Séance du 1er juin 1999







accords avec l'italie relatifs à la coopération transfrontalière et aux personnes en situation irrégulière

Adoption de deux projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 162, 1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière [Rapport n° 381 1998-1999).]
- et du projet de loi (n° 357, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification d'un accord entre la République française et la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (ensemble une annexe). [Rapport n° 381 1998-1999)].
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces deux projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui au vote de votre assemblée deux projets de loi relatifs à la coopération franco-italienne, l'un concernant la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, l'autre la réadmission des personnes en situation irrégulière.
Ces accords s'inscrivent dans le cadre de la politique européenne en matière de libre circulation des personnes. Initiée sur la base de la convention de Schengen, cette politique deviendra progressivement une véritable politique commune puisque les dispositions de la convention de Schengen ont été introduites dans les traités à Amsterdam.
L'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière a pour objectif de renforcer la coopération entre les autorités et les services de police et de douane afin de prévenir les menaces à la sécurité et à l'ordre public et de lutter plus efficacement contre la criminalité, notamment dans le domaine de l'immigration irrégulière et des trafics illicites.
En effet, l'article 39 de la convention d'application de Schengen impose aux Etats parties un devoir d'assistance entre leurs services de police aux fins de la prévention et de la recherche de faits punissables. Il précise que, dans les régions frontalières, la coopération peut être réglée par des arrangements entre les ministres compétents des parties contractantes et souligne que les dispositions de cet article ne font pas obstacle aux accords bilatéraux plus complets présents et futurs entre parties contractantes ayant une frontière commune.
Afin de développer la coopération policière avec les Etats membres voisins et parties aux accords de Schengen, la France a donc engagé des négociations en juillet 1997 dans la perspective de la mise en vigueur de la convention d'application de l'accord de Schengen en Italie. La forte volonté politique de nos deux pays d'aboutir rapidement dans un domaine essentiel a permis la signature de l'accord par les ministres de l'intérieur des deux pays, dès le 3 octobre 1997 à Chambéry, lors d'un sommet franco-italien.
Cet accord permettra aux services de police et de douane, au sein de centres communs, de procéder très largement et rapidement à des échanges d'informations, ainsi qu'à la réadmission de ressortissants d'Etats tiers, et d'organiser la coordination des mesures conjointes de surveillance dans les zones frontalières respectives. Les sites retenus pour accueillir ces centres de coopération policière et douanière sont Vintimille et Modane.
Police et douane pourront aussi coopérer directement, en veillant à coordonner leurs actions communes dans la zone frontalière, en recueillant et échangeant des informations en matière policière et douanière. Des agents de ces services pourront être détachés en tant que fonctionnaires de liaison auprès de l'autre partie dans le cadre de l'accord.
Ainsi, cet accord complète utilement les dispositions de la convention d'application de Schengen. Etant donné le rôle de l'Italie au niveau européen et l'importance stratégique de la frontière franco-italienne, cet accord est d'un intérêt considérable pour la France : il facilitera la coopération et l'échange d'informations dans plusieurs domaines importants.
La Haute Assemblée a souhaité joindre à la présentation de ce texte l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière.
La France et l'Italie étaient jusqu'à présent liées par un accord du 6 décembre 1990 relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, qu'il s'agisse des ressortissants des deux pays ou des ressortissants d'Etats tiers. L'application de cet accord a mis en lumière certaines imperfections.
Aussi les gouvernements français et italien ont-ils négocié et signé un nouvel accord à Chambéry, le 3 octobre 1997. Il vise à organiser le retour sur le territoire de l'un des deux Etats parties, après accord entre les autorités chargées des contrôles aux frontières, de tout ressortissant de l'Etat requis ou d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de l'Etat requérant. Il organise aussi le transit sur le territoire de l'Etat requis d'un ressortissant d'un Etat tiers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.
L'accord énumère les documents permettant de prouver la nationalité des ressortissants italiens et français et ceux qui permettent de la présumer. Lorsque les éléments de présomption s'avèrent insuffisants, les autorités consulaires compétentes ont la possibilité de procéder à l'audition de la personne à éloigner dans un délai de trois jours à compter de la demande de réadmission afin qu'un laissez-passer puisse être émis durant le délai légal de la rétention administrative.
La réadmission des ressortissants d'Etats tiers en situation irrégulière peut intervenir directement entre autorités frontalières dans les deux cas suivants : lorsqu'il est établi qu'ils ont séjourné ou transité sur le territoire de l'Etat requis ou lorsqu'il apparaît qu'ils disposent d'une autorisation de séjour en cours de validité délivrée par l'Etat requis. Cette disposition constitue une rupture avec l'accord précédent, qui exigeait, dans la majorité des cas, la consultation des autorités centrales.
L'accord de Chambéry comporte également certaines dispositions novatrices relatives au transit aérien ou terrestre pour l'éloignement des ressortissants d'Etats tiers. Il prévoit ainsi la possibilité de faire assurer l'escorte de l'étranger sur le territoire de l'Etat requis par des agents de l'Etat requérant placés sous l'autorité des services compétents de l'Etat requis.
Ainsi, comme vous le voyez, ces accords doivent être considérés comme faisant partie d'un dispositif d'ensemble plus large, dont l'objectif, conformément au traité d'Amsterdam, est bien de mettre en place un espace de sécurité, de liberté et de justice. Ces trois dimensions fondamentales, qui vont donner lieu, pour la première fois, à un Conseil européen à Tampere, sous la présidence finlandaise, sont indissociables et leur mise en oeuvre doit progresser de manière équilibrée.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière et l'accord relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signés par la France et l'Italie à Chambéry, le 3 octobre 1997, qui font l'objet des projets de loi aujourd'hui soumis à votre approbation, répondent pleinement à cette préoccupation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des deux accords signés entre la France et l'Italie pourrait, à première vue, s'inscrire dans une procédure de tradition consistant à renouveler périodiquement les traités ou conventions qui, depuis plus d'un siècle, rythment les relations aux frontières entre nos deux pays.
