Séance du 4 mai 1999







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne donc la parole à M. Lassourd, pour explication de vote.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès la discussion générale, le groupe du Rassemblement pour la République avait annoncé qu'il abordait le débat sur l'intercommunalité dans un esprit constructif. Après l'examen de quelque 575 amendements, le projet de loi, tel que nous l'avons modifié, constitue à l'évidence des progrès indéniables, comparé avec celui qu'ont adopté les députés. Nous avons dénoncé les contresens, les contradictions et l'inapplicabilité d'un grand nombre de dispositions votées par l'assemblée nationale. Nous avons fait oeuvre utile, corrigé et amélioré ce qui devait l'être. Nos remerciements et nos félicitations vont à Daniel Hoeffel, rapporteur, et à Michel Mercier, rapporteur pour avis, pour la qualité de leurs travaux.
Tout au long de nos débats, notre groupe s'est attaché à défendre une vision de l'intercommunalité au service des collectivités locales et de nos concitoyens. Une intercommunalité moderne ne peut s'élaborer qu'avec les communes et non pas contre elles. C'est dans cet esprit que nous avons proposé au Sénat de supprimer les possibilités d'extension du périmètre des EPCI par des procédures dérogatoires, à l'évidence attentatoires à la libre administration des collectivités locales.
C'est cette liberté réelle des collectivités locales que nous avons voulu opposer à la liberté encadrée imposée par la majorité de l'Assemblée nationale. Ce cadre coercitif n'a fait finalement qu'attiser la dichotomie entre l'urbain et le rural, en dépit des déclarations du Gouvernement. Les propositions du Sénat ont joué le rôle de contrepoids pour rééquilibrer un texte faisant la part trop belle aux villes au détriment des campagnes, alors que les intérêts de tout le territoire méritent tous d'être défendus.
Sur ce volet institutionnel du projet de loi, nous nous félicitons que le Sénat ait choisi de retenir nos principales propositions.
Le respect de la continuité territoriale ne sera ainsi pas exigé lorsqu'un EPCI se transforme en communauté d'agglomération. Le seuil démographique de 15 000 habitants ne s'appliquera pas lorsque la communauté d'agglomération comprend le chef-lieu du département.
Par ailleurs, les conditions du retrait d'une commune d'un EPCI ont été assouplies sur notre initiative, si ce retrait est motivé par la volonté clairement manifestée d'adhérer à un autre EPCI ayant accepté cette adhésion.
Même si le Gouvernement l'a refusé, ce sont de nombreuses situations bloquées qui seront ainsi résolues dans des dossiers relatifs, par exemple, à des bretelles d'autoroute.
Pour ce qui est des compétences des communautés d'agglomération, nos débats ont été particulièrement approfondis. Nous nous sommes ralliés à la position équilibrée défendue par nos rapporteurs.
Nous nous félicitons que le Sénat ait adopté nos propositions de suppression de la compétence optionnelle en matière d'efficacité énergétique et de maîtrise des consommations d'énergie qui, sans réel contenu, constitue en fait un gage donné à la tendance verte de la majorité plurielle.
Le long débat qui nous a retenus sur les compétences des communautés de communes s'est déroulé autour d'un point crucial du texte : les conditions que doivent remplir celles de ces communautés qui ont opté pour la TPU, afin de bénéficier de la DGF majorée que nous avons voté à l'article 66. Le montant de 175 francs de dotation globale de fonctionnement par habitant pour ces communautés de communes est un premier pas qui réduit l'écart trop important retenu par les députés par rapport aux communautés d'agglomération.
Sur les dispositions financières du texte, nos préoccupations sont allées à la réforme proposée pour le coefficient d'intégration fiscale. Notre souci était d'éviter de le voir vidé petit à petit de sa substance sous le prétexte, honorable certes, de mettre fin aux excès constatés en matière de relèvement artificiel de ce CIF, mais à nouveau rédigé de façon incompréhensible et inapplicable par nos collègues députés.
