus ni le cas de figure ni le contexte d'aujourd'hui.
M. Raymond Courrière. Mais non !
M. Philippe Marini. Les propositions de la commission expriment une approche cohérente,...
M. Raymond Courrière. Incohérente !
M. Philippe Marini. ... à savoir la recherche d'une voie raisonnable tenant compte de la réalité des choses. S'il est souhaitable de procéder à la définition du mariage, c'est bien parce que la réalité des choses le requiert !
M. Raymond Courrière. Mais non !
M. Philippe Marini. On ne peut pas contester cette réalité !
M. Raymond Courrière. Vous essayez de nous faire peur depuis un moment !
M. Philippe Marini. Alors, mes chers collègues, sans doute la définition qui vous est proposée par la commission des lois est-elle perfectible mais j'ai cru comprendre que ce texte ferait l'objet de navettes.
M. Raymond Courrière. C'est de la politique politicienne ! Ce n'est pas du droit !
M. Philippe Marini. Allons-nous aujourd'hui graver dans le marbre chaque virgule ? Allons-nous régler chaque problème de détail ? Probablement pas !
M. Raymond Courrière. Alors, il faut retirer l'amendement !
M. Philippe Marini. Cette proposition de loi sera de nouveau examinée par l'Assemblée nationale, puis par le Sénat. Celles et ceux qui auront des remarques fondées à formuler sur les aspects techniques et juridiques,...
M. Raymond Courrière. Il faut retirer l'amendement !
M. Philippe Marini. ... sur l'endroit du code civil où devrait s'insérer cette disposition, ou sur je ne sais quoi car je ne suis pas moi-même civiliste de formation...
M. Raymond Courrière. Alors, n'en parlez pas !
M. Philippe Marini. ... seront naturellement entendus en temps utile, lors de la navette.
M. Raymond Courrière. C'est de la politique politicienne !
M. Philippe Marini. Mais, aujourd'hui, il importe, je le répète - et ce sera ma conclusion - de faire preuve d'une vision cohérente. Le mariage a sa place comme pierre angulaire de la société. Les situations de fait de concubinage, quelles qu'elles soient, reconnues par ailleurs, sont porteuses de droit pour autant que la société les estime légitimes.
M. Raymond Courrière. C'est de la politique politicienne, de la basse politique !
M. Philippe Marini. Telle est la volonté de la commission des lois. Il s'agit d'une démarche cohérente et complète, qu'il faut approuver en tant que telle. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Réactionnaires ! Ils n'ont rien compris !
M. Raymond Courrière. Cela n'a rien à voir avec le code civil !
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Certains membres du groupe de l'Union centriste se sont exprimés à titre personnel, de manière pertinente et respectable,...
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Pierre Fauchon. ... contre l'amendement présenté par la commission. Mais, d'une manière générale, nous ne reculons pas devant la démarche qui consiste à insérer la définition du mariage dans le code civil.
Nous nous interrogeons sur les raisons pour lesquelles on a tendance à sacraliser le silence de Portalis.
M. Dominique Braye. Tout à fait !
M. Pierre Fauchon. Je respecte beaucoup Portalis... d'autant qu'il était méridional. Mais indiquer, dans le premier des articles relatifs au mariage, uniquement l'âge des futurs mariés est une façon un peu sommaire de procéder. Il ne s'agit pas d'une rédaction qui mérite d'être sacralisée.
La démarche qui consiste à définir le mariage peut être contestée, mais, globalement, elle se justifie. Cela dit, la définition qui nous est proposée nous paraît réductrice ; elle ne répond pas vraiment à notre attente.
M. Raymond Courrière. C'est du sous-Portalis !
M. Pierre Fauchon. Nous pouvons peut-être parler sereinement de cette question, mon cher collègue !
M. Raymond Courrière. Nous en parlons sereinement ! Vous savez de quoi vous parlez, moi aussi !
M. Jacques Oudin. Arrêtez ! Ça suffit !
M. Pierre Fauchon. La définition qui nous est proposée, qui n'intègre pas comme une finalité la vocation à la famille, nous paraît insuffisante. (M. Courrière s'exclame.)
