Séance du 18 mai 1999







M. le président. La parole est à M. Besse, auteur de la question n° 491, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Roger Besse. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'impérieuse nécessité qu'il y a à relever le défi impérieux de l'installation des jeunes agriculteurs.
C'est un problème que vous connaissez bien. Les jeunes agriculteurs ont fait, avec leurs aînés, le choix des hommes, celui d'avoir des exploitations familiales, à taille humaine et réparties harmonieusement sur l'ensemble du territoire.
Pour établir les meilleures conditions de passage de témoin entre aînés et jeunes agriculteurs, il convient de réfléchir avec réalisme et pragmatisme à cette transmission d'exploitation, obstacle majeur de l'installation.
En ce qui concerne le contrôle des structures, une importante difficulté persiste. Il s'agit de la transparence des groupements agricoles d'exploitation en commun, les GAEC, notamment pour l'obtention de l'indemnité spéciale de montagne.
Vous le savez, monsieur le ministre, l'octroi de cette indemnité dépend de la réglementation communautaire. Les parlementaires nationaux ne sont pas consultés, cette question ne relevant pas du domaine de la loi.
Pour obtenir la « transparence GAEC », autrement dit autant d'aides qu'il y a d'associés dans le groupement, obligation est faite d'un apport de foncier. A titre d'exemple, dans mon département, le Cantal, les jeunes qui s'installent doivent acquérir obligatoirement 10,5 hectares, soit une demi-surface minimum d'installation.
Cette réglementation a pour conséquence une lourde pression sur le foncier, dont les prix ont fortement augmenté depuis la mise en place de cette mesure. Il s'agit, là, à l'évidence, d'un frein à l'installation des jeunes agriculteurs, qui se livrent tout naturellement à une surenchère malsaine au moment de leur installation. Les prix flambent artificiellement, et ce sont les plus forts qui imposent leur loi aux plus faibles. La solidarité paysanne en est gravement affectée.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir préciser les mesures que vous entendez prendre afin que l'indemnité spéciale de montagne prenne réellement en compte la situation de chaque exploitation agricole et soit un véritable outil de développement et d'aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, les aides structurelles à l'élevage telles que les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, ont vocation à compenser les déséquilibres des structures de production. Ainsi, les indemnités spéciales de montagne, les ISM, concernent les exploitations qui sont situées dans des zones qui subissent des handicaps liés aux conditions géographiques de pente et d'altitude spécifiques aux zones de montagne.
Le versement aux GAEC des aides publiques, dont les ICHN et les ISM, s'effectue selon le principe de transparence, en application de l'article L. 323-13 du code rural. Ce principe admet que les associés de GAEC ne sauraient se trouver dans une situation économique moins favorable que celle des autres chefs d'exploitation.
Ainsi, peuvent bénéficier d'un plafond d'unités primables à l'ICHN chaque associé d'un GAEC, pour autant qu'il soit chef d'exploitation, ainsi que tout nouvel associé entrant dans un GAEC en apportant une exploitation autonome préexistante dotée d'au moins la moitié de la surface minimum d'installation.
Cette dernière condition est en cohérence avec le principe de transparence, dans la mesure où un associé entrant dans un GAEC sans y apporter une exploitation n'aurait pu personnellement bénéficier de l'indemnité en dehors du groupement. La réglementation communautaire reconnaît d'ailleurs difficilement la spécificité des GAEC qui, comme vous le savez, monsieur le sénateur, n'existent qu'en France. Elle considère que toute personne physique ou morale, de même que tout groupement de personnes physiques ou morales, ne peut constituer qu'un seul et unique « producteur ».
Lors de la mise en place de la réforme de la PAC de 1992, le gouvernement français avait donc dû négocier, très difficilement d'ailleurs, une dérogation à cette définition pour les GAEC. Celle-ci avait pu être finalement obtenue, sous réserve que la multiplication des seuils pour ces groupements ne puisse en aucun cas permettre de valoriser des scissions fictives d'exploitations.
Dans certaines situations où l'accès au foncier est difficile et où l'entrée d'un jeune dans la profession agricole s'effectue dans un GAEC aux dimensions déjà importantes, l'obligation faite au nouvel associé d'apporter au groupement une exploitation préexistante pour doter celui-ci d'un plafond d'indemnité supplémentaire peut se révéler inutile, voire nuisible. C'est la raison pour laquelle les règles d'accès aux aides à l'installation ont été modifiées en 1998 par la suppression de la condition d'augmentation physique de consistance lors de l'arrivée d'un jeune dans une société.
Ces considérations sont prises en compte dans la réflexion en cours sur les conditions d'attribution des ICHN aux GAEC. Mais, dans le souci de ne pas susciter l'entrée dans des GAEC de jeunes agriculteurs qui seraient placés dans une situation de faiblesse vis-à-vis des autres associés, il serait opportun qu'en préalable à toute modification de la réglementation un consensus soit acquis sur la nécessité que les jeunes agriculteurs en cause soient dotés par les autres associés de ces groupements de droits personnels sur le foncier à hauteur d'au moins une demi-surface minimum d'installation.
Cet accord « jeunes-aînés » constituerait la meilleure garantie pour faire progresser ce dossier conformément à l'esprit propre aux GAEC, dont il convient en tout état de cause de préserver la spécificité.
Afin de relancer la politique de montagne avec le souci de mieux équilibrer la répartition des aides publiques sur notre territoire en faveur des zones les plus difficiles, un groupe de travail sur la politique agricole de la montagne mis en place en début d'année, doit examiner toutes les dispositions visant à relancer l'agriculture de montagne. Ce groupe est chargé de faire le point sur les mesures de compensation des handicaps, sur la place accordée aux dispositifs de soutien à l'agriculture de montagne dans les prochains contrats Etat-régions et sur le développement des politiques de qualité et d'identification des produits de montagne.
Enfin, vous le savez, monsieur le sénateur, la loi d'orientation agricole, dont nous allons débattre à nouveau ici même cet après-midi, créera un nouvel outil dont les éleveurs de montagne pourront se saisir pour passer un contrat avec l'Etat. Il s'agit du contrat territorial d'exloitation, le CTE, qui a pour ambition de tenir compte de la multifonctionnalité de l'agriculture.
Les éleveurs de montagne sont invités à s'intégrer, dès la fin de cette année, dans ce dispositif, qui se met en place et que je crois parfaitement adapté à leur situation.
M. Roger Besse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse. Monsieur le ministre, je vous remercie de la réponse extrêmement argumentée et circonstanciée que vous venez d'apporter à une question très technique.
Je la relirai, bien sûr, avec la plus grande attention et je la transmettrai à mes interlocuteurs, qui ne manqueront pas d'être extrêmement intéressés.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Guy Allouche.)