Séance du 3 juin 1999
M. le président.
Par amendement n° 214, M. Autain et les membres du groupe socialiste proposent
d'insérer, après l'article 37
unvicies, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Par dérogation à l'article L. 356 du code de la santé publique, les médecins
rapatriés d'Algérie ayant regagné le territoire national à la demande des
autorités françaises sont inscrits à leur demande au tableau de l'ordre des
médecins. »
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Par cet amendement, je souhaite appeler votre attention sur la situation
difficilement supportable dans laquelle se trouve, depuis 1994, quelque 200
médecins français ayant exercé en Algérie et qui ont été rapatriés.
Je rappelle que ces ressortissants français, comme M. Huriet l'a indiqué tout
à l'heure, ont été rapatriés en 1994, à la demande du gouvernement français,
qui ne s'estimait plus en mesure d'assurer leur protection en raison d'une
vague d'attentats du FIS qui visait à cette époque exclusivement les
Français.
Il me paraît particulièrement choquant d'assimiler comme le fait ce texte nos
compatriotes médecins rapatriés d'Algérie à des praticiens étrangers. Comment
peut-on faire obstacle à l'exercice professionnel de personnes revenues sur le
territoire national à la demande, et j'y insiste, des autorités françaises ?
Il convient donc, me semble-t-il, de leur permettre d'exercer sans conditions
leur profession et d'obtenir en conséquence, sur simple demande, leur
inscription au tableau de l'ordre des médecins.
Tel est l'objet de cet amendement, que je défends, bien sûr, au nom du groupe
socialiste. La disposition proposée ne prive pas ces médecins, par ailleurs, du
bénéfice des dispositions du projet de loi.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Huriet,
rapporteur. La commission souhaite préalablement connaître l'avis de M.
le secrétaire d'Etat.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. L'amendement présenté vise à trouver une solution à la
situation des médecins français titulaires de diplômes étrangers non
communautaires ayant regagné le territoire national à la demande des autorités
françaises. Le Gouvernement est évidemment sensible aux problèmes humain et
social posés par ces médecins.
Aussi l'article 37
univicies, dont nous venons de parler, dans la
rédaction issue de l'Assemblée nationale, comprend-il dans son deuxième alinéa
une disposition permettant à ces médecins de se présenter aux épreuves de
praticien adjoint contractuel sans avoir à justifier de fonctions
hospitalières.
J'ai bien parlé de « se présenter aux épreuves », car il ne s'agit pas de
juger autre chose que des qualités médicales.
C'est là une disposition très favorable au-delà de laquelle il ne paraît pas
possible d'aller. Autoriser automatiquement tout médecin français ayant regagné
le territoire national à exercer la médecine sans s'assurer de la valeur de son
diplôme - qui, par hypothèse, n'est ni un diplôme français ni un diplôme
communautaire - et de son aptitude individuelle reviendrait à instituer une
dérogation trop importante aux règles établies dans l'intérêt de la santé
publique.
Compte tenu de la disposition figurant d'ores et déjà dans la loi, je vous
propose, monsieur le sénateur, de retirer cet amendement, auquel, je le répète,
le Gouvernement ne peut, en l'état, être favorable.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Claude Huriet,
rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, je comprends tout à fait la
valeur des arguments que vous avez développés et qui amènent à s'interroger sur
les compétences de ces médecins qui sont dans une situation particulière, dont
chacun de nous cherche un moyen de les aider à sortir.
Dans la perspective de la prochaine lecture, serait-il envisageable d'examiner
dans quelles conditions la validité du diplôme, les connaissances, les
compétences de ces médecins pourraient être reconnues ? Si l'on y parvient - et
cela ne doit pas être insurmontable - il faut savoir que se poserait alors la
question, facile à résoudre, de déterminer s'ils se situent dans le quota ou
hors quota.
Si l'on peut envisager de régler leur situation hors quota après contrôle de
leurs compétences et de la validité des diplômes, il faut savoir aussi que cela
ne concernerait pas un nombre important de médecins. Nous trouverions ainsi une
solution permettant de concilier notre recherche constante de la sécurité
sanitaire à travers la compétence des médecins et le sort très difficile qu'ils
connaissent.
La commission était favorable à l'amendement n° 214. Si, après avoir entendu
M. le secrétaire d'Etat, M. Autain retire son amendement, il ne faudra pas en
conclure que nous nous désintéressons de ces médecins.
Je fais une suggestion à titre personnel : peut-être pourrions-nous dissocier
les deux démarches avec la perspective de traiter leur situation hors quota
?
M. François Autain.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Ce qui me choque, ce n'est pas tant qu'on ne vérifie pas les qualifications,
la compétence de ces médecins qui, bien que Français, ne sont pas titulaires
d'un diplôme français, c'est qu'ils soient assimilés à des praticiens à diplôme
étranger, donc à des étrangers. Comme ils ne sont que deux cents, je considère
qu'il serait bon de leur appliquer un traitement différent de celui des
médecins à diplôme extra-européen. Le débat pourrait en effet se poursuivre sur
ce point.
En attendant, compte tenu des explications qui m'ont été données par M. le
secrétaire d'Etat, j'accepte de retirer mon amendement.
M. Alain Vasselle.
Quelle sagesse !
M. le président.
L'amendement n° 214 est retiré.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Pour ma part, je considère que placer ces médecins
hors quota ne serait pas une mauvaise solution. Nous devrions, comme M. le
rapporteur nous y invite, explorer toutes les pistes permettant de régler la
situation de ces deux cents praticiens. Ce nombre n'est pas excessif. Il y a
bien des possibilités de travail à l'étranger, dans la santé publique.
Peut-être l'école de santé publique de Rennes offrirait-elle des ouvertures.
Pourquoi pas ?
Article 37 duovicies