Séance du 2 juin 1999
M. le président.
« Art. 20
bis. _ I. _ Après le premier alinéa de l'article L. 132-27 du
code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises visées à l'alinéa précédent, lorsque les salariés ne
sont pas couverts par un accord de branche ou par un accord d'entreprise
définissant les modalités d'un régime de prévoyance maladie, l'employeur est
tenu d'engager chaque année une négociation sur ce thème. »
« II. _ Dans le dernier alinéa du même article, les mots : "Dans les
entreprises visées à l'alinéa précédent" sont remplacés par les mots : "Dans
ces entreprises". »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 36 est présenté par M. Descours, au nom de la commission des
affaires sociales.
L'amendement n° 114 est déposé par M. Oudin, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Charles Descours,
rapporteur. Ma présentation de l'amendement n° 36, qui vise à supprimer
l'article 20
bis, vaudra également pour l'amendement n° 37, qui tend,
lui, à supprimer l'article 20
ter, ces deux articles ayant pour objet de
rendre incontournable la négociation collective. La commission des finances a
d'ailleurs déposé deux amendements ayant exactement le même objet, ce dont je
la remercie.
Pour ce qui est de l'article 20
bis, il oblige les entreprises de plus
de cinquante salariés non couvertes par un accord collectif définissant les
modalités d'un régime de prévoyance maladie à engager chaque année une
négociation sur ce thème.
L'article 20
ter, quant à lui, prévoit d'inclure les modalités d'accès
à un régime de prévoyance maladie dans les clauses obligatoires des conventions
collectives de branche, afin d'autoriser leur extension. Ces deux articles, me
semble-t-il, ont une portée différente : l'article 20
bis impose la
négociation, mais pas la conclusion d'un accord, tandis que l'article 20
ter
est plus ambigu, puisque la convention - ou l'accord collectif - devra
prévoir des modalités d'accès à un régime de prévoyance maladie pour pouvoir
être étendue.
Toutefois, ces deux articles participent de la même logique. Ils visent à
pallier les défauts du projet de loi, qui, par certains aspects, défavorise les
salariés les moins rémunérés et pourrait décourager la recherche d'un emploi.
La commission considère que cette démarche est inopportune. Obliger les
partenaires sociaux à négocier revient à créer une source de conflits
supplémentaires si la négociation n'aboutit pas. Cette démarche apparaît
particulièrement risquée dans un contexte marqué par une recrudescence des
tensions sociales consécutives à la difficile mise en place de la première loi
sur les 35 heures et à la préparation de la seconde.
La commission considère, dans ces conditions, que le Gouvernement aurait gagné
à lever les obstacles d'ordre fiscal qu'il a lui-même contribué à dresser
devant le développement des régimes de prévoyance, plutôt que de créer des
contraintes supplémentaires pour les entreprises.
Sur ce point, madame la ministre, c'est une véritable divergence de
philosophie que je constate, comme il est d'ailleurs normal, entre la majorité
et l'opposition, et, sans qu'il soit besoin d'épiloguer, je vous propose de
supprimer ces deux articles.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
114.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis. La commission des finances a procédé à la même
analyse des articles 20
bis et 20
ter. Elle n'a pas d'inclination
particulière pour la contrainte et les développements de M. Descours
rencontrent son adhésion la plus totale.
M. Descours nous a dit tout à l'heure qu'il préférait l'incitation fiscale.
Nous aussi. Non par goût particulier, mais parce que c'est notre domaine
d'action, et, par l'amendement n° 116 que j'exposerai après l'article 20
ter, nous proposerons une réduction de la charge fiscale qui pèse sur le
développement de la prévoyance, dispositif à mon sens beaucoup plus efficace
que les mesures de contrainte prévues aux articles 20
bis et 20
ter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 36 et 114
?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement considère que
les articles 20
bis et 20
ter, qui ont d'ailleurs été ajoutés au
projet de loi par l'Assemblée nationale, sont extrêmement intéressants en ce
qu'ils permettent d'encourager le développement de la prévoyance maladie au
sein des entreprises, soit par le biais d'une obligation de négocier, ....
M. Charles Descours,
rapporteur. Drôle d'encouragement qu'une contrainte !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, monsieur le rapporteur :
l'obligation de négocier n'est jamais une obligation de conclure. Je persiste,
pour ma part, à faire confiance aux partenaires sociaux : je n'impose rien, je
propose.
M. Charles Descours,
rapporteur. Oh, ça !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous ne pouvez pas tout à la
fois vouloir conforter - et, sur ce point, je vous approuve - la protection des
adultes handicapés et des personnes âgées, et considérer comme une bonne chose
le fait qu'un grand nombre de salariés ne bénéficient aujourd'hui d'aucun
système de prévoyance maladie, notamment dans les secteurs où le recours au
travail à temps partiel est fréquent et dans les petites et moyennes
entreprises.
D'ailleurs, si nous ne voulons pas que la CMU s'étende à des salariés, par
exemple à des salariés à temps partiel, dans le secteur de la distribution ou
dans celui du commerce et de l'artisanat, nous devons développer la négociation
de branche, qui prendra en compte la couverture complémentaire, et la
négociation d'entreprise.
C'est exactement la philosophie de ces articles, à l'insertion des amendements
auxquels le Gouvernement avait donné un avis favorable. Ils vont dans le sens
d'une généralisation progressive à l'ensemble des salariés de notre pays de la
protection complémentaire, pour en faire, si je puis dire, des salariés à part
entière.
Ces articles vont dans le sens d'une couverture sociale et d'une protection
plus grandes. Par conséquent, je regrette que vous souhaitiez les supprimer.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable aux amendements identiques n°s 36
et 114, comme il le sera aux amendements suivants.
M. Charles Descours,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur. Madame la ministre, nous sommes pour une incitation fiscale,
et non pour la contrainte. Vos explications me font craindre que vous ne
vouliez faire payer la CMU par les entreprises !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Oh ! Quel rapport ?
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 36 et 114.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole contre ces amendements.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Les sénateurs socialistes voteront contre ces amendements qui visent à
supprimer les deux articles additionnels que nous propose l'Assemblée nationale
sur l'initiative du groupe communiste.
Ces articles sont importants parce qu'ils concernent des salariés souvent en
situation de précarité, dont les ressources se situent juste au-dessous du
seuil de 3 500 francs. Mais aussi, et peut-être surtout, ils engagent une
démarche en vue d'étendre la négociation dans les entreprises aux questions de
prévoyance maladie, ce qui, à terme, peut aboutir à une couverture
complémentaire avec éventuellement, de part et d'autre, une contribution.
Ces articles prévoient une obligation de négocier annuellement et n'anticipent
pas sur les conclusions de ces négociations. Ils tendent simplement à
l'universalité de la couverture complémentaire, comme c'est le cas aujourd'hui
pour la complémentaire vieillesse, qui a été acquise par une démarche à peu
près identique.
Cette disposition, de toute évidence, ne plaît pas au MEDEF, le Mouvement des
entreprises de France, qui, par la voix de son président, demande au
législateur de la supprimer.
Selon M. le rapporteur, il est à craindre que cette disposition n'ait des
effets limités compte tenu de la faible implantation des organisations
syndicales dans les PME, qui sont particulièrement concernées par cette
négociation. J'en suis convaincue, la relance de la négociation collective sous
l'effet des discussions sur la réduction du temps de travail, relance que plus
personne ne conteste, à l'exception peut-être de M. le rapporteur qui tenait
des propos différents à l'instant, pourrait être le levier d'une extension de
ce type de négociation à l'ensemble des entreprises.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 36 et 114, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 20
bis est supprimé.
Article 20 ter