Comme nos rapporteurs, nous pensons qu'il convient d'inclure le plus de recettes possibles dans le CIF. L'amendement finalement adopté par le Sénat, énumérant les dépenses de transfert à retenir dans ce calcul, répond à la plus grande partie de nos préoccupations, même si nous aurions préféré une référence aux structures destinataires de la DGF.
La création d'un nouveau prélèvement sur les recettes fiscales de certaines communes d'Ile-de-France au bénéfice du Fonds de solidarité des communes de cette région constitue à nos yeux une injustice.
La solution proposée par la commission des finances permet de corriger le dispositif inique de l'Assemblée nationale.
Nous nous réjouissons que le Sénat ait suivi notre groupe afin que figure le montant de la contribution des communes au FSCRIF sur les avis des contribuables des communes concernées. Il y aura ainsi une véritable transparence et ces contribuables seront pleinement informés de l'origine et de l'affectation de ces prélèvements supplémentaires. L'augmentation de la pression fiscale ne résultera pas d'une décision de la collectivité concernée ; elle lui aura en fait été imposée par l'Etat.
Le texte soumis à notre vote est équilibré et prend en compte les intérêts des collectivités locales. Il donne toute sa dimension à la nécessaire participation volontaire des communes à une intercommunalité tournée vers l'avenir.
Au terme de ce débat, nous ne pouvons que regretter à nouveau que l'urgence déclarée par le Gouvernement n'escamote le débat entre les deux assemblées.
Le projet de loi modifié par le Sénat s'inscrit dans la ligne du texte proposé par Dominique Perben en 1997, ce qui n'était pas le cas de la rédaction adoptée à l'Assemblée nationale. Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République approuvera et votera le texte qui résulte de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste avait, lui aussi, abordé ce débat dans un esprit constructif.
L'objectif, nous le savons, était d'abord de faire en sorte que l'intercommunalité soit adaptée aux zones urbaines. Nous connaissons, en effet, les problèmes que pose à l'heure actuelle le développement des villes, lesquelles affrontent - j'ai utilisé le terme alors qu'il n'avait pas la portée qu'il peut avoir aujourd'hui - une phase de « balkanisation ».
Nous avons pris conscience du fait que la taxe professionnelle unique était un moyen de corriger les inégalités inacceptables et de développer une certaine péréquation des ressources dans les zones urbaines. C'est un point d'accord avec les auteurs du projet de loi.
Mais nous savions parfaitement que cet objectif commun ne pouvait être atteint que si on évitait les ruptures et certains écueils fondamentaux. J'en citerai trois qui ont été au coeur des préoccupations du groupe de l'Union centriste.
Premièrement, il fallait éviter la rupture entre les communautés de communes, essentiellement rurales, et les communautés d'agglomération.
Je crois que nous y sommes parvenus parce que le mécanisme incitateur fort, et sans doute nécessaire, destiné aux zones urbaines a pu être étendu - de façon peut-être plus modeste mais quand même significative puisque le montant de la dotation moyenne a été porté à 175 francs - aux communautés rurales à taxe professionnelle unique, ce qui a permis d'éviter la dichotomie entre les communautés rurales et communautés urbaines.
Nous avons évité une deuxième rupture, la rupture avec les autres formes d'intercommunalité, lorsque nous avons discuté des compétences.
Nous savons très bien que certaines compétences, en matière d'assainissement ou de transport par exemple, ne correspondront pas nécessairement aux limites qui seront celles des communautés d'agglomération.
MM. les rapporteurs ont fait un effort tout particulier lorsque nous avons discuté de la compétence ordures ménagères ainsi que de la compétence assainissement pour que les formes d'intercommunalité qui ont fait leurs preuves puissent être maintenues, et je crois que leur effort a été couronné de succès.
