Séance du 30 mars 1999







M. le président. « Art. 20 ter . - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 1112-4 du code général des collectivités territoriales est supprimée. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 286, M. Le Cam, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 66, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent :
A. - Au début de cet article, d'ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
« I. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 1112-4 du code général des collectivités territoriales est complétée par les mots : "ou d'un Etat membre de l'Union européenne". »
B. - En conséquence, de faire précéder cet article de la mention : « II. - ».
La parole est à M. Le Cam, pour défendre l'amendement n° 286.
M. Gérard Le Cam. Cet article soulève un certain nombre de questions.
La coopération entre collectivités locales françaises et collectivités locales des pays de l'Union européenne - singulièrement, dans un premier temps, de nos voisins géographiques - peut être conçue comme devant être encouragée sous toutes les formes appropriées.
Pour autant, on ne peut laisser de côté la pratique française en matière de service public, pratique dont il faudra bien un jour que notre assemblée intègre toute la portée et toutes les qualités.
Même si notre pays doit faire face à des défis particuliers en termes d'aménagement du territoire, de par son étendue, de par la diversité de ses régions et de ses composantes, force est de constater que le développement des services publics a permis, pour le moins, d'apporter des réponses à la majorité des problèmes posés par ces caractéristiques.
La tradition française du service public a gagné, notamment au travers des principes fondamentaux de péréquation tarifaire et d'égalité d'accès, une grande capacité économique qui est un des facteurs de la croissance.
Permettez-moi de souligner ici que les retards ou les difficultés de développement que connaissent certaines des régions de notre pays peuvent et doivent, dans le cadre de la mise en oeuvre de ce projet de loi, trouver leur pleine résolution, notamment en intégrant le retour aux principes fondateurs du service public à la française.
Vous pourrez toujours me rétorquer que j'anticipe quelque peu sur certains débats qui nous attendent, mais c'est pourtant bien la question des compétences en matière de service public qui est directement posée aujourd'hui par cet article 20 ter du présent projet de loi.
Même si l'on peut concevoir que des réponses à certains besoins collectifs puissent être trouvées dans le cadre de la coopération transfrontalière, ne pensez-vous pas qu'il convient, en fait, de ne rien changer de fondamental aux possibilités offertes actuellement par la loi, alors même que cet article 20 ter vise à lever à peu près l'ensemble des « obstacles » qui entraveraient le développement de la coopération transfrontalière ?
Nous ne croyons pas que la résolution de certains problèmes d'aménagement, dans le cadre législatif actuel, en de nombreux domaines - même si la majorité de la commission spéciale ne paraît guère attachée aux monopoles dévolus aux exploitants publics d'un certain nombre de services publics, comme l'a montré de manière assez éclairante la discussion de l'article 15 bis - puisse provenir de l'engagement des collectivités locales.
Ce que nous attendons de ce projet de loi, c'est, en quelque sorte, un recentrage de l'action de l'Etat vers son rôle essentiel : répondre aux besoins de la collectivité.
Nous ne croyons pas outre mesure aux vertus de solutions décentralisées qui apparaissent bien souvent comme des pis-aller face à des problèmes non encore résolus et que l'action publique se devrait pourtant de résoudre.
Nous vous proposons donc de supprimer cet article.
Les arguments que je viens de développer prennent toute leur valeur en regard des propositions qui nous sont faites par la commission spéciale quant à la réécriture de l'article 20 ter .
M. le président. La parole est à M. Revet, rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 286 et pour défendre l'amendement n° 66.
M. Charles Revet, rapporteur. La commission spéciale a choisi d'inscrire l'aménagement du territoire dans une perspective résolument européenne. L'article 20 ter est une composante de cette bonne insertion de l'espace français au sein de l'Union.
Introduit par un « amendement Vert » à l'assemblée nationale, cet article prolonge une réflexion que nous avions menée dans le cadre de la loi Pasqua-Hoeffel et qui avait conduit à l'adoption du texte soumis à notre examen.
