Séance du 24 mars 1999






PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, je n'ai pas besoin de vous rappeler dans quelle atmosphère nous débattons ce soir, compte tenu des événements qui se déroulent depuis la fin de cet après-midi.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Je rappelle qu'avant la suspension nous avons entamé l'examen de l'article 2. Tous les amendements et sous-amendements y afférents ont été présentés. Il nous reste à entendre l'avis de la commission et celui du Gouvernement.
Je donne donc la parole à M. Larcher, rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur les sous-amendements à l'amendement n° 25 et sur les autres amendements.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Le sous-amendement n° 268 vise à enrichir le texte en faisant référence à la péréquation, à l'emploi et à la nécessité de répondre aux besoins des usagers dans les différents secteurs. La commission, se rangeant à l'avis de mon collègue, Claude Belot, plus particulièrement en charge de cette question, y est favorable.
Elle est également favorable au sous-amendement n° 323, qui est important puisqu'il traite du schéma de synthèse, si le mot « national » est supprimé, comme nous en sommes convenus avec ses auteurs ce matin, en commission. (M. Raffarin acquiesce.) Je me tourne donc vers la présidence pour que cela soit acté.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 323 rectifié, présenté par M. Raffarin, Mme Bardou, MM. Jean Boyer, Cléach, Ambroise Dupont, Grillot, Emin, Emorine, Nachbar, Pépin, Pintat, Poirieux et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, et tendant, dans le II du texte proposé par l'amendement n° 25 pour l'article 2 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, à remplacer les mots : « et du schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels » par les mots : « , du schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels et du schéma de synthèse ».
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Le schéma de synthèse, diraient les mathématiciens, c'est le sigma des schémas directeurs d'équipement et de services. Ce que nous souhaitons, c'est cette cohérence de tous les schémas directeurs.
La commission est favorable au sous-amendement n° 333, qui rejoint sa propre démarche.
J'en viens au sous-amendement n° 270, en rappelant que M. Le Cam m'a traité d'européiste. Cela m'a procuré quelque sensation, car c'est la première fois que l'on me traite ainsi. Voilà qui marquera désormais mon destin !
Cela étant, nous avons parlé non de compétence mais de cohérence. Voilà pourquoi la commission émet un avis défavorable.
Sur le sous-amendement n° 260 rectifié, nous souhaiterions entendre l'avis du Gouvernement.
Nous avons bien noté, monsieur Payet, que c'est l'ensemble de nos collègues de l'outre-mer, dans la diversité de leurs sensibilités, qui ont présenté ce sous-amendement, qui n'est pas que rédactionnel, qui a une certaine signification dans la mesure où il nous conduit à une forme de cohérence des appellations.
Le sous-amendement n° 216 rectifié introduit la notion de discrimination positive. Le contrat est un outil de justice. Je rappelle le triptyque : schéma, contrat, projet. La commission émet un avis favorable.
L'amendement n° 168 vise à introduire le respect des principes d'égalité d'accès à l'instruction et à la culture, mais aussi d'égalité des chances de réussite sur l'ensemble du territoire.
Je m'exprimerai plus longuement sur le fond de cette intéressante question, notamment en ce qui concerne l'instruction, en donnant l'avis de la commission, dans quelques instants, sur l'amendement n° 170. Le schéma directeur d'équipements et de services culturels devrait répondre aux préoccupations de son auteur.
La commission est favorable à l'amendement n° 129.
L'amendement n° 235, qui concerne le développement de l'interdépartementalité au service d'une cohésion régionale renforcée, a donné lieu à débat au sein de la commission spéciale.
Que l'on soit bien clair : cela existe déjà de manière positive. Chacun a fait part d'expériences, dont certaines remontent à plus de vingt ans.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ainsi, le président de la commission spéciale, M. François-Poncet, et Mme Bardou ont évoqué la vallée du Lot et son aménagement,...
M. Charles Revet. Ou la vallée de la Bresle !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... d'autres ont évoqué des vallées qui traversent la Seine-Maritime.
Cette forme de formalisation vise non pas à enserrer le développement de l'interdépartementalité, mais simplement à l'affirmer.
Forts de ces explications répétées, nous avons décidé de nous en remettre à la sagesse du Sénat.
L'amendement n° 113 rectifié est conforme à l'esprit des travaux de la commission spéciale. Il nous paraît toutefois satisfait par l'amendement n° 25, qui a notre préférence. Faisant référence aux territoires ruraux fragilisés est ainsi conçu ce dernier en son troisième alinéa : « - assure le développement des territoires en difficulté tels que les territoires ruraux fragilisés, certains territoires de montagne, les territoires urbains dégradés, les espaces touchés par des reconversions industrielles, notamment en zone littorale » - les préoccupations littorales, que nous évoquions tout à l'heure, sont donc, elles aussi, présentes dans notre rédaction - « les régions insulaires, les départements d'outre-mer et les régions ultra-périphériques françaises », qui seraient remplacées si l'on suit le Gouvernement et qui disparaîtraient si le Sénat suit la proposition de nos collègues.