Nous avons évité une troisième rupture, la rupture avec les communes, en faisant en sorte que, lorsqu'une proposition de communautés d'agglomération est faite, les communes disent très clairement qu'elles souhaitent y participer. Cette obligation n'est pas à interpréter de façon négative ; elle a pour objet de montrer que l'adhésion de la commune a été véritablement obtenue.
Telles sont les trois ruptures que nous avons évitées. Est-ce à dire que nous avons atteint en tous points notre objectif ?
La réforme se heurtait à une contrainte : celle des 500 millions de francs qui lui étaient apportés en dot, si je puis m'exprimer ainsi, sous forme de prélèvement sur recettes. Nous savons très bien qu'une modification des structures, qui doit au bout d'un certain temps aboutir à une réduction des coûts, exige au départ des moyens supplémentaires.
Nous avons donc été obligés de prendre en compte cette contrainte, et je crois que nous l'avons fait de façon constructive dans nos différents amendements. Nous avons fait en sorte - et Dieu sait pourtant si nous souhaitons pouvoir étendre à tous les chefs-lieux de département la possibilité d'instituer une communauté d'agglomération ! - de restreindre nos prétentions de façon raisonnable.
Nous avons fait en sorte également que la majoration de DGF ne soit accordée que pour les compétences obligatoires tout en reconnaissant qu'il était sans doute souhaitable, pour les autres, d'aboutir à un certain développement progressif de l'intercommunalité.
Nous avons veillé aussi, lorsque la péréquation en région parisienne a été finalement acceptée - je crois qu'on ne peut pas négliger ce problème essentiel - à ce qu'une certaine limitation du prélèvement soit prévue pour éviter que le prélèvement supplémentaire ne dépasse celui qui avait déjà été obtenu.
Voilà les efforts qui ont été faits pour limiter les exigences que nous aurions pu avoir. Nous savons, monsieur le ministre, que vous avez des contraintes financières à observer. Il faut être responsable : on ne peut vouloir développer toujours davantage l'intercommunalité au prix d'un accroissement de la fiscalité.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Yves Fréville. Nous avons été très attentifs - je tiens, sur ce point, à remercier tout spécialement nos rapporteurs - à faire en sorte que les améliorations pouvant être apportées, surtout en matière de fiscalité mixte, le soient non pas au prix d'un développement de la fiscalité sur les entreprises, notamment, mais de façon responsable, en particulier en maintenant un lien entre les taux à la hausse qui évitent des dérapages, lesquels, finalement, auraient été à l'encontre de l'idée d'intercommunalité qui était la nôtre.
De la même façon, nous avons veillé, dans la définition du CIF, à ce que des abus en matière de communautés dites d'aubaine soient évités.
Finalement, mes chers collègues, nous nous rendons parfaitement compte que ce projet de loi complexe, peut-être pas aussi simple que son nom l'indique, constitue simplement une étape.
En effet, nous avons parfaitement conscience que, si l'intercommunalité réussit, il faudra un jour déterminer qui prend les décisions dans les communautés urbaines et dans les communautés d'agglomération. Nous avons discuté longuement pour savoir si le suffrage direct devait être instauré dans les communautés. Nous savons - nous en étions parfaitement conscients au groupe de l'Union centriste - que ce moment n'est pas encore arrivé, mais si l'intercommunalité se développe, d'autres devront se poser le problème.
Voilà dans quel esprit nous avons abordé cette discussion. Grâce aux efforts de M. le rapporteur et de M. le rapporteur pour avis, le texte a été fortement amélioré par rapport à celui qui nous venait de l'Assemblée nationale. Nous avons conservé l'intercommunalité de projets en particulier pour les zones urbaines. C'est pourquoi le groupe de l'Union centriste votera cette amélioration de la décentralisation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nos débats ont été longs et difficiles dans la mesure où ils ont été morcelés. Nul n'en est responsable, mais notre tâche n'a pas été facilitée d'autant que l'urgence avait été déclarée, ce que nombre d'entre nous, y compris dans notre groupe, ont regretté.
