Séance du 18 mai 1999







M. le président. La parole est à M. Carle, auteur de la question n° 523, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la politique des transports en Haute-Savoie et vous faire part de mon inquiétude, qui est aussi celle de nombreux élus de mon département.
Après la catastrophe routière du tunnel du Mont-Blanc, la question, avec ses corollaires, se pose une nouvelle fois de la politique de diversification des modes de transport - c'est, bien sûr, le ferroutage - mais aussi et surtout de la politique de modernisation, de mise en sécurité et de développement des infrastructures routières et autoroutières.
A toujours laisser le trafic routier se concentrer sur quelques axes limités qui deviennent vite des points noirs pour les populations riveraines et pour les usagers, une catastrophe peut malheureusement en cacher une autre. Transférer le trafic du tunnel du Mont-Blanc sur le tunnel du Fréjus n'y changera rien.
En réalité, c'est bien un redéploiement harmonieux du trafic sur tout le territoire qui doit être envisagé, non seulement pour résoudre le problème de la sécurité, mais aussi pour permettre à d'autres secteurs enclavés de sortir de leur asphyxie économique.
Aussi se pose la question de savoir si l'Etat a les moyens financiers nécessaires pour à la fois résoudre les problèmes de sécurité et encourager le développement économique.
On peut en douter, alors que l'enveloppe de 105 milliards de francs annoncée par l'Etat pour le prochain contrat de plan Etat-région sur sept ans ne représente même pas, en proportion, l'équivalent de l'enveloppe financière engagée sur cinq ans dans le plan actuel, a fortiori si l'Etat s'engage sur de nouvelles priorités, comme les transports urbains ou le ferroviaire, qui n'y figuraient pas jusqu'à présent.
En Rhône-Alpes, faute de crédits suffisants, l'Etat n'a pas pu tenir tous les engagements pris dans le dernier contrat de plan, à l'occasion duquel 4,5 milliards de francs devaient être engagés. En définitive, 2,2 milliards de francs seulement ont été dépensés, en tenant compte des programmes spécifiques hors contrat de plan. C'est autant qu'il vous faudra reconduire dans le prochain plan.
Je prendrai troix exemples pour illustrer cette situation en Haute-Savoie, exemples qui sont également l'objet de ma triple question.
Tout d'abord, il s'agit de la liaison Annecy-Faverges, sur la RN 508, qui aurait dû être réalisée durant l'actuel contrat de plan. La région Rhône-Alpes avait débloqué 60 millions de francs, mais l'Etat n'a jamais apporté l'équivalent. Peut-on espérer que l'Etat tienne enfin sa parole ? Si oui, quand les travaux du tronçon Faverges-Ugine seront-ils engagés ?
Ensuite, après l'annulation du projet de l'A 400 par le Conseil d'Etat, le désenclavement du Chablais se révèle une urgente priorité. Financer la réalisation d'une deux fois deux voies entre Annemasse et Saint-Gingolph au seul titre du contrat de plan serait de la poudre aux yeux tant les crédits sont notoirement insuffisants, car, à ce rythme, il faudrait vingt ans pour y parvenir. Or l'économie locale ne peut plus attendre. Le développement économique et touristique exige d'urgence une liaison digne de ce nom avec le réseau autoroutier. L'Etat va-t-il inscrire les financements nécessaires à cet effet ?
Enfin, concernant l'aménagement de l'A 41 entre Cruseilles et Genève, rendu plus urgent et plus nécessaire par la fermeture du tunnel du Mont-Blanc, avez-vous de nouvelles informations sur la position du Conseil d'Etat ?
Avant d'engager l'argent public sur de nouvelles priorités, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, ce que vous comptez faire pour que l'Etat tienne d'abord les engagements qu'il a pris dans le contrat de plan qui s'achève et si le désenclavement du Chablais, certes par le fer, mais surtout par la route, reste bien une priorité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je répondrai tout d'abord aux interrogations d'ordre général que vous avez formulées concernant l'enveloppe financière du prochain contrat de plan.