De même, l'amendement n° 169 rectifié nous paraît également satisfait par l'amendement n° 25.
S'agissant de l'amendement n° 230 rectifié, la rédaction du quatorzième alinéa, cette fois, de l'amendement n° 25, à savoir « assure une juste péréquation des ressources entre les collectivités publiques », notamment pour compenser les handicaps territoriaux, nous paraît répondre à votre préoccupation, madame Bardou. Voilà pourquoi nous préférerions - ne voyez là aucun signe de hiérarchisation ! - que vous le retiriez au bénéfice de l'amendement de la commission spéciale. (Mme Bardou fait un signe d'assentiment.)
L'amendement n° 114 rectifié, qui pose le problème du respect du principe de la libre administration des collectivités locales, et notamment la question de la hiérarchisation, ne nous semble pas recevable. La commission émet donc un avis défavorable.
Arrivant à l'amendement n° 170, monsieur Lassourd, je vais répondre un peu longuement à votre préoccupation, qui est aussi celle de l'ensemble du Sénat : l'enseignement primaire et secondaire, qui constitue un élément fondamental de l'unité de notre République et à propos duquel vous avez parlé de schéma de l'enseigement initial.
N'oublions pas, surtout ici, que les pères fondateurs de la IIIe République ont placé l'école au coeur de leur politique. Les grandes lois Ferry ont puissamment contribué à enraciner l'idée républicaine « dans un souci » - déjà ! - « d'amélioration des conditions matérielles et morales des citoyens et d'égalité sur le territoire ».
En ce sens, la IIIe République a été, on l'a dit, une République des instituteurs. Elle a reposé, en 1881, sur la gratuité et, en 1882, sur les principes de l'obligation scolaire et sur la laïcité. Ces lois ont profondément transformé les modalités de la scolarisation.
Le souci d'aménagement du territoire était déà perceptible même si le mot n'existait pas. C'est ainsi que, le 20 mars 1843, paraît au Journal officiel une loi qui prévoit la construction de bâtiments scolaires, et ce de manière équilibrée sur le territoire puisqu'elle vise des hameaux écartés des bourgs en même temps que les chefs-lieux des communes.
A cette époque, l'enjeu de l'école, c'est avant tout l'enjeu de la République, qui n'a été instituée que sept ans auparavant.
A certains moments d'ailleurs, lorsque l'on parle de zones d'éducation prioritaires, on peut aussi se dire que l'enjeu, c'est la République sur l'ensemble du territoire.
La loi dite « Jospin », en son article 1er, modifiée par la loi du 29 juillet 1998, porte, quant à elle, sur la politique de l'éducation. Elle a pour objet de renforcer l'encadrement des élèves dans les écoles et les établissements situés dans des zones d'environnement social défavorisé et dans les zones d'habitat dispersé. Vous le voyez, mes chers collègues, on retrouve là les préoccupations de la loi du 20 mars 1883 !
L'article 2, dispose que l'accueil des enfants de deux ans est étendu en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, dans les zones rurales ou dans les zones de montagne.
Aussi, vous l'aurez compris, mes chers collègues, la commission spéciale et son rapporteur sont particulièrement sensibles à l'intention qui anime l'auteur de cet amendement. Le droit à l'éducation dans le monde rural ou dans le monde urbain est un droit essentiel. C'est même, on peut le dire, un socle des valeurs républicaines.
Si, lors de la discussion générale, j'ai peut-être quitté, pensant que j'aurais l'occasion d'y revenir, les arcanes des articles, les principes d'égalité territoriale que j'évoquais se situent bien dans cet esprit.
Cependant, l'amendement n° 170 nous pose un problème de cohérence. En effet, s'agissant des territoires, il y a les dispositions de la loi du 22 juillet 1983 et celles de la loi dite « Jospin » du 29 juillet 1998, relatives à la répartition des compétences entre communes, départements, régions et Etat, d'ailleurs modifiées par une loi du 25 janvier 1985, qui régit notamment la répartition des charges entre ces quatre niveaux de responsabilités et de compétences en matière d'enseignement public. Son article 14 dispose que la commune à la charge des écoles, le département, celle des collèges, la région, celle des lycées et des établissements d'éducation spéciale.
Je n'irai pas plus loin, mais vous comprendrez, mes chers collègues, que la commission spéciale ne puisse émettre en l'état un avis favorable sur l'amendement n° 170. Elle a toutefois été sensible aux motivations de son auteur et souhaité rappeler, à ce moment du débat, ce qu'étaient l'école et le territoire. Nous voyons bien que c'est un enjeu qui, notamment dans cette enceinte, a aujourd'hui plus de 110 ans.
Telle est, mes chers collègues, la réponse que je souhaitais faire à notre collègue M. Lassourd.
M. le président. Monsieur le rapporteur, j'aurais aimé également connaître l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 215 ainsi que sur l'amendement n° 168.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ils n'ont pas été appelés, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette « batterie » d'amendements et de sous-amendements ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne reviendrai pas sur l'argumentation qu'a développée M. le rapporteur en introduction, introduction qui témoigne d'une certaine nostalgie à l'égard du schéma national. Je suis en effet convaincue que nous aurons l'occasion de dire tout ce qu'il faut concernant cet intéressant sujet lors de l'examen de l'article 9, que le Sénat souhaite examiner par priorité.