Nous avons, dès le départ, approuvé la philosophie du texte, qui prend acte de la répartition géographique de la population sur le territoire et des problèmes qu'elle pose et qui doivent être traités.
Nous avons compris l'incitation très forte au regroupement que comporte ce texte et accepté volontiers la grande novation que représentent les communautés d'agglomération, qui sont une grande avancée, promise à un grand avenir.
Je pense que dans les décennies futures, bien que je ne lise pas dans le marc de café, une recomposition complète du pouvoir local en France va s'opérer. Il faudra certainement, dans un avenir peut-être plus proche qu'on ne le pense, s'interroger sur la représentation directe de ceux qui seront conduits à prendre de plus en plus de décisions.
Certes, il s'agissait d'un texte à connotation urbaine mais, chemin faisant, un réel équilibre a été trouvé entre la ville et la campagne ; je pense notamment au montant de DGF fixé à 175 francs par an et par habitant. Voilà un élément tout à fait positif ! Bien entendu, nous nous réjouissons de ce réel équilibre qui s'institue entre ville et campagne.
Ces dispositions sont très positives dans la mesure où, même si des contraintes demeurent, elles ont été atténuées par nos discussions, préservant ainsi l'essentiel de la liberté des communes.
Cela étant, deux objections demeurent.
La première concerne les derniers amendements votés, voilà quelques instants, après l'article 69. Ils ne doivent pas être purement et simplement rejetés ; leur contenu devra être discuté de nouveau dans un autre cadre, peut-être dans le prolongement de nos travaux, au cours du mois de juin prochain, et ce en relation avec l'Assemblée nationale, afin de sécuriser de façon plus profonde et plus sûre les collaborateurs des élus locaux.
La seconde objection concerne l'entrée progressive dans l'intercommunalité.
Pendant un certain temps, nous avons été séduits par cette idée qui nous semblait aller dans le sens du texte et favoriser cette intercommunalité dans la mesure où elle pouvait rassurer un certain nombre de communes qui auraient pu être effrayées.
Chemin faisant, nous avons eu l'impression que cette prudence était en fait frilosité. Sur ce point, également, il faudra discuter de nouveau.
Voilà pourquoi, après mûre réflexion, nous nous abstiendrons sur ce texte. On peut considérer cette position comme une abstention positive laissant toute sa chance à la commission mixte paritaire qui doit se réunir au début du mois de juin. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Nous sommes à l'heure où nous devons faire le bilan de nos débats sur le projet de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
Ce texte, nous l'avons tous déjà dit, contient des modifications importantes de l'organisation publique française. Il modifie sensiblement le paysage institutionnel actuel, sans pour autant opérer de révolution territoriale.
Est-ce bien ou non ? Est-ce une évolution moderne et nécessaire ?
Les élus communistes le pensent. Nous avons suivi, tout au long des débats, une même et seule logique. Notre démarche consiste à considérer la coopération intercommunale comme l'une des réponses pertinentes et efficaces aux défits de plus en plus nombreux qu'ont à relever les collectivités territoriales, notamment les communes.
Les besoins de nos concitoyens augmentent proportionnellement à la crise, au chômage, à la précarité, aux problèmes liés aux situations urbaines, aux manques de logements.
Les transferts de compétences se multiplient, les normes européennes imposées aux collectivités sont de plus en plus nombreuses.
La coopération intercommunale est donc nécessaire et indispensable au mieux-vivre des populations des villes comme des campagnes.
Il nous faut, en conséquence, aider et inciter à son développement sans l'imposer et sans bafouer les représentations démocratiques locales.
L'intercommunalité doit être un outil aussi adéquat que possible, non une fin en soi ou un objectif d'institutionnalisation.
Nous avons pu noter, en écoutant les interventions des uns et des autres, combien le sujet était important, combien il recouvrait d'objectifs et d'approches différents, au-delà des clivages politiques.