Vous faites erreur, monsieur le sénateur, quand vous dites qu'elle est inférieure à celle qui a été prévue dans le contrat précédent. Même au terme d'une simple règle de trois sur sept-sixièmes - je vous le rappelle, le contrat précédent a été allongé d'une année - la somme de 105 milliards de francs est supérieure à celle qui serait ainsi obtenue. Il ne s'agit donc pas d'une enveloppe plus faible, bien au contraire.
J'en viens aux questions précises que vous avez posées, soucieux que vous êtes d'une meilleure répartition des flux routiers.
A ma demande, M. Brossier a procédé à une analyse multimodale des problèmes de déplacement dans les Alpes et de franchissement du massif. Son rapport conclut à la nécessité d'un rééquilibrage des flux de déplacement entre les différents modes, compte tenu de la croissance prévisible du trafic, notamment de marchandises. A l'évidence, pour aller de la France vers l'Italie, il faut traverser les Alpes !
La catastrophe du tunnel du Mont-Blanc ne fait que confirmer et rendre plus urgent ce rééquilibrage des flux entre les différents modes et les points de franchissement du massif alpin.
J'ai donc demandé à M. Brossier d'approfondir cet aspect de son rapport pour aboutir à un ensemble de propositions à mettre en oeuvre à court et à moyen terme.
J'attire à mon tour votre attention, monsieur le sénateur, sur la complexité d'un problème qui implique les trois pays frontaliers, les huit pays signataires d'un traité international dit « convention alpine », et l'Union européenne, qui a d'ailleurs elle-même adhéré à cette convention. Le traité prévoit notamment la réduction des nuisances et des risques dans le secteur du transport interalpin. Une solution satisfaisante dépend donc non pas uniquement de la France, mais de l'ensemble des pays concernés.
Pour ce qui me concerne, et dès le conseil des ministres des transports de l'Union européenne du 29 mars dernier, j'ai proposé à mes collègues européens de réaffirmer l'absolue nécessité de maîtriser les flux de circulation. Vous connaissez les mesures qui ont été prises afin d'éviter un simple report du trafic du tunnel du Mont-Blanc vers le tunnel du Fréjus.
Les échanges commerciaux étant porteurs de croissance économique, il s'agit non pas de les freiner, mais de les organiser et de fixer les règles de fonctionnement du marché des transports qui permettent une sécurité maximale et qui prennent en compte la traversée de cette zone sensible.
Nous devons également soutenir plus fermement et de manière plus décisive le développement du transport ferroviaire et des transports combinés, plus sûrs et plus économes de notre environnement. Cela implique le développement de l'interopérabilité et l'amélioration des infrastructures afin de mettre en place un véritable réseau européen du fret, réseau en faveur duquel j'agis au sein de la Communauté européenne.
Au plan national, j'ai également pris les mesures que l'urgence imposait, notamment les mesures de prévention des risques compte tenu du report de trafic du tunnel du Mont-Blanc vers celui du Fréjus. Ainsi, une régulation du trafic a été mise en place pour assurer un espacement suffisant entre les poids lourds dans le tunnel. De même, des restrictions ont été apportées à la circulation des matières dangereuses. Enfin, j'ai demandé à la SNCF d'aider à l'acheminement du fret à travers les Alpes, en liaison avec les opérateurs de transport combiné, ce qu'elle a fait sans délai.
S'agissant de la réalisation de la déviation de Marlens sur la RN 508, entre Faverges et le département de la Savoie, l'opération est inscrite au contrat entre l'Etat et la région Rhône-Alpes pour un montant de 120 millions de francs, dont 50 % sont à la charge de l'Etat et 50 % à celle de la région. La déclaration d'utilité publique a été prise à l'automne 1997, quelques mois après mon arrivée au Gouvernement. Je puis vous indiquer, monsieur le sénateur, que le projet technique devrait être approuvé au premier semestre 1999, ce qui permettra aux travaux de ne subir aucun retard.
Toutefois, le retard accumulé dans l'exécution des contrats de plan Etat-régions par les deux gouvernements précédents ne permettra pas d'honorer la totalité des engagements pris en 1994. Et cela est vrai sur l'ensemble du territoire, puisque nous allons à peine atteindre les 80 %. Votre interrogation est fondée, monsieur le sénateur, mais nous ne pouvons pas rattraper en deux ans le retard qui a été pris !