Avant de donner l'avis du Gouvernement sur les différents sous-amendements, permettez-moi de dire quelques mots de l'amendement n° 25, puisqu'il s'agit, pour la suite, de modifier l'article 2 récrit par l'amendement n° 25, dont je ne doute pas qu'en dépit de l'avis défavorable du Gouvernement cette asssemblée le votera.
M. Charles Revet, rapporteur. C'est parce qu'il est bon ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le Gouvernement a souhaité, par cet article 2, définir des priorités stratégiques ainsi que les principaux moyens pour permettre leur mise en oeuvre.
L'Assemblée nationale a complété le dispositif prévu et a amélioré l'expression des quatre choix stratégiques du Gouvernement.
Vous proposez une réécriture de l'ensemble de l'article. Le Gouvernement n'y est pas hostile par principe et considère même que, sur certains points, les propositions du Sénat auraient pu améliorer ou enrichir le projet de loi.
Toutefois, le Gouvernement ne peut souscrire, en l'état, à l'amendement n° 25, parce qu'il lui paraît excessif de fixer comme objectif à la politique d'aménagement du territoire la « reconquête » du territoire.
Chacun le sait, la France est un pays à faible densité démographique. Il lui faudrait très exactement deux fois plus d'habitants pour prétendre à la densité allemande !
Je note d'ailleurs que cette particularité a été soulignée par M. Paul Girod, le 10 décembre dernier, devant le Sénat, et qu'il l'a à nouveau évoquée hier.
« En 1995, déclarait-il, j'avais attiré l'attention du Sénat : on ne pouvait faire une loi exagérément ruraliste puisque l'on n'avait nulle part où prendre la population à amener dans les campagnes. Nos villes ne sont pas trop grandes ! Même la région parisienne n'est hypertrophiée que par rapport à notre grande faiblesse démographique. Comparées aux autres villes, les nôtres sont peu nombreuses, éloignées les unes des autres. »
L'organisation de notre territoire tient compte de cet état. Qu'y a-t-il d'ailleurs à « reconquérir » ? Ce terme est impropre ! Il s'agit en fait de rééquilibrer, de mettre en place des continuités, des échanges, des solidarités, mais pas de reconquérir ! Je ne comprends pas ce terme.
Par ailleurs, le Gouvernement a défini sa politique lors du CIAT du 15 décembre 1997. Cette politique s'appuie sur trois priorités : la restauration de la cohésion territoriale, en veillant à réduire les inégalités spatiales, l'orientation vers un mode de développement durable et la contribution à la compétitivité économique de la France, en s'appuyant sur l'armature urbaine, en développant les métropoles régionales à vocation internationale d'une part, en recherchant une nouvelle synergie des politiques publiques et des initiatives locales, notamment pour tirer le meilleur parti des dynamiques rurales, d'autre part.
Cette politique, il a souhaité la traduire dans quatre choix stratégiques, qui sont autant d'ambitions pour le territoire français.
Il s'agit d'abord du renforcement des pôles de développement à vocation européenne susceptibles d'offrir des alternatives à la région parisienne et du développement local fondé sur une complémentarité et une solidarité des territoires ruraux et urbains ainsi que sur la participation des acteurs locaux.
Ces deux choix doivent permettre à la fois de renforcer l'armature urbaine et d'organiser un maillage du territoire appuyé sur cette armature et dans lequel chaque fraction du territoire appartiendra, à terme, à un espace de solidarité construit sur des logiques de partenariats économiques et institutionnels.
Organisant l'émergence de territoires pertinents au regard des réalités de la vie collective et du développement économique d'aujourd'hui, ces choix permettront, tout en s'appuyant sur l'effet d'entraînement des principaux pôles de croissance, de valoriser simultanément les atouts et les opportunités de chaque territoire.
Les deux derniers choix stratégiques traitent de la cohésion territoriale. Il s'agit de la maîtrise de la croissance urbaine, pour préserver le modèle de la ville européenne, et du soutien - mais je ne suis pas opposée au terme « développement » retenu par le Sénat - des territoires en difficulté.
En effet, il ne peut pas y avoir de politique d'aménagement du territoire sans que s'exprime la solidarité nationale au profit des territoires les plus fragiles ou confrontés à des mutations.
Le Gouvernement tient à ce que ces quatre choix stratégiques figurent comme tels, les autres dispositions étant, pour l'essentiel, des moyens mis à leur service.
Sensible à la critique sur la place faite au Parlement dans la définition de la politique d'aménagement du territoire, le Gouvernement a accepté à l'Assemblée nationale un amendement prévoyant un réexamen régulier des choix stratégiques et des conditions de leur mise en oeuvre.
Contrairement à ce que sous-entend le rapport de votre commission - mais j'y reviendrai lors de la discussion de l'article 9 - votre assemblée a bien son mot à dire dès maintenant sur les choix stratégiques, puisqu'ils lui sont soumis, article après article. Il en est de même pour les schémas de services collectifs, dont les orientations sont fixées dans les articles 10 à 18 du projet de loi.
