Séance du 2 juin 1999







M. le président. « Art. 14. _ I. _ L'article L. 243-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 243-4. _ Le paiement des cotisations et des majorations et pénalités de retard est garanti pendant un an à compter de leur date d'exigibilité, par un privilège sur les biens meubles du débiteur, lequel privilège prend rang concurremment avec celui des gens de service et celui des salariés établis respectivement par l'article 2101 du code civil et les articles 128 et 129 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. »
« II. _ L'article L. 652-3 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 652-3 . _ Lorsqu'ils sont munis d'un titre exécutoire au sens de l'article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, les organismes d'assurance maladie et maternité et les caisses d'assurance vieillesse des professions non salariées non agricoles habilités à décerner la contrainte définie à l'article L. 244-9 peuvent, au moyen d'une opposition, enjoindre aux tiers dépositaires, détenteurs ou redevables de sommes appartenant ou devant revenir au débiteur, de verser au lieu et place de celui-ci, auxdits organismes, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à concurrence des cotisations et des majorations et pénalités de retard bénéficiant du privilège prévu à l'article L. 243-4 ou ayant donné lieu à une inscription de privilège dans les conditions prévues à l'article L. 243-5.
« L'opposition motivée est notifiée au tiers détenteur et au débiteur par le directeur de l'un des organismes mentionnés à l'alinéa précédent. Elle affecte, dès réception par le tiers, les sommes faisant l'objet du titre exécutoire au paiement desdites cotisations et majorations et pénalités de retard, quelle que soit la date à laquelle les créances, même conditionnelles ou à terme, que le débiteur possède à l'encontre du tiers deviennent exigibles. L'opposition emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 précitée à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée. Lorsqu'une personne est simultanément destinataire de plusieurs oppositions établies au nom du débiteur, elle doit, en cas d'insuffisance des fonds, exécuter ces demandes en proportion de leurs montants respectifs.
« L'opposition peut être contestée devant le juge de l'exécution, par le débiteur ou par le tiers détenteur, dans le mois suivant sa notification. Le paiement est différé pendant ce délai, et le cas échéant jusqu'à ce qu'il soit statué, sauf si le juge autorise le paiement pour la somme qu'il détermine.
« Sont en outre applicables les articles 24, 44 et 47 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 précitée.
« Les présentes dispositions ne sont pas applicables aux sommes dues par le tiers détenteur au titre des rémunérations qui ne peuvent être saisies que dans les conditions et selon la procédure prévues par les articles L. 145-1 et suivants du code du travail.
« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »
« III. _ Le premier alinéa de l'article L. 242-11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article L. 652-3 sont applicables au recouvrement de ces cotisations par les organismes visés à l'article L. 213-1. »
« IV. _ Au V de l'article L. 136-5 du même code, le 2° devient le 3° et il est inséré un 2° ainsi rédigé :
« 2° Des dispositions de l'article L. 652-3 pour ce qui concerne le recouvrement, par les organismes visés à l'article L. 213-1, de la contribution prévue à l'article L. 136-3 et, par les caisses de mutualité sociale agricole, de la contribution prévue à l'article L. 136-4 ; ».
« V. _ Le premier alinéa de l'article 1143-2 du code rural est ainsi rédigé :
« Les caisses de mutualité sociale agricole sont chargées du recouvrement des cotisations et des majorations et pénalités de retard dues au titre des régimes de protection sociale agricole dont elles assurent l'application. »
« VI. _ Le 3° de l'article 1143-2 du code rural est abrogé.
« VII. _ Au troisième alinéa de l'article 1143-2 du code rural, les mots : "ainsi que des pénalités de retard" sont remplacés par les mots : "ainsi que des majorations et pénalités de retard".
« VIII. _ A l'article 1143-5 du code rural, après les mots : "au paiement des cotisations", sont insérés les mots : ", des majorations et pénalités de retard".
« IX. _ Dans le code rural, il est inséré un article 1143-7 ainsi rédigé :
« Art. 1143-7 . _ Lorsqu'elles sont munies d'un titre exécutoire, au sens de l'article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, à l'encontre des employeurs de main-d'oeuvre agricole ou des personnes physiques non salariées agricoles, les caisses de mutualité sociale agricole habilitées à décerner la contrainte définie à l'article 1143-2 peuvent, au moyen d'une opposition, enjoindre aux tiers dépositaires, détenteurs ou redevables de sommes appartenant ou devant revenir au débiteur, de verser au lieu et place de celui-ci, auxdits organismes, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à concurrence des cotisations et des majorations et pénalités de retard au titre des régimes de protection sociale agricole bénéficiant du privilège ou ayant donné lieu à une inscription de privilège, en application de l'article 1143-5.
« L'opposition motivée est notifiée au tiers détenteur et au débiteur par le directeur de l'organisme. Elle affecte, dès réception par le tiers, les sommes faisant l'objet du titre exécutoire au paiement desdites cotisations, majorations et pénalités de retard, quelle que soit la date à laquelle les créances, même conditionnelles ou à terme, que le débiteur possède à l'encontre du tiers deviennent exigibles. L'opposition emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 précitée à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée. Lorsqu'une personne est simultanément destinataire de plusieurs oppositions établies au nom du débiteur, elle doit, en cas d'insuffisance des fonds, exécuter ces demandes en proportion de leurs montants respectifs.