M. Pierre Fauchon. Cela étant, comme l'a indiqué tout à l'heure M. Marini, nous sommes dans une démarche progressiste et nous ne sommes pas hostiles à l'amorce de cette recherche. (M. Courrière s'exclame de nouveau.)
M. Pierre Fauchon. Demandez la parole, monsieur Courrière ! Je n'ai pas besoin d'un accompagnement perpétuel de contrebasse ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Certains d'entre nous, opposés sur le principe, voteront contre cet amendement n° 2, et c'est tout à fait leur droit. D'autres s'abstiendront. Mais, dans l'ensemble, le groupe de l'Union centriste le votera - il espère cependant que les dispositions proposées seront modifiées au cours de la navette - afin de montrer sa solidarité et parce qu'il considère qu'il s'agit d'une amélioration. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Lors de la discussion générale, j'ai exprimé notre attachement à l'institution qu'est le mariage. J'ai également indiqué qu'il ne me semblait pas convenable, à l'occasion de la discussion d'un texte qui ne concerne nullement le mariage, de vouloir modifier le code civil à la sauvette, dans la précipitation, par le biais d'un amendement. J'ai même dit qu'il ne me paraissait pas normal de traiter le mariage de façon aussi cavalière.
M. Raymond Courrière. Très bien !
Mme Dinah Derycke. Je n'étais pas encore à l'école maternelle que je savais déjà que le mariage était l'union entre un homme et une femme ! (Exclamations ironiques sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Joyandet. Eh bien ! écrivons-le !
Mme Dinah Derycke. Curieusement, ce n'est qu'à l'occasion de ce débat sur le PACS que j'ai appris que le code civil ne l'avait pas explicitement mentionné.
Comme vient de nous l'expliquer Robert Badinter, relayé en cela par M. Lambert, président de la commission des finances, je ne vois ni urgence ni raison de modifier un texte qui n'a pas posé de problème depuis deux siècles.
Tout à l'heure, M. le rapporteur a fait un aveu ; il nous a dit qu'à la lecture des amendements présentés par la commission des lois sur les autres dispositions du texte nous comprendrions ses intentions : il s'agit de ne pas tomber dans le piège du PACS tendu par les socialistes, par la gauche plurielle.
Monsieur le rapporteur, le PACS n'est pas un piège ! Je conçois parfaitement que l'on puisse être opposé au PACS, et je respecte une telle position. Toutefois, le nouveau cadre juridique proposé afin de régler certains problèmes, d'officialiser certains couples, je le répète, n'est nullement un piège ! Nous avons la conviction profonde que cela fera progresser la société.
De grâce, ne mélangeons pas les problèmes ! Le mariage se porte fort bien depuis deux siècles. Je crois qu'il a encore un très bel avenir devant lui, et nous sommes tous satisfaits qu'il en soit ainsi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. J'ai soulevé tout à l'heure une objection, car on mélange la définition du mariage et les formalités de celui-ci. Qu'on le veuille ou non, je crois que cette disposition n'a pas sa place dans ce débat.
Cela étant, j'ai entendu, depuis hier, un certain nombre de nos collègues défendre l'institution du mariage, fondateur de la famille. Or, à mes yeux, le mariage va au-delà de l'union d'un homme et d'une femme ; il a aussi vocation à fonder une famille,...
M. Patrice Gélard, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. ... et à avoir des enfants. Ce point est contenu dans la définition du mariage.
Veuillez m'excuser, mes chers collègues, mais, si l'on raisonne en bonne philosophie, on ne peut pas se contenter de dire que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme. Certes, il faut peut-être l'affirmer dans les temps présents, pour que l'on ne le confonde pas avec d'autres institutions ou d'autres formes de vie, mais il me paraît fondamental, monsieur le rapporteur, de compléter la définition du mariage : c'est l'union d'un homme et d'une femme en vue de fonder une famille.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis d'accord !