En réalité - vous l'avez souligné, monsieur le ministre - ces accords s'inscrivent dans le cadre nouveau défini par la nouvelle organisation de circulation aux frontières prévue par les accords de Schengen, qui ont entièrement réformé les conditions de contrôle aux frontières.
A l'évidence, les deux textes soumis à notre approbation ainsi, d'ailleurs, que les deux accords suivants, que j'aurai l'honneur de rapporter tout à l'heure, doivent être analysés sous un éclairage nouveau, en prenant en compte, d'une part, la profonde évolution des droits de contrôle aux frontières, d'autre part, la responsabilité nouvelle des Etats engagés dans un dispositif intégré concernant l'ensemble de l'espace européen.
Je rappellerai d'abord que l'accord de Schengen, signé en 1985, et dont les modalités de mise en oeuvre ont été précisées par la convention d'application du 19 juin 1990, a procédé à deux modifications fondamentales qui éclaireront la totalité des accords que nous serons appelés à passer dans les années à venir : d'une part, la suppression des contrôles fixes aux frontières intérieures des Etats signataires et, d'autre part, le report de ces contrôles aux frontières extérieures communes avec les Etats non adhérents. Les accords de Schengen ont ainsi donné naissance à deux notions inédites : les frontières intérieures et les frontières extérieures.
En l'occurrence, nous sommes dans le cadre des frontières intérieures pour l'examen des deux conventions franco-italiennes et de la convention franco-allemande. En revanche, la convention franco-suisse se situe dans un cas de figure totalement différent dans la mesure où la France a une frontière extérieure avec ce pays.
S'agissant des frontières intérieures, vous l'avez souligné, monsieur le ministre, la suppression des contrôles fixes ne doit en aucun cas affaiblir la sécurité des Etats. C'est pourquoi la convention de Schengen avait, pour la première fois, prévu un certain nombre de règles communes en matière de lutte contre la criminalité et, dans les articles 31 et 39, le renforcement de la convention policière bilatérale sur la base d'« arrangements » ou d'« accords bilatéraux » entre les parties contractantes ayant une frontière commune. Les deux accords franco-italiens que nous examinons s'inscrivent dans ce cadre, l'Italie ayant été autorisée à mettre en oeuvre la convention de Schengen le 26 octobre 1997.
L'Italie s'est vu attribuer, de ce fait, une responsabilité particulière à ses propres frontières puisqu'elle est devenue, du même coup, gardienne de la frontière extérieure commune des treize Etats signataires des accords de Schengen. Dès lors, l'application des accords qui nous sont soumis dépendra, dans une certaine mesure, de la contribution que l'Italie pourra apporter au contrôle de l'immigration à ses frontières, essentiellement sur ses côtes, particulièrement perméables à l'immigration clandestine, nous le savons.
L'Italie a été durablement et fortement marquée par une tradition d'émigration. En fait, l'immigration constitue pour ce pays un problème nouveau, qui ne se pose vraiment que depuis les deux dernières décennies.
Cette mutation sociologique et économique explique, d'une part, la relative indulgence dont l'immigration irrégulière a bénéficié en Italie et, d'autre part, l'inadaptation de beaucoup des procédures et de certains des comportements administratifs vis-à-vis de cette question nouvelle. Certes, l'Italie a adopté en février 1998 une nouvelle loi-cadre en matière d'immigration, mais les habitudes, les traditions sont longues à changer.
J'en veux pour preuve les opérations massives de régularisation d'étrangers clandestins auxquelles l'Italie procède périodiquement. Ainsi, le dernier mouvement de régularisation a porté sur 250 000 clandestins sans que la moindre concertation ait été entreprise au sein de l'Union européenne, alors que cette décision a des effets durables sur l'ensemble de l'espace Schengen, auquel l'Italie a tant désiré adhérer.
La situation italienne soulève d'autant plus d'inquiétude que l'Italie doit assurer la surveillance d'une frontière maritime de quelque 8 000 kilomètres et qu'elle est soumise à une pression migratoire très forte en provenance du Maghreb et des Balkans. Il n'est pas nécessaire ici d'insister sur les répercussions de la crise du Kosovo, qui pèseront de manière durable sur les mouvements migratoires vers l'Italie et l'Union européenne.
L'accord de coopération transfrontalière et l'accord de réadmission paraissent, dans ce contexte, tout à fait opportuns. Ils permettrront de renforcer la sécurité sans compromettre le principe de libre circulation sur notre frontière intérieure.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif de ces deux textes, que vous avez déjà présenté, monsieur le ministre. Je relèverai simplement, pour m'en réjouir, que l'accord de coopération s'inscrit dans une nouvelle conception de la surveillance des frontières, conception que, pour ma part, j'ai défendue dès la mise en oeuvre des accords de Schengen. Il s'agit de substituer aux contrôles fixes linéaires, supprimés par Schengen, un système plus efficace de contrôles aléatoires sur une bande élargie de part et d'autre de la frontière. On créera ainsi une zone d'insécurité pour les clandestins, ce qui est le meilleur gage de notre sécurité intérieure.
Les centres de coopération policière et douanière de Vintimille et de Modane sont-ils à la mesure des besoins ? L'avenir le dira. En tout état de cause, c'est là un début et sans doute le moyen de rapprocher progressivement deux politiques qui, en matière d'immigration, se rattachent jusqu'ici à des traditions profondément différentes.
Les deux accords ont pour mérite de préciser les procédures de concertation, d'interventions communes et renforcer ainsi notre coopération. Ils permettent surtout d'inscrire cette coopération dans un système plus efficace et plus adapté aux réalités de l'immigration dans le contexte créé par la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne.
C'est pourquoi la commission vous propose, mes chers collègues, l'adoption de ces deux projets de loi tout en rappelant cependant que la signature d'accords bilatéraux ne doit pas nous exonérer d'entreprendre, à l'échelle de l'Union européenne, une véritable réflexion sur les objectifs communs et les moyens que les Etats sont prêts à mettre en oeuvre pour faire face à la question de l'immigration, qui risque de se poser, vous le savez, monsieur le ministre, avec une acuité plus grande encore dans les années à venir.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

