Séance du 3 juin 1999







M. le président. « Art. 37 tervicies . - Les organismes visés aux a et b de l'article L. 861-4 du code de la sécurité sociale ne doivent pas tenir compte des résultats de l'étude génétique des caractéristiques d'une personne demandant à bénéficier d'une protection complémentaire, même si ceux-ci leur sont apportés par la personne elle-même. En outre, ils ne peuvent poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats, ni demander à une personne de se soumettre à des tests génétiques avant que ne soit conclu un contrat de protection complémentaire et pendant toute la durée de celui-ci.
« Toute infraction au précédent alinéa est punie des peines prévues aux articles 226-19 et 226-24 du code pénal. »
Par amendement n° 100, M. Huriet, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger ainsi cet article :
« Les organismes visés aux a et b de l'article L. 861-4 du code de la sécurité sociale ne peuvent demander à une personne de se soumettre à un examen de ses caractéristiques génétiques, ni poser de question relative à un tel examen. Ils ne peuvent demander communication des résultats d'un tel examen, ni utiliser ces résultats.
« Toute infraction aux dispositions du précédent alinéa est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende. »
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. La commission partage le souci, qui a motivé cet article, de protéger les droits des personnes contre toute utilisation des tests génétiques par des organismes de protection sociale complémentaire.
Elle considère cependant que l'inscription dans la loi de dispositions nouvelles et plus protectrices de la personne relatives à l'utilisation des tests génétiques ne présentait pas un caractère d'urgence.
Elle remarque, d'une part, que l'adoption du dispositif proposé par cet article additionnel reprend une partie du contenu du moratoire décidé en 1994 par les sociétés d'assurances et récemment prolongé jusqu'au début de l'année 2004.
Elle estime, d'autre part, que l'introduction de telles dispositions devrait logiquement trouver sa place dans le cadre de la démarche de révision des lois de juillet 1994.
Les travaux que j'ai menés avec mon collègue député M. Alain Claeys, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, ont montré que l'effort de clarification, de rationalisation et d'encadrement entrepris en 1994 avait, sur de nombreux points, porté ses fruits. Cependant, dans les domaines plus sensibles qui touchent à la conciliation du respect de la vie et du développement de la recherche indispensable au progrès thérapeutique, de nouvelles solutions devront être recherchées.
La commission formule par conséquent le souhait que le Gouvernement présente rapidement au Parlement un projet de loi lui permettant de débattre de ces questions et d'affirmer, pour les années à venir, les règles que se fixera la société pour tirer le meilleur profit des avancées scientifiques dans le respect de la personne humaine.
Dans l'attente de ce texte, et comprenant l'inquiétude que peut susciter la question délicate de l'utilisation des tests génétiques, malgré le moratoire décidé par les sociétés d'assurances, la commission propose d'adopter, par voie d'amendement, une nouvelle rédaction de cet article.
Cet amendement étend le champ de l'interdiction de l'utilisation des tests génétiques par les organismes d'assurance maladie ou de couverture complémentaire. Il interdit à ces organismes de demander à des personnes de se soumettre à des tests génétiques, de poser des questions relatives à ces tests, de se faire communiquer les résultats de ces tests et d'en utiliser les résultats s'ils venaient à en avoir communication.
Les peines prévues en cas d'infraction à des dispositions sont celles qui sont prévues en cas de détournement de leurs finalités médicales ou de recherche scientifique des informations recueillies sur une personne au moyen de l'étude de ses caractéristiques génétiques, soit un an d'emprisonnement et 100 000 francs d'amende.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Je partage les préoccupations qui y sont exprimées et qui sont, par ailleurs, proches de celles des auteurs de l'amendement qui a introduit l'article 37 tervicies lors de la lecture du texte à l'Assemblée nationale.
Il s'agit de limiter les risques de sélection et de discrimination qui s'attachent à d'éventuelles utilisations des test génétiques hors du cadre des seules finalités médicales ou de recherche scientifique, notamment par les assureurs. La population concernée par la couverture maladie universelle, déjà fragilisée, doit être particulièrement protégée contre de tels risques.
Par ailleurs, cet amendement corrige l'article issu de la lecture à l'Assemblée nationale en ce qu'il prévoit une sanction pénale appropriée.
Concernant l'utilisation des tests génétiques dans le domaine assuranciel, je voudrais toutefois, monsieur le rapporteur, appeler votre attention sur les points suivantes : l'utilisation des tests génétiques a été en partie réglée en France par la législation sur la bioéthique du 29 juillet 1994, qui sanctionne d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende, aux termes de l'article 226-26 du code pénal, toute utilisation des informations recueillies sur une personne au moyen de l'étude de ses caractéristiques génétiques, hors de leurs finalités médicales ou de recherche scientifique.