M. Jean-Jacques Hyest. Cela n'a pas été dit ! On aurait peut-être pu déposer un sous-amendement à cette fin.
Il n'est pas du tout dans mon intention d'être désagréable avec qui que ce soit, mais la définition d'une institution fondatrice de la société se doit d'être complète et de correspondre à ce qu'est vraiment le mariage. Je regrette donc un peu que toutes les objections qui ont pu être soulevées aient été écartées d'un revers de la main. Lorsque je vote un dispositif, j'ai pour habitude de me soucier non pas de faire plaisir, mais de faire la loi ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste. - MM. Badinter et Pelletier applaudissent également.)
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur Hyest, nous avions pensé à votre rédaction, mais nous n'avons pas pu la retenir parce qu'il y a des couples mariés qui ne peuvent pas avoir d'enfants.
Mme Dinah Derycke. Ou qui n'en veulent pas !
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Philippe Marini. Voilà !
M. Patrice Gélard, rapporteur. En outre, le code civil prévoit d'ores et déjà que les époux participent à l'éducation des enfants.
On ne peut pas insérer une telle disposition. C'est la raison pour laquelle nous avons été obligés de choisir la définition la plus simple possible.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Je ne dénonce ni piège ni chausse-trappe, je constate simplement que le dispositif proposé par M. le rapporteur, au nom de la commission des lois,...
M. Raymond Courrière. ... est mauvais !
M. Lucien Lanier. ... est une construction globale, composée de divers éléments, et que la disposition que nous examinons en cet instant est l'un de ces éléments.
A partir du moment où nous renonçons à cet élément-là, c'est l'ensemble de la construction qui s'effondre, et donc tout le dispositif.
M. Raymond Courrière. C'est une opération politique, alors !
M. Lucien Lanier. Or, il s'agit d'une proposition alternative à celle du Gouvernement. Bien sûr, elle peut plaire ou ne pas plaire, mais, s'agissant du fond, tout le monde est d'accord avec la définition prévue dans le présent amendement. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas le dire.
C'est la raison pour laquelle, conséquent avec moi-même, après avoir bien réfléchi en commission aux conséquences d'une telle disposition, je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Je dirai à notre collègue M. Hyest que, malgré la précision apportée à cet article par la commission des lois, les autres dispositions du code civil, à savoir les articles 212, 213 et suivants, demeurent. Ainsi en est-il de la mention aux termes de laquelle les époux pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir.
Je suis d'ailleurs très surpris de constater que ceux qui affirment que le code civil est un document sacré auquel on ne doit pas toucher disent par ailleurs que la définition proposée par la commission des lois n'est pas suffisamment précise et qu'il faut donc aller plus loin.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est pour ça qu'il ne faut pas le faire !
M. Dominique Braye. J'avoue ne pas comprendre.
Compte tenu de tout ce qui a été dit, et notamment du fait, rappelé par M. Bret, qu'il est des pays, situés à seulement 350 kilomètres de chez nous, où le mariage des homosexuels est authentifié, je voterai cet amendement. En effet, lourde serait ma responsabilité si je refusais, pour une simple question de forme, de sémantique ou de sacralisation du code civil, de voter cette disposition et si demain il devenait possible d'authentifier les mariages homosexuels dans notre pays. (Sourires sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Bel. Voilà la véritable raison !
M. Dominique Braye. Je ne vois d'ailleurs pas comment je pourrais expliquer à mes concitoyens que le Sénat a refusé une définition aussi évidente et aussi simple. Et vous, mes chers collègues, comment pourrez-vous l'expliquer dans votre département ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. René-Pierre Signé. C'est une modification inutile. Cela est déjà écrit. Ils ne savent pas lire le texte !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 84:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 206
Contre 106

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 3 rectifié, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le livre premier du code civil, il est inséré, après l'article 310, un titre VI bis ainsi rédigé :

« Titre VI bis
« Du concubinage

« Art. 310-1 . - Le concubinage est le fait pour deux personnes de vivre en couple sans être unies par le mariage.