Le Gouvernement considère donc que ce dispositif est équilibré en ce qui concerne les relations entre l'exécutif et le législatif.
Quant au risque d'inconstitutionnalité de la mesure proposée, il me semble qu'il relève davantage de la forme que du fond.
Pour tous ces motifs le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 25, ce qui ne devrait pas vous surprendre.
Je traiterai maintenant des sous-amendements et, d'abord, du sous-amendement n° 268, présenté par M. Le Cam, qui tend à réintroduire dans l'amendement de la commission, auquel je ne suis, vous l'avez compris, pas favorable, un alinéa complété du texte initial du Gouvernement. Bien évidemment, cela ne suffit pas à rééquilibrer la rédaction de l'article 2. Le Gouvernement émet cependant un avis favorable sur ce sous-amendement.
S'agissant du sous-amendement n° 333, il nous paraît effectivement très futé d'ajouter la mention : « des parcs naturels régionaux ». Mais, monsieur Hérisson, je trouve que, malgré cet ajout, ce sous-amendement est très en deçà des deux alinéas que le Gouvernement avait consacrés à ces espaces territoriaux pertinents, les pays et les agglomérations, dans sa rédaction initiale. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 269, présenté par M. Le Cam et Mme Beaudeau, a pour objet de supprimer toute référence à la politique européenne dans le neuvième alinéa de l'article 2. Visant à supprimer la nécessaire cohérence entre la politique nationale d'aménagement du territoire et les politiques communautaires, il ne peut pas, sur le fond, recevoir l'agrément du Gouvernement.
Cependant, au vu de la rédaction retenue par le Sénat, force est de reconnaître qu'il est difficile, en l'absence d'une politique européenne d'aménagement du territoire qui ne figure pas dans les traités, de demander à la politique nationale d'être en cohérence avec des politiques structurelles mises en oeuvre au plan européen, qui sont largement indicatives et évoluent au gré des générations de zonages, eux-mêmes évoluant largement en fonction d'une négociation entre la Commission et les Etats, et non en fonction d'une stratégie arrêtée de développement du territoire européen.
Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute assemblée sur cet amendement ainsi, d'ailleurs, que sur le sous-amendement n° 270.
Monsieur le rapporteur, vous avez sollicité l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 260 rectifié.
La notion de régions ultra-périphériques a une réelle force puisqu'elle correspond à un concept communautaire. Elle désigne, de façon très précise, les départements d'outre-mer. Ce sous-amendement permet d'améliorer la rédaction du projet de loi. C'est pourquoi le Gouvernement y est favorable.
S'agissant du sous-amendement n° 216 rectifié, le Gouvernement a manifesté, lors du CIADT, son souhait de voir les contrats de plan participer à une modulation des transferts financiers de l'Etat aux collectivités locales. L'enjeu financier des contrats de plan ne peut suffire à organiser de véritables mécanismes de solidarité, même s'ils doivent y contribuer. Permettez-moi de rappeler les enveloppes et l'ampleur des sommes disponibles : 14 milliards de francs par an pour les contrats de plan là où la DGF représente près de 110 milliards de francs.
Le projet de loi, qui faisait référence à la péréquation des ressources publiques, était plus ambitieux. En conséquence, tout en étant d'accord avec l'idée exprimée par les auteurs du sous-amendement, le Gouvernement juge peu claire et bien restrictive la rédaction retenue par la commission et amendée par M. Raffarin.
Quant au sous-amendement n° 323 rectifié, il tend, ni plus ni moins, à rétablir un schéma national, y compris dans les formes législatives prévues par la loi du 4 février 1995.
Le Gouvernement a proposé une réforme de la planification territoriale substituant au schéma national et aux neuf schémas sectoriels un nouveau dispositif, en tirant les conséquences d'un échec et en promouvant une pratique rénovée de la planification et plus proche des exigences partenariales d'aujourd'hui.
A ce propos, je citerai les paroles de M. le président François-Poncet en février 1997 : « Ce que j'ai vu du pré-projet de schéma national est extraordinairement loin de ce que nous avons dans l'esprit. Les quelques généralités que j'ai vues dans ce schéma ne sont absolument pas susceptibles de satisfaire, à mon avis, le Parlement. En tous les cas, le Sénat demandera à en savoir beaucoup plus. » Il s'agissait d'une opinion émise dans le rapport du Sénat sur la politique routière pour la France de M. Boyer.
Je tiens à votre disposition le projet de schéma national qui était dans les préfectures au moment de la dissolution de l'Assemblée nationale. Je n'ai pas trouvé une seule personne pour en défendre le contenu...
M. Jean-Pierre Raffarin. Oh si !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... extraordinairement général...
M. Jacques Oudin. Vous n'avez pas beaucoup cherché !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... et très en deçà, me semble-t-il, du travail accompli par les commissions, ...
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est vrai !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... qui avaient formulé des propositions très concrètes quoiqu'un petit peu euphoriques et optimistes.