« L'opposition peut être contestée devant le juge de l'exécution, par le débiteur ou par le tiers détenteur, dans le mois suivant sa notification. Le paiement est différé pendant ce délai, et le cas échéant jusqu'à ce qu'il soit statué, sauf si le juge autorise le paiement pour la somme qu'il détermine.
« Sont en outre applicables les articles 24, 44 et 47 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 précitée.
« Les présentes dispositions ne sont pas applicables aux sommes dues par le tiers détenteur au titre des rémunérations qui ne peuvent être saisies que dans les conditions et selon la procédure prévues par les articles L. 145-1 et suivants du code du travail.
« Les organismes visés à l'article 1106-9 disposent de la même procédure d'opposition à tiers détenteur et sous les mêmes conditions que les caisses de mutualité sociale agricole pour le recouvrement des cotisations prévues aux articles 1106-6 et suivants ainsi que des majorations et pénalités de retard.
« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 14 est pratiquement aussi compliqué que l'article 13. Si nous avons débuté l'examen des articles sur un rythme de plus de douze amendements à l'heure, nous avons, de toute évidence, changé de braquet en examinant l'article 13. Je crains qu'il n'en soit de même pour l'article 14.
En effet, celui-ci a suscité un émoi tout à fait compréhensible. Nous avons tous reçu un courrier considérable dans les deux sens : certains s'exprimant contre l'article 14, en arguant d'un non-respect des droits de la défense ; d'autres, comme les organismes d'assurance vieillesse des non-salariés, expliquant la raison d'être d'un tel dispositif.
Bref, pour simplifier, je dirai qu'il y a, d'un côté, les huissiers et les professions libérales et, de l'autre, l'ORGANIC et la CANCAVA, qui représentent les artisans et les commerçants et les mêmes professions libérales ; la situation est donc pour le moins compliquée !
J'avoue avoir été, au départ, fortement tenté de proposer la suppression de l'article 14, car je ne comprenais pas que, sous prétexte que, dans certains départements, une organisation comme la CDCA imposait des méthodes terroristes qui gênaient le travail des huissiers - que j'ai auditionnés parmi les premiers - on crée un droit d'exception.
Pour essayer de raisonner au-delà des passions, je rappellerai que la procédure d'opposition à tiers détenteur, pour recouvrer les cotisations impayées des non-salariés, existe déjà. Instituée par une loi de 1991, elle était une réponse aux agissements du CDCA.
Toutefois, jusqu'à présent, cette procédure a été peu utilisée, dans la mesure où elle est discutable d'un point de vue juridique. Il n'en demeure pas moins que, si nous supprimions l'article 14, nous resterions dans le cadre de l'ancienne procédure figurant à l'article L. 652-3 du code de la sécurité sociale actuellement en vigueur.
Quel est le changement apporté par la nouvelle procédure proposée à l'article 14 ?
L'opposition à tiers détenteur n'interviendrait qu'une fois l'organisme de sécurité sociale muni d'un titre exécutoire, c'est-à-dire soit d'une contrainte non frappée d'opposition, valant jugement après un certain délai, soit d'une décision de justice, en cas de contestation de la contrainte.
Cette nouvelle procédure d'opposition à tiers détenteur serait la troisième étape d'un long parcours, la première étape étant la mise en demeure, la deuxième, la contrainte, et la troisième, soit la saisie-attribution, soit l'opposition à tiers détenteur. Le débiteur pourrait contester à tout moment la décision de l'organisme de sécurité sociale et bénéficierait d'un juge, le tribunal des affaires de sécurité sociale, juge d'appel, juge de cassation. Même parvenu au stade de l'opposition à tiers détenteur, il aurait un mois pour contester la décision devant le juge de l'exécution.
J'ai, comme les caisses des non-salariés, qui nous ont fait parvenir des courriers et dont j'ai auditionné les représentants, une « lecture partenariale » de l'article 14. La procédure proposée resterait une procédure spécifique, qui s'ajouterait et ne se substituerait pas à la procédure de droit commun. Telle est en tout cas la lecture que je fais de l'article 14. Il n'est pas concevable, à mon sens, que la procédure de droit commun, c'est-à-dire la saisie-attribution, soit supprimée au profit de la procédure d'exception que serait l'opposition à tiers détenteur.
Cette procédure permettrait aux caisses de sécurité sociale de recouvrer leurs cotisations lorsque les circonstances font qu'il n'est pas possible de recourir à la saisie-attribution, et il est évident que le président du conseil de surveillance de l'ACOSS que je suis comprend cette démarche. Elle concernerait seulement les personnes qui se retrouvent en phase finale d'un contentieux : il ne s'agit pas, je le répète, d'utiliser l'opposition à tiers détenteur dès que quelqu'un, volontairement ou involontairement, ne paye plus ses cotisations ! Ce serait absolument intolérable et inadmissible et constituerait une procédure d'exception, à la limite de la légalité.
Certains professionnels de justice, comme les huissiers, se sont émus à la lecture de cet article 14 et, si vous avez pris connaissance des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale, mes chers collègues, vous avez pu constater que le Gouvernement a eu fort à faire avec sa propre majorité à propos de ce même article.