« Art. 310-2 . - Le concubinage se prouve par tous moyens.
« Un acte de notoriété peut être délivré aux concubins majeurs et célibataires par un officier de l'état civil, un juge ou un notaire. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire. »
« Art. 310-3. - Les concubins peuvent conclure un contrat par acte authentique ou sous seing privé pour régler tout ou partie de leurs relations pécuniaires et patrimoniales et organiser leur vie commune. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 55 rectifié, présenté par M. About, et tendant, dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article 310-2 du code civil, après les mots : « peut être délivré », à insérer les mots : « aux concubins majeurs et célibataires ».
Par amendement n° 56, Mme Derycke, MM. Badinter, Bel, Delanoë et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le livre premier du code civil, il est inséré, après l'article 310, un titre VI bis ainsi rédigé :

« Titre VI bis
« Du concubinage

« Art. 310-1. - Le concubinage est le fait pour deux personnes, quel que soit leur sexe, de vivre en couple sans être unies par le mariage. »
Enfin, par amendement n° 31, MM. Lorrain, Badré et Lambert proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le livre troisième du code civil, il est inséré, après l'article 1581, un titre V bis ainsi rédigé :

« Titre V bis
« De l'union libre

« Art. 1581-1. - La loi ne régit pas l'union libre qui est le fait pour deux personnes, quel que soit leur sexe, de partager une communauté de vie sans être unies par les liens du mariage. »
« Art. 1581-2. - L'union libre se prouve par tous moyens.
« Un acte de notoriété peut être délivré par un officier de l'état civil, un juge ou un notaire. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire. »
« Art. 1581-3. - Les personnes vivant en union libre peuvent passer un contrat par acte authentique ou sous seing privé ayant date certaine pour régler tout ou partie de leurs relations pécuniaires et patrimoniales et organiser leur vie commune. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3 rectifié.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous abordons la partie centrale du dispositif, qui tend à reconnaître le concubinage dans le code civil.
Nous l'avons tous dit, le concubinage est un fait juridique. La jurisprudence de la Cour de cassation l'a reconnu, mais elle l'a limité aux seuls concubins hétérosexuels.
Dans un dispositif simple, nous avons donné une définition simple du concubinage, puis nous avons repris ce que la jurisprudence de la Cour de cassation a affirmé de multiples fois, à savoir la façon dont se prouve le concubinage, et, enfin, par une troisième modification du code civil, nous avons incité les concubins à conclure un contrat pour organiser leur vie commune et pour régler tout ou partie de leurs relations pécuniaires et patrimoniales.
Le concubinage étant reconnu dans le code civil, il est ainsi mis fin à une discrimination dont souffrent, à l'heure actuelle, les homosexuels. Je tiens à noter que ni le Gouvernement ni la majorité parlementaire à l'Assemblée nationale n'ont songé à ce problème. Pour eux, la solution, c'était le PACS. Or, chacun sait que tout le monde ne se « pacsera » pas, loin de là, surtout lorsqu'on aura démontré à quel point ce contrat ne tient pas la route. Il fallait résoudre ce problème. Nous l'avons fait.
Vous comprenez maintenant pourquoi l'amendement relatif au mariage devait être adopté. Le mariage est une union hétérosexuelle. En revanche, le concubinage peut concerner aussi bien des hétérosexuels que des homosexuels.
En fait, l'amendement n° 3 rectifié s'adresse évidemment aux homosexuels, à moins que les auteurs des sous-amendements ne prétendent que le fait d'employer la formulation « deux personnes » exclut une telle interprétation. Telle est donc la raison d'être de ce dispositif central.
M. le président. La parole est à M. About, pour présenter le sous-amendement n° 55 rectifié.
M. Nicolas About. Monsieur le président, ce sous-amendement est pleinement satisfait par l'amendement n° 3 rectifié. En effet, M. le rapporteur a modifié l'amendement initial pour préciser que l'acte de notoriété peut être délivré aux concubins « majeurs et célibataires », afin que des personnes mariées ne puissent sa faire délivrer un tel acte. Aussi, je retire mon sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 55 rectifié est retiré.