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela ne faisait pas de mal !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Certes ! Mais c'était loin de constituer un schéma national.
En tout cas, le projet de schéma que nous avons vu circuler était très loin de ces nobles aspirations.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur le sous-amendement n° 323 rectifié.
Je ne peux pas résister en cet instant au désir de revenir sur une petite imprécision mathématique commise par M. Gérard Larcher.
M. le rapporteur, est-on en train de faire un schéma de synthèse ou un schéma de sommes ? Vous avez en effet parlé de sigma, or j'ai appris en mathématiques que cela voulait dire la somme.
Mais, monsieur le sénateur, le schéma par addition, c'est peut-être encore pire que tout ce qu'on a imaginé jusqu'à présent ! J'aimerais que vous leviez cette ambiguïté.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il s'agissait de la somme au sens théologique du terme, vue par saint Thomas-d'Aquin !
M. Jacques Oudin. Le schéma par soustraction est bien pire encore !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Avec l'amendement n° 168, M. Lassourd propose d'introduire un nouveau choix stratégique. Or il me semble que l'égalité d'accès aux services et l'égalité des chances figurent dans le texte du Gouvernement dès l'article 1er. Il s'agit en l'occurrence non pas de choix stratégiques, qui sont nécessairement territorialisés pour une politique en faveur de l'aménagement et du développement du territoire, mais plutôt de principes d'action. En conséquence, le Gouvernement est défavorable à leur prise en compte à cet endroit du texte, d'autant que ces principes sont déjà affirmés à l'article 1er.
L'amendement n° 129 de M. Hérisson tend à faire figurer les parcs naturels régionaux dans l'un des choix stratégiques consacrés au développement local. Le Gouvernement, qui considère les parcs naturels régionaux comme l'un des outils d'une politique moderne de développement territorial, notamment sur les territoires fragiles et de grande qualité patrimoniale, est favorable à cette proposition, d'autant plus qu'elle est cohérente avec son souci de traiter également dans l'ensemble du texte les différents outils de la politique territoriale et de la demande de projets qu'elle entend promouvoir.
L'amendement n° 235 a pour objet d'afficher comme nouvel objectif stratégique le développement de l'interdépartementalité, qui existe déjà de façon informelle, qui est une vraie réalité de terrain pour des projets qui l'impose. Le Gouvernement n'est pas défavorable au fait de souligner l'intérêt qu'il y a à développer les coopérations entre collectivités territoriales ; c'est d'ailleurs une préoccupation qui est déjà présente dans ce projet.
Mais il me semble qu'il s'agit moins d'un choix stratégique que d'un moyen pour contribuer à ces choix.
Cet amendement n° 235, si vous choisissez de le retenir, serait mieux à sa place dans la seconde partie de l'article 2, après le treizième alinéa du paragraphe II.
En fait, malgré les précautions dans la rédaction de l'amendement, puisqu'il s'agit de développer l'interdépartementalité au service d'une cohésion régionale renforcée, je voudrais redire ici, et j'espère être suivie par les présidents de région qui sont dans cet hémicycle, que la meilleure façon de faire de l'interdépartementalité est, selon moi, de faire vivre les régions et les coopérations entre les régions.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ça c'est pas faux !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Redites-le plus fort, monsieur Raffarin ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est exact !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je voudrais exprimer mon malaise concernant les amendements n°s 113 rectifié et 169 rectifié, qui visent à insérer un nouvel alinéa relatif au soutien des zones de revitalisation rurale.
Nous sommes tous d'accord avec l'idée de flécher un certain nombre de moyens sur les zones rurales en difficulté. L'amendement de la commission formule les choses d'une façon qui n'est pas très éloignée de celle-ci.
En revanche, il faut le redire, un zonage n'est pas un choix stratégique : c'est un moyen. Parce que nous ne souhaitons pas installer des zones dans une culture de handicap, parce que nous espérons bien qu'une grande partie de ces zones difficiles pourront sortir un jour du zonage, après avoir retrouvé une dynamique, je ne souhaite vraiment pas que l'on retienne dans un projet de loi cette affirmation comme un choix stratégique, ni une précision chiffrée en termes de pourcentage du territoire national. En effet, on est ici dans une posture un peu défensive, qui est assez éloignée de la dynamique que nous souhaitons pour les zones rurales. Concernant l'amendement n° 230 rectifié, je crois, madame Bardou, que le Gouvernement a choisi une formule synthétique permettant d'embrasser l'ensemble du sujet.
La péréquation concerne non seulement les dotations de l'Etat aux collectivités et les autres transferts - par exemple dans le cadre des contrats de plan -, mais aussi les mécanismes financiers correcteurs entre collectivités et, pourquoi pas, les ressources zonées, les flux de l'épargne et les flux sociaux.
La formulation proposée apparaît intéressante d'un point de vue intellectuel mais, en même temps, elle est très complexe à mettre en oeuvre. En effet, comment évaluer de façon précise, chiffrée et quantifiée, la notion de charges territoriales ?