Pourtant, l'esprit général du texte est clair ; son intitulé le désigne explicitement. Il faut renforcer et multiplier la coopération. Tel est l'objectif premier, qui dénote une abnégation quant au respect de la libre administration des communes et de la démocratie locale.
Le texte, tel qu'il a été modifié par la Haute Assemblée, n'est ni meilleur ni pire. L'économie générale a été conservée. Le Sénat a parfois souhaité réaffirmer plus fortement le principe du volontariat des communes, notamment en cas de transformation d'une structure en une autre, alors que nos collègues députés avaient été très loin en insérant un mécanisme de tacite acceptation.
Le Sénat a aussi, selon cette même logique, écarté le principe posé par l'Assemblée nationale qui permettait aux préfets d'élargir le périmètre d'un EPCI sans même consulter les communes qui se retrouvaient dès lors incluses d'office dans une structure intercommunale.
La Haute Assemblée a également préféré respecter le parallélisme des conditions de majorité entre la création d'un EPCI et sa dissolution ou le retrait d'une des communes.
L'Assemblée nationale avait, là encore, poussé à l'extrême les objectifs du texte, d'une part, en facilitant la création et, d'autre part, en facilitant les conditions de dissolution.
Nous avons également rejeté l'élection au suffrage universel des conseillers communautaires urbains, suffrage qui est sans aucun doute le premier pas vers la disparition pure et simple des communes.
Malheureusement, la majorité sénatoriale n'a pas, au cours de l'examen du texte, suivi une ligne cohérente et continue, ce qui a conduit la Haute Assemblée à adopter des amendements et des articles qui nuisent au respect de l'autodétermination des collectivités territoriales. Même les deux rapporteurs n'ont pas toujours su se mettre d'accord pour faire prévaloir une seule et même approche du texte. (M. Huchon manifeste son désaccord.)
C'est ainsi que, aux articles relatifs aux dispositions financières et fiscales, la majorité sénatoriale a approuvé le mécanisme de passage automatique à la taxe professionnelle, sauf décision contraire du conseil de communauté.
Pourquoi l'avoir accepté ici, alors que vous l'aviez fortement rejeté en première partie du texte ? Cela est d'autant moins acceptable que la décision de prélever l'impôt est à la base même du principe de libre administration des communes, posé par les articles 34 et 72 de notre Constitution.
Vous avez aussi, chers collègues, refusé toute introduction démocratique dans les syndicats en votant la suppression de l'article 14 ter ou encore en refusant nos amendements à l'article 21.
Concernant le recours à la fiscalité mixte, dont vous reconnaissez qu'elle est un facteur d'alourdissement des « impôts-ménages », le Sénat n'a pas, pour autant, jugé utile de l'interdire ou d'en limiter le recours à certains EPCI.
Est-ce parce que vous êtes convaincus que les financements prévus ne seront pas suffisants, et que vous n'avez pas d'autres solutions de financement, que vous autorisez le recours aux porte-monnaie de nos compatriotes ?
M. Dominique Braye. Procès d'intention !
M. Robert Bret. Non, c'est tout l'objet de notre débat !
Pourtant, les élus communistes, en proposant d'élargir l'assiette de la taxe professionnelle aux actifs financiers, reprennent le constat fait par le président de l'Association des maires de France, qui siège dans notre assemblée, mais qui a été bien absent lors de nos débats, ce que je regrette.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, pourquoi ne pas mettre en concordance vos paroles et vos actes ?
Quant à nous, tout au long de l'examen de ce texte, nous nous sommes efforcés d'avoir une démarche positive et cohérente.
Persuadés que la coopération intercommunale librement consentie et ayant pour but d'améliorer la satisfaction des besoins des populations est une réponse adéquate à la désertification rurale, à la crise urbaine, aux difficultés, notamment financières, des collectivités locales, les sénateurs communistes voteront contre ce texte en l'état, qui reste trop loin de notre vision de l'intercommunalité.