Nous comprenons parfaitement les craintes que peut inspirer un tel texte. En effet, il n'apporte pas toutes les réponses aux questions qui peuvent se poser, dans la mesure où les modalités d'application seront précisées par un décret pris en Conseil d'Etat. Ainsi, de quelle manière le débiteur sera-t-il averti de ses droits ?
Le Gouvernement pourra peut-être nous éclairer sur ce point, en tout cas je l'espère.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bien sûr, monsieur le rapporteur !
M. Charles Descours, rapporteur. En fait, il s'agit d'essayer de concilier deux objectifs.
Le premier objectif répond au souci de mieux assurer le prélèvement des cotisations impayées, afin de ne pas pénaliser ceux qui s'acquittent de leurs contributions sociales car, si on « laisse courir », ceux qui payent paieront en plus pour les mauvais payeurs.
Le second objectif répond à la nécessité d'assurer un certain formalisme, de respecter les règles de droit et de garantir à tous une procédure égale.
La commission des affaires sociales a souhaité - c'est l'objet de l'amendement qu'elle a adopté - que soit prévu, au stade de la contrainte, un plus grand formalisme que la lettre recommandée avec avis de réception, qui peut être source d'insécurité juridique.
La Chambre nationale des huissiers de justice a d'ailleurs commenté cet amendement dans le courrier qu'elle a envoyé le 31 mai et que vous avez probablement reçu : elle trouve que nous n'allons pas assez loin.
Nous pensions être parvenus à un équilibre alors que les différents amendements qui ont été déposés vont dans tous les sens : certains vont au-delà de celui de la commission, d'autres, en revanche, vont dans le sens contraire.
Alors que M. Doublet trouve que la procédure actuelle - pourtant très peu formaliste - est très satisfaisante dans le régime agricole, M. Murat propose de supprimer la nouvelle procédure pour les débiteurs relevant du seul régime des non-salariés.
Quant à M. Franchis, il va nettement plus loin, en proposant de donner plus de contenu à la procédure présentée à l'article 14 en supprimant la référence au privilège.
En tout état de cause, nous devons être particulièrement vigilants aux droits de la défense, qui font partie des droits de l'homme. Un député de la majorité à l'Assemblée nationale a invoqué une atteinte aux droits de l'homme à propos de cet article. Sans aller jusque-là, je pense qu'il faut en effet être vigilant même s'il faut prendre en compte la nécessité de prévoir un recouvrement efficace.
Pour conclure, je formulerai deux regrets : d'une part, le débat qui s'est instauré autour de l'article 14 « pollue » la CMU ; d'autre part, si nous avions bénéficié d'une véritable deuxième lecture, nous aurions certainement pu améliorer davantage le texte qui nous est soumis, et ce dans une plus grande sérénité.
Nous ne dirons jamais assez que l'examen d'un texte réduit à une seule lecture dans chaque assemblée est une stupidité législative et parlementaire. Le Gouvernement a choisi cette procédure, nous l'avons dénoncé et nous continuons à le dénoncer. Sur un article comme celui-ci, qui a suscité bien des passions, on voit qu'il n'est pas possible de tout régler en une seule lecture.
La commission, pour sa part, a adopté une position moyenne. Nous verrons bien, dans la suite des débats, quelle position nous prendrons finalement.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Madame le ministre, je vais peut-être effectivement jouer un rôle perturbateur mais, dans cette discussion qui oppose d'une certaine façon l'administration et les professions libérales, je préfère voir le problème du côté de ces dernières, surtout dans un domaine où les dispositions proposées peuvent avoir des conséquences très graves.
Madame le ministre, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour le dépôt de ce projet de loi et d'avoir ainsi repris le travail entrepris par le gouvernement Juppé autour d'une idée chère aux gaullistes. En effet, même si je ne suis pas d'accord sur certains aspects de ce projet, je pense qu'il va dans la bonne direction. Je tenais à vous le dire publiquement, madame le ministre.
J'ai dit que je n'étais pas d'accord sur tous ses aspects. Il en est ainsi du paragraphe II de l'article 14, qui modifie en profondeur le droit commun des voies d'exécution issu de la loi du 9 juillet 1991.
Au terme de cet article, les directeurs des organismes sociaux tant d'assurance maladie que de vieillesse disposeront du droit de saisir par simple lettre recommandée leurs créances directement sur les comptes bancaires des artisans, commerçants et professions libérales. En d'autres termes, vous permettez ainsi que les créanciers prélèvent eux-mêmes leurs créances sur les comptes bancaires de leurs débiteurs alors que ces derniers doivent effectuer un véritable parcours du combattant pour se faire payer par leurs propres créanciers.
Cette disposition constitue une violation de certains principes fondamentaux de notre système juridique : d'une part, le respect des droits de la défense - droits qui impliquent l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties -, d'autre part, le respect du droit de propriété, dont le Conseil constitutionnel précise que « sa conservation constitue l'un des buts de la société politique ».
Mon collègue Henri de Richemont et moi-même pensons que cet article aboutira à la mise en place d'une pratique contestable pour au moins quatre motifs.