Le Gouvernement préfère s'en tenir à son texte, en rappelant par ailleurs que n'a pas été abrogé l'article 68 de la loi, qui traite plus spécifiquement cette question, sans pour autant proposer une méthode d'évaluation des charges et de prise en compte des handicaps naturels. Nous aurons à en rediscuter ultérieurement dans le débat. En attendant, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 230 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 170 de M. Lassourd, il me semble que M. le rapporteur a eu raison de rappeler notre attachement à l'enseignement initial, l'enseignement scolaire. Mais je crois que cette thématique ne relève pas du dispositif de planification stratégique nationale. Les schémas de services collectifs rendent compte, à cette échelle, d'enjeux et de priorités qui sont nécessairement sélectifs.
La question de la présence des services publics de proximité, comme celle d'ailleurs des services publics locaux, ne peut pas être appréhendée à l'échelle nationale. Elle doit l'être autrement et par d'autres instruments.
Ainsi, les modalités de mise en oeuvre des services scolaires sont largement déconcentrées, décentralisées - vous avez d'ailleurs soutenu cette approche - afin de s'adapter au mieux aux spécificités et aux difficultés locales.
L'offre d'enseignement initial participe, bien sûr, de la qualification du territoire et de la cohésion sociale, du fait de sa présence sur l'ensemble du territoire, avec, d'une part, un cadre général, un cahier des charges, et, d'autre part, une déclinaison extrêmement fine en fonction des spécificités communales. Ce n'est donc pas tout à fait l'objet d'un schéma de services collectifs.
Je suis défavorable à l'amendement n° 114 rectifié, pour des motifs presque identiques. C'est à une autre échelle, par exemple dans le cadre des schémas départementaux d'organisation et d'amélioration des services publics, que doit être appréhendée la présence des services publics de proximité, un certain nombre d'entre eux, d'ailleurs, étant bien définis dans les contrats de plan passés, par exemple, avec de grandes entreprises publiques.
M. le président. Monsieur le rapporteur, quel est maintenant l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 260 rectifié ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission y est favorable.
M. Charles Revet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Revet, rapporteur.
M. Charles Revet, rapporteur. Madame le ministre, je voudrais vous demander une précision à propos de l'amendement n° 25.
Vous avez indiqué ne pas bien comprendre l'expression de « reconquête du territoire ». Puis vous avez fait référence à ce qui se passe en Allemagne, disant que, compte tenu de l'espace et de la densité de population, nous ne pourrons pas atteindre le même résultat.
Je n'ai pas très bien compris le pourquoi de cette référence à l'Allemagne, ou à tel autre pays. Nous sommes en France, et nous aménageons le territoire chez nous.
Cela étant, je voudrais que vous nous précisiez votre vision de l'aménagement du territoire.
Aujourd'hui, nous constatons, nous, avec toutes les conséquences qui en découlent, que 80 % de la population vit sur 20 % du territoire. Il s'ensuit des situations particulièrement graves. Il nous semble que le fait de regrouper en un espace réduit des populations et de laisser se désertifier les 80 % restants du territoire ne relève sûrement pas d'un bon aménagement du territoire.
Sans doute n'avons-nous pas la même notion d'aménagement du territoire ! Pourriez-vous, par conséquent, nous préciser ce qui vous a amenée à tenir ces propos ? Que proposez-vous à ce moment-là, notamment pour résoudre les problèmes de délinquance que connaissent certaines banlieues de ville, voire tous les problèmes rencontrés ? Que proposez-vous réellement peur revitaliser certains secteurs ? Beaucoup de nos collègues se sont exprimés sur ce point. Souhaitez-vous le constat et le maintien de ce qui existe ? J'avoue ne pas très bien comprendre.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Permettez-moi d'apporter une petite précision, car j'ai peut-être, tout à l'heure, répondu un peu rapidement à votre question, monsieur le président, ce dont je vous prie de m'excuser.
Je n'avais pas confirmé que, sur l'amendement n° 168, après les explications qui ont été données, nous avions la même position, à savoir que nous partagions le même intérêt pour la préoccupation exprimée.
En conséquence, l'avis de la commission ne pouvait être que non favorable.
Le sous-amendement n° 215, qui traite d'un schéma et qui apporte une cohérence avec l'Europe, a été appelé, mais n'a pas été soutenu.
M. Raffarin a défendu le sous-amendement n° 216 rectifié. Nous y étions défavorable pour un certain nombre de raisons, le schéma n'ayant pas d'autre suite que la préoccupation exprimée dans le sous-amendement n° 215.
M. le président. La présidence ayant changé entre l'appel des amendements et l'exposé de l'avis de la commission, je ne savais pas que le sous-amendement n° 215 était tombé.
M. Henri de Raincourt. Il n'a pas été soutenu !
M. le président. Aviez-vous soutenu cet amendement, monsieur Raffarin ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Il a été mollement soutenu, monsieur le président ! En fait, on m'avait demandé de présenter tous les amendements ensemble, ce que j'ai fait, et j'ai parlé du schéma européen.