Ce dispositif comportant cependant des imperfections, notamment au regard des discriminations autorisées à titre dérogatoire en matière d'état de santé, il nécessiterait d'être revu dans son ensemble. Des dispositions nouvelles et plus protectrices de la personne relatives à l'utilisation des résultats des tests génétiques devraient logiquement trouver leur place, eu égard à leur portée générale en matière de droits fondamentaux des personnes, dans le cadre de la démarche de révision des lois relatives à la bioéthique.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 100.
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais profiter de l'examen de cet amendement, que je soutiens bien entendu, pour vous demander quand le Gouvernement envisage de présenter au Parlement le texte portant révision des lois relatives à la bioéthique.
En effet, on ne peut plus attendre. Une date avait été fixée : un bilan de l'application des lois devait être présenté avant le 31 décembre 1999.
Aujourd'hui, cinq ans après leur adoption, les lois sur la bioéthique, à l'élaboration desquelles le Sénat avait largement participé au cours d'un débat qui, je crois, était à l'honneur de l'institution parlementaire, n'ont pas résolu tous les problèmes.
Nous rencontrons sans cesse des médecins qui nous parlent des problèmes liés à l'expérimentation sur l'embryon - laquelle a fait des progrès - et qui sont parfois gênés, paraît-il, par la façon dont est rédigée la loi ; d'autres nous parlent des progrès de la fécondation artificielle ou des difficultés que soulève le clonage. De toute façon, en cinq ans sont intervenues des avancées scientifiques telles que le Parlement doit se saisir à nouveau de cette question.
Je pense que vous partagez nos inquiétudes, monsieur le secrétaire d'Etat, et je me demande comment nous pourrions prouver au Premier ministre qu'il s'agit vraiment d'une urgence éthique, d'une urgence de société. Parmi tous les textes qui nous sont soumis - je n'en citerai aucun pour ne pas être désagréable avec qui que se soit -, il y en a un certain nombre qui pourraient attendre trois ou quatre mois de plus sans que la société en pâtisse, alors que ce dont nous traitons présentement concerne des problèmes qui intéressent au plus haut point la société. Si nous ne pouvons pas les examiner entre octobre et décembre de cette année, compte tenu du nécessaire débat budgétaire, je souhaiterais que le Gouvernement s'engage moralement - je sais que je ne peux en aucun cas lui faire injonction - à nous présenter le texte que nous réclamons dans les tout premiers mois de l'année 2000.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Ma préoccupation est tout à fait identique à celle que vient d'exprimer mon collègue Charles Descours, et je n'y reviendrai donc pas.
Je souhaiterais aborder un point complémentaire.
Il est vrai que les progrès de la recherche sont tels qu'il ne se passe pas de mois ou de semaine que nous ne lisions dans des revues spécialisées ou destinées au grand public des informations sur les avancées de la recherche, notamment sur les espoirs qui peuvent naître des applications de la génétique au traitement de certaines maladies graves, comme le cancer.
Ainsi, des préoccupations majeures se font jour, à l'échelon tant de l'opinion que des élus, à propos des implications du clonage. Il est donc urgent de légiférer à nouveau, ou tout au moins que soit présenté au Parlement le bilan de l'application des lois sur la bioéthique. Or les dispositions prévues par le présent article, auxquelles la commission a apporté des modifications que j'approuve bien entendu, visent uniquement la communication d'informations. Qu'en est-il de l'utilisation des tests par les laboratoires de recherches ?
Certes la législation et notamment les lois sur la bioéthique préviennent certaines dérives, mais ce n'est pas suffisant. C'est donc une raison supplémentaire pour que ces textes soient revus de manière tout à fait urgente. Aussi, je me plais à conforter la demande qui vient d'être exprimée avec beaucoup de pertinence et de clairvoyance par notre collègue Charles Descours.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis un peu perplexe quant à la rédaction de ce texte, qui comporte aussi une partie pénale, parce qu'il intervient sur des sujets qui suscitent souvent l'émotion de l'opinion publique, ce qui peut peser sur le cours de la justice.
La première question que je me pose est celle de savoir s'il peut y avoir cumul de l'amende.
On ne peut pas demander à une personne de se soumettre à des tests génétiques : si on le fait, on est passible d'une amende de 100 000 francs. Si on lui pose des questions relatives à ces tests, c'est encore 100 000 francs. Si on lui demande de communiquer les résultats, c'est encore 100 000 francs, et si l'on se sert de ces résultats, c'est encore 100 000 francs : cela fait quand même beaucoup !