Premièrement, l'Etat, en tant que créancier, dispose déjà d'un privilège extraordinaire puisqu'il peut se créer à lui-même ses propres titres exécutoires sans l'intervention d'un juge. Toutefois, jusqu'à présent, il ne pouvait en aucun cas procéder directement à l'exécution de ses propres titres. Or vous permettez aux organismes sociaux, qui sont des personnes de droit privé, d'émettre le titre et de le recouvrer eux-mêmes, c'est-à-dire d'être juge et partie.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais non !
M. Bernard Murat. Ainsi, vous faites fi du principe général du droit applicable à tout organisme privé selon lequel « nul ne peut se faire justice à soi-même ».
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oh !
M. Alain Gournac. C'est vrai !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, ce n'est pas vrai !
M. Bernard Murat. Deuxièmement, une telle exécution pourrait se faire par simple lettre recommandée. Pour mémoire, la jurisprudence constante de la Cour de cassation rappelle que la sécurité juridique n'est pas pleinement assurée par la « lettre recommandée avec avis de réception », dont la mise en oeuvre fait l'objet d'un abondant contentieux.
En outre, l'utilisation de la lettre recommandée fait disparaître tout rapport humain avec le débiteur saisi, qui doit être parfaitement informé de ses droits. C'est omettre, d'une part, que les relations humaines permettent souvent de désamorcer un litige et, d'autre part, qu'il n'est pas aisé pour tout individu de connaître les voies de recours mises à sa disposition.
Par ailleurs, les praticiens dénoncent la manière dont les lettres recommandées sont distribuées : les signataires des accusés de réception seraient rarement les destinataires effectifs. Justement, samedi dernier, j'ai moi-même trouvé dans ma boîte une lettre recommandée sans que personne, à mon domicile, ait eu à signer un quelconque document prouvant sa réception.
Troisièmement, les organismes sociaux ont les moyens d'accéder aux comptes bancaires de leurs administrés. Le fait qu'ils puissent saisir directement, entre les mains du tiers détenteur - c'est-à-dire dans la quasi-totalité des cas entre les mains d'un banquier -, les sommes dont ils ont déclaré être créanciers constitue une violation du secret bancaire, violation qui remet en cause le droit de propriété garanti à chaque individu par notre Constitution.
C'est pourquoi il faut absolument maintenir le système actuel, qui impose à ceux qui sont en charge de l'exécution de solliciter obligatoirement le procureur de la République pour accéder aux coordonnées bancaires des débiteurs poursuivis.
Alors que le Gouvernement justifie son action par la baisse du chômage, il est paradoxal de constater que ce projet de loi vient fragiliser les pépinières de PME-PMI que constituent les artisans, les commerçants et les professions libérales, qui se sentent de plus en plus pris en otage par une fiscalité et une réglementation excessives.
Enfin, quatrièmement, selon une approche pragmatique, certains organismes justifient cet amendement par « l'inertie des huissiers dans certaines régions particulièrement touchées par les mouvements contestataires de la protection sociale obligatoire ». Sont visés ici les ressortissants de la Confédération de défense des commerçants et artisans. Or cette organisation est en voie d'extinction et 75 à 80 % de ses membres réintègrent le régime général. D'autre part, tous les organismes sociaux ne sont pas en butte aux pratiques de ce syndicat : celles-ci visent seulement les caisses de retraite et les organismes conventionnés pour l'assurance maladie.
Ce motif ne justifie donc pas l'existence d'une procédure exorbitante et dérogatoire du droit commun. Les huissiers n'ont pas à être pénalisés au seul motif que l'Etat, là encore, n'a pas pu ou n'a pas su faire respecter le droit et l'ordre républicain.
En toute indépendance, sans pression d'aucun lobby, nous considérons que le Gouvernement serait bien inspiré de supprimer cette disposition lourde de conséquences, qui constitue une violation flagrante des principes fondamentaux de notre système juridique, comme l'a souligné très justement M. le rapporteur, par ailleurs président de l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Avant que nous n'en venions à l'examen des amendements déposés sur cet article, je souhaite répondre aux questions qui ont été soulevées, notamment par M. Murat.
Il s'agit d'un sujet un peu complexe sur le plan juridique, mais j'ai le sentiment, en vous proposant cet article, de répondre à une préoccupation largement partagée dans tous les groupes politiques et qui a d'ailleurs été fréquemment évoquée dans la discussion générale.
Cette préoccupation vise la lutte contre la fraude, contre ceux qui tentent d'abuser de notre système de solidarité. Une telle préoccupation, selon moi, a trait à la citoyenneté.
Bien sûr, on peut défendre une profession, celle des huissiers de justice, mais on ne saurait prétendre soutenir l'ensemble des professions libérales à travers la remise en cause de cet article, qui répond au demeurant à une demande très forte des caisses des non-salariés : je tiens à votre disposition les nombreux écrits de l'ORGANIC et de la CANCAVA qui nous demandent de les aider à lutter contre les fraudeurs et les mauvais payeurs.
Bien entendu, le problème ne se pose pas pour les salariés puisque leurs cotisations sont payées directement par les entreprises. Il en va autrement pour les travailleurs indépendants, et l'institution de la CMU accroît le risque de non-paiement des cotisations, car, même dans un tel cas, le droit au versement des prestations ne sera pas remis en cause. Certains pourraient évidemment être tentés d'en profiter.