Je suis prêt à retirer le sous-amendement n° 215 si Mme la ministre nous confirme qu'elle a bien l'intention de formaliser, sous une forme ou sous une autre, ce qui pourrait être un projet français de l'insertion des territoires français dans l'espace européen, afin que cela figure dans le texte.
M. le président. Madame le ministre, je viens de consulter le déroulement de la séance. Le sous-amendement n° 215 ayant effectivement été appelé, je suis obligé de vous demander l'avis du Gouvernement.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais je me souviens, en tout cas, de ce que j'ai dit cet après-midi !
Je trouve tout à fait intéressante l'idée d'une réflexion nationale sur la responsabilité et la place de la France au sein de l'espace européen, une réflexion qui soit indépendante de celle que l'Union européenne mène sur elle-même par le biais, notamment, du schéma de développement de l'espace communautaire. Mais je n'avais pas envisagé de déposer d'amendement gouvernemental pour défendre cette idée.
Je pensais, monsieur Raffarin, puisque vous vous étiez fait le héraut de ce concept, que nous aurions l'occasion d'en reparler au cours de la discussion.
M. Jean-Pierre Raffarin. Madame le ministre, si vous menez cette réflexion, je retire mon sous-amendement n° 215. Nous trouverons le moyen de l'exprimer ultérieurement. Ce qui m'importe, c'est que la réflexion soit engagée !
M. le président. Le sous-amendement n° 215 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 268, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 333 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 270.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Nous sommes hostiles à ce sous-amendement, car il tend à supprimer l'alinéa traitant de la cohérence des politiques nationales avec les politiques structurelles.
M. le président. Personne en demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 270, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 260 rectifié.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Sur ce sous-amendement, nous attendions l'avis du Gouvernement, que nous suivrons parce que nous avons présenté par ailleurs un certain nombre de sous-amendements que nous allons nous empresser de modifier pour tenir compte de cette nouvelle rédaction.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 260 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 216 rectifié.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Cette notion d'« inégalités d'avantages » est quelque peu nouvelle. Il s'agit vraisemblablement d'une manière de faire référence à la notion de « discrimination positive ». Cependant, si c'est le cas, cette notion existe déjà par la politique des zonages.
La réduction ne pose aucun problème. Elle sous-tend le principe de la différence de traitement qui est établie en fonction de règles non pas nationales, mais régionales. Nous ne pouvons donc approuver ce sous-amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 216 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 323 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Par cet amendement, on nous propose une réécriture de l'article 2, qui définit les choix stratégiques de l'aménagement du territoire. Un point positif, monsieur le rapporteur.
La commission spéciale ne propose pas de réintroduire le schéma national d'aménagement du territoire, alors que la majorité sénatoriale a longtemps vitupéré contre sa suppression. C'est une bonne chose que de reconnaître de manière implicite l'inutilité et l'inefficacité de ce schéma.
Un second point aurait pu être positif : le souci de la commission d'alléger la rédaction de cet article. Mais, ce faisant, elle en a aussi modifié le contenu de manière beaucoup plus contestable.
En fait, cet amendement traduit le refus opposé par la majorité de cette assemblée aux nouvelles orientations proposées par le Gouvernement en matière d'aménagement et de développement du territoire.
Pour la majorité sénatoriale, l'objet ultime de l'aménagement du territoire, c'est « la reconquête du territoire ». Cet objectif est en effet mis en exergue de l'amendement. C'est là une manière de traiter de l'aménagement du territoire en termes purement défensifs. C'est en fait le retour aux postulats de la loi de 1995, qui partait d'une vision caricaturale du territoire, fracturé entre des campagnes désertifiées et des agglomérations hyperconcentrées.
Ce point de vue s'illustre aussi par la place subsidiaire qu'occupe dans cet amendement tout ce qui est relatif au maillage du territoire.
Dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, la structuration de l'espace occupe la première place, car cette structuration est essentielle au développement solidaire des territoires.
Avec ce discours défensif, on peut craindre que la politique de l'aménagement du territoire ne s'adresse pas à l'ensemble du territoire, comme elle doit le faire, mais qu'elle ne concerne que quelques territoires les plus fragilisés. Cela procède d'une logique de l'exclusion et non de la solidarité. Bien entendu, il faut aider plus spécifiquement les zones en difficulté, mais il ne faut pas oublier les autres parties du territoire.
Autre point contestable : l'abandon de l'alinéa traitant du développement local. Plus aucune référence n'est faite au rôle des acteurs locaux, au développement solidaire des territoires sur le plan local, au nécessaire encouragement de ces dynamiques locales. C'est un point fort du texte que le Sénat propose de supprimer, ce que nous refusons.
De même, nous refusons la suppression, dans cet article important, puisqu'il définit les choix stratégiques de l'aménagement durable du territoire, de l'alinéa énumérant les différents schémas de services collectifs et faisant de ces schémas un élément fondamental au service de la mise en oeuvre de la politique d'aménagement et de développement durable des territoires.
Nous refusons d'autant plus cette suppression que, par ailleurs, l'amendement réintroduit, par le biais de son troisième alinéa, une logique purement « équipementière », coûteuse pour la collectivité, irréaliste, et où l'on ne raisonne qu'en termes d'infrastructures et non de services rendus aux usagers.
