Séance du 30 mars 1999







M. le président. La parole est à M. Badré, auteur de la question n° 449, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Denis Badré. Madame la ministre, « le patrimoine est au coeur de chacun », dites-vous - et nous sommes évidemment d'accord sur ce point -, ce qui peut vouloir dire que, lorsque ce patrimoine est public, donc géré par vos services, ces derniers doivent comprendre et accepter, voire se réjouir que nos concitoyens s'y intéressent.
Je m'exprime ici au nom des maires des sept communes directement riveraines du parc de Saint-Cloud, lesquelles regroupent 200 000 habitants visiteurs ou admirateurs de ce prestigieux « monument historique ».
Ce joyau de notre patrimoine doit être absolument protégé, même si ce n'est pas toujours facile compte tenu de la diversité des attentes qu'il suscite dans une région très urbanisée.
Madame la ministre, vos services ont compris l'importance de leur mission, qu'ils remplissent avec soin, compétence et dévouement. Je dois cependant rappeler que, quel que soit l'attachement compréhensible qui les lie à notre parc, ils ne peuvent le gérer sans nous.
Le domaine de Saint-Cloud, tout en conservant son caractère royal, relève du bien commun. Les élus des communes voisines sont donc directement intéressés.
J'ajoute, de manière très pratique, que nous entendons les réactions de nos concitoyens. Ceux-ci aiment « leur » parc de façon souvent passionnelle. Nous pouvons communiquer leurs motifs d'incompréhension ou leurs souhaits aux autorités du parc, et nous pouvons aussi expliquer à nos concitoyens les décisions prises concernant l'aménagement ou la gestion du domaine. Notre implication devrait donc intéresser au premier chef vos services, et nous souhaitons parallèlement instaurer une étroite concertation avec ceux-ci.
Je tiens à réaffirmer très clairement que nous sommes les premiers concernés par la protection du parc. Les administrateurs passent, nous restons. Nous sommes capables non seulement de comprendre les contraintes qu'implique cette protection, mais aussi de les imaginer ou d'en demander le respect.
Inversement, aucune protection ne peut se concevoir contre les riverains, sauf à faire le choix, impensable, de fermer le parc.
Nous avons été entendus lorsque nous avons très naturellement demandé à votre prédécesseur d'institutionnaliser un « comité d'information et de liaison du parc », organe permanent de concertation entre vos services et les maires des communes riveraines.
Malgré nos demandes réitérées, ce comité n'a plus été réuni depuis l'automne 1997. Après une nouvelle relance infructueuse début décembre, je me suis donc la mort dans l'âme résigné à vous alerter. Depuis, madame la ministre, notre comité a été convoqué pour le mois de mai. Est-ce l'effet de l'annonce de ma question ? Est-ce une coïncidence ? Je ne sais ! Mais j'en suis heureux.
Je veux simplement y voir une première marque de l'intérêt que vous portez à ce comité. Je tiens ici à vous en remercier, madame la ministre, et je vous demande simplement aujourd'hui de me confirmer que cette réunion ne restera pas unique et que le comité va vraiment reprendre vie.
Dix-huit mois d'interruption de son activité ont en effet démontré, par défaut, combien il est utile. En l'absence de réunions régulières, trop de questions restent en suspens, ce qui n'est bon pour personne, même si ce sont toujours les maires et non les responsables du parc qui se retrouvent en première ligne. C'est toujours nous que nos concitoyens viennent interroger, jamais les autorités responsables du parc.
Je citerai simplement quelques-unes de ces questions.
Ainsi, les problèmes de circulation automobile dans le parc ont toujours été mieux traités lorsque nous en avons parlé. L'organisation de la fête foraine actuelle a posé quelques problèmes. Des difficultés opposent le parc et l'institut Pasteur à Marnes-la-Coquette. D'irritants litiges de voisinage subsistent entre les habitants de la Sente du Nord, sur Sèvres et Ville-d'Avray, et vos services. Je pourrais citer bien d'autres exemples.