La parole est à M. Badinter, pour présenter l'amendement n° 56.
M. Robert Badinter. Il s'agit d'un amendement très important pour le groupe socialiste du Sénat, et je suis heureux de le soutenir devant notre Haute Assemblée.
Cette disposition revêt la forme d'un amendement qu'en tout état de cause, même s'il n'y avait pas eu l'amendement présenté par la commission des lois, nous aurions proposé.
Le combat contre la discrimination dont souffrent depuis fort longtemps les homosexuels dans la société française et dans toutes les sociétés occidentales, pourrait-on dire, inspirées par la culture judéo-chrétienne, est, en cet instant, à un tournant important.
Le pacte civil de solidarité, a-t-on dit volontiers, est un « sous-mariage », un « mariage bis ». Permettez-moi de dire que c'est ridicule au regard de ce que j'évoquais tout à l'heure, indépendamment de toutes les considérations si brillamment développées par Mme le garde des sceaux, à savoir, et j'ai évoqué ce point à propos du mariage républicain, son lien avec l'organisation de la famille légitime et la présomption de paternité.
En revanche, qu'est véritablement, pour l'essentiel, le PACS ? C'est une organisation, une institutionnalisation du concubinage, aussi bien, on l'a rappelé, homosexuel qu'hétérosexuel. Le texte ne fait pas la différence.
Nous savons que le concubinage est une réalité très importante de notre société, puisqu'il concerne entre quatre et cinq millions de personnes.
Dès l'instant où la question de non-discrimination est réglée pour ceux qui « pacseront », elle se pose nécessairement pour ceux qui ne « pacseront » pas.
Comme M. le rapporteur l'a rappelé, il existe encore dans notre droit positif tel qu'interprété par la Cour de cassation une discrimination à l'encontre des couples homosexuels, des concubins homosexuels. La Cour de cassation a en effet considéré à deux reprises, d'ailleurs contre le voeu de son avocat général, que ne devaient pas être reconnus au concubinage homosexuel, aux couples homosexuels, les mêmes droits que ceux qui sont accordés par la loi au concubinage hétérosexuel.
Cette position a été beaucoup critiquée, et les choses ne peuvent demeurer en l'état. En effet, il est évident que, au regard de ceux qui ne « pacseront » pas, soit parce qu'ils ne le peuvent pas, en raison d'un mariage, soit parce qu'ils ne le veulent pas, pour des raisons touchant à leurs convenances personnelles, on ne peut laisser les concubins homosexuels, dans cet état de discrimination. C'est absolument contraire à tous les principes qui sont aujourd'hui ceux de notre code civil. Le nouveau code pénal prévoit d'ailleurs - je le rappelle au passage - que la discrimination du fait des moeurs est susceptible de poursuites. Il faut donc remédier à cette situation.
Pourquoi, compte tenu de l'amendement de la commission des lois, avons-nous maintenu notre texte que, je le répète, nous aurions déposé de toute façon ? C'est parce que, en l'occurrence, il y a quelques mots - cinq si l'on prend la formule : « quel que soit leur sexe », quatre si l'on considère les termes : « sans distrinction de sexe » - qui doivent figurer dans la loi.
M. le rapporteur, je le sais, affirme que cela va de soi. Non ! On ne peut pas, à cet égard, s'en rapporter à une interprétation des travaux préparatoires. Il faut le dire clairement, et il n'y a aucune raison, si telle est la conviction de chacun des membres de la Haute Assemblée, de ne pas agir de la sorte.
M. Alain Vasselle. Ce n'est pas la peine d'aller jusque-là !
M. Robert Badinter. Ici, s'agissant du concubinage, il est homosexuel ou hétérosexuel. Par conséquent, quand on définit le concubinage, il convient de préciser « quel que soit leur sexe », après le mot « personnes ».