Si nous voulons soutenir les professions libérales, nous devons d'abord soutenir leurs caisses et défendre les intérêts de la très grande majorité des membres des professions libérales qui, eux, acquittent leurs cotisations. Alors, qu'on ne nous dise pas défendre les professions libérales en demandant la suppression de cet article ! On défend en fait ceux qui vont peut-être perdre une part de leur chiffre d'affaires !
Je l'ai dit, la CMU entraîne une « déconnexion » entre le paiement des cotisations et le versement des prestations : si un travailleur indépendant ne paie pas ses cotisations, cela n'entraînera pour lui et pour sa famille aucune interruption du versement de ses prestations, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels de mauvaise foi avérée, que visait le rapporteur dans un amendement à l'article 6 que le Sénat a adopté avec l'accord du Gouvernement.
Cette déconnexion peut entraîner des problèmes de recouvrement pour des régimes qui, dans certaines régions, sont chahutés par des mouvements contestataires. Cette attention nécessaire aux régimes de non-salariés est, je l'espère, partagée dans la quasi-totalité de cet hémicycle.
Nous avons même des écrits d'huissiers de justice expliquant qu'ils reçoivent des menaces de mort parce qu'ils sont chargés de récupérer des cotisations auprès de membres de professions libérales qui font eux-mêmes l'objet de pressions de la part de ces mouvements pour qu'ils ne paient pas leurs cotisations.
Je note que ce souci est largement partagé puisque des amendements divers, émanant de l'opposition comme de la majorité, ont été déposés pour permettre aux régimes de remplir leur mission de service public.
Par ailleurs, monsieur Murat, la rénovation de la procédure que nous proposons renforce les moyens de recouvrement du régime des non-salariés, certes, mais elle ne retire aucun droit et elle assure une protection tout à fait satisfaisante puisque, à tout moment, le travailleur indépendant concerné pourra aller devant le juge pour contester la décision. Ce n'est qu'une fois que le juge aura tranché que l'opposition pourra être effective.
Par conséquent, on peut soutenir que les huissiers de justice doivent continuer à prélever, mais qu'on ne nous dise pas qu'on porte atteinte aux droits de l'homme - il faut tout de même prendre garde à mesurer ses propos ! - alors que cette nouvelle procédure existe déjà : l'administration fiscale dispose d'une procédure plus rigoureuse encore, celle de l'avis à tiers détenteur qui est tout à fait protectrice.
Nous ne nous passons pas de l'intervention du juge. Au contraire, la procédure n'est dorénavant possible que si toutes les voies de contestation de la créance devant le juge ont été épuisées.
Contrairement à ce que vous affimez, monsieur Murat, nous ne créons pas, pour les organismes, la possibilité de se délivrer un titre exécutoire puisqu'ils ont déjà cette possibilité aujourd'hui.
Il s'agit de mieux articuler la phase de procédure sur le fond, c'est-à-dire la contestation de la créance, et la phase de recouvrement par une action vis-à-vis du tiers détenteur.
Je tiens à expliquer très clairement comment se passeront les choses afin que personne ne puisse penser que les droits de l'homme sont en quoi que ce soit mis en cause dans cet article. L'organisme créancier devra disposer d'un titre exécutoire - c'est déjà le cas aujourd'hui lorsque la dette concerne un travailleur indépendant - avant de procéder à l'opposition, alors que, actuellement, une simple lettre recommandée suffit. Cela signifie que soit le débiteur n'aura pas contesté sa dette devant un tribunal - alors qu'il aura été prévenu de cette opposition - soit qu'il l'aura contestée et que le tribunal lui aura donné tort puisque l'on doit attendre la décision de justice avant de mettre en oeuvre l'opposition.
Par ailleurs, une fois l'opposition déclenchée, alors que le problème au fond a été traité, les sommes sont attribuées à l'organisme créancier, mais le débiteur a un mois pour contester la décision devant le juge, non plus sur le fond mais sur la validité de la procédure.
Il est donc clair que ce recouvrement des créances sociales s'effectue dans des conditions qui respectent le droit de se défendre à tous les moments de la procédure, et qu'il permet à des organismes comme la CANCAVA et l'ORGANIC de pouvoir recouvrer effectivement les sommes qui leur sont dues.
Le projet tend, par conséquent, à instaurer un juste équilibre entre un nouveau droit social que nous mettons en place - l'intangibilité du droit aux prestations maladie - et la défense des organismes sociaux vis-à-vis des mauvais payeurs, lesquels, je le répète, ne représentent qu'une part très limitée des membres des professions libérales. Il n'y a aucune raison de faire peser sur l'ensemble des professions libérales un déficit de leurs organismes qui tiendrait à la difficulté de recouvrer certaines cotisations.
Au demeurant, tout est fait pour garantir les droits des redevables et prendre en considération les problèmes de ceux qui sont vraiment en difficulté. Il existe des caisses d'action sociale qui sont là pour cela.
Bien entendu, on peut être en désaccord, mais au moins que ce soit pour de vraies raisons.