En 1997 et en 1998, le Gouvernement a donné la priorité à la poursuite des opérations inscrites à l'actuel contrat de plan quand les travaux étaient déjà engagés. Cette position a été reconduite en 1999, ce qui ne donne pas la possibilité de lancer, dans l'immédiat, de nouvelles opérations d'envergure comme celle de Faverges. Cependant, la réinscription de cette opération sera examinée lors de la préparation du prochain contrat de plan Etat-région.
Pour ce qui concerne le désenclavement du Chablais, j'ai chargé le préfet de la Haute-Savoie, en mars 1998, à la suite de l'annulation du projet de l'autoroute A 400 par le Conseil d'Etat - nous avons tout à l'heure eu l'occasion d'aborder cette question de risque d'insécurité juridique - de conduire une consultation pour rechercher les solutions appropriées, car il faut bien sortir de ce problème d'enclavement.
Une première phase de la consultation, fondée sur une étude intermodale des déplacements dans le Chablais, a permis de faire apparaître les fonctions prioritaires à assurer.
Une deuxième phase a permis de définir un schéma d'aménagement qui recueille le quasi-consensus de la part des élus et des représentants du milieu socio-économique. Cette consultation s'est conclue par une réunion plénière tenue par le préfet le 14 décembre 1998.
Dans le schéma d'aménagement proposé, deux fonctions majeures et prioritaires ont été mises en évidence. Il s'agit, d'une part, d'améliorer le raccordement de l'agglomération de Thonon-les-Bains-Evian vers l'ouest, à la fois sur le réseau autoroutier et sur les réseaux ferroviaires et à grande vitesse. Il s'agit, d'autre part, d'assurer le contournement du pôle Thonon-les-Bains-Evian jusqu'à l'entrée d'Evian.
Une fonction consistant à améliorer la liaison vers l'est avec la Suisse a également été identifiée.
Un nouveau mandat sera donc donné au préfet de la Haute-Savoie aux fins, d'une part, d'intégrer ce schéma dans les autres démarches engagées et, d'autre part, de poursuivre les négociations sur le volet routier avec le conseil général et les collectivités locales de la Haute-Savoie. Ce mandat permettra de rechercher des cofinancements et de définir les maîtrises d'ouvrage des opérations d'aménagement.
Enfin - à question longue, réponse longue - vous avez également évoqué l'aménagement de l'autoroute A 41 entre Saint-Julien-en-Genevois et Villy-le-Pelloux.
L'évolution du contexte juridique résultant notamment de l'interprétation du droit communautaire nécessite de procéder à un examen approfondi de tous les termes de la concession et des actes qui l'entourent. C'est à cet examen attentif que procède actuellement le Gouvernement.
Le lancement en grande masse des travaux suppose au préalable que la concession soit officiellement formalisée par la publication du décret approuvant le cinquième avenant relatif à l'autoroute A 41. C'est pourquoi, par lettre du 28 mai 1998, j'ai demandé au président de la Société des autoroutes et tunnel du Mont-Blanc d'attendre l'issue de cette procédure avant de poursuivre les travaux de cette autoroute.
Ces mesures de précaution ne signifient en aucune manière, je vous le confirme, monsieur le sénateur, l'abandon du projet, dont le principe n'est pas remis en cause.
M. Jean-Claude Carle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je tiens à remercier M. le ministre des réponses qu'il a bien voulu nous apporter sur des questions à la fois complexes et précises.
Je salue sa volonté de ne pas retarder les choses, en souhaitant simplement que cette volonté se traduise très rapidement dans les faits. C'est que, monsieur le ministre, ces dossiers sont vitaux pour la Haute-Savoie. Si notre département est l'un des plus dynamiques du point de vue économique, c'est aussi parce que nous avons su le doter d'axes de communication performants. Or, mais vous le savez mieux que quiconque, être à l'écart des grands axes de communication, c'est aussi être à l'écart du développement économique, et donc de l'emploi.

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