Il s'agit, dans le respect des engagements internationaux de la France, des compétences des collectivités territoriales et de la souveraineté nationale, de développer, de façon étroitement encadrée par l'article L. 1112-4 du code général des collectivités territoriales, un outil juridique de coopération transfrontalière entre les collectivités locales des différents Etats européens.
La commission spéciale souhaite le maintien de cet article, tout en proposant par ailleurs d'élargir le champ d'application du dispositif à tous les Etats membres de l'Union européenne.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 286.
L'article 20 ter élargit les possibilités de coopération transfrontalière entre collectivités locales, possibilités qui ont été mises en place en application de la loi Pasqua-Hoeffel.
L'amendement n° 66 prévoit d'aller plus loin en accordant aux collectivités françaises la possibilité d'adhérer à des organismes publics de droit étranger de tous les Etats membres de l'Union européenne, et non plus seulement des Etats européens frontaliers.
Cette possibilité est strictement encadrée : elle est limitée au champ de compétences des collectivités locales ; elle doit respecter les engagements internationaux de la France tout comme les prérogatives de souveraineté de l'Etat.
Un décret en Conseil d'Etat est nécessaire pour autoriser cette participation à un organisme public de droit étranger, participation qui ne peut, de par la loi, excéder 50 % du capital ou des charges.
Cette participation donne lieu à la conclusion d'une convention entre les différentes collectivités qui est transmise au préfet et donne lieu au contrôle de légalité.
Enfin, les comptes doivent être certifiés par un commissaire aux comptes et annexés, avec le rapport annuel d'activité, au budget des collectivités locales concernées.
De plus, il est interdit aux collectivités de passer directement une convention avec un Etat étranger.
Cet amendement devrait faciliter la mise en place de conventions entre des collectivités et des organismes de part et d'autre des frontières.
Elu de Seine-Maritime, je suis bien placé pour savoir ce que sont les difficultés de la liaison trans-Manche. Ainsi, en relation avec nos partenaires de l'East Sussex et du Sud de l'Angleterre, nous réfléchissons aux dispositions que nous pourrions prendre pour accentuer notre partenariat. Cet amendement vise à faciliter la mise en place de telles dispositions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 286 et 66 ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il me faut faire une sorte de mea culpa en ce qui concerne l'article 20 bis. En effet, je me suis exprimée tout à l'heure de façon un peu hâtive.
J'ai souvenir du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale. La mention expresse de la politique de la ville ne visait pas à préciser - ce qui est bien normal tant cela paraît évident - qu'un contrat de ville peut comporter un volet relatif à la « politique de la ville ». Il s'agissait surtout de préciser que les conseils généraux seraient associés à la mise en place de ce volet pour ce qui concernait leurs compétences.
Je constate que la formulation que vous venez d'adopter supprime toute référence à la politique de la ville et à la contribution des départements à la définition de cette politique. Il me paraît donc nécessaire d'attirer votre attention sur ce point, voire d'y revenir ultérieurement. En effet, y compris pour les défenseurs des départements que vous êtes, cela semble peut-être en dessous de la ligne de flottaison. (Sourires.)
M. Charles Revet, rapporteur. C'est le trans-Manche !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mais nous savons nager ! (Nouveaux sourires.)
J'en viens aux amendements n°s 286 et 66.
S'agissant du premier, M. Le Cam a abondamment expliqué les raisons pour lesquelles il souhaitait supprimer l'article 20 ter. Or, cet article me semble correspondre au nécessaire développement de la coopération autour d'intérêts communs. Ces participations, qui sont limitées aux domaines de compétences des collectivités, sont encadrées par les traités et les engagements internationaux de la France. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
En revanche, l'ajout proposé par l'amendement n° 66 me semble aller dans le sens de l'assouplissement introduit par l'article 20 ter et accroître les perspectives de coopération. Le Gouvernement y est donc favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 286, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 66, accepté par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste vote pour.
Mme Odette Terrade. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20 ter, ainsi modifié.

(L'article 20 ter est adopté.)

Article additionnel après l'article 20 ter