Ce texte est protecteur pour les professions libérales, car il assure le recouvrement des cotisations, alors même qu'elles connaissent aujourd'hui de nombreuses difficultés et qu'elles sont demandeuses. Il défend les droits de l'individu puisque l'intéressé peut à tout moment contester l'opposition devant les tribunaux.
Je vous demande donc de bien vouloir entendre cette explication pour que nous puissions aborder les amendements en n'ayant à l'esprit que les vrais problèmes que peut soulever cet article, et non pas de prétendues atteintes aux droits de l'homme ou de prétendues attaques contre les professions libérales. J'ai la conviction que, avec cet article, nous soutenons réellement les professions libérales. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 162 rectifié, MM. Murat et de Richemont proposent de supprimer le II de l'article 14.
Par amendement n° 130, M. Franchis propose, après les mots : « à concurrence des cotisations », de rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte présenté par le II de l'article 14 pour l'article L. 652-3 du code de la sécurité sociale : « et des majorations et pénalités de retard objets du titre exécutoire ».
La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° 162 rectifié.
M. Bernard Murat. Mme le ministre ne sera sans doute pas étonnée si je lui dis qu'elle ne m'a pas convaincu, en particulier sur le fond. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Je comprends parfaitement que le groupe socialiste soit favorable à ce genre de dispositions. Nous n'avons effectivement pas la même sensibilité sur ce plan-là !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est l'inverse !
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le sénateur ?
M. Bernard Murat. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je pense que de vos bancs aussi émanent des amendements qui vont dans le sens de ceux du groupe socialiste et qui visent à défendre réellement les professions libérales, et non pas seulement certains de leurs membres qui ont peur - disons les choses comme elles sont - de perdre une partie de leur chiffre d'affaires ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Murat.
M. Bernard Murat. Je persiste à penser, madame le ministre, que vous êtes dans le droit - fil de la politique du Gouvernement, qui entretient une sorte de procès d'intention permanent à l'endroit des professions libérales, et les représentants de celles-ci le disent. Que cette réalité vous gêne un peu, je le conçois bien volontiers, mais ce n'est pas seulement sur ces travées qu'elle est dénoncée : il suffit d'écouter les représentants des professions libérales.
Avec cette disposition, c'est, qu'on le veuille ou non, un signe fort qui est adressé aux PME et PMI, et il y a là un processus dangereux. Je sais bien que ce processus a la faveur des gouvernements de gauche : à partir du moment où l'on crée des richesses, où l'on produit, où l'on met en oeuvre le principe de libre entreprise, on est nécessairement suspect et tous les moyens possibles sont imaginés pour entraver ce secteur si important de l'économie française.
Eh bien, oui, madame le ministre, sur ce point, nos appréciations divergent. Je comprends et je respecte vos opinions. Je vous demande simplement de bien vouloir accepter et respecter les nôtres.
M. le président. La parole est à M. Franchis, pour défendre l'amendement n° 130.
M. Serge Franchis. Les dispositions de l'article 14 répondent, pour l'essentiel, aux demandes de la CANCAVA et de l'ORGANIC.
Comme Mme le ministre l'a indiqué, ces organismes ont une mission de service public et il faut leur donner les moyens de recouvrer les sommes qui leur reviennent.
Par cet amendement, de nature plutôt technique, il s'agit de conférer une réelle efficacité à l'opposition à tiers détenteur que pourront désormais mettre en oeuvre les organismes sociaux visés par cet article.
Notre proposition présente en outre un avantage pour le débiteur puisque les frais qui s'ajoutent au principal se trouvent réduits.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 162 rectifié et 130 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Ces deux amendements illustrent jusqu'à la caricature les difficultés que j'évoquais tout à l'heure.
L'amendement de notre collègue et ami Bernard Murat traduit l'inquiétude des professions libérales face à la rédaction de cet article telle qu'elle est issue des travaux de l'Assemblée nationale. Quant à celui de M. Franchis, il se veut l'écho des préoccupations de l'ORGANIC et de la CANCAVA.
Au sein de la commission, nous avions pensé trouver une solution susceptible d'apaiser l'émoi qu'a suscité cet article 14. Apparemment, l'amendement que nous avons déposé et que je défendrai tout à l'heure n'a pas encore recueilli l'assentiment général ; en tout cas, il n'a pas provoqué l'apaisement attendu.
Je rappelle que les huissiers de justice, dans la lettre qu'ils m'ont adressée le 31 mai, nous rendent hommage en expliquant que nous allons plutôt dans le bon sens et que nous les rassurons en partie.
L'amendement n° 162 rectifié montre que nous ne sommes pas allés assez loin pour les rassurer tout à fait. Et l'amendement n° 130 va, lui, dans l'autre sens.
Supprimer le paragraphe II, comme le propose M. Murat, ne m'apparaît pas comme la meilleure solution dans la mesure où le système actuellement en vigueur demeurerait. Cependant, je souhaite effectivement que les professionnels libéraux soient tout à fait rassurés. Ne pouvant donner un avis favorable sur l'amendement n° 162 rectifié puisque j'ai déposé un autre amendement, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.