« Cela ne sert à rien », m'objecterez-vous. Si, cela sert beaucoup, et ce pour une raison simple : le texte que nous allons voter aujourd'hui n'est pas un texte indifférent. Comme je l'ai expliqué, il est le fruit d'une longue histoire d'exclusions, de rejets, de mépris et quelquefois de violences à l'encontre des homosexuels.
Aujourd'hui, notre société tourne cette page. Ce faisant, nous devons affirmer clairement et fortement, au moment où le code civil reconnaît l'existence du concubinage qui, s'agissant des hétérosexuels, était déjà reconnu dans différents textes, non seulement que la discrimination injuste et si douloureuse frappant les homosexuels - nombre de confidences, de livres, de correspondances et de journaux intimes en témoignent - a disparu de notre droit, mais aussi que nous voulons voir la société s'organiser sur des principes de non-discrimination.
C'est la raison pour laquelle la rédaction de l'amendement n° 56 revêt pour nous une importance extrême. Croyez-moi, ces cinq mots font une très grande différence ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Lambert, pour défendre l'amendement n° 31.
M. Alain Lambert. Tout à l'heure, j'ai écouté avec grande attention les explications de vote de mes collègues, qui ont parfois été sévères à l'endroit de ceux qui n'ont pas cru indispensable d'introduire dans le code civil la définition du mariage. Ils ont craint que, finalement, nous n'ayons pas, comme eux, des convictions profondes sur la nécessité de protéger l'institution, que je qualifie de sacrée, qu'est le mariage.
Mes chers collègues, l'amendement n° 31 que je vous propose répond à votre préoccupation. Si, vraiment, vous ne voulez pas que l'institution du mariage soit affectée de quelque façon que ce soit, alors, je vous en supplie, introduisez le dispositif relatif à l'union libre ou au concubinage non dans le droit des personnes, mais dans le droit des contrats, qui est fait pour cela. Vous le savez, le lieu d'insertion de votre dispositif dans le code civil prêtera à interprétation.
Notre excellent collègue M. Braye s'inquiétait tout à l'heure de devoir expliquer à ses concitoyens le vote du Sénat, si celui-ci venait à repousser l'amendement de la commission. Mais, chers collègues, quand vous devrez expliquer à vos concitoyens que vous avez non pas bâti une institution, mais simplement permis à ceux qui le souhaitent d'élaborer un contrat entre eux, ils vous demanderont pourquoi vous avez cru devoir l'introduire absolument dans le livre des personnes.
Par conséquent, si vous croyez vraiment et sincèrement aux propos que vous avez exprimés tout à l'heure, je suis sûr que vous ferez ce qui est sage, c'est-à-dire que vous choisirez d'introduire le dispositif proposé par cet amendement dans le droit des contrats.
Monsieur le rapporteur, mes collègues Jean-Louis Lorrain, Denis Badré et moi-même respectons tellement le travail de la commission des lois, et le vôtre en particulier, que nous ne proposons que quelques modifications par rapport à votre amendement : nous préférons en effet la terminologie « concubinage » à celle d'« union libre », qui nous paraît plus grâcieuse.
M. Pierre Fauchon. C'est sûr ! C'est meilleur du point de vue de la langue française !
M. Alain Lambert. Nous nous sommes inspirés, s'agissant de la forme du dispositif proposé, de l'article 1387 du code civil.
Mes chers collègues, en la circonstance, je ne souhaite en aucune façon gêner le Sénat, et plus particulièrement la majorité sénatoriale. Tout à l'heure, j'ai été le premier - je crois que M. de Raincourt peut m'en donner acte - à considérer que notre groupe devait assurer sans ambiguïté son soutien aux propositions de la commission.
M. Henri de Raincourt. Et je vous en remercie !
M. Alain Lambert. Mais, mes chers amis, la confiance qui existe entre nous nous permet aussi de nous exprimer librement et de croire que, peut-être, nous pouvons améliorer les textes proposés par une commission. (Applaudissement sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance.
M. le président. Monsieur le président de la commission des lois, compte tenu de l'heure, nous allons interrompre maintenant nos travaux sur ce texte ; nous les reprendrons après les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean Faure.)