En tant que maire de Ville-d'Avray, enfin, je n'oublie pas que c'est au sein de notre comité qu'a été bâti le programme de restauration de nos étangs, programme annoncé et décrit par vos services sur un panneau d'information implanté sur place en 1997. Ce panneau prévoit une tranche de travaux de sécurité à mise en oeuvre immédiate et une réhabilitation de l'ensemble à lancer en 1998. Nous sommes en 1998, et rien n'a été engagé... sinon, un peu, la crédibilité de vos services.
Il s'agit bien toujours du parc et de notre sujet puisque les étangs ont été conçus par Philippe d'Orléans, qui était d'ailleurs le propriétaire du château, comme réservoir pour les grandes eaux du parc. Ce sont donc vos services qui continuent à les suivre avec une grande et belle ambition : remettre l'ensemble en fonctionnement comme au xviiie siècle, dans un souci de respect absolu du patrimoine.
Je salue ce souci, mais du temps a passé. Un recyclage de l'eau doit permettre aujourd'hui, sans offenser la mémoire du duc, de disposer de grandes eaux plus fréquentes, pour le bonheur de tous et sans pour autant compromettre le niveau des étangs. Quant aux étangs, qui sont très fréquentés aujourd'hui, ils ont vu leur valeur patrimoniale considérablement enrichie depuis leur création.
Ils ont inspiré Corot, et l'on parle aujourd'hui des étangs de Corot et non pas des étangs de Philippe d'Orléans ! Ce peintre les a immortalisés, et c'est un grand bonheur pour moi de retrouver, dans quelque musée du monde où je me rende, les étangs de ma commune !
Monet, Chopin, Debussy, Musset et bien d'autres ont également été inspirés par ces étangs. Ils ne peuvent évidemment plus être considérés seulement comme un château d'eau !
« Le patrimoine au coeur de chacun », disiez-vous, madame la ministre. Ma question est simple : quand réaliserez-vous ces travaux, urgents et attendus par tous, aux étangs de Ville-d'Avray ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur le fonctionnement du comité d'information et de liaison du parc de Saint-Cloud. Celui-ci a été créé le 20 septembre 1996 sur l'initiative du directeur du patrimoine et il regroupe l'ensemble des élus concernés : conseil régional d'Ile-de-France, conseil général des Hauts-de-Seine et plusieurs communes. L'Etat fait également partie de ce comité d'information et de liaison, puisqu'il est propriétaire du domaine national, ainsi que la caisse nationale des monuments historiques et des sites, qui en est gestionnaire.
Ce comité a pour but, je le rappelle, de favoriser l'information et la concertation entre l'Etat, la caisse nationale des monuments historiques et des sites et les élus pour les questions relatives au domaine national.
Il a ainsi pu examiner, au cours des réunions du 5 novembre 1996, des 17 février, 23 juin et 27 octobre 1997, les conséquences du classement parmi les monuments historiques de l'ensemble du domaine en 1994, sa gestion par la caisse nationale, la réhabilitation des réseaux hydrauliques du domaine national dans leur état d'origine - plutôt que leur remplacement par des systèmes contemporains automatisés - la mise en place d'un schéma directeur d'aménagement, le plan de gestion du patrimoine arboré, diverses études de restauration, la surveillance du domaine, les tarifs d'accès pour les automobiles et la question des concessions de restauration du parc.
A sa création, le comité a été présenté comme une structure informelle sans périodicité fixe. Si le principe de deux réunions par an avait alors été évoqué, il reste évident que ces réunions ne sont provoquées, dans l'esprit de ceux qui en ont été les initiateurs, que si des informations ou projets nouveaux concernant la plupart des intervenants doivent être présentés.
Tel n'ayant pas été le cas en 1998, le comité n'a pas été réuni. Néanmoins, les élus concernés par des projets particuliers ont été tenus régulièrement informés par les services de l'Etat et par l'administration du domaine national dans le cadre de rapports bilatéraux, qui ne sont évidemment pas annulés du fait de l'existence du comité d'information et de liaison.
Vous avez évoqué cette convocation pour une prochaine réunion ; je puis vous confirmer, monsieur le sénateur, qu'une réunion du comité de liaison sera organisée d'ici au mois de juin prochain, en l'occurrence au mois de mai.