La seconde question que je me pose est de savoir ce qui se passe si les résultats sont communiqués spontanément par l'intéressé lui-même. En effet, la seconde phrase de l'amendement est rédigée de telle manière qu'on a le sentiment que l'utilisation n'est interdite que si l'on a demandé les résultats. Mais, si l'intéressé dit lui-même, spontanément : « Je n'ai pas de secret pour vous, je vous fournis les renseignements », peut-on les utiliser et peut-on le faire sans risquer une condamnation ?
J'aurais préféré une rédaction légèrement différente précisant que les organismes en question ne peuvent demander à une personne de se soumettre à un examen de ses caractéristiques génétiques « ni l'interroger sur l'existence et les résultats d'un tel examen s'il a été effectué ». La phrase suivante aurait pu être : « Ils ne peuvent ni demander ni recevoir communication des résultats d'un tel examen, ni utiliser ces résultats. »
En ajoutant « ni reçevoir », on aurait indiqué que, même si l'intéressé communique spontanément les résultats, le médecin ne peut pas s'en servir.
Vu la perplexité qui est la mienne sur cet amendement, je ne prendrai pas part au vote.
M. le président. Dois-je comprendre, monsieur Charasse, que vous auriez souhaité déposer un sous-amendement ?....
M. Michel Charasse. Je ne voudrais pas, monsieur le président, perturber un débat auquel je n'ai pas participé par ailleurs...
M. François Autain. C'est déjà fait ! (Rires.)
M. Michel Charasse. Merci, monsieur le questeur ! (Nouveaux rires.)
Puisque vous m'y invitez, monsieur le président, je propose effectivement, d'une part, de remplacer les mots : « ni poser de questions relatives à un tel examen » par les mots : « ni l'interroger sur l'existence et les résultats d'un tel examen s'il a été effectué » et, d'autre part, de rédiger ainsi le début de la seconde phrase : « Ils ne peuvent ni demander ni recevoir communication... »
M. le président. Monsieur Charasse, je crains de ne vous avoir induit en erreur : au stade des explications de vote, il ne vous est plus possible de déposer un sous-amendement.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, comment avez-vous pu m'attirer dans un tel piège ? (Rires.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Puisque j'ai été sommé par M. Descours de lui répondre...
M. Philippe François. Pas « sommé », monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Alain Vasselle. Invité !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Fermement invité !
M. Charles Descours. Voilà !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je lui réponds donc que le Premier ministre, dans sa grande sagesse, a saisi le Conseil d'Etat - c'est la section « rapports et travaux » qui est, en l'occurrence, mobilisée - afin que, au mois d'octobre, un texte soit prêt. Voilà déjà une première indication.
Je partage évidemment votre impatience, car je suis, comme vous, partisan de la révision - qui devait intervenir au terme de cinq ans - de la loi sur la bioéthique, loi à l'élaboration de laquelle j'ai, avec beaucoup de plaisir d'ailleurs, participé.
J'espère donc que nous trouverons un « créneau » dans le calendrier parlementaire. Hélas ! ces débats scientifiques sont loin d'être vus par nos compatriotes comme porteurs d'autant de promesses que d'autres débats sociaux, qui se caractérisent effectivement par leur grande urgence.
Certaines modifications sont déjà intervenues et vous les avez rappelées. L'état d'esprit, notamment, est tout à fait différent de celui qui présidait, il y a cinq ans, à nos délibérations. L'urgence du règlement des questions relatives au clonage se fait d'ailleurs moins sentir puisque, vous l'avez vu, lorsque nous serons clonés, nous serons clonés vieux ! (Sourires.)
M. Charles Descours. Tant mieux ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ça dépend pour qui ! (Nouveaux sourires.)
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Ma position n'est pas exactement identique à celle de notre collègue Michel Charasse, bien que je souscrive aux observations qu'il a faites.
Mais je fais confiance...
M. Michel Charasse. A la justice ?
M. François Autain. Oui, évidemment, j'ai confiance en la justice de mon pays, et j'ai quelque raison pour cela.
M. Michel Charasse. Oh ! là là ! (Sourires.)
M. François Autain. En l'espèce, c'est à la commission mixte paritaire que je fais confiance pour tenir compte des observations de M. Charasse et modifier, si besoin est, l'amendement présenté par M. le rapporteur dans le sens qu'il a bien voulu indiquer.
Cela étant, je voterai, avec mon groupe, l'amendement présenté par M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je crois que nous avons progressé sur un point important et je m'engage, en tant que rapporteur, sans engager la commission pour autant, à mettre à profit les quelques jours qui nous séparent de la dernière lecture pour tenir compte des propositions qui ont été formulées à l'instant, et qui ne sont pas seulement de nature rédactionnelle.
M. le président. M. Charasse doit être satisfait !
M. Michel Charasse. Oui, et je voterai donc comme M. Autain. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 100, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 37 tervicies est ainsi rédigé.

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