Comme je ne veux surtout pas rendre les professions libérales encore plus inquiètes qu'elles ne le sont aujourd'hui, je ne peux non plus donner un avis favorable sur l'amendement n° 130, et je souhaite que M. Franchis veuille bien le retirer, ce qui m'éviterait d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
En tout cas, par son amendement, M. Franchis apporte la meilleure preuve non seulement que le Gouvernement ne veut pas porter atteinte aux professions libérales mais que d'autres, qui siègent sur les mêmes bancs que M. Murat, souhaitent aller encore plus loin pour rendre cette procédure plus rigoureuse. C'est dire, monsieur Murat, combien vos critiques sont peu fondées !
En vérité, seules deux catégories gagneraient à la suppression de cette disposition : d'une part, les mouvements que l'on pourrait qualifier de « poujadistes », qui appellent à la grève des cotisations et des impôts ; d'autre part, les huissiers de justice, qui risquent de perdre un peu de leur chiffre d'affaires. Toutes les autres catégories de professions libérales, j'en suis convaincue, gagnent à cette rédaction. D'ailleurs la CANCAVA et l'ORGANIC souhaitent que nous la durcissions encore, comme M. Franchis le montre.
Je crois donc que nous sommes parvenus à un bon équilibre. Aussi, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 162 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 130.
M. Serge Franchis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les précisions données tout à l'heure par M. le rapporteur, qui a essayé de trouver une juste voie entre le recours à des procédures d'exception et le maintien du droit commun, puisque les huissiers sont tout à fait habilités à opérer des recouvrements pour le compte de ces caisses.
Je retire mon amendement, tout en soulignant que, dans la mesure où la procédure qui est instituée par le projet de loi va plus loin que celle qui est actuellement en vigueur et qui est inefficace, les caisses verront bien si l'efficacité des nouvelles dispositions est suffisante ou non. Le législateur pourra alors, le moment venu, revoir cette question.
M. le président. L'amendement n° 130 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements présentés par MM. Doublet, César, Gerbaud et François.
L'amendement n° 125 rectifié vise à supprimer le paragraphe VI de l'article 14.
L'amendement n° 126 rectifié tend à supprimer le paragraphe IX de l'article 14.
La parole est à M. Doublet, pour présenter ces deux amendements.
M. Michel Doublet. Mon propos sera bref, puisque M. le rapporteur a présenté tout à l'heure les arguments que je comptais développer.
La suppression des paragraphes VI et IX de l'article 14 permettrait de maintenir la procédure d'opposition à tiers détenteur prévue par le code rural, celle-ci ayant déjà fait la preuve de son efficacité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 125 rectifié et 126 rectifié ?
M. Charles Descours, rapporteur. A la suite de la discussion qui vient d'avoir lieu - et on a vu que le problème était complexe - il nous semble préférable de maintenir la même procédure d'opposition à tiers détenteur pour le régime agricole que pour les régimes des travailleurs non salariés.
Après réflexion, la commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements, essentiellement pour des raisons d'uniformisation de la procédure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 125 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 126 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 10, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter l'article 14 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« X. - L'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale est complété par la phrase suivante : "Elle est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice.". »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je voudrais, pour que cela figure au Journal officiel, souligner que l'amendement de M. Murat a été repoussé par les voix du groupe socialiste !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Et par l'abstention d'autres, dont le rapporteur ! (Sourires.)
M. Charles Descours, rapporteur. Evidemment ! Je me suis rangé à l'avis de la commission, qui s'en était remise à la sagesse de notre assemblée.
M. Claude Estier. Il n'y a donc pas que les voix du groupe socialiste !
M. Charles Descours, rapporteur. Bonjour, monsieur le président Estier ! Je ne vous avais pas vu depuis le début de cette discussion et je suis ravi de pouvoir vous saluer !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, la matinée se terminant, je voudrais, à l'occasion de l'examen de cet amendement, tenter d'apaiser les inquiétudes que nous venons d'évoquer très longuement.
Par cet amendement, la commission des affaires sociales a souhaité que soit prévu, au stade de la contrainte, un plus grand formalisme que la lettre recommandée avec avis de réception, qui peut être source d'insécurité juridique, comme M. Murat l'a très bien dit tout à l'heure.
En effet, pour les débiteurs relevant du régime des non-salariés, la contrainte peut être actuellement soit notifiée par lettre recommandée, soit signifiée, alors qu'elle est déjà obligatoirement signifiée pour les débiteurs relevant du régime général. La procédure pourrait alors se résumer en cas d'absence d'opposition de la part du débiteur à un envoi de lettre recommandée éditée automatiquement par un système informatique.
La commission des affaires sociales, qui a bien pris en compte l'inquiétude des professions libérales sur ce point, propose, au stade de la contrainte, de rendre obligatoire la signification par acte d'huissier de justice. A cet égard, je voudrais adoucir le propos de Mme le ministre aux termes duquel les huissiers de justice ne sont mus que par la chute de leur chiffre d'affaires.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne me suis pas permis de dire cela !
M. Charles Descours, rapporteur. Si, vous l'avez dit ! Mme le ministre fait un signe de dénégation.)
Nous sommes conscients de ce problème. Je rappelle que, par cet amendement, nous donnons la possibilité, notamment aux huissiers, d'intervenir, ce qui rend possible, à un moment qui n'est pas le plus critique, une intervention humaine, qui n'ait pas la froideur d'une mise en cause par pli recommandé sorti automatiquement d'un ordinateur.
