Séance du 30 mars 1999







M. le président. La parole est à M. Darcos, auteur de la question n° 455, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Xavier Darcos. Monsieur le ministre, ma question porte sur un point particulier, que je me permettrai d'élargir à un problème plus général.
Le point particulier est celui-ci : la commune de Lamothe-Montravel, en Dordogne, rencontre depuis des années des difficultés inextricables pour protéger ses berges des éboulements d'une rive de la Dordogne. Des habitations voisines sont menacées d'écroulement.
Or la responsabilité de la commune est engagée. En effet, en vertu de l'article 33 d'une loi très ancienne - elle remonte au 16 septembre 1807 - les travaux de réparation incombent à la commune : « Lorsqu'il s'agira de construire des digues à la mer, ou contre des fleuves, rivières ou torrents navigables ou non navigables, la nécessité en sera constatée par le Gouvernement et la dépense supportée par les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux, sauf dans les cas où le Gouvernement croirait utile et juste d'accorder des secours sur les fonds publics. »
Nous sommes là au coeur du problème. Le financement des travaux de réparation incombant à la commune de Lamothe-Montravel comporte trois postes : consolidation des berges, cheminement le long de la rivière et aménagement paysager, ce qui, pour vingt mètres carrés, représente plus de 800 000 francs.
Si nous nous limitons aux travaux de consolidation des berges, c'est-à-dire aux travaux de sécurité les plus urgents, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, comment une commune de 1 096 habitants, dont le budget est de 4 millions de francs, peut réaliser le financement de tels travaux.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande s'il vous est possible d'accorder à la commune de Lamothe-Montravel, pour l'exercice 1999, une dotation globale d'équipement suffisante afin de lui permettre de procéder aux travaux de consolidation des berges situées sur l'emprise de son domaine public communal.
Au-delà de cet exemple particulier, mon propos porte sur une question de fond.
Il existe depuis plus d'un siècle, depuis l'arrêt Blanco du tribunal des conflits de 1873, un régime de responsabilité administrative fondé soit sur la faute de service, soit sur l'absence de faute, ce qui est plus protecteur pour les victimes, je le reconnais. Or, à côté de ce mode de responsabilité, s'intensifie une responsabilité pénale des élus locaux qui permet aux victimes de se retourner contre l'homme et non plus contre la collectivité dans le cadre de ses activités d'intérêt général.
J'estime tout à fait anormal que des élus locaux, le plus souvent engagés dans la vie publique par dévouement et par seul souci de l'intérêt général, subissent une mise en cause systématique, ou soient cloués au pilori dans des différends résultant de problèmes dont ils n'ont pas la maîtrise.
N'est-il pas consternant, monsieur le ministre, pour citer un exemple quasi anecdotique, que la responsabilité pénale d'un maire puisse se trouver engagée pour défaut de signalisation ou d'entretien de la voirie communale, sous prétexte que trois crapauds qui se sont hasardés sur un chemin communal ont fait tomber un usager, qui s'est blessé sur une chaussée rendue glissante ?
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si vous envisagez d'actualiser la loi de 1807 sur les travaux publics communaux, laquelle est inapplicable pour la commune de Lamothe-Montravel.
Je souhaiterais aussi que vous me précisiez - au cas où, par exemple, une maison s'éboulerait dans la Dordogne - quelle protection juridique peut être apportée au maire de cette commune s'il n'obtient pas les crédits qu'il réclame auprès du préfet de la Dordogne, et ce malgré plusieurs rappels ou interventions datant de 1996. La question mérite aussi d'être posée sur un plan plus général, je le répète.
Je souhaiterais enfin que l'on puisse dissocier la responsabilité politique de la responsabilité pénale. La question doit être examinée de toute urgence devant le Parlement, par respect non seulement à l'égard de Mme le maire de Lamothe-Montravel, mais aussi à l'égard de ces nombreux maires dont la tâche devient impossible et qui doivent porter la terre sur leurs épaules en percevant, dans des milliers de communes rurales, moins de 3 000 francs d'indemnités par mois.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous venez d'appeler mon attention sur les difficultés financières que rencontre la commune de Lamothe-Montravel pour consolider les berges de la Dordogne, situées sur le domaine public communal et qui se sont effondrées à la suite d'inondations violentes. Au-delà, vous soulevez des problèmes de principe plus généraux.