Concernant plus spécifiquement la question de la restauration des berges des étangs de Ville-d'Avray, réservoir du domaine national et patrimoine paysager insigne pour lequel la commune de Ville-d'Avray manifeste un très vif intérêt, un programme de réhabilitation a été élaboré par M. Pierre-Antoire Gatier, architecte en chef des monuments historiques en charge du domaine national.
Vous avez été tenu régulièrement informé de l'évolution de ce dossier par M. l'administrateur du domaine national. Ce programme, qui a pris un certain retard du fait de la complexité des solutions à mettre en oeuvre pour assurer la stabilité des berges, sera financé dès 1999, pour un montant de 4 millions de francs. La phase opérationnelle sera donc engagée cette année.
Je voulais vous rassurer sur le respect des engagements qui ont été pris, ainsi que sur la suite donnée aux études qui ont été engagées et qui ont fait l'objet de concertation au sein du comité de liaison et de formation.
Par ailleurs, j'estime que, même si les projets n'avancent pas, cette structure mérite d'être réunie au moins une fois par an pour faire le point et s'assurer que la même vision de l'évolution des projets est partagée par l'ensemble des partenaires.
M. Denis Badré. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir bien voulu confirmer l'intérêt que vous portez au bon fonctionnement du comité d'information et de liaison du parc de Saint-Cloud.
De conception originale, ce comité doit fonctionner de manière exemplaire. Vous indiquez qu'il vous paraissait sain qu'il se réunisse au moins une fois par an, je pense que c'est indispensable. La liste des questions en suspens que je citais tout à l'heure le confirme. Si cela implique un petit effort de la part de vos services, ils doivent pouvoir le faire. Nous sommes, quant à nous, les maires, représentants des collectivités territoriales, d'une bonne volonté sans limites à cet égard, tant nous mesurons et les difficultés de la protection du parc et la nécessité de l'ouvrir au public dans des conditions satisfaisantes.
Nous savons bien que c'est difficile, car c'est à nous que le public s'adresse chaque fois qu'il rencontre un problème ou chaque fois que le parc n'est pas suffisamment protégé, d'ailleurs. C'est toujours nous qui sommes en première ligne !
Que les responsables du parc prennent cela en compte et considèrent que nous sommes pour eux des partenaires, des alliés, et non pas des adversaires ou quelques Iroquois qui viendraient s'occuper de ce qui ne les regarde pas !
Je vous suis également reconnaissant des instructions que vous avez pu donner concernant la réhabilitation de nos étangs. Elle est urgente. Il s'agit là aussi d'une opération sensible à divers titres, vous le rappeliez.
Vous avez repris les thèses de vos services, selon lesquelles le système hydraulique doit être remis en place dans son état d'origine. Pour ma part, je pense que, si le duc d'Orléans revenait parmi nous aujourd'hui, il utiliserait les techniques modernes et ne se contenterait pas de tout remettre en état.
Nous n'offensons donc pas sa mémoire en pompant l'eau dans les étangs, en la faisant transiter dans le parc et, une fois qu'elle est arrivée dans le parc, en la recyclant. Je suis un spécialiste, et cela me paraît techniquement facile.
Nous avons essayé de convaincre vos services, qui n'ont pas tous les mêmes capacités dans les techniques hydrauliques. J'espère que le temps qui passe servira au moins à les conduire à nous écouter un peu mieux.
Compte tenu du caractère prestigieux des étangs, on ne peut tolérer ni médiocrité ni retard.
La qualité du projet préparé par vos services est évidente. Mais il ne faut plus attendre pour le réaliser. Vous confirmez que les travaux vont pouvoir être engagés ; j'en suis heureux.
Madame la ministre, en ce qui concerne tant la gestion du parc que la rénovation des étangs, il s'agit de la valorisation de notre patrimoine, à laquelle nous sommes tous très attachés.
Il s'agit aussi de la vie dans une région urbaine qui veut rester liée à la culture, et nous faisons tout pour pouvoir apporter un plus à la population de cette région en la matière.
Il s'agit enfin, et j'y suis très sensible, de l'image de vos services et de celle de l'Etat. Nous avons, vous et nous, les moyens de servir cette image dans les meilleures conditions possible. Nous ne pouvons nous dérober devant ces exigences.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux : nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Guy Allouche.)