Nous avons essayé de rendre compatibles deux objectifs, mais je ne sais pas si nous y sommes parfaitement parvenus.
Le premier objectif, c'est de mieux assurer le recouvrement des cotisations à payer, afin de ne pas pénaliser ceux qui acquittent leur contribution sociale. D'ailleurs, l'amendement que nous avons adopté tout à l'heure à l'article 6 et qui vise à élargir la notion de payeur de mauvaise foi à l'ensemble des régimes devrait rassurer davantage encore les professions libérales.
Le second objectif, c'est d'assurer un certain formalisme et de garantir à tous une procédure égale.
Telles sont les propositions de la commission pour tenter de dépassionner le plus possible le débat.
Comme vous avez pu le constater, des membres de la majorité sénatoriale ont déposé des amendements qui allaient dans les deux sens. Je ne sais pas si le présent amendement aura la vertu de rassembler l'ensemble de la majorité. En tout cas, la commission a compris l'inquiétude des professions libérales. Nous serons évidemment très attentifs à ce que cette procédure ne dérape pas. Nous espérons que cet amendement y contribuera.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour répondre avec un peu d'humour à M. le rapporteur, je dirai que c'est bien la première fois que l'on considère que l'envoi par lettre recommandée n'est pas protecteur, alors que c'est la forme qui est utilisée dans tous les cas où, justement, on souhaite s'assurer que le destinataire reçoit bien la lettre, qu'il soit convoqué par la justice ou soumis à une procédure fiscale.
Personne ne peut donc considérer que cela n'est pas protecteur et que ce formalisme ne permet pas de s'assurer effectivement de la réception de la lettre. En effet, si le destinataire n'a pas signé lui-même l'accusé de réception, c'est comme s'il n'avait pas reçu la lettre. Il s'agit donc vraiment d'une protection.
Je vois bien le souci louable de M. le rapporteur de trouver une solution qui satisfasse tout le monde, et notamment les huissiers de justice en leur assurant quand même quelque chose à faire, à savoir notifier la lettre, mais, franchement, je crois que ce n'est pas sérieux ! Cela alourdirait la procédure pour le débiteur et engendrerait un coût beaucoup plus élevé.
Aussi, je demande le rejet de cet amendement, comme je l'ai d'ailleurs fait à l'Assemblée nationale puisqu'un amendement similaire avait été proposé.
M. Charles Descours, rapporteur. C'était un amendement socialiste !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes, mais quand je ne suis pas d'accord avec une disposition, qu'elle soit présentée par les socialistes ou par la droite, je m'y oppose ! Je m'étais opposée à l'Assemblée nationale à un amendement socialiste ; je m'oppose aujourd'hui au vôtre, monsieur le rapporteur, et ce pour les mêmes raisons.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, pour terminer sur une note qui, elle, n'est peut-être pas humoristique, je dirai que, quand le Parlement vote un texte, il le fait parce qu'il pense que c'est pour le bien du pays.
Ce n'est pas parce qu'il existe un lobby des huissiers de justice que nous votons quelque chose ! Sinon, madame le ministre, lors de la discussion de l'amendement concernant les pharmaciens que présentera demain M. Autain et qui est soutenu par le Gouvernement, je dirai que c'est à cause du lobby des pharmaciens que vous proposez cette disposition. (Sourires.)
M. Alain Gournac. C'est la même chose !
M. Charles Descours, rapporteur. Alors, je vous en prie ! Nous adoptons des textes pour le bien du pays. Nous ne sommes pas plus aux mains du lobby des huissiers de justice que le Gouvernement n'est aux mains du lobby des pharmaciens ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. J'espère que ces échanges aigres-doux ne vont pas vous couper l'appétit, madame le ministre. (Sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oh non ! monsieur le président.
Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. S'agissant des pharmaciens, nous en parlerons demain ! Je ne suis pas le ministre qui, entre les deux tours des élections, a augmenté les marges des pharmaciens ! J'ai retiré cette mesure le lendemain de mon arrivée.
C'est parce que nous avons travaillé depuis un an et demi avec les pharmaciens pour qu'ils participent au redressement de la sécurité sociale et qu'ils acceptent effectivement de substituer des génériques aux médicaments princeps, ce qui rapportera 4 milliards de francs à la sécurité sociale, que, demain, M. Autain proposera une évolution de la profession des pharmaciens permettant de la moderniser et de la reconnaître comme un acteur de la santé.
Ce qui me motive, c'est l'avenir de la sécurité sociale et c'est la reconnaissance du rôle majeur des pharmaciens comme professionnels de la santé. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. Nous aussi !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Nous en discuterons effectivement demain !
Toutefois, je ferai deux remarques. D'abord, vous avez supprimé ce qu'avait fait M. Barrot et vous avez mis un an à le refaire ! Ensuite, s'agissant de l'article 35 du projet de loi, vous savez très bien que l'accord des pharmaciens ne tenait que si vous rédigiez l'amendement que présentera M. Autain. Si ce n'est pas du marchandage, cela y ressemble !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, ainsi modifié.

(L'article 14 est adopté.)

Chapitre III

Dispositions diverses

Article 15