M. Dominique Braye. Heureusement !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce très long débat a été suivi avec une extrême attention. Cela contribue à prouver que les progrès dans l'élaboration de ce texte auraient sans doute été plus rapides et plus cohérents si le Gouvernement avait pris la précaution de le soumettre d'abord au Sénat.
Vous avez d'ailleurs pu constater, monsieur le ministre, que, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous avons fait la preuve de notre connaissance des collectivités territoriales. C'est peut-être dû à ce statut qui est le nôtre et que l'on songe parfois à nous reprocher mais qui, en tout état de cause, nous permet d'apporter, sur des sujets de ce genre, une connaissance approfondie des réalités.
Le texte qui ressort de nos travaux marque un progrès considérable par rapport à celui que l'Assemblée nationale nous avait transmis, et cela, nous le devons largement à nos rapporteurs.
Une commission mixte paritaire doit se réunir au mois de juin. J'espère qu'elle permettra de conclure de manière positive l'ensemble des travaux parlementaires.
Je suggère que, en attendant la réunion de cette commission mixte paritaire, nous dressions un bilan très précis de ce que nous avons décidé, que nous répertoriions les discordances entre nos positions et celles de l'Assemblée nationale. Sans doute découvrirons-nous, dans ce que nous avons décidé, un certain nombre de points forts, sur lesquels il nous sera difficile de revenir.
Ce texte a tout d'abord des incidences économiques, au moins indirectes, qui sont considérables et auxquelles nous avons d'ailleurs souvent prêté attention.
Ce texte est technique, il est financier, mais il est aussi politique, au sens noble du terme. En effet, au-delà des décisions que nous prenons, c'est l'ensemble de la physionomie de la France dans ses structures territoriales que nous sommes en train de modifier.
M. Fréville et M. Bret ont, l'un et l'autre, indiqué quel était, en quelque sorte, le destin qui s'ouvre inéluctablement devant nous : il faudra un jour transférer le mécanisme de suffrage universel au niveau des communautés urbaines. A partir du moment où nous sommes engagés sur cette voie, c'est une issue qu'il sera extrêmement difficile d'éviter.
Comme M. Bret l'a justement souligné, un tel mécanisme s'accompagnera inévitablement d'un dépérissement de la vie communale dans ce qu'elle a de plus ancré dans notre tradition.
Au moment où nous prendrons les décisions définitives, il nous faudra, par conséquent, au-delà des divergences, prêter une extrême attention aux perspectives que nous traçons.
Ce texte n'est qu'une étape, mais une étape importante. C'est une redéfinition de la carte de la France que nous sommes en train d'élaborer. Faut-il le faire ? C'est le problème fondamental qui nous sera posé.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat, avant que le Sénat ne s'exprime par un vote, permettez-moi de remercier chacune et chacun d'entre vous de la qualité des échanges auxquels a donné lieu un texte complexe et dense. Près de 580 amendements ont montré l'intérêt que porte la Haute Assemblée au sujet de la décentralisation.
Vos deux rapporteurs, M. Hoeffel et M. Mercier, ont très bien su dégager l'esprit du texte et susciter les débats sur les points majeurs. Je tiens à les en remercier particulièrement, ainsi que l'ensemble des intervenants.
La satisfaction que j'éprouve en cet instant tient à trois raisons essentielles.
D'abord, les objectifs du Gouvernement ont été compris et acceptés par le Sénat.
Je rappelle que le Gouvernement a été rejoint par le Sénat sur quatre points essentiels.
C'est, en premier lieu, la réduction significative du nombre de catégories d'établissements de coopération intercommunale.
C'est, en deuxième lieu, l'unification des règles applicables, à partir d'un tronc commun, à tous les établissements de coopération intercommunale à fiscalité propre, qu'il s'agisse de leur fonctionnement, de leur création, de leur dissolution, de la modification de leurs statuts.