Enfin, compte tenu des enjeux, je crois que nous sommes unanimes pour vouloir donner au Parlement la juste place qui lui revient. Mais la solution proposée par la commission ne me semble pas la bonne ; nous nous expliquerons plus en détail lors de l'examen de l'article 9.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre cet amendement, même si quelques-uns des sous-amendements ont recueilli notre approbation.
M. Jean-François Poncet, président de la commission spéciale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Je ne voudrais pas laisser passer certaines affirmations sans réagir. Je le ferai avec autant de modération qu'il est possible.
Vous avez bien voulu me citer, tout à l'heure, madame, à propos du schéma national d'aménagement du territoire. D'abord, je ne voudrais pas vous décourager de persévérer dans vos bonnes lectures ; je suis persuadé que vous y puiserez beaucoup de sagesse ! (Sourires.)
Ensuite, je dirai que je ne renie pas mes propos, dans la mesure où le projet de schéma national- je l'imagine d'ailleurs préparé par la DATAR - était un schéma tout à fait paradoxal, plus général à bien des égards que la loi elle-même.
Or le schéma n'avait de sens que dans la mesure où il inscrivait sur le territoire, sur des cartes, les investissements, les initiatives, les infrastructures que nous attendions. Par conséquent, ce projet de schéma était bien, à mes yeux, tout à fait insuffisant.
Enfin, madame, ces propos, je les ai tenus, à l'époque, à un gouvernement dont j'approuvais par ailleurs l'orientation générale.
M. Jean-Pierre Raffarin. Orientation excellente !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. En matière d'aménagement du territoire, je n'ai pas tenu d'autres propos que ceux qui m'étaient inspirés par ma conviction et par mon honnêteté.
En effet, ce projet n'était pas satisfaisant. Seulement, madame, il n'a jamais été soumis au Parlement. S'il avait été soumis au Sénat - je peux vous assurer que nous nous y préparions - il aurait été changé du tout au tout.
En tout cas, il serait, à mon avis, de très mauvaise politique que d'éliminer le schéma sous prétexte qu'un projet n'était pas à la hauteur des attentes que nous fondions sur lui.
En fait - c'était déjà le cas à l'époque, mais c'est encore ainsi aujourd'hui, madame, et c'est très préoccupant pour la démocratie française - le Gouvernement craint de soumettre un certain nombre de questions fondamentales au Parlement.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Ainsi, on tourne le dos à la démocratie, on considère que le Parlement est incapable, indigne de tracer lui-même la carte des autoroutes pour les vingt-cinq années qui viennent ! Telle est la vérité.
M. le rapporteur nous a dit qu'en Allemagne nos homologues en sont capables, et nous, nous ne le serions pas ! Je ne sais pas si, sur les travées de la gauche sénatoriale, on se satisfait de cet état de chose ; moi, je dis franchement non !
Quand nous souhaitons, madame, que les schémas que nous appelons des schémas directeurs d'équipements et de services, soient, à un moment ou à un autre, soumis pour avis au Parlement, nous demandons quelque chose qu'il me paraît à peu près impossible de lui refuser, d'autant que ces schémas, mes chers collègues, seront soumis pour débat aux différentes autorités régionales. Les régions seront, les unes après les autres, consultées. Seul le Parlement ne sera pas interrogé !
M. Jacques Oudin. C'est cela la démocratie nouvelle manière !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Je persiste à penser, j'en suis désolé, que l'exclusion du Parlement de tout débat autre que les débats généraux ou d'intentions, si pieuses soient-elles, est indigne de notre démocratie.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Je ne retire aucune des critiques que j'ai formulées à l'encontre du schéma, mais je répète que, s'il nous avait été soumis, nous aurions accompli ici notre véritable travail.
Nous ne pouvons pas non plus laisser dire que la loi du 4 février 1995 était inapplicable. Certes, il a fallu attendre près de deux ans la publication des décrets et des circulaires. Mais personne ne pourra reprocher à la commission des affaires économiques de ne pas avoir incité le Gouvernement à publier ce texte.
Madame, je suis prêt à prendre un pari avec vous. Combien de temps vous faudra-t-il pour faire publier les décrets et les circulaires ? Il vous en faudra au moins autant, sinon plus, parce que le caractère de généralité de la loi d'aujourd'hui a atteint un degré au moins aussi élevé que celui de la loi de 1995. Je vous donne donc rendez-vous. J'ai une vieille expérience de la mécanique interministérielle : croyez-moi, elle prendra autant de temps pour « pondre les oeufs » aujourd'hui qu'elle en a mis à l'époque. Alors, de grâce, n'insultons pas le passé de crainte que le présent ne nous apporte de fâcheux démentis ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 25, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 168, 129, 261 rectifié bis, 235, 113 rectifié, 169 rectifié, 269, 230 rectifié, 170 et 114 rectifié n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.

(L'article 2 est adopté.)
M. le président. Nous abordons maintenant l'examen de l'article 9, pour lequel la priorité a été décidée.

Article 9 (priorité)