PROJET DE LOI N° 162

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 162.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
La parole est à M. Lesbros pour explication de vote.
M. Marcel Lesbros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais saisir l'occasion de l'examen de ce projet de loi, que j'approuve sans réserve, pour évoquer un aspect particulier de la coopération et les relations franco-italiennes.
Je représente un département frontalier, les Hautes-Alpes, qui entretient avec l'Italie, notamment la région de Turin, des rapports à la fois commerciaux et amicaux très importants. Cela explique que les habitants de mon département aient particulièrement à coeur le problème des communications avec l'Italie. Je me permets de profiter de votre présence au Sénat, monsieur le ministre, pour l'évoquer ce matin.
A l'unanimité, les élus du département - parlementaires, conseillers généraux et maires - ont demandé que soit réalisée une étude portant sur une percée alpine sous le mont Genèvre.
Je m'en suis entretenu avec M. Gayssot et je souhaite que, en tant que ministre délégué chargé des affaires européennes, vous puissiez appuyer notre demande.
Les relations avec un pays passent, au premier chef, par l'établissement d'un système de communications et, dans cette région de montagne, nous considérons qu'une percée ferroviaire sous le mont Genèvre est, à cet égard, indispensable.
Pour avoir rencontré à plusieurs reprises la présidente de la région de Turin, je crois pouvoir dire que le Gouvernement italien serait également favorable à un tel équipement.
Ce projet a aussi reçu le soutien de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Nous avons d'ailleurs la volonté d'inscrire en priorité dans le XIIe Plan, qui est en cours de préparation, les études relatives à cette percée ferroviaire.
Partisan d'une coopération de plus en plus poussée entre les deux pays amis que sont la France et l'Italie, je serais très heureux de vous voir nous apporter votre appui pour que, au-delà du rapprochement entre nos deux peuples, soient en outre approfondies les relations économiques franco-italiennes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Jean-Luc Bécart. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

PROJET DE LOI N° 357

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 357.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation d'un accord entre la République française et la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (ensemble une annexe), signé à Chambéry le 3 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

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