C'est, en troisième lieu, l'évolution du régime financier et fiscal, qui favorisera une véritable intercommunalité de projet en sanctionnant la coopération de circonstance et en réduisant les concurrences abusives entre les communes en matière de taxe professionnelle.
Sur ce point, on peut dire que le Sénat partage le souhait du Gouvernement de donner un caractère incitatif fort au financement des communautés d'agglomération. Il a admis l'architecture financière de la mesure principale, à savoir un apport budgétaire de 500 millions de francs jusqu'au 1er janvier 2005.
En quatrième lieu, le Gouvernement a choisi de ne déléguer que des conseillers municipaux dans les conseils communautaires. Il subsiste une petite divergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur l'élection au suffrage universel dans les communautés urbaines. C'est une avancée modeste vers plus de transparence. On verra ce qu'il en adviendra ! Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs !
Le projet est équilibré. Il permet d'agir sur la crise urbaine. Nous sommes confrontés au grave problème de la fracture sociale. La ségrégation spatiale redouble la ségrégation sociale, laquelle est à l'opposé de nos valeurs républicaines.
L'agglomération est le niveau le plus pertinent pour la définition et la mise en oeuvre de politiques globales et efficaces à long terme.
Un outil nécessaire a été forgé : la communauté d'agglomération.
Pour autant, nous n'avons pas opposé le rural et l'urbain. L'intercommunalité apparaît bien aussi comme l'avenir de nos communes rurales. Des dispositions adéquates ont été prises.
Le Sénat a amélioré le contenu du projet de loi. M. Hoeffel, suivi par votre assemblée, a su simplifier et clarifier nombre des dispositions du texte dans sa partie institutionnelle. M. Mercier a su trouver un certain équilibre entre les positions du Gouvernement et le vote de l'Assemblée nationale concernant la partie fiscale du projet de loi.
Le Gouvernement a accepté certaines suggestions de votre assemblée, concernant notamment l'association des conseils généraux et régionaux à l'élaboration des projets intercommunaux. Je me suis rallié à votre point de vue sur l'intérêt intercommunautaire.
Il reste que le Gouvernement a cherché à veiller à la cohérence du projet de loi mais qu'il n'y est pas toujours parvenu.
Le Gouvernement a voulu conserver la cohérence initiale du texte s'agissant des seuils, de la nature des compétences obligatoires et optionnelles des communautés d'agglomération. Il a marqué son souci d'éviter une progressivité ou l'échelonnement dans le temps des transferts de compétence. Il a également voulu marquer le rôle du préfet, dont le pouvoir d'initiative doit être préservé.
Il ne serait pas satisfaisant de construire une intercommunalité à la carte, variable dans son contenu et dans ses objectifs. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu vous suivre sur votre proposition visant à porter à 175 francs la DGF par habitant pour les communautés de communes à taxe professionnelle unique. Je resterais néanmoins disposé à accepter votre proposition si l'économie générale du texte était respectée.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais dire à l'issue de nos débats.
C'est un travail commun où le Sénat et le Gouvernement ont chacun apporté leur vision. C'est une réforme d'ampleur de la coopération intercommunale qui a été engagée. Elle est ambitieuse dans ses objectifs, ouvrant une nouvelle période de notre organisation territoriale. Je crois qu'elle peut rassembler tous ceux qui partagent sur ces bancs nos valeurs républicaines. Il y a encore un effort à faire pour trouver le bon équilibre, mais je crois que ce débat a permis de progresser parce qu'il a été mené, de part et d'autre, je dois le dire, avec le souci d'avancer vers des synthèses positives.
Je terminerai par cette exhortation fameuse : encore un effort, mesdames, messieurs les sénateurs, pour être vraiment républicains ! (Sourires.)
M. Dominique Braye. Cela veut-il dire que nous ne le sommes pas ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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