Je vous répondrai, d'abord, sur le financement et, ensuite, sur la responsabilité juridique.
S'agissant du financement, conformément à la législation en vigueur - l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 - le financement des travaux de défense contre les inondations d'origine fluviale ou maritime est à la charge des propriétaires riverains, dans la proportion de leur intérêt aux travaux, que les cours d'eau soient domaniaux ou non. La somme en cause s'élève à 800 000 francs.
Quand l'intérêt général ou l'urgence le justifie, les dispositions de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau - c'est l'article 31 - précisent que les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que les syndicats mixtes prévus par l'article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales sont habilités à entreprendre « l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, ouvrages ou installations visant notamment la défense contre les inondations et contre la mer » par application de la procédure définie aux articles L. 151-36 à L. 151-40 du nouveau code rural. En l'occurrence, la commune concernée compte 1 000 habitants, comme vous venez de le rappeler.
Eu égard au coût souvent élevé de ces travaux, la mise en place d'une coopération intercommunale semble souhaitable pour faire face à ces investissements.
Les principes définis dans les textes que je viens de citer ont été rappelés à plusieurs reprises et confirmés lors de la mise en oeuvre du programme décennal de prévention des inondations adopté par le comité interministériel du 24 janvier 1994.
Les travaux concernant l'effondrement des berges, s'ils sont réalisés par la commune, peuvent être éligibles à la dotation globale d'équipement des communes s'agissant de la partie navigable du fleuve, les travaux sur berges des cours d'eau domaniaux non navigables ou non domaniaux relevant, pour leur part, des subventions du ministère de l'environnement.
La dotation globale d'équipement étant une dotation dont la gestion est déconcentrée, il revient à la commission d'élus prévue à l'article L. 2334-35 du code général des collectivités territoriales de fixer chaque année les catégories d'opérations prioritaires ainsi que, dans des limites fixées par décret, les taux minimal et maximal de subvention applicables à chacune d'elles. Les choix effectués par la commission d'élus relèvent de sa seule compétence.
La commune pourra, par ailleurs, sous réserve des conditions générales d'éligibilité, bénéficier d'une attribution au titre du FCTVA pour les dépenses d'investissement qu'elle effectuerait sur les berges en cause.
Je suis très attentif aux problèmes que vous venez de me soumettre concernant la commune de Lamothe-Montravel. Mais, au-delà de cette commune qui vous est chère, vous posez le problème, plus général, de la responsabilité juridique.
Le défaut d'entretien des berges peut en effet entraîner la mise en cause de la responsabilité civile de la commune. La mise en cause de la responsabilité pénale du maire, en vertu des dispositions de l'article 121-3 du code pénal, suppose, quant à elle, que le maire n'ait pas accompli les diligences requises pour informer les utilisateurs des berges des dangers éventuels qu'ils peuvent encourir. L'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales reprend ces dispositions.
Ma réponse est simple, monsieur le sénateur : une signalisation adaptée peut éventuellement permettre au maire de faire face aux obligations que la loi lui confère.
S'agissant de la commune de Lamothe-Montravel qui vous est chère qui est située sur une partie de la Dordogne classée dans la nomenclature des voies navigables du domaine public fluvial, les travaux de protection des berges incombent normalement aux riverains, les missions de Voies navigables de France ne portant que sur la réalisation des travaux nécessaires au maintien de la navigation et au libre écoulement des eaux.
M. Xavier Darcos. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos. La commune de Lamothe-Montravel a fait plusieurs fois appel aux diverses instances que vous avez signalées et n'a pas obtenu, pour l'instant, de contributions financières suffisantes pour assumer les réparations des berges.
Par ailleurs, en ce qui concerne la responsabilité pénale du maire, M. le procureur de la République de Bergerac a bien signifié que si un éboulement se produisait et qu'une maison s'écroulait, même si le maire avait annoncé ces risques, aucune possibilité juridique ne permettait d'empêcher que les propriétaires ne se retournent contre la commune. On comprend donc que Mme le maire de Lamothe-Montravel reste tout à fait inquiète.

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